Texte intégral
Monsieur le Ministre, cher Ambroise,
Mesdames et Messieurs les Parlementaires,
Mesdames et Messieurs les élus.
Cette réunion extraordinaire de votre comité de bassin est importante à plus d'un titre.
Elle vient d'abord consacrer la place éminente que j'ai souhaité réserver aux Comités de bassin dans le débat national sur la politique de l'eau. Ainsi, cette réunion est-elle consacrée à la synthèse des travaux menés au fil des sept réunions de commissions géographiques et de celle de la commission du milieu naturel aquatique. Ce long processus de réflexion est une première depuis la création de ce comité, il y a plus de trente-cinq années, après un cheminement réussi. Voilà la raison pour laquelle j'ai tenu à être présente parmi vous non pas tant pour conclure vos travaux, que pour vous écouter, ainsi que je l'ai fait à Toulouse lundi et à Rouen mardi. J'ai prévu de participer de la même manière aux réunions des autres comités métropolitains au prix d'un véritable " Tour de France ", de saison ! J'ai donc été particulièrement attentive aux différentes interventions des rapporteurs et à votre allocution de synthèse, Monsieur le Président.
En ressortent des thèmes qui sont communs à d'autres bassins et certains qui sont spécifiques du bassin Loire-Bretagne.
N'attendez pas de ma part, à mi-parcours, des réponses précises ni la présentation d'un programme d'action - tout ficelé ! Je souhaite en effet disposer de l'ensemble des contributions de tous les comités de bassin,- ainsi que de l'opinion du grand public avant d'élaborer la stratégie gouvernementale.
Pour autant, je souhaite vous livrer quelques pistes de réflexion qui se nourrissent à la fois d'éléments propres à la politique de l'eau mais aussi des travaux tout à fait fondamentaux que j'ai eu la chance historique de mener tout au long de l'année écoulée, je veux parler du projet de Charte de l'Environnement.
L'enjeu du débat, vous l'avez rappelé, c'est la mise en oeuvre de la directive cadre européenne sur l'eau du 23 octobre 2000 et son objectif ambitieux du bon état chimique et écologique des eaux d'ici 2015. Cet objectif est incontournable et doit mobiliser toutes nos énergies. 2015, c'est demain, il ne faut pas traîner en route.
Dans le droit fil du caractère novateur des textes fondateurs de la politique de l'eau, je souhaite ajouter à cet enjeu premier, l'application par anticipation au domaine de l'eau des principes contenus dans le du projet de charte de l'environnement que le gouvernement a approuvée en Conseil des ministres le 25 juin dernier.
Certains de ces principes trouveront une application directe dans la réforme de la politique de l'eau que nous élaborons collectivement, ce sont notamment :
·- la prise en compte du développement durable dans les politiques publiques,
·- le droit à vivre dans un environnement équilibré et favorable à sa santé,
·- le devoir de chacun de préserver l'environnement,
·- le principe de précaution,
·- le principe de prévention,
·- le principe de réparation,
·- le droit du public à l'information relative à l'environnement et de participation à l'élaboration des décisions.
Le dispositif mis en place en 1964 répondait déjà partiellement à ces principes - et quarante ans après, chacun peut reconnaître son caractère précurseur. Il nous revient de le compléter et de l'adapter pour y répondre pleinement.
I. La charte place les politiques publiques dans une perspective de développement durable qui assure la solidarité entre les générations grâce à la recherche d'un nouvel équilibre entre développement économique, progrès social et protection de l'environnement.
La gestion de l'eau se situe au confluent entre la politique de l'eau proprement dite et de nombreuses autres politiques publiques qui interfèrent fortement avec la qualité des masses d'eau : Agriculture, Energie, Industrie, Aménagement du territoire, Urbanisme Il en résulte que l'exigence de la Charte ouvre à la politique de l'eau des perspectives nouvelles. Chacun a bien conscience que la PAC et ses évolutions auront bien plus d'influence sur les choix agricoles fondamentaux que les redevances nitrates !
La stratégie nationale du développement durable adoptée par le gouvernement a pour objectif de mettre en cohérence ces politiques publiques.
Ainsi, le projet de loi de transposition de la directive cadre européenne rénove les outils de planification de la politique de l'eau et prévoit leur prise en compte par les documents d'urbanisme. Mais il faut veiller à ce que les problèmes d'eau soient pris en compte le plus en amont possible dans les projets d'aménagement territoriaux. Ce souci devra vous guider dans l'élaboration et l'approbation des documents de planification (SDAGE, SAGE...).
C'est bien dans cette perspective de développement durable que doit être conçue et mise en oeuvre la politique de gestion quantitative des ressources. Maîtrise de la demande en eau et retour à l'équilibre par la mobilisation éventuelle, si cela s'avère indispensable, de ressources nouvelles sont sans doute les mots clefs de cette politique, en prenant garde de ne pas entrer dans la spirale perverse de l'explosion de la demande du fait de l'offre accrue.
Dans tous les cas de figure, un préalable indispensable me semble être de réaliser toutes les économies d'eau raisonnables possibles, de mettre en place une gestion collective des prélèvements agricoles, et de trouver les dispositifs de régulation adaptés de la demande.
Si je suis bien sûr attentive au premier chef aux enjeux écologiques des projets de développement, j'ajoute que, dans le contexte économique actuel, il faut veiller particulièrement à leur viabilité économique.
La recherche de la cohérence entre la politique de développement des énergies renouvelables, dont fait partie l'hydroélectricité, et la protection des écosystèmes aquatiques est un exemple particulièrement illustratif de ce que doit être une démarche de développement durable. Le juste équilibre ne peut être obtenu que par le dialogue entre les différents acteurs.
