Texte intégral
Monsieur le Président,
Mesdames et Messieurs les Députés,
Le 23 octobre 1998, à l'occasion de la discussion du budget de mon département ministériel, l'ensemble des députés de l'outre-mer avaient souhaité que s'ouvre un grand débat sur l'avenir de l'outre-mer français. Ce débat avait permis au Gouvernement de confirmer sa volonté d'engager, sur la durée de la législature, un vaste chantier de réformes qui concerneraient toutes les collectivités d'outre-mer.
A cette occasion, je vous avais annoncé que le Gouvernement déposerait un projet de loi d'orientation, pour les départements d'outre-mer.
Ce projet de loi qui vous est soumis est, vous le savez, le fruit d'une réflexion et d'une concertation qui a été menée pendant plusieurs mois avec les élus, les responsables socio-économiques et toutes les forces vives des sociétés d'outre-mer. Plusieurs rapports, en particulier celui de M. Claude LISE, sénateur de la Martinique, et M. Michel TAMAYA, député de la Réunion, rédigé dans le cadre d'une mission parlementaire confiée par le Premier ministre, ont permis l'élaboration d'un document cadre qui a lui-même fait l'objet de la plus large consultation et qui a suscité de nombreuses remarques et propositions. Le Gouvernement en a tenu le plus grand compte.
L'ampleur de cette concertation a souligné les attentes nombreuses et parfois contradictoires qui se faisaient jour, non seulement entre les départements d'outre-mer mais aussi à l'intérieur de chacun d'entre eux.
L'objectif d'une loi d'orientation n'est pourtant pas de résoudre l'ensemble des problèmes qui se posent. Le projet qui vous est soumis n'échappe pas à cette règle. D'ailleurs, et s'agissant des seuls départements d'outre-mer, le Gouvernement a pris 38 ordonnances depuis la loi d'habilitation de mars 1998, a augmenté fortement les crédits consacrés par l'Etat aux contrats de plan, a obtenu de l'Union européenne le doublement des fonds structurels et, en concertation avec les assemblées locales, a soumis aux instances communautaires le mémorandum de la France tirant toutes les conséquences du nouvel article 299-2 du Traité instituant la Communauté européenne.
La concertation sur la loi d'orientation a provoqué des débats passionnels et parfois irréductibles, surtout à vrai dire concernant les questions institutionnelles ou purement administratives.
En revanche, sur les sujets économiques, sociaux et culturels, l'essentiel des propositions ont reçu, certes à chaque fois sous bénéfice d'améliorations souhaitées, un accueil favorable. Je ne doute pas que le débat parlementaire qui va s'ouvrir en apportera la confirmation.
Je m'en réjouis d'autant plus que le dernier de mes prédécesseurs à avoir légiféré pour les départements d'outre-mer, en 1994, avait vu ses propositions rejetées par six assemblées locales sur huit - il s'en souviendra ! - alors même que seul le domaine économique et social était concerné.
S'agissant des questions institutionnelles, le Gouvernement a pu constater que le débat méritait d'être ouvert et qu'il était loin de pouvoir être refermé, compte tenu notamment de la diversité des positions. J'y reviendrai.
Ce projet de loi d'orientation qui vous est soumis et qui sera complété par des amendements parlementaires examinés par vos commissions et par les amendements gouvernementaux, marquera, à n'en pas douter, une étape essentielle pour les départements d'outre-mer, s'agissant tant de leur développement économique et social que de l'évolution de leurs institutions au sein de la République.
Je souhaite que nos débats contribuent à enrichir son contenu qui s'articule autour de huit grands axes :
1- Développer l'activité et la compétitivité des entreprises des départements d'outre-mer afin de tenir compte des handicaps qui nuisent gravement à leur développement;
2- Donner à chaque jeune d'outre-mer la possibilité d'occuper un véritable emploi ;
3- Mettre en oeuvre un plan volontariste de lutte contre l'exclusion en renforçant considérablement les dispositifs de retour à l'activité ;
4- Reprendre le chemin de l'égalité sociale ;
5- Permettre aux départements d'outre-mer de développer leur identité propre ;
6- Franchir une nouvelle étape de la décentralisation en attribuant de nouvelles responsabilités et de nouvelles ressources aux collectivités locales ;
7- Permettre à chaque département d'outre-mer de définir sa propre voie d'évolution au sein de la République ;
8- Etendre en les adaptant certains des dispositifs proposés à Saint-Pierre-et-Miquelon, tout en rénovant les mécanismes de la démocratie locale dans cette collectivité.
Ces axes s'inscrivent, comme le souligne l'article 1er du projet, dans une priorité qui concerne la Nation toute entière. Il y aurait en effet une vision réductrice à ne considérer cette loi qu'au regard des problèmes propres à l'outre-mer. C'est en réalité la dimension même de notre pacte républicain qui est en cause, ou, pour reprendre les termes d'Aimé Césaire concluant le 12 mars 1946 son rapport à l'assemblée constituante sur le projet de départementalisation de la Guadeloupe, de la Martinique, de la Réunion et de la Guyane, l'exercice de " cette fraternité agissante aux termes de laquelle il y aura une France plus que jamais unie et diverse, multiple et harmonieuse ".
