Texte intégral
J.-P. Elkabbach-. En route pour Rouen, où vous aller traiter de décentralisation et de retraites. Vous faites escale à Europe 1, merci, bienvenue. D'abord, le chômage augmente, vous l'avez entendu sur Europe 1, cette fois en janvier, 0,7, ce n'est pas bon.
- "Nous sommes dans un ralentissement de croissance et, par rapport à cela, il y a deux types d'attitudes politiques que je refuse : c'est le sentiment de l'impuissance, ou le discours de l'illusion. Nous devons, au contraire, tout mettre en oeuvre, dans notre politique, pour relancer la croissance et la dynamiser. Cela passe par la baisse des impôts, pour l'investissement et la consommation ..."
Ce n'est pas la réponse actuelle, parce qu'on a l'impression que ça paraît devenir presque sans fin, et j'ai envie de vous dire : jusqu'à quand, si vous voyez une perspective ?
- "Ce n'est pas sans fin, chacun sait que les bases mêmes de l'économie française sont bonnes et qu'il y a, lorsque les incertitudes mondiales seront levées - on parle notamment de la guerre sur l'Irak ou d'autres - la croissance repartira. Ce qu'il faut, c'est en profiter au maximum, de ce rebondissement de croissance. C'est la raison, pour laquelle, il faut assainir les budgets de l'Etat et préparer l'allégement des charges, pour favoriser la création d'emplois et favoriser l'investissement, dans le domaine de l'impôt."
Et, à votre avis, ça va durer combien cette montée progressive, régulière, dans l'avenir ?
- "Non, je crois que, là, nous sommes sur une croissance sur une croissance relativement étale, tant que le climat international sera frappé d'incertitude."
Ça dépend de S. Hussein, si je comprends bien. Et de monsieur Bush ?
- "Ça dépend en tout cas, de la levée des ambiguïtés dans lesquelles nous vivons actuellement, notamment par les Etats-Unis."
Vous vous exprimez rarement. D'abord, sur les retraites - vous vous occupez des retraites avec la Fonction Publique et aussi avec F. Fillon - les discussions entre le Gouvernement, le Medef, les syndicats, s'engagent aujourd'hui et vont continuer probablement tout le mois de mars. F. Fillon a déclenché un tollé, en donnant son avis, et la CGT menace de rompre. Est-ce qu'elle peut rompre ?
- "Arrêtons de tourner autour du pot. On connaît très bien la situation dans laquelle nous nous trouvons. Aujourd'hui, si rien n'est fait, nos enfants demain payeront de plus en plus, pour avoir de moins en moins, et nos retraites baisseront. Et les gens sont pleins de bon sens, ils comprennent bien que plus il y a de retraités et moins il y a de gens qui paient. Et, il y a un problème de déséquilibre. Donc on connaît, exactement, les termes de la discussion, et la discussion doit se faire avec les syndicats. Qu'est-ce qui est en jeu, aujourd'hui ? C'est la durée de cotisations, c'est le taux de cotisations, c'est le montant de la retraite et c'est le problème du financement, avec trois questions fondamentales : " est-ce que notre système aujourd'hui est solide ? " La réponse est non. " Est-ce que notre système est juste ? " La réponse est non, et qui doit payer ?"
Autrement dit, plus d'hypocrisie. Il faut agir maintenant.
- "Arrêtons de tourner autour du pot et levons toutes les hypocrisies."
Mais, seulement, les syndicats vous reprochent, avec assez de colère, de vouloir passer en force alors que, pour beaucoup, au contraire, le Gouvernement procède en faiblesse, c'est-à-dire qu'il ne fait pas grand chose ; il est comme tétanisé, chaque fois qu'il avance un avis, qu'il a la retombée du côté syndical.