Enfin la gestion durable des ressources en eau d'un bassin versant, dans l'esprit de la directive cadre, doit prendre en compte la préservation et la mise en valeur des milieux littoraux aval, si importants dans votre bassin. Les évènements malheureux que nous venons de vivre avec les pollutions marines accidentelles ne doivent pas faire oublier que les activités qui se développent sur le littoral (conchyliculture, tourisme) sont très sensibles aux pollutions venant de l'intérieur des terres.
II. La Charte consacre également le droit de chacun à vivre dans un environnement équilibré et favorable à sa santé.
A cet égard la maîtrise des pollutions diffuses présente un enjeu certain et touche particulièrement votre Bassin.
Le constat de la gravité des pollutions diffuses d'origine agricole, qu'il s'agisse de nitrates et surtout de pesticides est aujourd'hui partagé par presque tous...
Nous avons bien conscience que nous ne pouvons pas traiter le domaine de l'eau de manière isolée sans faire référence à la politique agricole commune. Du point de vue de l'environnement, la réforme approuvée par les ministres de l'agriculture à Luxembourg va dans le bon sens, sous réserve du détail de sa mise en oeuvre et en particulier qu'elle évite d'alourdir les procédures, sauf à produire des effets pervers.
Concernant ce sujet épineux, soumis à de nombreuses controverses, il me semble qu'il faut travailler à trois niveaux d'intervention.
Tout d'abord, l'écoconditionnalité des aides agricoles dans le cadre de la PAC devrait évoluer pour intégrer la directive nitrates. Il serait ainsi possible dans l'ensemble des zones vulnérables de favoriser dans l'attribution des aides agricoles les agriculteurs justifiant d'un bon raisonnement de la fertilisation. Toutefois, je reconnais que les récentes annonces qui viennent d'être faites au niveau européen ne sont pas assez précises pour apprécier leur portée en matière d'écoconditionnalité. La définition des indicateurs retenus sera importante.
Le deuxième niveau d'action est celui des mesures agro-environnementales. A cet égard, une piste est de donner une dimension nouvelle aux zones de sauvegarde. Il s'agit dans le cadre de la concertation avec tous les acteurs concernés d'identifier les zones à sauvegarder du point de vue de la qualité de la ressource en eau ; puis toujours en concertation, d'établir un programme d'actions précisant les mesures nécessaires à la préservation de la ressource en eau et les aides financières correspondantes. L'élément nouveau serait que certaines de ces mesures pourraient être rendues obligatoires en fonction de l'importance des enjeux et du niveau de participation des acteurs. Dans les cas les plus critiques, des servitudes pourraient être mises en place, à l'image de ce que prévoit la loi " Risques " pour les zones d'expansion de crues.
Le troisième niveau d'intervention concerne les aides temporaires et dégressives déjà mises en oeuvre à travers le décret de janvier 2001 relatif aux programmes d'actions de la directive nitrates. L'évolution de la politique agricole nous permet dès à présent de continuer (de manière temporaire et dégressive) à accorder des aides financières pour des actions faisant l'objet d'obligations récentes.
On peut enfin imaginer un dispositif simple qui tienne compte des externalités positives de l'Agriculture : je pense à la valorisation agronomique des boues de STEP.
Autre sujet important, la sécurité de l'approvisionnement en eau potable passe aussi par une protection des captages plus efficaces. Le projet de loi sur la santé de Jean-François MATTEI simplifie la procédure actuelle lourde, longue et complexe, notamment pour les captages bénéficiant d'une protection naturelle ou situés dans un environnement favorable.
Ce projet peut être complété, notamment par l'instauration d'un droit de préemption au bénéfice des communes dans les périmètres de protection rapprochés, ce qui devrait faciliter l'instauration de ces derniers sans que les communes aient à recourir à l'expropriation.
L'élaboration rapide d'une cartographie informatique des zones à protéger, à l'image des Atlas de zones inondables, serait également de nature à accélérer la mise en place de ces périmètres.
En matière de sécurité publique, également, des avancées significatives pour la prévention contre les inondations résulteront du projet de loi que l'Assemblée nationale va examiner la semaine prochaine en deuxième lecture. J'ai eu l'occasion de détailler ce point il y a 10 jours lors de la proclamation des résultats de l'appel à projet que j'avais lancé sur ce thème, qui ont largement répondu à mes espérances : concernant le Bassin, cinq dossiers ont été retenus sur les vingt et une réceptions, deux faisant l'objet de financement d'études complémentaires.
Je signerai, cet après-midi, avec le Président du Conseil Général du Loiret une convention concernant le projet de création d'un centre européen de prévention du risque d'inondation à Orléans, aux missions complémentaires de celles du centre en cours de création à Toulouse. Ce centre sera chargé d'assister les collectivités territoriales dans leurs missions en matière de prévention du risque d'inondations.
III. Le devoir de chacun de prendre part à la préservation de l'environnement, de s'associer à la prévention des atteintes susceptibles de lui être portées constitue l'un des principes fondamentaux de la charte.
Nous nous rejoignons, Monsieur le Président, sur la nécessité de mettre en place une police de l'eau lisible, efficace, simple et qui fasse du contrôle. Je souhaite ainsi simplifier les procédures et les organisations pour que les services de police de l'eau soient moins accaparés par des tâches administratives et réorientent leur action vers le contrôle ainsi que vers la révision de prescriptions anciennes, souvent dépassées.
- Des propositions seront ainsi faites dans un prochain projet de loi habilitant le Gouvernement à simplifier le droit, visant par exemple à diminuer fortement le nombre d'actes soumis à la procédure d'autorisation, lourde, et à soumettre ceux ci à une simple procédure de déclaration, qui ne laissera à l'Etat qu'un simple pouvoir d'opposition.