Mesdames et Messieurs les Députés, les dispositions qui vous sont soumises visent en premier lieu à accroître fortement la compétitivité des entreprises dans les départements d'outre-mer.
Les départements d'outre-mer sont en effet confrontés à des handicaps structurels comme l'éloignement ou l'exiguïté de leur marché intérieur qui ont été reconnus par l'article 299-2 du Traité instituant la Communauté européenne. A ce titre, ces départements sont aujourd'hui les seules régions françaises d'objectif 1. Ils bénéficieront sur la période 2000-2006, de 23 milliards de fonds structurels.
Les arbitrages rendus par le Premier ministre permettront également aux quatre départements d'outre-mer de bénéficier de crédits d'Etat dans le cadre des contrats de plan Etat-région, en augmentation de plus de 46 %, soit 5,6 milliards.
A ces crédits communautaires et d'Etat, s'ajouteront ceux des collectivités locales de l'ordre de 9 milliards de francs. Au total, pour les sept ans à venir, l'économie des départements d'outre-mer bénéficiera donc de 37 milliards de francs qui se comparent aux 19,7 milliards de francs de la période précédente.
Considérable, cet effort est nécessaire pour fonder les bases d'un développement durable où le niveau de la commande publique restera, dans les années à venir, une variable clé.
L'intégration économique des départements d'outre-mer à la métropole et à l'Union européenne est évidemment un formidable atout et j'observe qu'aujourd'hui cette réalité n'est plus contestée par personne. Encore faut-il cependant permettre aux entreprises des départements d'outre-mer, tout en respectant les principes communautaires et notamment celui de la libre concurrence, de lutter à armes égales non seulement sur leur propre marché mais aussi sur les marchés extérieurs.
Je voudrais tout de suite aborder un volet qui ne figure pas dans le projet de loi, mais qui vous préoccupe légitimement. C'est le soutien aux investissements économiques dans les départements d'Outre-mer. Le dispositif de défiscalisation actuel, avec les modifications successives qui sont intervenues, approche de sa fin qui est prévue en 2002. Il a suscité des excès et des effets pervers certes, mais il a aussi favorisé l'investissement productif outre-mer, ce qui est positif.
Le gouvernement estime qu'un nouveau dispositif de soutien à l'investissement est indispensable, car c'est un pilier du développement économique outre-mer. Il faut regarder l'ensemble des conditions de financement des investissements et des entreprises, et favoriser l'investissement sur place des capitaux disponibles outre-mer tout autant que des capitaux extérieurs.
Le Premier Ministre s'est engagé à ce que ce nouveau dispositif soit défini d'ici la fin de cette année, et un groupe de travail a été créé à cet effet, qui rassemble des représentants des ministères, des forces économiques des quatre départements et de la FEDOM.
Je renouvelle ici, pour qu'il n'y ait pas d'ambiguïté, ni de faux-débat, cet engagement : le nouveau dispositif sera mis en place d'ici la fin de l'année, soit par voie d'amendement à la présente loi, soit dans la loi de finances pour 2001, selon la date où il sera prêt.
C'est un élément essentiel que je tenais à vous indiquer dès à présent.
Le deuxième aspect de la compétitivité des entreprises concerne leurs coûts d'exploitation, et particulièrement le coût du travail.
Un dispositif d'exonérations de cotisations de sécurité sociale en faveur des secteurs dits "exposés", avait été introduit par la loi du 25 juillet 1994 proposée par M. PERBEN.
L'article 2 du projet de loi dépasse et englobe l'ancien dispositif pour en faire un dispositif structurel de développement économique et de l'emploi, sous réserve des observations qui pourront être faites par les instances communautaires à qui elles ont été notifiées. Je peux vous dire que, pour l'essentiel, les propositions gouvernementales recueillent un avis favorable de Bruxelles.
Le projet du gouvernement vise à tenir compte de l'expérience acquise et de ses résultats. Ainsi, le projet vise à répondre à quatre types de limites, majeures, du dispositif actuel :
- La durée du dispositif, qui était limitée à cinq ans, ne permettait pas aux entreprises de faire des projets de développement à moyen terme.
- La condition d'être à jour de ses cotisations, ou d'avoir signé un plan d'apurement, a éliminé un tiers des entreprises représentant 20% des salariés normalement concernées.
- L'énoncé trop restrictif, des secteurs exonérés, par exemple dans le domaine du tourisme où seule l'hôtellerie-restauration était concernée.
- Le niveau de l'exonération, limité au SMIC, était trop faible, en particulier pour tous les secteurs qui ont besoin de main d'oeuvre qualifiée.
Les résultats obtenus restent modestes ; les exonérations ont généré une partie des créations d'emplois dans les secteurs concernés, au nombre de 3.000 par an environ. Nous devons faire beaucoup mieux.
Le Gouvernement a repensé le nouveau dispositif de façon beaucoup plus large, pour un coût annuel de l'ordre de 3,5 milliards de francs, soit quatre fois le coût du dispositif actuel, je dis bien quatre fois, pour que l'on mesure bien l'ampleur de l'effort, notamment lorsqu'il y a débat sur tel ou tel point particulier.
- Ce nouveau dispositif sera permanent, sans limitation dans le temps, afin que les entreprises puissent faire des projets durables de développement.
