Texte intégral
Monsieur le Président, cher Martin MALVY,
Mesdames et Messieurs les maires,
Chers amis,
Permettez-moi de vous dire le plaisir qui est le mien de vous accueillir ici au Sénat, en ouverture de votre Assemblée générale.
Sans attendre, je veux exprimer ma reconnaissance à votre Président M. Martin MALVY pour son action en faveur des Petites Villes de France et le féliciter de vous avoir réunis pour débattre des " voies d'une réforme nécessaire de la fonction publique territoriale ".
Vous faites là uvre utile ! Car il faut bien le reconnaître, la réflexion sur l'avenir du personnel territorial et de son statut oscille trop souvent entre un corporatisme un rien stérile et une certaine indifférence.
Je suis fier, en tant que Président du Sénat, Assemblée parlementaire à part entière et représentant constitutionnel des collectivités territoriales de la République, d'ouvrir cette journée de débats associant parlementaires, élus locaux, fonctionnaires et experts.
Je compte donc sur vous pour engager un débat sans tabous ni exclusives. Car nous sommes à la croisée des chemins !
- D'abord, parce que la relance de la décentralisation est aujourd'hui devenue une des priorités du nouveau Gouvernement.
Je vais vous faire un aveu : il était temps !
Depuis 1998, je sillonne la France à la rencontre des élus locaux, quel est le constat ? Les 500.000 élus de proximité font preuve d'un dévouement qui frise parfois le sacerdoce. Tous ont besoin de " rassurance " et plus encore de reconnaissance. C'est ce qui nous a amené, au Sénat, à nous battre, d'une part pour modifier le code pénal et ce fut la loi Fauchon sur les délits non intentionnels, et à promouvoir un véritable statut de l'élu d'autre part.
Plus encore, les élus locaux ont besoin de lisibilité sur leurs moyens financiers et humains conformément au principe constitutionnel de libre administration trop souvent bafoué. C'est pourquoi, le Sénat a adopté, en octobre 2000, une proposition de loi visant à inscrire dans notre loi fondamentale le principe d'autonomie financière et fiscale des collectivités locales. C'est aussi le sens des conclusions du groupe de travail sénatorial remises au Premier ministre le 25 juillet dernier.
Sans autonomie réelle, les élus locaux demeurent des " mineurs dépendants " et la décentralisation une simple notion administrative. Pour moi, l'avènement d'une véritable " République territoriale " constitue un " projet de société " susceptible de réconcilier les politiques, l'État et les citoyens.
Ne nous trompons pas de débat : la décentralisation n'est ni de droite ni de gauche ! Non, tout simplement, c'est une attitude, c'est une foi dans le local, dans ceux, collectivités, milieux économiques et citoyens, qui s'engagent, au quotidien et à leur niveau, pour le développement et la solidarité des territoires.
J'en suis persuadé, la démocratie de proximité peut pallier le délitement de notre pacte républicain. Il faut donc redonner confiance et surtout faire confiance aux maires, aux élus locaux, à ces " hussards de la République " du troisième millénaire qui incarnent, au plus près de nos concitoyens, notre " vouloir-vivre ensemble ".
Par avance, je me réjouis des intentions du Gouvernement qui devrait reprendre, dès le mois d'octobre prochain, les principes défendus par le Sénat. Il s'agit là d'un préalable conditionnant toute véritable relance de la décentralisation, vingt ans après les lois Deferre.
Je crois savoir que mon ami et ancien collègue Jean-Paul DELEVOYE, ministre de la fonction publique, de la réforme de l'État et de l'aménagement du territoire viendra clôturer vos travaux en fin d'après-midi. Puissiez-vous, cher Martin MALVY, lui transmettre mon message de plein et entier soutien dans cette démarche collective de réforme ?
- Ensuite, et sans vouloir abuser de votre temps, je veux seulement vous dire quelle est votre " chance " de réfléchir aujourd'hui des voies et moyens d'une réforme de la fonction publique territoriale.