- "Permettez-moi de dire que, tout ça, c'est des postures, des attitudes, c'est la forme, ça n'a rien à voir avec le fond. Nos concitoyens, les Françaises et les Français que je rencontre, sur le terrain, ils sont pleins de bon sens, ils savent bien que s'il y a une différence de durée de cotisations, il y a un problème et ils souhaitent que l'on puisse aborder et qu'on confronte nos opinions, entre celles et ceux qui disent : " on met tout le monde à 37 ans et demi, celles et ceux qui disent : " on met tout le monde à 40 ans " et celles et ceux qui disent qu'il faut aller au-delà. "
Mais comment vous répondez dans chaque cas ? Par exemple, est-ce que vous alignez public/privé à 37 ans et demi, est-ce que c'est votre préférence ?
- "On ne pourra pas, aujourd'hui, avoir une différence entre le secteur public et le secteur privé. C'est un sentiment d'égalité et d'équité, auquel sont très attachés les Françaises et les Français."
Donc convergence.
- "Sur 37 ans et demi, qu'on m'explique - c'est la position d'un certain nombre de syndicats - comment on finance ça ? Moi je crois qu'aujourd'hui, c'est vers 40 ans, mais 40 ans est-ce que c'est la seule signification ? Parce que, 40 ans de cotisations pour quelqu'un qui entre dans la vie active à 30 ans, ça fait 70 ans. Peut-être pourrions-nous imaginer le rachat de cotisations, des cotisations progressives : tout le débat est ouvert sur ce sujet."
Autrement dit, votre préférence, c'est les mêmes durées de cotisations.
- "Bien sûr. Moi je crois que, si l'on veut éviter la fracture entre les Françaises et les Français, entre le secteur privé et le secteur public, entre les jeunes et les retraités, nous devons rassembler les Françaises et les Français sur ce pacte de la retraite et pas les diviser. Or tout est explosif, si on oppose les uns contre les autres et, à l'évidence, le privé et le public doivent avoir l'impression qu'à cotisations égales, retraites égales."
Donc un alignement sur 40 ans.
- "Moi je poserais cette thèse en disant : " je crois que c'est la thèse qui me paraît la plus raisonnable ". Maintenant, j'écouterai celles et ceux qui plaident pour les 37 ans et demi, et celles et ceux qui plaident pour les 42 ans."
Et la convergence vers quelles années ?
- "La méthode qui a été arrêtée par le Gouvernement, c'est de dire que les décisions que nous devons prendre, doivent être crédibles, deuxièmement progressives, troisièmement l'objectif que nous visons c'est 2020."
La répartition reste naturellement, J.-P. Delevoye, le maître mot et même tabou : la capitalisation pour qui peut, qui veut, est-ce que vous laissez tomber cette partie-là ?
- "Là aussi, arrêtons les hypocrisies. J'entends certains partenaires nous dire : il faut trouver d'autres modes de financements sur la valeur ajoutée des entreprises, ou sur les produits financiers et ce sont les mêmes qui disent : nous refusons la capitalisation et qui imaginent d'asseoir la totalité de notre système de retraites sur une partie particulièrement volatile de la valeur ajoutée des entreprises. Deuxièmement, avouer cela, c'est reconnaître la limite de notre système de répartition. Nous, nous voulons conforter le système de répartition mais nous posons la question en disant : " Y-a-t-il à réfléchir sur la complémentarité ? " Sinon, nous serions dans un système totalement antisocial, c'est-à-dire que, si nous ne sécurisons pas les systèmes de retraites, c'est la prime à celles et ceux qui ont plus d'argent, parce qu'eux ont les moyens de faire une petite épargne."
Si on harmonise, est-ce qu'il y a d'autres éléments du statut des fonctionnaires, c'est votre secteur, qui seront concernés ?
- "Le statut des fonctionnaires, il y a les fonctionnaires territoriaux, les fonctionnaires hospitaliers et les fonctionnaires de l'Etat, et l'on voit bien qu'à l'évidence, le statut des fonctionnaires ne change pas. C'est le type de contrats qu'il y a entre l'Etat employeur et ses fonctionnaires qui peut changer dans la durée de cotisations, dans le montant de cotisations et dans les taux de remplacements, tous ces sujets sont sur la table."