Cela ne dispensera pas pour autant d'effectuer des évaluations périodiques, notamment sur les créations d'emplois, évaluations qui seront d'ailleurs nécessaires vis-à-vis des autorités européennes.
- La condition d'être à jour de ses cotisations est supprimée, car elle condamnait des entreprises au motif qu'elles avaient des difficultés. Notre ambition est de donner à toutes les entreprises les conditions favorables pour leur développement.
Ainsi, le tiers des entreprises qui étaient éliminées jusqu'ici seront réintégrées.
- Le champ d'application des secteurs dits exposés a été revu et élargi ; ainsi ce sont l'ensemble des secteurs du tourisme, et par exemple les locations de voitures, qui rentreront dans le champ, et non plus seulement l'hôtellerie et la restauration.
De même, à la demande des milieux économiques et des élus, il est proposé d'intégrer également le secteur du BTP, avec une exonération partielle. C'est un secteur économique essentiel, qui dépend largement de la commande publique, qui va ainsi bénéficier d'exonérations.
J'ajoute que le gouvernement, pour favoriser les technologies d'avenir dans les DOM, déposera un amendement pour faire bénéficier les secteurs des NTIC (Nouvelles technologies de l'information et de la communication) des exonérations.
Suivant les recommandations du rapport Fragonard, afin d'abaisser le coût du travail dans les entreprises potentiellement créatrices d'emplois et pour lutter contre le travail dissimulé, le projet vous propose aussi d'étendre les exonérations à toutes les petites entreprises de moins de 11 salariés, quels que soient les secteurs d'activité.
Le gouvernement propose également de très importants allégements des cotisations et une grande simplification, pour les employeurs et travailleurs indépendants.
C'est une réponse adaptée à la réalité du tissu socio-économique des DOM où 95% des entreprises ont moins de 11 salariés, avec un effectif moyen d'à peine deux salariés, ce qui relativise les débats sur le délicat effet de seuil. Si chacune de ces entreprises créait, ou régularisait un emploi, cela représenterait de l'ordre de 80.000 emplois. Voilà l'enjeu.
Au total, ce sont environ 115.000 salariés qui seront concernés, contre 44.000 aujourd'hui, par les exonérations, et l'ensemble des employeurs et travailleurs indépendants, soit de l'ordre de 55.000 bénéficieront d'allégements substantiels de leurs charges.
J'ajoute également le relèvement de 20 à 40 hectares pondérés de la limite pour les exonérations des exploitants agricoles. Le relèvement du seuil permettra à une nombre supplémentaires d'exploitants de bénéficier de ces mesures incitatives.
A travers ces exonérations, la dimension "emploi" est fondamentale. C'est ma priorité et celle du gouvernement. C'est la raison pour laquelle, Mesdames et Messieurs les Députés, si le gouvernement n'a pas voulu mettre de conditions bureaucratiques de contrôle en face des exonérations, il a jugé nécessaire, de prévoir une incitation supplémentaire qui sera fixée par décret à 9.000 F par an et par salarié, pour toutes les entreprises qui auront conclu un accord de réduction du temps de travail selon les dispositions de la loi du 19 janvier 2000.
La quatrième limite qui est levée par le projet de loi, c'est le niveau de l'exonération, qui est fixé à 1,3 SMIC au lieu de un SMIC actuellement. Ce relèvement permettra un abaissement plus important du coût du travail, qui renforcera la compétitivité des entreprises et leur permettra d'embaucher du personnel qualifié.
Le financement de ces mesures repose sur la solidarité nationale, ce qui tranche par rapport à la loi de 1994. Le gouvernement n'a pas voulu rentrer dans la logique de faire payer par les consommateurs des DOM, avec une sorte de "TVA sociale". Au contraire, le gouvernement a réduit, le 1er avril dernier, le taux de TVA d'un point dans les DOM comme en métropole.
Au-delà du dispositif d'exonérations de cotisations de sécurité sociale, le gouvernement veut également favoriser la création d'emplois et le développement des entreprises qui diversifient leurs débouchés commerciaux, en particulier dans leur environnement régional. Le précédent dispositif, réglementaire, était tellement restrictif qu'il n'a concerné qu'une dizaine d'entreprises, même si certains de ces projets sont très positifs comme à Saint-Pierre-et-Miquelon.
Le gouvernement s'appuyant sur le rapport Thiel, veut aller beaucoup plus loin, en donnant valeur législative à un dispositif d'aide à la création d'emplois pour ces entreprises, dispositif qui a été notifié à Bruxelles.
Le niveau des primes sera fortement revalorisé, et le seuil d'entrée dans le dispositif sera abaissé de 70% à 20%.
Mesdames et Messieurs les Députés, ces dispositions nouvelles sont fortes. Encore faut-il apurer le passé pour permettre à toutes les entreprises d'aller de l'avant, alors que, trop souvent, leur endettement fiscal et social les empêche d'investir, d'accéder aux crédits bancaires ou encore aux marchés publics.