J'évoquais, à l'instant, l'autonomie financière et fiscale comme fondement de la libre-administration. Mais cette dernière procède aussi de la liberté des exécutifs locaux en matière de gestion des ressources humaines. Notre sort est lié, élus et fonctionnaires. Point d'acte deux de la décentralisation sans réforme de la fonction publique territoriale, ni modernisation de son statut !
Aujourd'hui, vous avez entre vos mains une chance historique : redonner du souffle à votre statut en l'adaptant à un contexte triplement singulier :
- D'abord, les collectivités locales vont devoir assumer les 35 heures et les emplois-jeunes.
- Ensuite, les élus locaux doivent faire face à de nombreuses mutations institutionnelles. Ainsi, le réel succès de l'intercommunalité est en train de remettre en cause l'organisation municipale traditionnelle. De même, les transferts de compétences annoncés pourraient induire des bouleversements pour les personnels territoriaux.
- Enfin, la " territoriale " va connaître, dans les vingt prochaines années, un renouvellement sans précédent : 65% de l'ensemble des fonctionnaires et 90% de l'encadrement partiront en retraite d'ici là.
Cette perspective, unique, rend aussi nécessaire que possible l'engagement d'une réflexion de fond sur les modes de régulation du service public dans son ensemble.
N'en doutons pas, vous saurez mettre à profit cette période pour, une fois encore, vous adapter et offrir le service public de qualité qu'attendent de vous nos concitoyens.
Mais encore faudrait-il que les partenaires sociaux cessent de se retrancher dans un " jeu de rôle " parfois handicapant. Il est en effet temps, comme le souhaite le Président de la République, de refonder le dialogue social. En la matière, je crois beaucoup en la capacité de réforme et d'impulsion des territoriaux. Car finalement, forts d'une culture statutaire plus récente et d'un pragmatisme éprouvé, ils pourraient bien devenir des " modèles " pour leurs collègues de l'État ou des hôpitaux.
D'ailleurs, je ne peux que me réjouir de l'intention de M. DELEVOYE d'instituer une " conférence commune " réunissant les conseils supérieurs des trois fonctions publiques. C'est un premier pas qui va dans le bon sens.
Cette décision permettrait ainsi de renforcer la mobilité entre les trois fonctions publiques qui reste un leurre, à l'exception des hauts fonctionnaires de l'État qui se partagent encore les postes de direction générale des grandes collectivités locales. Il y a tout de même là un paradoxe, vous en conviendrez !
De même, pourquoi ne pas renforcer les " passerelles " avec le secteur privé ? Face à la technicité croissante de certains métiers, il serait temps de " dédramatiser " le recours à des agents contractuels dont l'expertise fait parfois cruellement défaut . Je pense notamment aux finances, au juridique ou aux nouvelles technologies. Je crois aussi savoir que le Ministre est en pleine réflexion sur ce sujet !
Au total, le statut " nouvelle génération " passe par une réflexion stratégique sur une véritable gestion prévisionnelle des emplois et des compétences. Les formations, initiale et continue, devraient être adaptées en permanence aux nouveaux besoins et notamment à ceux des petites communes, l'évaluation cesser d'être un exercice convenu, et les formes de rémunération davantage tenir compte des performances professionnelles et des mérites personnels.
A défaut, la fonction publique territoriale pourrait souffrir d'un déficit d'attractivité préjudiciable à la qualité du service public local.
Alors, oui, je plaide, sans tabous, pour plus de souplesse, pour davantage de responsabilité et pour une plus grande liberté des employeurs dans le cadre d'un dialogue social rénové.
Ces préalables conditionnent la pleine reconnaissance des talents et l'émergence d'une véritable " culture territoriale ", comme vecteur d'une décentralisation revivifiée et catalyseur d'un État enfin réformé.
Je souhaite plein succès à vos travaux que le Sénat, maison des collectivités locales, s'emploiera à relayer pour gagner, ensemble, le pari de notre " République territoriale ". Je vous remercie de votre attention.