J'ai dit que vous allez à Rouen, vous participerez aux dernières Assises des libertés locales, les 26èmes aux côtés, de messieurs Raffarin, Sarkozy et Devedjian, c'est la journée des décisions, pour le transfert des compétences aux départements. Ça devrait décoiffer ? De quelle façon ?
- "C'est le grand chantier souhaité par Jean-Pierre RAFFARIN, parce qu'il est convaincu et nous sommes convaincus, avec lui, que le vrai dynamisme de la France, c'est dans les territoires qu'on le puise. C'est là où il y a l'intelligence, la capacité de créer des entreprises."
Et, lui, il va même jusqu'à dire que ça ferait un point de croissance, la décentralisation.
- "Mais je suis convaincu de ça. Quand on regarde, le bilan de la décentralisation de 82, les départements, les régions et les collectivités locales ont bien mieux géré l'impôt que l'Etat, avec beaucoup plus d'efficacité. Le Premier ministre jouera sur la formation professionnelle et l'insertion, qui est un couple extrêmement important. Comment augmenter le taux d'activité des plus de 50 ans et des moins de 25 ans ? Cela passe par une politique d'insertion et une politique de formation professionnelle. La proximité est un signe d'efficacité."
On peut prendre un ou deux exemples. Par exemple l'équipement : qui gère et va entretenir désormais les routes nationales ?
- "Les routes nationales pourraient être - c'est le Premier ministre qui l'annoncera - transférées aux départements ou aux régions et, à l'évidence, tout transfert de compétences doit être accompagné d'un transfert d'effectifs et que les fonctionnaires n'aient pas peur de la décentralisation, puisque nous avons proposé aux syndicats le maintien de leur statut, de leur rémunération, de leur départ en retraite, même s'ils changent d'employeur. "
Garanti par qui ?
- "Garanti par un protocole, qui liera l'Etat et les collectivités locales, au moment du transfert. "
Et les transferts de personnels portent sur combien de personnes ?
- "La première loi de décentralisation, il y avait à peu près une vingtaine de mille. Là, les transferts seront d'une toute autre ampleur, puisque ça peut aller 50, 60, 70.000, selon les décisions arrêtées par le Premier ministre. A l'évidence, la décentralisation doit assurer moins d'argent pour le contribuable, plus de résultats pour l'usager et la même situation pour le fonctionnaire, mais"
C'est-à-dire que l'on ne doublonne pas, ou on n'additionne pas des postes.
- "Mais, à l'évidence, il ne faut pas multiplier les structures et je serai extrêmement vigilant, par un Observatoire de l'Emploi Public, pour savoir qui fait quoi, parce que si l'Etat transfert des compétences, ce n'est pas pour garder dans les administrations centrales, des fonctionnaires qui n'auraient plus d'usage, par rapport à l'exercice d'une compétence particulière."
Et ça représente une enveloppe budgétaire et financière de ?
- "Alors, il y a plusieurs milliards d'euros, qui seraient compensés par le transfert, par exemple de la taxe sur les produits pétroliers, qui pourrait être affectée aux régions et qui permettrait de donner, aux régions qui sont le lieu même de la cohérence territoriale, un impôt dynamique."
Les lycées et les collèges, qui va les gérer, les entretenir ? Je sais bien que les départements et les régions s'en occupent déjà, mais vous allez leur donner encore du pouvoir. Quel est le progrès où la nouveauté dans ce que vous proposez ?
- "C'est un débat, souhaité par les élus. Les départements ont déjà les collèges, en termes d'entretien et les régions ont déjà des lycées. Le débat, posé par les élus, était de dire : mais tout compte fait, puisque nous avons les murs, est-ce qu'on ne pourrait pas, aussi, gérer les hommes qui assurent l'entretien de tout ça ? C'est un débat, notamment, avec les syndicats de la Fonction Publique. Le Premier ministre doit s'exprimer, cet après-midi, sur le choix."