Les articles 5 et 6 tirent les conséquences de cette situation en prévoyant, pour toutes les entreprises de bonne foi, et ce, dès l'entrée en vigueur de la loi d'orientation, la possibilité de demander et d'obtenir de plein droit un moratoire de six mois sur le paiement de leurs dettes antérieures au 1er janvier 2000, période au cours de laquelle un plan d'apurement pourra être signé avec les administrations compétentes, les procédures de recouvrement étant suspendues. Nous en préciserons les modalités lors de l'examen des articles du projet de loi.
Mesdames et Messieurs les Députés, cet effort sans précédent est destiné à lutter contre le chômage. Certes, dans les derniers mois, une stabilisation et parfois un léger recul ont pu être enregistrés au niveau des demandeurs d'emploi. Cette situation n'en demeure pas moins inacceptable. Alors que le taux de chômage en métropole est sur le point de repasser en dessous de la barre des 10 %, les départements d'outre-mer continuent de connaître des taux de chômage de 26 % en Guyane, de l'ordre de 30 % aux Antilles et même de 37 % à la Réunion.
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La principale cause du chômage dans les départements d'outre-mer réside dans leur structure démographique, notamment à la Réunion, où le taux de chômage des jeunes de moins de 25 ans est de plus de 61 %. 35 % des habitants des départements d'outre-mer ont moins de 20 ans, ce chiffre est de dix points supérieur à la métropole.
Cette situation justifiait une application forte du dispositif des emplois-jeunes institué par la loi du 16 octobre 1997. Au 31 décembre 1999, 11 000 emplois-jeunes ont aussi été créés dans les départements d'outre-mer, dont plus de la moitié dans le seul département de la Réunion.
Mais l'ampleur du défi de l'emploi des jeunes appelle des mesures supplémentaires.
Tel est l'objet de l'article 9 du projet qui fonde le deuxième axe essentiel de ce texte : offrir à chaque jeune des départements d'outre-mer une chance réelle de s'insérer durablement sur le marché du travail
Cet article institue dans les départements d'outre-mer le projet initiative-jeunes qui prendra la forme d'une aide financière de l'Etat. Son montant sera fixé par décret et pourra atteindre près de 50 000 francs par projet, accordée à tous les jeunes âgés de 18 à 30 ans. Ils devront soit, créer ou reprendre une entreprise dans leur département, soit poursuivre à l'extérieur de celui-ci une formation professionnelle proposée par l'agence nationale pour l'insertion et la promotion des travailleurs d'outre-mer (ANT).
Ce projet initiative-jeunes devrait concerner près de 10 000 jeunes par an.
En prenant en compte les propositions du rapporteur de votre commission des affaires sociales et culturelles, M. Michel Tamaya et du rapporteur de votre commission de la production et des échanges, M. Daniel Marsin, le Gouvernement souhaite favoriser un mécanisme de solidarité entre les générations permettant, par le départ en préretraite des salariés les plus âgés, une embauche de jeunes.
Très largement inspirée des propositions qui ont été faites à la Réunion, cette disposition sera ouverte à tous les salariés du secteur privé âgés de 55 ans et justifiant d'au moins cinq ans d'ancienneté dans l'entreprise et d'au moins dix années de cotisations retraite.
Cette disposition représentera une charge financière importante pour le budget de l'Etat. En 1994, ce constat avait conduit le Gouvernement à refuser cette mesure. Elle n'est donc envisageable que si, comme cela a été proposé à la Réunion, les partenaires locaux, conseils régionaux et généraux ainsi que les employeurs, apportent eux aussi leur contribution financière.
Mais surtout, elle n'est envisageable que si elle implique de façon rapide et effective des embauches de jeunes, sans que celles-ci traduisent de simples effets d'aubaine. Seules pourront donc en bénéficier les entreprises qui, non seulement s'engageront à maintenir leurs effectifs après embauche de jeunes, mais surtout qui seront effectivement passées aux 35 heures.
Voilà les grandes lignes de l'amendement que je déposerai au nom du Premier ministre qui a voulu que soit pris en compte, par un dispositif original, la situation démographique de l'outre-mer. Il faut répondre à l'attente des jeunes de mieux en mieux formés et leur offrir la perspective d'un travail pour mieux s'insérer dans la société.
Le troisième volet du projet de loi d'orientation vise à renforcer la lutte contre les exclusions.
On connaît le chiffre élevé d'attributaires du RMI : 126 000 foyers, soit 16 % de la population contre 3,3 % en métropole.
Toutefois la comparaison demande à être nuancée.
L'un des nombreux mérites du rapport rédigé à ma demande par M. Bertrand Fragonard, ancien délégué interministériel au RMI, aura ainsi été de démontrer le rôle de substitut aux allocations de chômage que joue dans les départements d'outre-mer le revenu minimum d'insertion faute de bénéficier du système de droit commun d'indemnisation du chômage.
Il ne faut pas nier non plus l'importance du travail dissimulé, le RMI servant de couverture sociale. Il faut tout à la fois permettre le retour à l'activité des attributaires du RMI, encourager le travail déclaré et lutter plus efficacement contre les fraudes.
L'allocation de retour à l'activité a pour objet de favoriser la réinsertion professionnelle de bénéficiaires de minima sociaux. Ceux-ci pourront cumuler pendant deux ans le bénéfice de cette allocation avec une activité rémunérée en entreprise ou chez un particulier.