(Source http://www.senat.gouv.fr, le 25 septembre 2002)
Mesdames et Messieurs les maires,
Chers amis,
Permettez-moi de vous dire le plaisir qui est le mien de vous accueillir ici au Sénat, en ouverture de votre Assemblée générale.
Sans attendre, je veux exprimer ma reconnaissance à votre Président M. Martin MALVY pour son action en faveur des Petites Villes de France et le féliciter de vous avoir réunis pour débattre des " voies d'une réforme nécessaire de la fonction publique territoriale ".
Vous faites là uvre utile ! Car il faut bien le reconnaître, la réflexion sur l'avenir du personnel territorial et de son statut oscille trop souvent entre un corporatisme un rien stérile et une certaine indifférence.
Je suis fier, en tant que Président du Sénat, Assemblée parlementaire à part entière et représentant constitutionnel des collectivités territoriales de la République, d'ouvrir cette journée de débats associant parlementaires, élus locaux, fonctionnaires et experts.
Je compte donc sur vous pour engager un débat sans tabous ni exclusives. Car nous sommes à la croisée des chemins !
- D'abord, parce que la relance de la décentralisation est aujourd'hui devenue une des priorités du nouveau Gouvernement.
Je vais vous faire un aveu : il était temps !
Depuis 1998, je sillonne la France à la rencontre des élus locaux, quel est le constat ? Les 500.000 élus de proximité font preuve d'un dévouement qui frise parfois le sacerdoce. Tous ont besoin de " rassurance " et plus encore de reconnaissance. C'est ce qui nous a amené, au Sénat, à nous battre, d'une part pour modifier le code pénal et ce fut la loi Fauchon sur les délits non intentionnels, et à promouvoir un véritable statut de l'élu d'autre part.
Plus encore, les élus locaux ont besoin de lisibilité sur leurs moyens financiers et humains conformément au principe constitutionnel de libre administration trop souvent bafoué. C'est pourquoi, le Sénat a adopté, en octobre 2000, une proposition de loi visant à inscrire dans notre loi fondamentale le principe d'autonomie financière et fiscale des collectivités locales. C'est aussi le sens des conclusions du groupe de travail sénatorial remises au Premier ministre le 25 juillet dernier.
Sans autonomie réelle, les élus locaux demeurent des " mineurs dépendants " et la décentralisation une simple notion administrative. Pour moi, l'avènement d'une véritable " République territoriale " constitue un " projet de société " susceptible de réconcilier les politiques, l'État et les citoyens.
Ne nous trompons pas de débat : la décentralisation n'est ni de droite ni de gauche ! Non, tout simplement, c'est une attitude, c'est une foi dans le local, dans ceux, collectivités, milieux économiques et citoyens, qui s'engagent, au quotidien et à leur niveau, pour le développement et la solidarité des territoires.
J'en suis persuadé, la démocratie de proximité peut pallier le délitement de notre pacte républicain. Il faut donc redonner confiance et surtout faire confiance aux maires, aux élus locaux, à ces " hussards de la République " du troisième millénaire qui incarnent, au plus près de nos concitoyens, notre " vouloir-vivre ensemble ".
Par avance, je me réjouis des intentions du Gouvernement qui devrait reprendre, dès le mois d'octobre prochain, les principes défendus par le Sénat. Il s'agit là d'un préalable conditionnant toute véritable relance de la décentralisation, vingt ans après les lois Deferre.
Je crois savoir que mon ami et ancien collègue Jean-Paul DELEVOYE, ministre de la fonction publique, de la réforme de l'État et de l'aménagement du territoire viendra clôturer vos travaux en fin d'après-midi. Puissiez-vous, cher Martin MALVY, lui transmettre mon message de plein et entier soutien dans cette démarche collective de réforme ?
- Ensuite, et sans vouloir abuser de votre temps, je veux seulement vous dire quelle est votre " chance " de réfléchir aujourd'hui des voies et moyens d'une réforme de la fonction publique territoriale.