Mais les professeurs et les instituteurs, eux, sont toujours sous la dépendance, naturellement, de l'Education Nationale à Paris.
- "Bien évidemment."
A l'échelle centrale nationale. Donc, les départements vont s'occuper beaucoup du social : de la santé, de l'école, de la prévention. Cela veut dire que les départements deviennent des " nounous sociales ".
- "Il y a deux piliers, dans une politique territoriale : le développement économique - la région - et la politique de proximité sur le plan social, celles et ceux qui sont en exclusion sociale par rapport à l'emploi, l'insertion et les personnes âgées dépendantes ; on voit bien que la politique de proximité, par définition sociale, doit être aux départements, et la politique économique de dimension mondiale et européenne, doit être au niveau de la région."
Ça fait plus d'impôts, plus de dépenses.
- "Ce doit être exactement le contraire. "
Non, mais ça il faut le démontrer.
- "Nous avons un bilan de 82 à 92, qui montre qu'en réalité les collectivités locales françaises n'ont pas augmenté, en termes d'endettement, par rapport au PIB français et, au contraire, portent aujourd'hui 75 % de l'investissement public. La richesse de notre pays, c'est sa capacité demain à investir. C'est la raison pour laquelle il faut réduire notre déficit, réduire nos dépenses publiques pour privilégier l'investissement, garant de notre avenir."
Autrement dit, J.-P. Delevoye, vous êtes en train de dire que c'est le début, là, de la réforme de l'Etat.
- "Bien évidemment. La décentralisation, c'est aussi la déconcentration. Nous avons une grande ambition de réformer l'Etat, sur le territoire, avec une réorganisation des services publics, une réduction très importante du nombre de directions, de façon à avoir une lisibilité, de savoir qui fait quoi et qui est responsable de quoi, alors qu'aujourd'hui, sur le terrain, on passe de plus en plus de temps dans des réunions pour décider de moins en moins. Je crois qu'il faut une clarification des pouvoirs, une clarification des responsabilités pour être efficace."
L'aménageur du territoire c'est vous, n'est-ce pas, pas seul mais c'est vous. La Banque de France va décider - Monsieur Trichet l'annonce aux syndicats, aujourd'hui - de fermer des succursales, petites, inadaptées, beaucoup de succursales. Quelles limites ou quelles contraintes l'Etat, donne-t-il à Monsieur Trichet ?
- "J'ai clairement appuyé la réorganisation de la Banque de la France, puisqu'elle change de mission, j'ai clairement condamné la méthode. On ne procède pas, comme ça, avec les territoires. On procède en gagnant/gagnant. Et gagnant/gagnant ça veut dire quoi ? On garantit aux élus locaux le maintien des services que la Banque de France assure, notamment pour les plus défavorisés, c'est la Commission de surendettement ou l'information aux entreprises, et on discute avec les maires sur la réorganisation du patrimoine où un certain nombre de maires sont tout à fait intéressés, pour récupérer les succursales de Banque de France."
Mais vous ne fermez pas toutes les succursales annoncées ?
- "Il y aura des fermetures de succursales, parce que ça correspond à la réorganisations de la banque. Mais ça peut intéresser les élus de pouvoir récupérer ces bâtiments, pour pouvoir faire soit une gestion patrimoniale, c'est ce que l'on a vu, par exemple, sur la gestion des casernes militaires."
Un dernier mot, J.-P. Delevoye. Aujourd'hui à Rouen, les présidents de gauche des régions ne viendront pas. Pourquoi ? Ils vous manqueront probablement. Pourquoi ils ne sont pas là ?
- "Attitude politique plus que débat sur le fond. Je crois qu'ils ont décidé de se mettre dans une posture d'opposition, alors que je crois qu'une démocratie s'enrichit toujours de la différence des autres."