- Dans le même temps, il conviendra d'étudier une réforme visant à simplifier l'organisation des services de police de l'eau pour en améliorer l'efficacité, à l'image de la réforme que nous mettons en place pour les services de prévision des crues. Les modalités de collaboration entre les garderies du conseil supérieur de la pêche et ces services de police de l'eau devront être renforcées à cette occasion.
- Ce souci de simplification devra nous guider également dans la nécessaire réorganisation de la pêche. Les pêcheurs, le Conseil supérieur de la pêche et l'Etat assurent la protection de la ressource piscicole (qui est une richesse nationale). Historiquement, la protection des poissons était assurée par la lutte contre le braconnage. Aujourd'hui, l'accent doit être mis sur la protection des milieux aquatiques. En effet, la disparition des espèces sensibles de poissons est due plutôt à une modification de leur habitat qu'à une pratique frauduleuse de la pêche. Il convient donc de rechercher de nouvelles synergies afin de faire face à cette évolution des enjeux.
De telles synergies supposent une implication forte des différents partenaires et excluent une remise en cause brutale de l'organisation actuelle de la pêche. Toutefois, il convient de continuer à réfléchir à une meilleure organisation qui privilégie les actions au niveau du bassin hydrographique. Le Conseil supérieur de la pêche est un partenaire naturel qui dispose d'une capacité de contrôle et d'une expertise réelle dans le domaine des milieux aquatiques. Il peut assurer des missions d'assistance à la mise en oeuvre d'un projet de restauration des milieux.
Par ailleurs, le mouvement de décentralisation et de déconcentration initié par le gouvernement a pour objectif de rapprocher le pouvoir décisionnel des citoyens.
Sur ce plan, la politique de l'eau est déjà très décentralisée et tous les échelons territoriaux sont concernés à des titres divers par l'eau. Des mesures complémentaires sont en cours d'examen par le Parlement comme la reconnaissance du rôle des collectivités à travers les établissements publics territoriaux de bassin ou la décentralisation sur la base du volontariat du domaine public fluvial.
Mais il est possible d'aller plus loin, en renforçant l'efficacité des outils existants d'une part, et en imaginant de nouveaux rôles pour certains acteurs.
- Renforcer l'efficacité des outils existants, c'est d'abord renforcer la mise en oeuvre des SAGE. Comment en renforcer la maîtrise d'ouvrage, et identifier celle-ci dès le début du processus, quel rôle dans ce processus pour les Régions, les Départements, les EPTB ? comment en assurer le financement ? comment en renforcer la portée juridique ? en simplifier les procédures ? C'est probablement un des sujets sur lequel Il y a le plus de propositions qui remontent de vos bassins, vous pouvez être assurés que nous les exploiterons toutes pour vous proposer des améliorations à cet outil en fin d'année.
- Il nous faudra également examiner la coordination entre l'ensemble des commissions existantes au niveau des bassins et des sous bassins (Commission des Milieux naturels aquatiques, Comité de gestion des poissons migrateurs, etc...) et voir comment simplifier les dispositifs.
- Mais au-delà, j'ai engagé des discussions avec l'Association des Départements de France et plusieurs présidents de conseils régionaux, dont celui de Bretagne, sur les nouveaux rôles que pourraient assumer ces collectivités. L'une des difficultés rencontrées réside dans la grande diversité des situations quant à la pertinence des limites administratives au regard de celles des masses d'eau, ainsi que des enjeux.
Je considère en particulier que le rôle important que les départements jouent en matière de distribution d'eau potable et d'assainissement en appui aux communes doit perdurer et sans doute s'accroître. La logique des bassins de vie est prédominante et je serai attentive aux propositions de l'ADF.
Mais les régions devraient probablement, à l'image de certaines d'entre elles dont la votre, cher président, s'impliquer également davantage dans la gestion des ressources en eau au nom de leur responsabilité en matière d'aménagement du territoire. Leur rôle devra ainsi probablement être renforcé, notamment en matière de connaissance, de planification, de financement, ou d'implication dans les instances de bassin. Sans doute faudra-t-il adopter une politique évolutive en s'appuyant sur les volontaires pour expérimenter des formules nouvelles.
Il convient dans ces évolutions de faire preuve de réalisme et de veiller à ne pas compliquer les choses.
J'appelle aussi votre attention sur le fait que c'est l'Etat qui est responsable devant les instances européennes de l'application des directives européennes. Ce problème délicat de responsabilité devra être traité de façon à lier délégation de responsabilité et obligation de résultat.
IV. Le principe de réparation tel qu'énoncé par le projet de charte va plus loin que le principe pollueur-payeur qui peut sous-entendre quand il est mal appliqué un certain droit à polluer. Non seulement le pollueur doit contribuer financièrement à la réparation des dommages, mais cette réparation doit être effective.
Tous les comités de bassin évoquent fort logiquement le problème des moyens consacrés au financement de la politique de l'eau. Nous ne connaissons pas encore avec précision le coût de la mise en oeuvre de la directive cadre. Nous en saurons plus à l'issue de l'état des lieux en cours. S'y ajoutera le coût de renouvellement des infrastructures anciennes insuffisamment provisionnées, sans oublier le remplacement des conduites en plomb.
J'ai noté que l'agence de l'eau souhaitait préparer dès cet automne une révision de son programme d'intervention de façon à être plus incitatif, notamment sur l'assainissement des agglomérations ou la gestion des milieux. Je n'y suis pas à priori opposée sous réserve de s'assurer que les nouvelles conditions d'aide proposées auront un véritable effet d'entraînement.
