Déclaration de M. Jean-François Copé, ministre délégué à l'intérieur, porte-parole du Gouvernement, sur les transferts de compétences et le respect de l'autonomie financière des collectivités locales, Moissac le 7 octobre 2004.

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Circonstance : Assises des petites villes de France, à Moissac (Tarn et Garonne) le 7 octobre 2004

Texte intégral

Madame la Préfète,
Madame la Député Maire de Montauban,
Monsieur le Président du Conseil Général,
Monsieur le Maire de Moissac,
Mesdames et Messieurs les élus,
Merci d'abord au Président Martin MALVY de son invitation, et à Monsieur le Maire de Moissac, Jean-Paul NUNZI, de nous accueillir aujourd'hui dans sa ville.
Sachez que je suis très heureux d'être avec vous aujourd'hui, et de venir à nouveau évoquer les sujets qui vous préoccupent, vous qui êtes élus des petites villes de France.
1. On a tenu nos engagements
La dernière fois que nous nous sommes vus, c'était en mai dernier, à la Maison de la Chimie. A ce moment-là, vous vous en souvenez sûrement, le débat sur la décentralisation battait son plein. Et le moins qu'on puisse dire, c'est que le climat général était plutôt au doute.
On avait deux rendez-vous à honorer : la loi sur les transferts de compétences et celle sur l'autonomie financière. Le tout dans un contexte politique franchement difficile. A gauche comme à droite.
Alors bien sûr sûr, on aurait pu flancher, et puis laisser tomber. Beaucoup nous le conseillaient d'ailleurs, chez nos amis comme chez nos adversaires Mais franchement, en avait-on le droit alors que :
- depuis deux ans, on travaillait sur ce projet, auquel tous les partisans de la décentralisation à gauche (Mauroy) comme à droite (JPR) croient profondément
- et que, derrière ces transferts de compétences, il y avait des milliers d'hommes et de femmes concernés, qui se préparaient pour ces échéances.
A partir de là, avec Dominique de Villepin, on a fait un choix très clair : nous mobiliser pour faire aboutir les choses. Cela n'a pas toujours été facile : croyez-moi, il a fallu retrousser nos manches, lever les malentendus, tenir le calendrier. Bref expliquer, rassurer, convaincre.
Mais enfin, on y est arrivé ; on était au rendez-vous.
Et aujourd'hui, on a deux lois qui vont permettre aux collectivités locales :
- de décider, dans des domaines aussi variés et importants que la formation professionnelle, la gestion des routes nationales, l'action sociale, le logement social
- de financer leur projets. Car notre décentralisation, elle est irréprochable sur le plan financier. Il fallait prendre le contre-pied de tout ce qui avait été fait pendant des années : les 35 heures, l'APA, et qui avaient créé une crise de confiance majeure entre l'Etat et les collectivités.
Nous on s'est engagé sur trois choses :
- Un : les transferts seront financés à l'euro près. C'est une garantie constitutionnelle, et tout sera contrôlé par la commission d'évaluation des charges, en toute impartialité.
Lorsque tous les transferts de compétences auront eu lieu, à compter de 2008, le montant des ressources transférées s'élèvera à près de 10 milliards d'euros : cela représente beaucoup d'argent.
(85 Mds au titre du RMI-RMA + 2,2 Mds pour les régions au titre de la TIPP + 2,2 Mds pour les départements au titre de la TCA)
Cela veut dire une chose essentielle : la décentralisation que nous avons lancée peut pleinement être mise en uvre sans augmentation des impôts locaux. S'il doit y avoir augmentation des impôts locaux, c'est le choix des élus, ce n'est en rien lié au Gouvernement. Je vous le dis maintenant parce qu'après mon départ, mes oreilles vont peut-être siffler. Tous les transferts de compétence coûteront toujours moins cher que les 35 heures !
- Deux : le respect de l'autonomie financière
Les finances des collectivités locales comportent désormais une part déterminante de ressources propres en dessous de laquelle on ne pourra plus descendre. Le taux d'autonomie financière pour les communes et EPCI est de 56%
- Trois : le principe de péréquation a désormais valeur constitutionnelle et va être mis en uvre dès 2005.