(Source : premier-ministre, Service d'information du gouvernement, le 28 février 2003)
- "Nous sommes dans un ralentissement de croissance et, par rapport à cela, il y a deux types d'attitudes politiques que je refuse : c'est le sentiment de l'impuissance, ou le discours de l'illusion. Nous devons, au contraire, tout mettre en oeuvre, dans notre politique, pour relancer la croissance et la dynamiser. Cela passe par la baisse des impôts, pour l'investissement et la consommation ..."
Ce n'est pas la réponse actuelle, parce qu'on a l'impression que ça paraît devenir presque sans fin, et j'ai envie de vous dire : jusqu'à quand, si vous voyez une perspective ?
- "Ce n'est pas sans fin, chacun sait que les bases mêmes de l'économie française sont bonnes et qu'il y a, lorsque les incertitudes mondiales seront levées - on parle notamment de la guerre sur l'Irak ou d'autres - la croissance repartira. Ce qu'il faut, c'est en profiter au maximum, de ce rebondissement de croissance. C'est la raison, pour laquelle, il faut assainir les budgets de l'Etat et préparer l'allégement des charges, pour favoriser la création d'emplois et favoriser l'investissement, dans le domaine de l'impôt."
Et, à votre avis, ça va durer combien cette montée progressive, régulière, dans l'avenir ?
- "Non, je crois que, là, nous sommes sur une croissance sur une croissance relativement étale, tant que le climat international sera frappé d'incertitude."
Ça dépend de S. Hussein, si je comprends bien. Et de monsieur Bush ?
- "Ça dépend en tout cas, de la levée des ambiguïtés dans lesquelles nous vivons actuellement, notamment par les Etats-Unis."
Vous vous exprimez rarement. D'abord, sur les retraites - vous vous occupez des retraites avec la Fonction Publique et aussi avec F. Fillon - les discussions entre le Gouvernement, le Medef, les syndicats, s'engagent aujourd'hui et vont continuer probablement tout le mois de mars. F. Fillon a déclenché un tollé, en donnant son avis, et la CGT menace de rompre. Est-ce qu'elle peut rompre ?
- "Arrêtons de tourner autour du pot. On connaît très bien la situation dans laquelle nous nous trouvons. Aujourd'hui, si rien n'est fait, nos enfants demain payeront de plus en plus, pour avoir de moins en moins, et nos retraites baisseront. Et les gens sont pleins de bon sens, ils comprennent bien que plus il y a de retraités et moins il y a de gens qui paient. Et, il y a un problème de déséquilibre. Donc on connaît, exactement, les termes de la discussion, et la discussion doit se faire avec les syndicats. Qu'est-ce qui est en jeu, aujourd'hui ? C'est la durée de cotisations, c'est le taux de cotisations, c'est le montant de la retraite et c'est le problème du financement, avec trois questions fondamentales : " est-ce que notre système aujourd'hui est solide ? " La réponse est non. " Est-ce que notre système est juste ? " La réponse est non, et qui doit payer ?"
Autrement dit, plus d'hypocrisie. Il faut agir maintenant.
- "Arrêtons de tourner autour du pot et levons toutes les hypocrisies."
Mais, seulement, les syndicats vous reprochent, avec assez de colère, de vouloir passer en force alors que, pour beaucoup, au contraire, le Gouvernement procède en faiblesse, c'est-à-dire qu'il ne fait pas grand chose ; il est comme tétanisé, chaque fois qu'il avance un avis, qu'il a la retombée du côté syndical.