Des inégalités structurelles existent entre les bassins, tant en termes d'enjeux qu'en termes de capacité contributive des redevables. L'un des enjeux de la réforme est sans doute la mise en place d'une certaine solidarité nationale dans un contexte budgétaire tendu où l'eau doit payer l'eau. J'observe que le système actuel ne permet que très faiblement cette solidarité.
Des inégalités sont également sensibles, pour l'usager, en ce qui concerne les prix de l'eau : des solutions extrêmes sont parfois avancées. Je suis d'avis que des équilibres doivent être trouvés, en fonction des situations locales, entre solidarités et responsabilisation.
J'ai également noté le souci, que je partage, de simplification et de lisibilité des redevances des agences de l'eau. Le principe de réparation ne s'oppose pas une modulation de l'effort contributif par les redevances tenant compte des enjeux environnementaux, économiques et sociaux, sans confondre égalité et équité.
Le Premier ministre a confié sur ce point une mission de réflexion au député de l'Ardèche Jean-Claude FLORY. Il devra proposer des scénarios permettant de concilier : rémunération d'un service de mise à disposition d'une ressource rare, l'eau, équité sociale et efficacité environnementale. Il doit remettre ses conclusions pour la fin du mois de septembre.
Il devra notamment s'attacher au délicat problème de la redevance sur la pollution agricole, qui a tant fait l'objet de débat ces dernières années. A cet égard, je crois qu'il faut revenir à des idées et des principes simples. Autant il est clair pour l'ensemble des acteurs que la contribution de l'agriculture au financement des agences doit être plus équilibrée qu'elle n'est actuellement autant il convient de ne pas lui faire jouer tous les rôles et, en particulier celui dévolu aux acteurs de développement agricole.
Je suis par ailleurs attachée comme vous, monsieur le président, à l'autonomie de gestion des agences de l'eau. Mais cette autonomie est actuellement fragile, car elle repose sur un fondement juridique insuffisant au plan constitutionnel. Mon ambition est donc de conforter le socle législatif des redevances, tout en renforçant également au nom de la subsidiarité le rôle des comités de bassin dans le respect des orientations données par le Parlement. Donner une certaine latitude au comité de bassin pour fixer les assiettes et les taux de redevance est la voie dans laquelle je souhaite m'engager considérant que le souci d'efficacité accrue auquel nous contraint la DCE ne peut que nous conforter dans le sens d'une fiscalité environnementale adaptée aux enjeux locaux et donc incitative. J'ai demandé des expertises juridiques sur ce sujet.
D'autre part, si notre dispositif s'est révélé bien adapté pour traiter tout ce qui avait un caractère ponctuel, avec une maîtrise d'ouvrage bien identifiée, et faisant appel à des dispositifs de correction " lourds " (stations, réseaux...), il s'est révélé être beaucoup moins efficace pour tout ce qui a un caractère plus diffus, faisant appel à des opérations de nature plus collective.
On a ainsi une véritable disproportion entre les investissements physiques et intellectuels engagés dans la lutte contre certains types de pollutions, et ceux relatifs à d'autres actions, par exemple la restauration des milieux aquatiques, des nappes, ou les inondations. Se pose donc le problème du financement de ces actions qui deviennent maintenant prioritaires et urgentes.
V. Enfin, la Charte consacre en matière d'environnement le rôle de l'information et de la participation, de l'éducation et de la formation, de la recherche et de l'innovation.
Toutes ces dispositions trouvent un écho dans les obligations de la directive-cadre sur l'eau en ce qui concerne la participation des usagers de l'eau à la mise en oeuvre de la directive. Le fonctionnement des comités de bassin répond déjà en partie à ce principe de participation, mais il faudra rechercher une proximité plus grande du public et c'est dans ce sens que se poursuit le débat sur la politique de l'eau.
L'information et la participation du public passent par l'accès libre et praticable aux données sur la ressource en eau. Sa connaissance répond également à deux autres enjeux majeurs :
- répondre aux exigences de la directive-cadre,
- évaluer les politiques de l'eau.
La réponse à ces enjeux repose sur un dispositif de pilotage suffisamment exhaustif et représentatif pour donner une vision claire et objective de l'état de la ressource.
La mise en place au niveau national d'un groupement d'intérêt public est à l'étude, de façon à garantir une pérennité suffisante des partenariats.
Les collectivités territoriales devront être associées à ce chantier.
Voilà quelques pistes de réflexion, bien sûr non exhaustives - il faut également en laisser pour les autres comités de bassin-, que nous devrons approfondir ensemble dans les prochains mois.
La prochaine étape va concerner une association du grand public à notre démarche.
Démarrant à l'automne 2003, elle prendra en compte les recommandations émises par la Commission Nationale du Débat Public.
Nous procéderons ainsi par divers canaux : un sondage national, des réunions de groupes d'usagers, une conférence de citoyens, une enquête, notamment via Internet.
J'ai installé le 24 juin un comité national de pilotage du débat public. Ce comité est composé de membres représentant les comités de bassin et la Commission nationale du débat public. Monsieur Guy VASSEUR président de la chambre d'agriculture du Loir-et-Cher y représente le bassin Loire-Bretagne sur votre proposition, Monsieur le Président.
Enfin l'ensemble de ces contributions donnera lieu à la fin de l'année à un colloque national qui sera le lieu de restitution et de synthèse de chacun des volets du débat. Il sera le cadre de proposition des recommandations qui serviront de base à la construction d'une politique de l'eau rénovée et d'un plan d'actions partagé par tous les acteurs.
Le chantier qui s'ouvre devant nous est ambitieux et votre concours a été et sera encore précieux. Je suis particulièrement heureuse que son bassin ait été aussi réactif et fructueux.
Je vous remercie de votre attention.