Le titre de travail simplifié (TTS) se substituera au chèque emploi-services. Son objet est de simplifier fortement les formalités d'embauche et de déclaration afin d'enrayer le développement des activités informelles.
Favorisant le retour à l'activité, ces dispositions ne produiront cependant leur plein effet que si elles s'accompagnent de mesures permettant d'améliorer le contrôle du RMI et de clarifier le rôle des organismes chargés de la politique d'insertion.
Il s'agit de prendre en compte pleinement l'existence des agences d'insertion. La loi de lutte contre les exclusions les a transformées en établissement public local et l'article 12 en tire toutes les conséquences organisationnelles. Il est essentiel que tous ceux qui ont droit au RMI y accèdent, mais uniquement ceux qui y ont droit. Il est essentiel que l'insertion et, en particulier, le retour à l'activité, fonctionnent efficacement. L'agence d'insertion a un rôle central à jouer, en partenariat avec les communes qui seront membres actifs des plans locaux d'insertion, pour mieux répondre aux besoins des allocataires.
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Le quatrième volet du projet de loi porte sur la réalisation de l'égalité sociale.
Cette revendication s'est exprimée avec force à la Réunion, autour de la question de l'alignement du revenu minimum d'insertion. Elle existe aussi dans les autres départements d'outre-mer même si l'accent y est davantage mis sur la nécessité d'une certaine progressivité.
Le Gouvernement juge légitime la revendication de l'égalité sociale et se refuse à baptiser " assistanat " ce qui en métropole est dénommé " solidarité ". IL entend aussi que les mesures de retour à l'emploi, d'insertion et de contrôle prennent leur plein effet. C'est pourquoi il avait initialement proposé de réaliser l'égalité du RMI en cinq ans et celle de l'API en sept ans. Votre commission des lois a envisagé que l'alignement proposé se fasse dès promulgation de la loi d'orientation, ce qui pourrait contrarier la mise en oeuvre des mesures en faveur de l'emploi et de l'insertion.
Le Gouvernement, soucieux de supprimer les discriminations existantes dans un délai plus rapproché, a choisi de se ranger à la proposition de M. Daniel Marsin, rapporteur pour avis du projet de loi, tendant à ramener à trois ans le calendrier d'alignement du revenu minimum d'insertion.
Je déposerai donc un amendement dans ce sens. Cet alignement se fera en maintenant les crédits au bénéfice du logement social qui étaient inclus dans la créance de proratisation. Le Gouvernement est conscient de la nécessité de poursuivre l'effort en faveur du logement social compte tenu des retards existants.
Au-delà d'un financement budgétaire qui sera aussi maintenu, le Gouvernement a prévu de moderniser la politique du logement dans les départements d'outre-mer. Tel est l'objet du titre III du projet de loi.
Ainsi est-il prévu qu'un Fonds régional d'aménagement foncier et urbain, un FRAFU, soit créé dans chaque DOM. Il permettra d'accélérer les travaux nécessaires à la réalisation de gros équipements d'adduction d'eau, d'épuration et d'assainissement et à la production de terrains viabilisés, en particulier au bénéfice du logement social.
Par ailleurs, les barèmes de l'allocation logement applicables au secteur locatif seront unifiés d'ici le 1er juillet 2001. Cette mesure renforcera la solvabilité des locataires et facilitera les opérations de réhabilitation des immeubles de logements locatifs sociaux.
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Affirmer les identités des départements d'outre-mer, leur donner toute leur place dans notre pays et leur permettre de s'inscrire dans leur environnement régional, tel est l'objet du cinquième axe et des titres IV et V du projet de loi.
Pour la première fois, un projet de loi affirme que les langues en usage dans les départements d'outre-mer appartiennent au patrimoine linguistique de la Nation. A ce titre, elles bénéficieront d'un soutien accru.
Mais valoriser les cultures des départements d'outre-mer, dont chacun connaît la vitalité et la contribution au rayonnement de notre pays, suppose également d'accroître les moyens de leur développement. A ce titre, trois mesures essentielles vous sont proposées :
- la réduction progressive des écarts de prix des biens culturels entre la métropole et les départements d'outre-mer, avec, en particulier, un alignement du prix du livre au 1er janvier 2002 ;
- le développement d'un dispositif de soutien à la production cinématographique dans les départements d'outre-mer ;
- la création d'un fonds de promotion des échanges éducatifs, culturels et sportifs.
L'identité des départements d'outre-mer découle aussi de leur appartenance à un environnement régional comprenant dans la quasi totalité des cas des Etats indépendants avec lesquels ils partagent une histoire et une culture communes. Favoriser leur insertion dans cet environnement régional n'est en aucun cas une remise en cause de leur appartenance à la République mais participera au contraire à son rayonnement.
Le projet de loi prévoit une plus grande association des exécutifs locaux à l'action internationale de la France dans leur environnement régional. Dans les domaines de compétence de l'Etat, ces exécutifs pourront recevoir un pouvoir de négocier et signer les accords au nom de la France. Ils pourront adresser au Gouvernement des propositions tendant à ce que la France conclue des accords internationaux avec les Etats de leur environnement.