Vous savez, je suis un élu local comme vous. Qu'est-ce qu'on entend, dans toutes nos campagnes électorales ? Que les gens ont en ras-le-bol que tout vienne de Paris, que tout soit décidé loin d'eux, par des gens totalement déconnectés de la réalité locale.
Qu'est-ce qu'on a voulu faire, à partir de là ? On a voulu construire la France de demain, avec trois mots-clés :
- contrat : c'est-à-dire un engagement financier clair
- territoire : parce qu'on ne fait pas la même chose dans une petite ville rurale que dans une ville de grande banlieue parisienne
- expérimentation : pour faire en sorte que quand un maire a une idée, il puisse y aller.
Et je crois que là, on peut répondre à la demande des Français.
Un mot à ce propos sur le sondage commandé par l'APVF : on y voit que la décentralisation est plébiscitée par les Français. Mais on mesure aussi le degré d'attente de nos concitoyens. Aujourd'hui, nous devons répondre à ces attentes : on est tous face à nos responsabilités.
Vous savez bien ce que cela veut dire : quand on est un élu, on est en responsabilité, on est seul face à ses administrés. Et on sait qu'on sera jugé au résultat. Tout cela, je le sais comme vous, je le vis comme vous, à Meaux, où je suis élu depuis 1995.
Alors, avec Dominique de Villepin, on essaye de faire ce qu'il faut pour vous accompagner, pour vous aider dans cette solitude que connaît chaque élu local, surtout quand il est l'élu d'une petite ville.
On entend vos inquiétudes, vos préoccupations. On est à l'écoute, et on essaye de répondre.
2. La réforme des dotations, au service d'une vraie politique de péréquation
Premier sujet de préoccupation : l'argent. Et c'est bien normal : c'est le nerf de la guerre ; c'est le nerf de l'action pour vous.
Et les nouvelles que j'ai à vous annoncer sont bonnes. Le budget 2005 est un bon budget : il constitue un effort substantiel en faveur des collectivités locales, à un moment où on serre les vis sur toutes les dépenses de l'Etat.
Nous veillons au respect des règles : on a reconduit le contrat de croissance et de solidarité dans les mêmes conditions qu'en 2004. Compte tenu de l'inflation et de la croissance, l'enveloppe globale du contrat de croissance va progresser de 2,8% en 2005 (contre 1,7% en 2004).
Ces marges de manuvre, elles vont nous permettre maintenant de faire la réforme des dotations. Depuis des années on en parle, on s'interroge à longueur de colloque. Aujourd'hui, la réforme est en marche.
Avec un objectif : faire une réforme globale, qui simplifie, et qui assure la péréquation.
En voici les grandes lignes :
* La réforme de la DGF
Avec 13,6 Mds d'euros en 2004, la DGF constitue le socle de la participation de l'Etat aux budgets locaux.
La réforme s'organise sur quelques principes : simplicité, lisibilité, équité :
- mise en place d'une dotation de base de 50 à 125 euros par habitant, en fonction croissante de la taille des communes. Désormais deux communes de même taille auront le même montant de dotation de base par habitant. L'écart de 1 à 2,5 correspond à la variation constatée du niveau de charges de fonctionnement par habitant : elles augmentent avec la taille des communes, compte tenu des charges de centralité
- création d'une dotation proportionnelle à la superficie de 3 euros par hectare, versée à chaque commune, quelque soit le nombre d'habitants, pour aider les communes rurales qui comptent une faible population. Nous le savons bien : ce n'est pas parce que la population stagne ou diminue que les charges d'entretien de l'espace diminuent ! Petit bémol : elle sera plafonnée et ne pourra être supérieure à la dotation de base.
- création d'un complément de garantie assurant à chaque commune qu'elle conservera le niveau de dotation forfaitaire qu'elle a perçue avant la réforme.
* réforme des dotations de péréquation
Si une réforme s'imposait, c'est bien celle-là. Les des communes de plus de 10 000 habitants bénéficient de la DSU et plus de 32 000 communes touchent la fraction, dite de péréquation, de la DSR. Quand tout le monde est éligible à une dotation, ce n'est plus de la péréquation.
- Pour être efficaces, on choisit de beaucoup simplifier, en concentrant l'effort là où c'est nécessaire :
- la DSU : on a prévu un effort sans précédent de croissance de cette dotation (elle doublera en 5 ans) ; cette croissance sera dirigée en priorité vers les communes ayant une population importante en ZUS.
