Déclaration de M. Christian Poncelet, président du Sénat, sur la réforme des finances et de la fiscalité locales, en particulier la taxe professionnelle, avec l'entrée en vigueur de l'"acte deux" de la décentralisation au budget 2005, Epinal le 9 octobre 2004.

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Circonstance : Assemblée générale des maires des Vosges à Epinal le 9 octobre 2004

Texte intégral

Monsieur le médiateur de la République, cher Jean-Paul DELEVOYE,
Monsieur le Président, cher collègue, Jackie PIERRE,
Messieurs les députés,
Monsieur le Préfet,
Mesdames et messieurs les maires,
Chers amis,
Comment vous le cacher, c'est un bonheur renouvelé de me retrouver aujourd'hui parmi vous.
Comment dissimuler, en ce jour, ma profonde émotion. Car, ma première intervention, en tant que Président du Sénat, j'ai souhaité vous la réserver, à vous les vosgiens.
Je veux vous dire, très simplement, combien votre présence, aussi nombreuse que chaleureuse, me touche sincèrement.
Je suis fier d'être des vôtres pour partager ce moment de convivialité. Car, nous sommes ici en famille.
La confiance que vous m'avez renouvelée, et de quelle manière, l'autre dimanche, fait de moi un homme heureux, serein et comblé qui continuera, coûte que coûte, à porter encore plus haut les couleurs de notre département. Soyez en assurés ! Soyez en remerciés !
Cette nouvelle mission, je l'exercerai avec le renfort de mon ami et désormais collègue Jackie PIERRE, qui s'acquittera, à n'en pas douter, avec brio, de ses nouvelles responsabilités. Il a déjà beaucoup appris.
Je profite donc de cet instant pour lui adresser publiquement mes plus vives et chaleureuses félicitations pour son élection au Palais du Luxembourg.
Tout comme je souhaite dire à Gérard BRAUN combien ses qualités d'éminent parlementaire étaient appréciées de tous. A l'évidence, elles nous manqueront !
Sans attendre, je voudrais aussi saluer très amicalement Jean-Paul DELEVOYE. Je me réjouis de sa présence et de sa participation qui, à l'évidence, ont contribué à nourrir vos débats et à ouvrir un dialogue fructueux.
Je tiens enfin à remercier le maire de La Bresse, Guy VAXELAIRE, pour son accueil chaleureux et son amicale hospitalité.
Je vous rassure, nous ne sommes pas ici aujourd'hui pour dévaler les pistes vallonnées et escarpées de La Bresse, la neige faisant encore cruellement défaut !
Nous sommes réunis pour dialoguer entre nous et anticiper l'avenir de nos communes.
Et quel avenir prometteur !
- D'abord, pour notre département, puisque les indicateurs de notre " ligne bleue des Vosges " sont, aujourd'hui, en train de passer au " vert ".
En effet, la signature du " Plan Vosges ", en juillet 2003, qui représente quelques 70 millions d'euros, nous a mis du " baume au coeur ", pour ne pas dire du " beurre dans les épinards " !
Les 32 projets vont puissamment contribuer au développement de notre département, en confortant son attractivité.
Par ailleurs, la concrétisation de projets d'infrastructures stratégiques, inscrits dans le marbre du Comité interministériel d'aménagement et de développement du territoire du 17 décembre 2003, m'apparaît fondamentale pour le rayonnement national, voire international des Vosges. La perspective de la réalisation d'un bitube pour le tunnel Maurice LEMAIRE et de la construction d'une gare TGV d'interconnexion à Vandières, croisement naturel des lignes régionales et à grande vitesse, vont apporter un souffle nouveau au département.
Enfin, la reconversion du site de DAMBLAIN en une plate forme logistique bimodale avec, à la clé, la création de 1.500 emplois en dix ans, constitue autant de raisons d'espérer.
Les ressources des Vosges sont immenses et nous devons les exploiter, dans leur ensemble, pour rendre notre département encore plus dynamique, plus ambitieux, plus attractif.
Le conseil général continuera à être à vos côtés, par sa politique active de soutien à l'investissement des communes.
Deuxième priorité du budget départemental : l'aide aux communes. Elle représente un effort financier sans précédent, avec le versement, depuis le 1er janvier, de 1.209 subventions, soit une progression de plus de 5 millions d'euros par rapport à l'exercice 2003. Je vous rappelle que l'an prochain, le taux de base des subventions aux communes passera de 15 % à 20 %.
- Avenir prometteur, ensuite, pour notre pays, avec la poursuite du processus de décentralisation, engagé par le gouvernement.
Car, la décentralisation, c'est un véritable projet de société, seul à même de revivifier notre République, de réconcilier l'Etat, les élus et nos concitoyens, de mieux répondre à leurs besoins et d'anticiper leurs attentes.
Le Sénat, assemblée parlementaire à part entière, et c'est un plus, représentant constitutionnel des collectivités territoriales, a joué un rôle déterminant, pour ne pas dire prépondérant dans l'émergence de cette " République décentralisée ".
- La première pierre de cet ambitieux édifice, a été posée par la révision constitutionnelle de mars 2003, point d'orgue de l'engagement " sans faille " du Sénat en faveur d'un ancrage constitutionnel de la décentralisation.
- L'adoption des trois lois organiques relatives au référendum local, à l'expérimentation et à l'autonomie financière, qui porte l'empreinte indélébile du Sénat, pose, ensuite, les fondations de l'organisation décentralisée de la République.
- Enfin, l'édifice serait inachevé sans l'adoption, en août 2004, de la loi relative " aux libertés et aux responsabilités locales ", véritable " feuille de route " de notre République décentralisée.
Désormais, il vous appartient, à vous les élus locaux, de faire vivre cette " République des territoires ", à laquelle je vous sais particulièrement attachés.