- "Permettez-moi de dire que, tout ça, c'est des postures, des attitudes, c'est la forme, ça n'a rien à voir avec le fond. Nos concitoyens, les Françaises et les Français que je rencontre, sur le terrain, ils sont pleins de bon sens, ils savent bien que s'il y a une différence de durée de cotisations, il y a un problème et ils souhaitent que l'on puisse aborder et qu'on confronte nos opinions, entre celles et ceux qui disent : " on met tout le monde à 37 ans et demi, celles et ceux qui disent : " on met tout le monde à 40 ans " et celles et ceux qui disent qu'il faut aller au-delà. "
Mais comment vous répondez dans chaque cas ? Par exemple, est-ce que vous alignez public/privé à 37 ans et demi, est-ce que c'est votre préférence ?
- "On ne pourra pas, aujourd'hui, avoir une différence entre le secteur public et le secteur privé. C'est un sentiment d'égalité et d'équité, auquel sont très attachés les Françaises et les Français."
Donc convergence.
- "Sur 37 ans et demi, qu'on m'explique - c'est la position d'un certain nombre de syndicats - comment on finance ça ? Moi je crois qu'aujourd'hui, c'est vers 40 ans, mais 40 ans est-ce que c'est la seule signification ? Parce que, 40 ans de cotisations pour quelqu'un qui entre dans la vie active à 30 ans, ça fait 70 ans. Peut-être pourrions-nous imaginer le rachat de cotisations, des cotisations progressives : tout le débat est ouvert sur ce sujet."
Autrement dit, votre préférence, c'est les mêmes durées de cotisations.
- "Bien sûr. Moi je crois que, si l'on veut éviter la fracture entre les Françaises et les Français, entre le secteur privé et le secteur public, entre les jeunes et les retraités, nous devons rassembler les Françaises et les Français sur ce pacte de la retraite et pas les diviser. Or tout est explosif, si on oppose les uns contre les autres et, à l'évidence, le privé et le public doivent avoir l'impression qu'à cotisations égales, retraites égales."
Donc un alignement sur 40 ans.
- "Moi je poserais cette thèse en disant : " je crois que c'est la thèse qui me paraît la plus raisonnable ". Maintenant, j'écouterai celles et ceux qui plaident pour les 37 ans et demi, et celles et ceux qui plaident pour les 42 ans."
Et la convergence vers quelles années ?
- "La méthode qui a été arrêtée par le Gouvernement, c'est de dire que les décisions que nous devons prendre, doivent être crédibles, deuxièmement progressives, troisièmement l'objectif que nous visons c'est 2020."
La répartition reste naturellement, J.-P. Delevoye, le maître mot et même tabou : la capitalisation pour qui peut, qui veut, est-ce que vous laissez tomber cette partie-là ?
- "Là aussi, arrêtons les hypocrisies. J'entends certains partenaires nous dire : il faut trouver d'autres modes de financements sur la valeur ajoutée des entreprises, ou sur les produits financiers et ce sont les mêmes qui disent : nous refusons la capitalisation et qui imaginent d'asseoir la totalité de notre système de retraites sur une partie particulièrement volatile de la valeur ajoutée des entreprises. Deuxièmement, avouer cela, c'est reconnaître la limite de notre système de répartition. Nous, nous voulons conforter le système de répartition mais nous posons la question en disant : " Y-a-t-il à réfléchir sur la complémentarité ? " Sinon, nous serions dans un système totalement antisocial, c'est-à-dire que, si nous ne sécurisons pas les systèmes de retraites, c'est la prime à celles et ceux qui ont plus d'argent, parce qu'eux ont les moyens de faire une petite épargne."
Si on harmonise, est-ce qu'il y a d'autres éléments du statut des fonctionnaires, c'est votre secteur, qui seront concernés ?
- "Le statut des fonctionnaires, il y a les fonctionnaires territoriaux, les fonctionnaires hospitaliers et les fonctionnaires de l'Etat, et l'on voit bien qu'à l'évidence, le statut des fonctionnaires ne change pas. C'est le type de contrats qu'il y a entre l'Etat employeur et ses fonctionnaires qui peut changer dans la durée de cotisations, dans le montant de cotisations et dans les taux de remplacements, tous ces sujets sont sur la table."