(Source http://www.environnement.gouv.fr, le 7 juillet 2003)
Mesdames et Messieurs les Parlementaires,
Mesdames et Messieurs les élus.
Cette réunion extraordinaire de votre comité de bassin est importante à plus d'un titre.
Elle vient d'abord consacrer la place éminente que j'ai souhaité réserver aux Comités de bassin dans le débat national sur la politique de l'eau. Ainsi, cette réunion est-elle consacrée à la synthèse des travaux menés au fil des sept réunions de commissions géographiques et de celle de la commission du milieu naturel aquatique. Ce long processus de réflexion est une première depuis la création de ce comité, il y a plus de trente-cinq années, après un cheminement réussi. Voilà la raison pour laquelle j'ai tenu à être présente parmi vous non pas tant pour conclure vos travaux, que pour vous écouter, ainsi que je l'ai fait à Toulouse lundi et à Rouen mardi. J'ai prévu de participer de la même manière aux réunions des autres comités métropolitains au prix d'un véritable " Tour de France ", de saison ! J'ai donc été particulièrement attentive aux différentes interventions des rapporteurs et à votre allocution de synthèse, Monsieur le Président.
En ressortent des thèmes qui sont communs à d'autres bassins et certains qui sont spécifiques du bassin Loire-Bretagne.
N'attendez pas de ma part, à mi-parcours, des réponses précises ni la présentation d'un programme d'action - tout ficelé ! Je souhaite en effet disposer de l'ensemble des contributions de tous les comités de bassin,- ainsi que de l'opinion du grand public avant d'élaborer la stratégie gouvernementale.
Pour autant, je souhaite vous livrer quelques pistes de réflexion qui se nourrissent à la fois d'éléments propres à la politique de l'eau mais aussi des travaux tout à fait fondamentaux que j'ai eu la chance historique de mener tout au long de l'année écoulée, je veux parler du projet de Charte de l'Environnement.
L'enjeu du débat, vous l'avez rappelé, c'est la mise en oeuvre de la directive cadre européenne sur l'eau du 23 octobre 2000 et son objectif ambitieux du bon état chimique et écologique des eaux d'ici 2015. Cet objectif est incontournable et doit mobiliser toutes nos énergies. 2015, c'est demain, il ne faut pas traîner en route.
Dans le droit fil du caractère novateur des textes fondateurs de la politique de l'eau, je souhaite ajouter à cet enjeu premier, l'application par anticipation au domaine de l'eau des principes contenus dans le du projet de charte de l'environnement que le gouvernement a approuvée en Conseil des ministres le 25 juin dernier.
Certains de ces principes trouveront une application directe dans la réforme de la politique de l'eau que nous élaborons collectivement, ce sont notamment :
·- la prise en compte du développement durable dans les politiques publiques,
·- le droit à vivre dans un environnement équilibré et favorable à sa santé,
·- le devoir de chacun de préserver l'environnement,
·- le principe de précaution,
·- le principe de prévention,
·- le principe de réparation,
·- le droit du public à l'information relative à l'environnement et de participation à l'élaboration des décisions.
Le dispositif mis en place en 1964 répondait déjà partiellement à ces principes - et quarante ans après, chacun peut reconnaître son caractère précurseur. Il nous revient de le compléter et de l'adapter pour y répondre pleinement.
I. La charte place les politiques publiques dans une perspective de développement durable qui assure la solidarité entre les générations grâce à la recherche d'un nouvel équilibre entre développement économique, progrès social et protection de l'environnement.
La gestion de l'eau se situe au confluent entre la politique de l'eau proprement dite et de nombreuses autres politiques publiques qui interfèrent fortement avec la qualité des masses d'eau : Agriculture, Energie, Industrie, Aménagement du territoire, Urbanisme Il en résulte que l'exigence de la Charte ouvre à la politique de l'eau des perspectives nouvelles. Chacun a bien conscience que la PAC et ses évolutions auront bien plus d'influence sur les choix agricoles fondamentaux que les redevances nitrates !
La stratégie nationale du développement durable adoptée par le gouvernement a pour objectif de mettre en cohérence ces politiques publiques.
Ainsi, le projet de loi de transposition de la directive cadre européenne rénove les outils de planification de la politique de l'eau et prévoit leur prise en compte par les documents d'urbanisme. Mais il faut veiller à ce que les problèmes d'eau soient pris en compte le plus en amont possible dans les projets d'aménagement territoriaux. Ce souci devra vous guider dans l'élaboration et l'approbation des documents de planification (SDAGE, SAGE...).
C'est bien dans cette perspective de développement durable que doit être conçue et mise en oeuvre la politique de gestion quantitative des ressources. Maîtrise de la demande en eau et retour à l'équilibre par la mobilisation éventuelle, si cela s'avère indispensable, de ressources nouvelles sont sans doute les mots clefs de cette politique, en prenant garde de ne pas entrer dans la spirale perverse de l'explosion de la demande du fait de l'offre accrue.
Dans tous les cas de figure, un préalable indispensable me semble être de réaliser toutes les économies d'eau raisonnables possibles, de mettre en place une gestion collective des prélèvements agricoles, et de trouver les dispositifs de régulation adaptés de la demande.
Si je suis bien sûr attentive au premier chef aux enjeux écologiques des projets de développement, j'ajoute que, dans le contexte économique actuel, il faut veiller particulièrement à leur viabilité économique.
La recherche de la cohérence entre la politique de développement des énergies renouvelables, dont fait partie l'hydroélectricité, et la protection des écosystèmes aquatiques est un exemple particulièrement illustratif de ce que doit être une démarche de développement durable. Le juste équilibre ne peut être obtenu que par le dialogue entre les différents acteurs.