- la DSR : un effort comparable à celui entrepris pour la DSU sera effectué, prioritairement en faveur des bourgs-centres, qui supportent des charges très importantes. D'après nos simulations, près de 1600 bourgs-centres devraient bénéficier de cette hausse (+20% en 2005) : c'est évidemment un signe très fort pour les collectivités comme les vôtres.
Sachant que sur ces deux dotations, il existe un dispositif de garantie conçu de telle sorte qu'aucune commune aujourd'hui éligible ne perçoive moins que les années précédentes.
* Enfin, nous avons voulu soutenir davantage l'intercommunalité en milieu rural. C'est dans cet esprit qu'on a amorcé un rattrapage de la dotation d'intercommunalité des communautés de communes, par rapport à celle des communautés d'agglo. Je sais que certains estiment que cela reste insuffisant : mais c'est un premier pas, et il me paraît significatif.
- Ces réformes vont vous toucher directement. Notre philosophie, je le répète, c'est d'éviter tout saupoudrage, et d'assumer une réforme fortement péréquatrice, en respectant les équilibres entre milieu rural et milieu urbain.
Dernier chantier : la réforme de la taxe professionnelle. Je ne vous en dirai pas beaucoup aujourd'hui, car nous attendons la remise des conclusions définitives de la commission Fouquet, à la fin de l'année, pour engager la réflexion. Nous nous retrouverons certainement au cours de l'année 2005 pour reparler de ce sujet.
Un mot enfin, pour en finir avec ce volet financier : lors de mes précédentes rencontres avec le bureau de votre association, vos représentants ont appelé mon attention sur la nécessité d'avoir une vue d'ensemble des finances publiques. Au départ, pour ne rien vous cacher, cette démarche m'est apparue redondante avec les missions qu'exerce le Comité des Finances Locales.
Mais, à bien y réfléchir, une instance qui réunirait les ministres compétents, les rapporteurs des deux assemblées ainsi que les présidents des principales associations d'élus pourrait utilement nourrir le débat d'orientation budgétaire.
Monsieur le Président, je ne suis donc pas fermé à votre idée mais je souhaite l'expertiser plus avant et recueillir l'avis du Ministre des Finances sur cette question.
2. Une intercommunalité qui préserve les identités communales
Le deuxième thème que je voudrais évoquer avec vous, c'est l'intercommunalité. C'est le thème de l'une de vos tables rondes et je connais vos attentes, mais aussi vos inquiétudes à ce sujet. Je veux y répondre en toute transparence.
Aujourd'hui, la couverture du territoire par les EPCI est déjà bien avancée (82% des Français sont concernés aujourd'hui). On compte 2461 groupements de communes à fiscalité propre, regroupant 31 424 communes.
D'où la crainte exprimée de voir se diluer l'identité communale dans un carcan administratif plus vaste et plus impersonnel.
Moi je veux être très clair à ce sujet : l'intercommunalité, c'est la possibilité mettre en commun des moyens, au service de projets communs, le tout en coûtant moins cher au contribuable.
- L'intercommunalité, elle ne se fait pas contre vous, mais pour vous et avec vous.
Et la loi " libertés et responsabilités locales " s'est faite dans cet esprit : il n'y a pas de grand " dessein " historique, pas de grand soir ; il y a un ensemble de mesures appropriées pour rendre l'intercommunalité plus fluide, plus lisible et plus accessible. Elles résultent toutes d'échanges approfondis avec les associations d'élus.
- En quoi vous intéressent-elles ?
* Elles simplifient l'intercommunalité :
- possibilité pour les syndicats de communes de se transformer en communautés de communes, avec transfert direct des biens et des personnels au nouvel EPCI
- procédure de fusion permettant le regroupement de plusieurs EPCI en un seul (c'est un élément se simplification important pour l'avenir)
- assouplissement du régime des délégations de signature
* Elles vous donnent plus de moyens :
- la mise en commun la mise en commun de services (personnels, matériel) entre EPCI et communes membres a été facilitée pour que les communes tirent le meilleur profit de leur appartenance à un groupement
- possibilité de financements croisés (sous forme de fonds de concours) entre communes et intercommunalités pour la réalisation de projets communaux (réfection d'un lavoir, réhabilitation d'une vieille église)
* Elles respectent votre identité :
Pour toutes ces nouvelles mesures, des garanties fortes sont données aux communes. Un exemple : la loi a autorisé le transfert de pouvoirs de police des maires aux Présidents d'EPCI dans les domaines de :
- l'assainissement
- l'élimination des déchets
- l'accueil des gens du voyage
- la circulation et le stationnement
Le but, c'est de permettre un travail plus efficace dans ces domaines qui touchent la vie quotidienne de nos concitoyens. Pour autant, ce transfert est strictement encadré et nécessite l'approbation unanime des communes et la signature des arrêtés par les maires des communes concernées.