Le véritable enjeu de la coopération régionale pour les départements d'outre-mer réside dans leur demande ancienne non seulement d'être associés à l'action internationale de l'Etat dans leur zone géographique, mais surtout de pouvoir coopérer directement et le plus librement possible avec les Etats de cette zone. Cette revendication s'est heurtée jusqu'ici à une fin de non recevoir.
Limiter les relations internationales des départements d'outre-mer dans leur environnement régional au seul champ de la coopération décentralisée, c'est-à-dire entre collectivités de même nature, comme le prévoit le droit commun, se révèle inadapté. C'est avec Sainte-Lucie ou Maurice qu'il s'agit de coopérer, pour la Martinique ou la Réunion et non avec leurs collectivités locales.
Désormais, les conseils généraux et régionaux des départements d'outre-mer pourront demander que leurs présidents puissent, dans leurs domaines de compétence, négocier des accords internationaux avec les Etats de leur environnement régional.
De même, la Guadeloupe, la Martinique, la Guyane et la Réunion pourront demander à participer aux organisations régionales existantes en tant que membres associés ou observateurs, dès lors que les statuts de ces organisations le permettront.
Tirant les conséquences de sa volonté d'accroître le rôle et la capacité d'action des départements d'outre-mer dans le domaine international, le Gouvernement propose également de renforcer les moyens de cette coopération, en créant des fonds qui seront cogérés par l'Etat et les assemblées locales. Ils permettront de financer les projets de coopération les plus innovants. Ces fonds viendront se substituer à l'actuel FIC aux Antilles-Guyane et pallieront une absence s'agissant de la Réunion.
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Le Premier ministre avait demandé à MM. Lise et Tamaya d'explorer les pistes d'avenir pour la décentralisation outre-mer. S'inspirant de leurs propositions, le projet de loi propose aujourd'hui, dans son sixième axe, de confier de nouvelles responsabilités aux départements d'outre-mer.
En premier lieu, les assemblées locales pourront s'exprimer de manière plus systématique sur les textes qui les concernent, tant pour les actes nationaux - projets de lois, d'ordonnances ou de décrets - que pour les projets communautaires. Les modes de consultation seront également harmonisés entre les différentes assemblées.
En second lieu, la spécificité des départements d'outre-mer rend légitime le souhait des collectivités locales de se voir reconnaître une responsabilité directe dans les décisions à prendre. Le Gouvernement a donc voulu que de nouvelles compétences leur soient transférées.
Il en est d'abord ainsi des routes nationales. Constatant que depuis déjà plus de quinze ans, le financement et la maîtrise d'ouvrage sont assurés par les régions, certaines d'entre elles ont souhaité qu'un pas supplémentaire soit franchi. Ce projet de loi donne donc la possibilité aux régions qui le souhaitent, que l'ensemble de la voirie classée " route nationale " soit transféré dans leur patrimoine.
La pêche est une ressource économique essentielle, pour laquelle le Gouvernement a également souhaité confier aux régions les compétences qu'il détient, sous réserve du droit communautaire et, bien sûr, des engagements internationaux de la France.
De même, certains départements peuvent fonder des espoirs sur l'exploitation des ressources minières du sous-sol de la mer. Ce projet de loi confie aux régions la compétence en matière d'exploration et d'exploitation des ressources non biologiques du fond de la mer et de son sous-sol. Cette compétence s'exercera en particulier lors de l'octroi des permis exclusifs et des concessions minières. Là encore, les services de l'Etat seront mis à disposition des régions pour l'exercice de cette compétence.
Les départements d'outre-mer se caractérisent par la très grande diversité des énergies renouvelables pouvant y être valorisées. Dans ce domaine, ils présentent sans doute la plus grande concentration de l'ensemble de la République, puisque la plupart d'entre eux rassemblent des possibilités en énergie géothermique, éolienne, solaire ou obtenue par valorisation de la biomasse, sans parler de l'énergie hydraulique. Il est donc légitime que les régions interviennent directement dans l'exploitation de ces ressources, en ayant la responsabilité d'élaborer et de mettre en oeuvre des programmes de prospection et de valorisation des ressources locales.
La mise en oeuvre d'une véritable politique de l'eau est un enjeu majeur outre-mer, tant les conflits d'intérêt sur son usage sont potentiellement grands sur des territoires de petites tailles mais à forte densité de population. Le projet de loi prévoit donc, à l'instar des agences financières de bassin existants en métropole, la création, dans chacun des quatre départements d'outre-mer, d'un office de l'eau.
Le Gouvernement a souhaité répondre favorablement au souhait partout exprimé par les élus locaux d'une plus forte association des collectivités à l'élaboration de la politique du logement social. C'est pourquoi, les conseils généraux seront consultés sur les orientations générales de la programmation des aides au logement social, et les Conseils départementaux de l'habitat seront coprésidés par le préfet et le Président du conseil général.
Enfin, en Guadeloupe, la position particulière des communes de Saint-Martin et Saint-Barthélémy, tant du point de vue de l'histoire que de la situation géographique, justifie qu'elles puissent bénéficier de responsabilités plus directes dans la gestion de leurs collectivités.