Enfin la gestion durable des ressources en eau d'un bassin versant, dans l'esprit de la directive cadre, doit prendre en compte la préservation et la mise en valeur des milieux littoraux aval, si importants dans votre bassin. Les évènements malheureux que nous venons de vivre avec les pollutions marines accidentelles ne doivent pas faire oublier que les activités qui se développent sur le littoral (conchyliculture, tourisme) sont très sensibles aux pollutions venant de l'intérieur des terres.
II. La Charte consacre également le droit de chacun à vivre dans un environnement équilibré et favorable à sa santé.
A cet égard la maîtrise des pollutions diffuses présente un enjeu certain et touche particulièrement votre Bassin.
Le constat de la gravité des pollutions diffuses d'origine agricole, qu'il s'agisse de nitrates et surtout de pesticides est aujourd'hui partagé par presque tous...
Nous avons bien conscience que nous ne pouvons pas traiter le domaine de l'eau de manière isolée sans faire référence à la politique agricole commune. Du point de vue de l'environnement, la réforme approuvée par les ministres de l'agriculture à Luxembourg va dans le bon sens, sous réserve du détail de sa mise en oeuvre et en particulier qu'elle évite d'alourdir les procédures, sauf à produire des effets pervers.
Concernant ce sujet épineux, soumis à de nombreuses controverses, il me semble qu'il faut travailler à trois niveaux d'intervention.
Tout d'abord, l'écoconditionnalité des aides agricoles dans le cadre de la PAC devrait évoluer pour intégrer la directive nitrates. Il serait ainsi possible dans l'ensemble des zones vulnérables de favoriser dans l'attribution des aides agricoles les agriculteurs justifiant d'un bon raisonnement de la fertilisation. Toutefois, je reconnais que les récentes annonces qui viennent d'être faites au niveau européen ne sont pas assez précises pour apprécier leur portée en matière d'écoconditionnalité. La définition des indicateurs retenus sera importante.
Le deuxième niveau d'action est celui des mesures agro-environnementales. A cet égard, une piste est de donner une dimension nouvelle aux zones de sauvegarde. Il s'agit dans le cadre de la concertation avec tous les acteurs concernés d'identifier les zones à sauvegarder du point de vue de la qualité de la ressource en eau ; puis toujours en concertation, d'établir un programme d'actions précisant les mesures nécessaires à la préservation de la ressource en eau et les aides financières correspondantes. L'élément nouveau serait que certaines de ces mesures pourraient être rendues obligatoires en fonction de l'importance des enjeux et du niveau de participation des acteurs. Dans les cas les plus critiques, des servitudes pourraient être mises en place, à l'image de ce que prévoit la loi " Risques " pour les zones d'expansion de crues.
Le troisième niveau d'intervention concerne les aides temporaires et dégressives déjà mises en oeuvre à travers le décret de janvier 2001 relatif aux programmes d'actions de la directive nitrates. L'évolution de la politique agricole nous permet dès à présent de continuer (de manière temporaire et dégressive) à accorder des aides financières pour des actions faisant l'objet d'obligations récentes.
On peut enfin imaginer un dispositif simple qui tienne compte des externalités positives de l'Agriculture : je pense à la valorisation agronomique des boues de STEP.
Autre sujet important, la sécurité de l'approvisionnement en eau potable passe aussi par une protection des captages plus efficaces. Le projet de loi sur la santé de Jean-François MATTEI simplifie la procédure actuelle lourde, longue et complexe, notamment pour les captages bénéficiant d'une protection naturelle ou situés dans un environnement favorable.
Ce projet peut être complété, notamment par l'instauration d'un droit de préemption au bénéfice des communes dans les périmètres de protection rapprochés, ce qui devrait faciliter l'instauration de ces derniers sans que les communes aient à recourir à l'expropriation.
L'élaboration rapide d'une cartographie informatique des zones à protéger, à l'image des Atlas de zones inondables, serait également de nature à accélérer la mise en place de ces périmètres.
En matière de sécurité publique, également, des avancées significatives pour la prévention contre les inondations résulteront du projet de loi que l'Assemblée nationale va examiner la semaine prochaine en deuxième lecture. J'ai eu l'occasion de détailler ce point il y a 10 jours lors de la proclamation des résultats de l'appel à projet que j'avais lancé sur ce thème, qui ont largement répondu à mes espérances : concernant le Bassin, cinq dossiers ont été retenus sur les vingt et une réceptions, deux faisant l'objet de financement d'études complémentaires.
Je signerai, cet après-midi, avec le Président du Conseil Général du Loiret une convention concernant le projet de création d'un centre européen de prévention du risque d'inondation à Orléans, aux missions complémentaires de celles du centre en cours de création à Toulouse. Ce centre sera chargé d'assister les collectivités territoriales dans leurs missions en matière de prévention du risque d'inondations.
III. Le devoir de chacun de prendre part à la préservation de l'environnement, de s'associer à la prévention des atteintes susceptibles de lui être portées constitue l'un des principes fondamentaux de la charte.
Nous nous rejoignons, Monsieur le Président, sur la nécessité de mettre en place une police de l'eau lisible, efficace, simple et qui fasse du contrôle. Je souhaite ainsi simplifier les procédures et les organisations pour que les services de police de l'eau soient moins accaparés par des tâches administratives et réorientent leur action vers le contrôle ainsi que vers la révision de prescriptions anciennes, souvent dépassées.
- Des propositions seront ainsi faites dans un prochain projet de loi habilitant le Gouvernement à simplifier le droit, visant par exemple à diminuer fortement le nombre d'actes soumis à la procédure d'autorisation, lourde, et à soumettre ceux ci à une simple procédure de déclaration, qui ne laissera à l'Etat qu'un simple pouvoir d'opposition.