La " balle est dans votre camp ".
Je vous l'accorde, la tâche est complexe, mais elle n'en est pas moins exaltante. Rassurez vous, le Sénat, fort de sa connaissance intime des préoccupations des élus locaux, y prendra naturellement toute sa part.
En effet, la décentralisation ne se fera pas sans vous, ni contre vous, mais bien avec vous.
En ce sens, l'entrée en vigueur dès le 1er janvier 2005 des transferts de compétences conformément à la loi relative " aux libertés et aux responsabilités locales " incite à la plus grande clairvoyance.
Logement social, lutte contre l'insalubrité, sectorisation des écoles, gestion des ports de plaisance et des aérodromes : autant de nouveaux domaines dans lesquels les élus municipaux vont devoir rapidement s'impliquer et démontrer, une nouvelle fois, leur savoir-faire de gestionnaires avisés.
Néanmoins, nous ne pouvons pas faire l'impasse ou encore moins ignorer l'épineuse, mais pour le moins cruciale et fondamentale, question du financement des transferts de compétences. Il n'est, en effet, ni dans mon tempérament, ni dans mon caractère de pratiquer la " politique de l'autruche ".
Car, ne nous y trompons pas, la réussite pleine et entière de la relance de la décentralisation est largement subordonnée à l'établissement de relations financières sûres, saines et sereines entre l'Etat et les collectivités territoriales.
L'inscription dans notre loi fondamentale de verrous, de garanties et de gardes-fous est une avancée considérable qui doit nous permettre d'envisager l'avenir avec sérénité, mais sans pour autant nous départir de notre vigilance.
Ces nouvelles garanties, qui portent l'empreinte et la marque de l'opiniâtreté du Sénat, ne resteront pas lettres mortes.
C'est ainsi que le principe de l'autonomie fiscale, et notamment l'exploitation de la notion de " part déterminante " des ressources fiscales, a été précisé par une loi organique.
Quant à la compensation financière des nouveaux transferts de compétences, qui constitue le nerf de la guerre, elle doit, avant toute chose, procéder d'une évaluation précise du coût d'exercice de ces compétences.
En ce sens, j'ai personnellement obtenu que la compensation des charges de fonctionnement s'effectue sur la base de la moyenne des dépenses consacrées par l'Etat les trois années précédant le transfert au lieu de la seule dernière année.
Le Sénat veillera également à ce que le montant des charges transférées fasse l'objet d'une évaluation à la fois transparente et contradictoire.
Par ailleurs, le gouvernement a présenté, il y a quelques jours, le projet de loi de finances pour 2005 qui précise les modalités de la compensation financière des transferts de compétences
Les régions pourront bénéficier d'une part de la taxe intérieure sur la consommation des produits pétroliers (T.I.P.P.) et les départements de la taxe sur les conventions d'assurance avec, dans les deux cas, la possibilité pour ces collectivités de moduler une fraction du taux de ces taxes.
Je vais vous faire un aveu : cette faculté est déterminante. Il en va de l'avenir de l'autonomie fiscale et de la libre administration des collectivités territoriales, conformément au respect des principes désormais inscrits dans notre Constitution.
C'est dans ce contexte, en mouvement, que la réforme de la fiscalité et des finances locales s'inscrit aujourd'hui.
La perspective de la suppression de la taxe professionnelle, si souvent décriée, a le mérite, malgré les inquiétudes qu'elle a pu susciter, d'ouvrir, enfin, la nécessaire réforme de la fiscalité locale.
Car, la taxe professionnelle, en quelques chiffres, représente aujourd'hui environ 45 % de l'ensemble des quatre taxes directes locales, soit près de 22 milliards d'euros.
Les premières conclusions de la commission présidée par Olivier FOUQUET visent à aménager l'assiette actuelle de la taxe professionnelle et à la remplacer par un impôt nouveau ne frappant plus l'investissement.
Pour ma part, je considère que la taxe professionnelle doit obligatoirement être remplacée par un autre impôt local.
Il est, en effet, indispensable de maintenir un impôt local économique dont les collectivités territoriales maîtriseraient le taux, un nouvel impôt mieux accepté que la taxe professionnelle dont la mort semblait inéluctable depuis la suppression, en 1999, de la part salaire de son assiette.
C'est pourquoi, j'ai souhaité que le Sénat contribue pleinement à ce débat essentiel en explorant toutes les alternatives à la taxe professionnelle dans le respect du principe de l'autonomie financière des collectivités territoriales.
Mais cette réflexion ne doit pas, à mes yeux, être circonscrite à la seule taxe professionnelle. Elle devrait être étendue à l'ensemble de la fiscalité locale, dont l'architecture n'est plus, à l'évidence, à la hauteur des enjeux ambitieux de la décentralisation.
Je puis vous assurer que le Sénat ne baissera pas la garde et continuera à prendre toute sa part dans cette réflexion stratégique.
J'ai confiance en l'avenir, qui passe aussi par la poursuite, de la réforme des dotations avec le projet de loi de finances pour 2005.
Au bord de l'implosion, il s'agit là d'une impérieuse nécessité, à laquelle nous ne saurions plus longuement nous soustraire !
Mes chers amis, en guise de conclusion, je veux tout simplement vous exprimer ma foi dans notre département et dans cette nouvelle France décentralisée, notre République des territoires, que vous incarnez parfaitement.
Je sais que je peux compter sur vous pour faire vivre cette " ère territoriale ", seule à même d'offrir aux jeunes générations l'espoir d'une France moderne, d'une France dynamique, d'une France solidaire au sein d'une Europe forte et unie.
(Source http://www.senat.fr, le 12 octobre 2004)