- Bref, l'intercommunalité, c'est pour vous un outil, pas un carcan. Vous aurez tout à l'heure une table ronde sur " l'intercommunalité, perte d'identité ou nouveau souffle ". Moi je plaiderai pour le nouveau souffle, car nous avons veillé à faire une intercommunalité où les petites villes ne perdront pas leur âme.
Au contraire, elles y trouveront de nouveaux moyens pour :
- développer l'activité économique, notamment le tourisme, ou le secteur agroalimentaire
- favoriser la protection des espaces naturels proches des villes
- renforcer l'attractivité des territoires (en matière de logement, d'installation de professionnels de santé)
3. le choix du maintien des services publics
Je voudrais terminer par un sujet qui me tient tout particulièrement à cur, et qui vous intéresse au premier chef. C'est la nécessité de maintenir, partout, sur tout notre territoire, nos services publics.
Si je me réfère à votre sondage, je vois d'ailleurs que les Français font davantage confiance aux collectivités locales (à 55%) qu'à l'Etat (43%) dans ce domaine. Mais c'est aussi là que l'écart est le plus faible Nous, au Gouvernement, il y a longtemps qu'on a compris que c'est ensemble (Etat + collectivités locales) qu'on sauverait nos services publics.
Quel est le problème ?
- on a d'un côté des zones rurales fragiles, où les services publics sont parfois les derniers liens qui structurent une population, un territoire : c'est la Poste d'une petite ville rurale, par exemple. Et là, l'Etat doit jouer son rôle de solidarité, de garant de l'équité territoriale ;
- et puis on a des nouvelles campagnes, des zones rurales dynamiques. Elles trouvent aujourd'hui un nouveau souffle, avec l'arrivée de citadins qui sont venus chercher une meilleure qualité de vie. Et là, on doit être en mesure de leur offrir des services de qualité, pour accompagner cette revitalisation : c'est ce que nous faisons pour la téléphonie mobile, ou l'accès au haut-débit,
Cette double exigence, nous en avons pris toute la mesure. Un projet de loi sur le développement des territoires ruraux est en cours d'examen au Parlement. Il apporte des garanties très fortes, et des solutions nouvelles :
- il favorise par exemple le développement des " maisons de service public " en milieu rural. Je viens d'en inaugurer une dans le haut pays des Alpes-Maritimes la semaine dernière : j'ai vu tout l'intérêt de rassembler les bonnes volontés, de les fédérer au service de tous.
- il favorise également l'installation de médecins en zone rurale
- il confie par ailleurs au préfet un rôle d'arbitre, pour prévenir d'éventuels cas de " réorganisation sauvage ", qui seraient susceptibles de porter atteinte à la présence de services publics en milieu rural.
Croyez-moi, sur ce sujet des services publics, nous avons reçu le message 5 sur 5. Et je sais que pour vous, c'est un sujet absolument central. Vous pouvez compter sur mon engagement, et sur la mobilisation de tout le Gouvernement de J-P Raffarin pour uvrer en ce sens.
Tous ces défis, nous allons les relever ensemble.
L'Etat joue son rôle, en vous donnant des marges de manuvre supplémentaires ; en vous donnant les moyens financiers pour exercer ces nouvelles compétences ; en vous donnant toutes les garanties nécessaires au respect de votre identité.
Nous comptons sur vous pour utiliser ces manettes, pour faire vivre vos villes, pour développer vos initiatives.
En retour, vous pourrez compter sur notre loyauté financière, sur notre disponibilité pour être toujours à votre écoute.
C'est sur cette logique de partenariat que je compte poursuivre nos relations.
(Source : http://www.interieur.gouv.fr, le 21 octobre 2004)