- Dans le même temps, il conviendra d'étudier une réforme visant à simplifier l'organisation des services de police de l'eau pour en améliorer l'efficacité, à l'image de la réforme que nous mettons en place pour les services de prévision des crues. Les modalités de collaboration entre les garderies du conseil supérieur de la pêche et ces services de police de l'eau devront être renforcées à cette occasion.
- Ce souci de simplification devra nous guider également dans la nécessaire réorganisation de la pêche. Les pêcheurs, le Conseil supérieur de la pêche et l'Etat assurent la protection de la ressource piscicole (qui est une richesse nationale). Historiquement, la protection des poissons était assurée par la lutte contre le braconnage. Aujourd'hui, l'accent doit être mis sur la protection des milieux aquatiques. En effet, la disparition des espèces sensibles de poissons est due plutôt à une modification de leur habitat qu'à une pratique frauduleuse de la pêche. Il convient donc de rechercher de nouvelles synergies afin de faire face à cette évolution des enjeux.
De telles synergies supposent une implication forte des différents partenaires et excluent une remise en cause brutale de l'organisation actuelle de la pêche. Toutefois, il convient de continuer à réfléchir à une meilleure organisation qui privilégie les actions au niveau du bassin hydrographique. Le Conseil supérieur de la pêche est un partenaire naturel qui dispose d'une capacité de contrôle et d'une expertise réelle dans le domaine des milieux aquatiques. Il peut assurer des missions d'assistance à la mise en oeuvre d'un projet de restauration des milieux.
Par ailleurs, le mouvement de décentralisation et de déconcentration initié par le gouvernement a pour objectif de rapprocher le pouvoir décisionnel des citoyens.
Sur ce plan, la politique de l'eau est déjà très décentralisée et tous les échelons territoriaux sont concernés à des titres divers par l'eau. Des mesures complémentaires sont en cours d'examen par le Parlement comme la reconnaissance du rôle des collectivités à travers les établissements publics territoriaux de bassin ou la décentralisation sur la base du volontariat du domaine public fluvial.
Mais il est possible d'aller plus loin, en renforçant l'efficacité des outils existants d'une part, et en imaginant de nouveaux rôles pour certains acteurs.
- Renforcer l'efficacité des outils existants, c'est d'abord renforcer la mise en oeuvre des SAGE. Comment en renforcer la maîtrise d'ouvrage, et identifier celle-ci dès le début du processus, quel rôle dans ce processus pour les Régions, les Départements, les EPTB ? comment en assurer le financement ? comment en renforcer la portée juridique ? en simplifier les procédures ? C'est probablement un des sujets sur lequel Il y a le plus de propositions qui remontent de vos bassins, vous pouvez être assurés que nous les exploiterons toutes pour vous proposer des améliorations à cet outil en fin d'année.
- Il nous faudra également examiner la coordination entre l'ensemble des commissions existantes au niveau des bassins et des sous bassins (Commission des Milieux naturels aquatiques, Comité de gestion des poissons migrateurs, etc...) et voir comment simplifier les dispositifs.
- Mais au-delà, j'ai engagé des discussions avec l'Association des Départements de France et plusieurs présidents de conseils régionaux, dont celui de Bretagne, sur les nouveaux rôles que pourraient assumer ces collectivités. L'une des difficultés rencontrées réside dans la grande diversité des situations quant à la pertinence des limites administratives au regard de celles des masses d'eau, ainsi que des enjeux.
Je considère en particulier que le rôle important que les départements jouent en matière de distribution d'eau potable et d'assainissement en appui aux communes doit perdurer et sans doute s'accroître. La logique des bassins de vie est prédominante et je serai attentive aux propositions de l'ADF.
Mais les régions devraient probablement, à l'image de certaines d'entre elles dont la votre, cher président, s'impliquer également davantage dans la gestion des ressources en eau au nom de leur responsabilité en matière d'aménagement du territoire. Leur rôle devra ainsi probablement être renforcé, notamment en matière de connaissance, de planification, de financement, ou d'implication dans les instances de bassin. Sans doute faudra-t-il adopter une politique évolutive en s'appuyant sur les volontaires pour expérimenter des formules nouvelles.
Il convient dans ces évolutions de faire preuve de réalisme et de veiller à ne pas compliquer les choses.
J'appelle aussi votre attention sur le fait que c'est l'Etat qui est responsable devant les instances européennes de l'application des directives européennes. Ce problème délicat de responsabilité devra être traité de façon à lier délégation de responsabilité et obligation de résultat.
IV. Le principe de réparation tel qu'énoncé par le projet de charte va plus loin que le principe pollueur-payeur qui peut sous-entendre quand il est mal appliqué un certain droit à polluer. Non seulement le pollueur doit contribuer financièrement à la réparation des dommages, mais cette réparation doit être effective.
Tous les comités de bassin évoquent fort logiquement le problème des moyens consacrés au financement de la politique de l'eau. Nous ne connaissons pas encore avec précision le coût de la mise en oeuvre de la directive cadre. Nous en saurons plus à l'issue de l'état des lieux en cours. S'y ajoutera le coût de renouvellement des infrastructures anciennes insuffisamment provisionnées, sans oublier le remplacement des conduites en plomb.
J'ai noté que l'agence de l'eau souhaitait préparer dès cet automne une révision de son programme d'intervention de façon à être plus incitatif, notamment sur l'assainissement des agglomérations ou la gestion des milieux. Je n'y suis pas à priori opposée sous réserve de s'assurer que les nouvelles conditions d'aide proposées auront un véritable effet d'entraînement.