J'évoquais, à l'instant, l'autonomie financière et fiscale comme fondement de la libre-administration. Mais cette dernière procède aussi de la liberté des exécutifs locaux en matière de gestion des ressources humaines. Notre sort est lié, élus et fonctionnaires. Point d'acte deux de la décentralisation sans réforme de la fonction publique territoriale, ni modernisation de son statut !
Aujourd'hui, vous avez entre vos mains une chance historique : redonner du souffle à votre statut en l'adaptant à un contexte triplement singulier :
- D'abord, les collectivités locales vont devoir assumer les 35 heures et les emplois-jeunes.
- Ensuite, les élus locaux doivent faire face à de nombreuses mutations institutionnelles. Ainsi, le réel succès de l'intercommunalité est en train de remettre en cause l'organisation municipale traditionnelle. De même, les transferts de compétences annoncés pourraient induire des bouleversements pour les personnels territoriaux.
- Enfin, la " territoriale " va connaître, dans les vingt prochaines années, un renouvellement sans précédent : 65% de l'ensemble des fonctionnaires et 90% de l'encadrement partiront en retraite d'ici là.
Cette perspective, unique, rend aussi nécessaire que possible l'engagement d'une réflexion de fond sur les modes de régulation du service public dans son ensemble.
N'en doutons pas, vous saurez mettre à profit cette période pour, une fois encore, vous adapter et offrir le service public de qualité qu'attendent de vous nos concitoyens.
Mais encore faudrait-il que les partenaires sociaux cessent de se retrancher dans un " jeu de rôle " parfois handicapant. Il est en effet temps, comme le souhaite le Président de la République, de refonder le dialogue social. En la matière, je crois beaucoup en la capacité de réforme et d'impulsion des territoriaux. Car finalement, forts d'une culture statutaire plus récente et d'un pragmatisme éprouvé, ils pourraient bien devenir des " modèles " pour leurs collègues de l'État ou des hôpitaux.
D'ailleurs, je ne peux que me réjouir de l'intention de M. DELEVOYE d'instituer une " conférence commune " réunissant les conseils supérieurs des trois fonctions publiques. C'est un premier pas qui va dans le bon sens.
Cette décision permettrait ainsi de renforcer la mobilité entre les trois fonctions publiques qui reste un leurre, à l'exception des hauts fonctionnaires de l'État qui se partagent encore les postes de direction générale des grandes collectivités locales. Il y a tout de même là un paradoxe, vous en conviendrez !
De même, pourquoi ne pas renforcer les " passerelles " avec le secteur privé ? Face à la technicité croissante de certains métiers, il serait temps de " dédramatiser " le recours à des agents contractuels dont l'expertise fait parfois cruellement défaut . Je pense notamment aux finances, au juridique ou aux nouvelles technologies. Je crois aussi savoir que le Ministre est en pleine réflexion sur ce sujet !
Au total, le statut " nouvelle génération " passe par une réflexion stratégique sur une véritable gestion prévisionnelle des emplois et des compétences. Les formations, initiale et continue, devraient être adaptées en permanence aux nouveaux besoins et notamment à ceux des petites communes, l'évaluation cesser d'être un exercice convenu, et les formes de rémunération davantage tenir compte des performances professionnelles et des mérites personnels.
A défaut, la fonction publique territoriale pourrait souffrir d'un déficit d'attractivité préjudiciable à la qualité du service public local.
Alors, oui, je plaide, sans tabous, pour plus de souplesse, pour davantage de responsabilité et pour une plus grande liberté des employeurs dans le cadre d'un dialogue social rénové.
Ces préalables conditionnent la pleine reconnaissance des talents et l'émergence d'une véritable " culture territoriale ", comme vecteur d'une décentralisation revivifiée et catalyseur d'un État enfin réformé.
Je souhaite plein succès à vos travaux que le Sénat, maison des collectivités locales, s'emploiera à relayer pour gagner, ensemble, le pari de notre " République territoriale ". Je vous remercie de votre attention.
(Source http://www.senat.gouv.fr, le 25 septembre 2002)