J'ai dit que vous allez à Rouen, vous participerez aux dernières Assises des libertés locales, les 26èmes aux côtés, de messieurs Raffarin, Sarkozy et Devedjian, c'est la journée des décisions, pour le transfert des compétences aux départements. Ça devrait décoiffer ? De quelle façon ?
- "C'est le grand chantier souhaité par Jean-Pierre RAFFARIN, parce qu'il est convaincu et nous sommes convaincus, avec lui, que le vrai dynamisme de la France, c'est dans les territoires qu'on le puise. C'est là où il y a l'intelligence, la capacité de créer des entreprises."
Et, lui, il va même jusqu'à dire que ça ferait un point de croissance, la décentralisation.
- "Mais je suis convaincu de ça. Quand on regarde, le bilan de la décentralisation de 82, les départements, les régions et les collectivités locales ont bien mieux géré l'impôt que l'Etat, avec beaucoup plus d'efficacité. Le Premier ministre jouera sur la formation professionnelle et l'insertion, qui est un couple extrêmement important. Comment augmenter le taux d'activité des plus de 50 ans et des moins de 25 ans ? Cela passe par une politique d'insertion et une politique de formation professionnelle. La proximité est un signe d'efficacité."
On peut prendre un ou deux exemples. Par exemple l'équipement : qui gère et va entretenir désormais les routes nationales ?
- "Les routes nationales pourraient être - c'est le Premier ministre qui l'annoncera - transférées aux départements ou aux régions et, à l'évidence, tout transfert de compétences doit être accompagné d'un transfert d'effectifs et que les fonctionnaires n'aient pas peur de la décentralisation, puisque nous avons proposé aux syndicats le maintien de leur statut, de leur rémunération, de leur départ en retraite, même s'ils changent d'employeur. "
Garanti par qui ?
- "Garanti par un protocole, qui liera l'Etat et les collectivités locales, au moment du transfert. "
Et les transferts de personnels portent sur combien de personnes ?
- "La première loi de décentralisation, il y avait à peu près une vingtaine de mille. Là, les transferts seront d'une toute autre ampleur, puisque ça peut aller 50, 60, 70.000, selon les décisions arrêtées par le Premier ministre. A l'évidence, la décentralisation doit assurer moins d'argent pour le contribuable, plus de résultats pour l'usager et la même situation pour le fonctionnaire, mais"
C'est-à-dire que l'on ne doublonne pas, ou on n'additionne pas des postes.
- "Mais, à l'évidence, il ne faut pas multiplier les structures et je serai extrêmement vigilant, par un Observatoire de l'Emploi Public, pour savoir qui fait quoi, parce que si l'Etat transfert des compétences, ce n'est pas pour garder dans les administrations centrales, des fonctionnaires qui n'auraient plus d'usage, par rapport à l'exercice d'une compétence particulière."
Et ça représente une enveloppe budgétaire et financière de ?
- "Alors, il y a plusieurs milliards d'euros, qui seraient compensés par le transfert, par exemple de la taxe sur les produits pétroliers, qui pourrait être affectée aux régions et qui permettrait de donner, aux régions qui sont le lieu même de la cohérence territoriale, un impôt dynamique."
Les lycées et les collèges, qui va les gérer, les entretenir ? Je sais bien que les départements et les régions s'en occupent déjà, mais vous allez leur donner encore du pouvoir. Quel est le progrès où la nouveauté dans ce que vous proposez ?
- "C'est un débat, souhaité par les élus. Les départements ont déjà les collèges, en termes d'entretien et les régions ont déjà des lycées. Le débat, posé par les élus, était de dire : mais tout compte fait, puisque nous avons les murs, est-ce qu'on ne pourrait pas, aussi, gérer les hommes qui assurent l'entretien de tout ça ? C'est un débat, notamment, avec les syndicats de la Fonction Publique. Le Premier ministre doit s'exprimer, cet après-midi, sur le choix."