Des inégalités structurelles existent entre les bassins, tant en termes d'enjeux qu'en termes de capacité contributive des redevables. L'un des enjeux de la réforme est sans doute la mise en place d'une certaine solidarité nationale dans un contexte budgétaire tendu où l'eau doit payer l'eau. J'observe que le système actuel ne permet que très faiblement cette solidarité.
Des inégalités sont également sensibles, pour l'usager, en ce qui concerne les prix de l'eau : des solutions extrêmes sont parfois avancées. Je suis d'avis que des équilibres doivent être trouvés, en fonction des situations locales, entre solidarités et responsabilisation.
J'ai également noté le souci, que je partage, de simplification et de lisibilité des redevances des agences de l'eau. Le principe de réparation ne s'oppose pas une modulation de l'effort contributif par les redevances tenant compte des enjeux environnementaux, économiques et sociaux, sans confondre égalité et équité.
Le Premier ministre a confié sur ce point une mission de réflexion au député de l'Ardèche Jean-Claude FLORY. Il devra proposer des scénarios permettant de concilier : rémunération d'un service de mise à disposition d'une ressource rare, l'eau, équité sociale et efficacité environnementale. Il doit remettre ses conclusions pour la fin du mois de septembre.
Il devra notamment s'attacher au délicat problème de la redevance sur la pollution agricole, qui a tant fait l'objet de débat ces dernières années. A cet égard, je crois qu'il faut revenir à des idées et des principes simples. Autant il est clair pour l'ensemble des acteurs que la contribution de l'agriculture au financement des agences doit être plus équilibrée qu'elle n'est actuellement autant il convient de ne pas lui faire jouer tous les rôles et, en particulier celui dévolu aux acteurs de développement agricole.
Je suis par ailleurs attachée comme vous, monsieur le président, à l'autonomie de gestion des agences de l'eau. Mais cette autonomie est actuellement fragile, car elle repose sur un fondement juridique insuffisant au plan constitutionnel. Mon ambition est donc de conforter le socle législatif des redevances, tout en renforçant également au nom de la subsidiarité le rôle des comités de bassin dans le respect des orientations données par le Parlement. Donner une certaine latitude au comité de bassin pour fixer les assiettes et les taux de redevance est la voie dans laquelle je souhaite m'engager considérant que le souci d'efficacité accrue auquel nous contraint la DCE ne peut que nous conforter dans le sens d'une fiscalité environnementale adaptée aux enjeux locaux et donc incitative. J'ai demandé des expertises juridiques sur ce sujet.
D'autre part, si notre dispositif s'est révélé bien adapté pour traiter tout ce qui avait un caractère ponctuel, avec une maîtrise d'ouvrage bien identifiée, et faisant appel à des dispositifs de correction " lourds " (stations, réseaux...), il s'est révélé être beaucoup moins efficace pour tout ce qui a un caractère plus diffus, faisant appel à des opérations de nature plus collective.
On a ainsi une véritable disproportion entre les investissements physiques et intellectuels engagés dans la lutte contre certains types de pollutions, et ceux relatifs à d'autres actions, par exemple la restauration des milieux aquatiques, des nappes, ou les inondations. Se pose donc le problème du financement de ces actions qui deviennent maintenant prioritaires et urgentes.
V. Enfin, la Charte consacre en matière d'environnement le rôle de l'information et de la participation, de l'éducation et de la formation, de la recherche et de l'innovation.
Toutes ces dispositions trouvent un écho dans les obligations de la directive-cadre sur l'eau en ce qui concerne la participation des usagers de l'eau à la mise en oeuvre de la directive. Le fonctionnement des comités de bassin répond déjà en partie à ce principe de participation, mais il faudra rechercher une proximité plus grande du public et c'est dans ce sens que se poursuit le débat sur la politique de l'eau.
L'information et la participation du public passent par l'accès libre et praticable aux données sur la ressource en eau. Sa connaissance répond également à deux autres enjeux majeurs :
- répondre aux exigences de la directive-cadre,
- évaluer les politiques de l'eau.
La réponse à ces enjeux repose sur un dispositif de pilotage suffisamment exhaustif et représentatif pour donner une vision claire et objective de l'état de la ressource.
La mise en place au niveau national d'un groupement d'intérêt public est à l'étude, de façon à garantir une pérennité suffisante des partenariats.
Les collectivités territoriales devront être associées à ce chantier.
Voilà quelques pistes de réflexion, bien sûr non exhaustives - il faut également en laisser pour les autres comités de bassin-, que nous devrons approfondir ensemble dans les prochains mois.
La prochaine étape va concerner une association du grand public à notre démarche.
Démarrant à l'automne 2003, elle prendra en compte les recommandations émises par la Commission Nationale du Débat Public.
Nous procéderons ainsi par divers canaux : un sondage national, des réunions de groupes d'usagers, une conférence de citoyens, une enquête, notamment via Internet.
J'ai installé le 24 juin un comité national de pilotage du débat public. Ce comité est composé de membres représentant les comités de bassin et la Commission nationale du débat public. Monsieur Guy VASSEUR président de la chambre d'agriculture du Loir-et-Cher y représente le bassin Loire-Bretagne sur votre proposition, Monsieur le Président.
Enfin l'ensemble de ces contributions donnera lieu à la fin de l'année à un colloque national qui sera le lieu de restitution et de synthèse de chacun des volets du débat. Il sera le cadre de proposition des recommandations qui serviront de base à la construction d'une politique de l'eau rénovée et d'un plan d'actions partagé par tous les acteurs.
Le chantier qui s'ouvre devant nous est ambitieux et votre concours a été et sera encore précieux. Je suis particulièrement heureuse que son bassin ait été aussi réactif et fructueux.
Je vous remercie de votre attention.
(Source http://www.environnement.gouv.fr, le 7 juillet 2003)