La situation financière de nombreuses collectivités d'outre-mer reste préoccupante. Les départements, en particulier, doivent faire face à une croissance importante de leur dépenses sociales. Ils devront également absorber l'impact financier de l'alignement plus rapide du RMI. Il était donc essentiel que ce projet de loi prévoit des dispositions pour améliorer cette situation.
En faveur des communes, tout d'abord, le projet prévoit une majoration à hauteur de 40 millions de francs par an de la dotation globale de fonctionnement.
S'agissant des départements, ils pourront désormais fixer les taux des droits de consommation sur les tabacs et ils percevront, ou continueront de percevoir dans le cas de la Guyane et de la Réunion, le produit de ce droit.
Mesdames et Messieurs les Députés, conforter la décentralisation suppose également que nous soyions attentifs aux réflexions et aux projets qui visent à adapter les structures administratives aux démarches d'aménagement du territoire et à la nécessité de rapprocher la décision du citoyen.
Ces réflexions ont conduit un grand nombre d'élus de la Réunion à souhaiter qu'un second département soit créé dans leur île, avant la fin de la législature, afin de prendre en compte les retards en matière de développement et d'équipement de sa partie Sud. Le Président de la République s'est prononcé à deux reprises en faveur d'une telle réforme. Le Gouvernement a également fait savoir qu'il y était favorable.
Il a cependant constaté que les modalités qu'il avait proposées, sur la base d'une concertation approfondie, avaient donné lieu à un avis défavorable tant du Conseil général que du Conseil régional. Mais, dans le même temps, 13 maires sur 24 et 7 parlementaires sur les 8 que compte la Réunion ont réaffirmé leur choix en faveur de cette bidépartementalisation. Les discussions qui se sont poursuivies avec les élus de la Réunion ont conduit le Gouvernement à valider le compromis qui a émergé localement sur les limites territoriales des deux futurs départements. Ce nouveau redécoupage figure donc à l'article 38 du projet de loi.
Le Gouvernement reste favorable à la mise en oeuvre de la bidépartementalisation à la Réunion. Il sera donc attentif aux propositions qui lui seront faites par les Parlementaires de la Réunion quant à la date et aux modalités qui pourront être retenues pour rendre effective cette réforme.
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Dans les trois autres départements d'outre-mer, les débats sur l'évolution institutionnelle sont engagés depuis longtemps. J'en viens ainsi au septième axe de ce projet.
Faut-il envisager dès à présent une révision de l'article 73 de la Constitution ? Certains l'ont proposé. Cet article, on le sait, a fait l'objet, en 1982, d'une interprétation restrictive du Conseil constitutionnel, saisi à l'initiative d'une opposition qui n'est guère différente de celle d'aujourd'hui.
Les institutions ont leurs contraintes. A l'occasion de son déplacement en Guyane, le 23 novembre 1997, le Président de la République avait déclaré : " Il faut exploiter davantage toute la souplesse qu'offre la Constitution et notamment son article 73, qui a prévu la possibilité d'adapter aux réalités des départements d'outre-mer, grâce à des mesures particulières, le régime législatif et l'organisation administrative. Cela est possible ; ". Le fait que le chef de l'Etat, à qui appartient sur proposition du Premier ministre, concurremment aux membres du Parlement, l'initiative en ce domaine, ait paru alors ne pas retenir l'hypothèse d'une révision de la Constitution a conduit à rechercher d'autres voies.
L'article 73 de la Constitution regroupe dans une même catégorie juridique des entités géographiques, humaines, culturelles, qui, pour partager une histoire souvent proche, connaissent des réalités et nourrissent des aspirations qui sont bel et bien différentes.
C'est pourquoi, avant même d'envisager une éventuelle évolution institutionnelle des départements d'outre-mer, le Premier ministre a rappelé qu'il était nécessaire de rompre avec un traitement uniforme qui aboutit désormais à nier outre-mer identités et aspirations.
La démarche qui vous est proposée se veut respectueuse de ces différences. Ainsi, le Gouvernement entend prendre en compte le choix unanime des forces politiques et des élus de la Réunion qui ont souhaité que ne soit pas modifié, pour leur île, le cadre juridique actuel de la départementalisation adaptée défini par l'article 73 de la Constitution.
Plus encore, Mesdames et Messieurs les Députés, si le débat institutionnel a montré des aspirations différentes dans les départements français d'Amérique, il a aussi fait apparaître des différences sensibles entre les points de vue.
Ces trois départements français d'Amérique, tout en exerçant les attributions que leur ont conférées les lois de décentralisation, les deux assemblées locales, le conseil régional et le conseil général, considèrent avoir la légitimité et donc le droit de débattre des questions statutaires.
Je partage ce point de vue. Il faut aussi que la population soit associée aux évolutions statutaires.
Dans les trois départements français d'Amérique, un consensus s'est fait jour sur ces deux principes : permettre aux assemblées locales de se saisir de la question statutaire et donc d'avoir la capacité de proposer des réformes allant au-delà de la simple adaptation des lois et des règlements ; permettre aux populations intéressées de pouvoir se prononcer sur les orientations qui seraient retenues par le Gouvernement sur la base des propositions qui auront émergé localement.
Si les assemblées locales souhaitent débattre de la question institutionnelle, il est préférable qu'elles commencent par le faire ensemble et non séparément. D'où la proposition du congrès. Je vois trois raisons à sa création.