Mais les professeurs et les instituteurs, eux, sont toujours sous la dépendance, naturellement, de l'Education Nationale à Paris.
- "Bien évidemment."
A l'échelle centrale nationale. Donc, les départements vont s'occuper beaucoup du social : de la santé, de l'école, de la prévention. Cela veut dire que les départements deviennent des " nounous sociales ".
- "Il y a deux piliers, dans une politique territoriale : le développement économique - la région - et la politique de proximité sur le plan social, celles et ceux qui sont en exclusion sociale par rapport à l'emploi, l'insertion et les personnes âgées dépendantes ; on voit bien que la politique de proximité, par définition sociale, doit être aux départements, et la politique économique de dimension mondiale et européenne, doit être au niveau de la région."
Ça fait plus d'impôts, plus de dépenses.
- "Ce doit être exactement le contraire. "
Non, mais ça il faut le démontrer.
- "Nous avons un bilan de 82 à 92, qui montre qu'en réalité les collectivités locales françaises n'ont pas augmenté, en termes d'endettement, par rapport au PIB français et, au contraire, portent aujourd'hui 75 % de l'investissement public. La richesse de notre pays, c'est sa capacité demain à investir. C'est la raison pour laquelle il faut réduire notre déficit, réduire nos dépenses publiques pour privilégier l'investissement, garant de notre avenir."
Autrement dit, J.-P. Delevoye, vous êtes en train de dire que c'est le début, là, de la réforme de l'Etat.
- "Bien évidemment. La décentralisation, c'est aussi la déconcentration. Nous avons une grande ambition de réformer l'Etat, sur le territoire, avec une réorganisation des services publics, une réduction très importante du nombre de directions, de façon à avoir une lisibilité, de savoir qui fait quoi et qui est responsable de quoi, alors qu'aujourd'hui, sur le terrain, on passe de plus en plus de temps dans des réunions pour décider de moins en moins. Je crois qu'il faut une clarification des pouvoirs, une clarification des responsabilités pour être efficace."
L'aménageur du territoire c'est vous, n'est-ce pas, pas seul mais c'est vous. La Banque de France va décider - Monsieur Trichet l'annonce aux syndicats, aujourd'hui - de fermer des succursales, petites, inadaptées, beaucoup de succursales. Quelles limites ou quelles contraintes l'Etat, donne-t-il à Monsieur Trichet ?
- "J'ai clairement appuyé la réorganisation de la Banque de la France, puisqu'elle change de mission, j'ai clairement condamné la méthode. On ne procède pas, comme ça, avec les territoires. On procède en gagnant/gagnant. Et gagnant/gagnant ça veut dire quoi ? On garantit aux élus locaux le maintien des services que la Banque de France assure, notamment pour les plus défavorisés, c'est la Commission de surendettement ou l'information aux entreprises, et on discute avec les maires sur la réorganisation du patrimoine où un certain nombre de maires sont tout à fait intéressés, pour récupérer les succursales de Banque de France."
Mais vous ne fermez pas toutes les succursales annoncées ?
- "Il y aura des fermetures de succursales, parce que ça correspond à la réorganisations de la banque. Mais ça peut intéresser les élus de pouvoir récupérer ces bâtiments, pour pouvoir faire soit une gestion patrimoniale, c'est ce que l'on a vu, par exemple, sur la gestion des casernes militaires."
Un dernier mot, J.-P. Delevoye. Aujourd'hui à Rouen, les présidents de gauche des régions ne viendront pas. Pourquoi ? Ils vous manqueront probablement. Pourquoi ils ne sont pas là ?
- "Attitude politique plus que débat sur le fond. Je crois qu'ils ont décidé de se mettre dans une posture d'opposition, alors que je crois qu'une démocratie s'enrichit toujours de la différence des autres."
(Source : premier-ministre, Service d'information du gouvernement, le 28 février 2003)