- La première, c'est qu'on ne peut exclure que parmi les propositions qui émergeront au plan local, figure l'instauration d'une assemblée unique. D'ores et déjà, des positions ont été prises ou réaffirmées en ce sens. Le Gouvernement, quinze ans après la mise en oeuvre de l'institution régionale, n'entend pas trancher entre deux légitimités du suffrage universel. L'orientation vers une assemblée unique aurait toutefois une tout autre résonance si elle avait pour fondement la volonté conjointe des deux institutions actuelles.
- La seconde raison réside dans le fait que les populations locales ne peuvent être consultées sur un projet d'évolution statutaire sans qu'elles aient été éclairées par un débat local approfondi. C'est pour moi un des éléments essentiels de l'exigence de clarté et de loyauté qui s'attache, vous le savez, à toute consultation des populations intéressées.
- Enfin, Mesdames et Messieurs les Députés, surtout lorsqu'elle implique une révision constitutionnelle, outre-mer, l'évolution statutaire n'est concevable que si elle a pour fondement un projet qui rassemble localement le plus grand nombre, transcendant largement les clivages politiques traditionnels.
Cette approche sera d'autant mieux comprise dans les départements français d'Amérique que partout ils ont d'ores et déjà commencé de la mettre en oeuvre. Ce fut le cas en février 1999 en Guyane ; en Martinique, les deux exécutifs locaux, par un échange de lettres rendues publiques, sont tombés d'accord pour une réunion conjointe de leurs assemblées afin de débattre ensemble de la question statutaire ; en Guadeloupe, la présidente du conseil régional a proposé à son homologue du conseil général la constitution d'une commission mixte. Ceci aussi méritait d'être rappelé.
Le choix du Gouvernement est donc clair. Rompre avec une vision uniforme de l'outre-mer ; permettre, dans l'avenir, une évolution statutaire dans chaque département d'outre-mer où cette évolution rencontrerait une aspiration claire et forte de la société ; créer pour ce faire, un cadre permettant que se déroule localement, si tel est le souhait des élus, un débat démocratique et transparent ; permettre enfin aux populations de choisir.
Mesdames et Messieurs les Députés, je crois qu'il n'y a plus sur la question institutionnelle d'opposition, au plan national, entre la gauche et la droite. Les récentes déclarations du Président de la République, le 11 mars dernier en Martinique, en attestent.
S'inscrivant dans la démarche du Gouvernement rappelée par le Premier ministre lors de son déplacement aux Antilles, au mois d'octobre 1999, le chef de l'Etat a en effet déclaré que l'évolution des règles statutaires était " dans la nature des choses " et que " toutes les propositions, dès lors qu'elles ne mettent pas en cause notre République et ses valeurs fondamentales sont recevables et légitimes ". Mais il a aussi affirmé une double conviction :
- S'agissant de la politique de l'outre-mer, il a indiqué qu'elle ne pouvait plus " être appliquée de façon uniforme ".
- S'agissant de la nécessité de vérifier l'aspiration des populations, il a souligné qu'il était effectivement nécessaire que " toute modification statutaire substantielle soit explicitement approuvée par les populations concernées ". Il rejoignait, là encore, le choix du Gouvernement de recueillir, préalablement à tout processus juridique d'évolution, l'assentiment de ces populations.
Mesdames et Messieurs les Députés, le débat que nous aurons sur ce titre VII du projet de loi qui vous est soumis, n'est pas que juridique, même si évidemment, le Gouvernement fort des avis éclairés qu'il a pu obtenir, s'est attaché à ce que les dispositions qu'il propose soient compatibles avec nos règles constitutionnelles.
Je souhaite recueillir sur ce point un large assentiment de l'Assemblée nationale qui montrera à nos compatriotes des départements d'outre-mer, qu'ensemble, nous voulons qu'il leur appartienne, à eux et à personne d'autre, de tracer leur avenir et que cet avenir ne sera pas, ne sera plus, ni dicté d'en haut, ni l'otage de nos querelles partisanes dans l'hexagone.
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Le projet de loi comprend enfin des dispositions particulières à Saint-Pierre-et-Miquelon, huitième et dernier axe (titre VIII).
Le projet de loi modifie la loi du 11 juin 1985 relative à Saint-Pierre-et-Miquelon afin de permettre la représentation au sein du conseil général des différentes composantes politiques et de confier aux deux communes des compétences de droit commun, en matière d'urbanisme et de fiscalité locale.
En outre, je vous précise que des amendements du Gouvernement permettront de renforcer le système de protection sociale applicable à Saint-Pierre et Miquelon.
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Mesdames et Messieurs les Députés, le projet de loi d'orientation pour l'outre-mer, par l'ampleur des financements qu'il entend mobiliser après ceux, considérables, qui ont été inscrits dans les contrats de plan Etat-région et dans les documents uniques de programmation, par les responsabilités accrues qui seront confiées aux élus, par les possibilités qu'il offre à chaque département d'outre-mer de s'inscrire pleinement dans la République, dans le respect de son identité et de ses aspirations, marquera une étape historique dont chacun ici doit avoir pleinement conscience. Cette étape est celle de la responsabilité, du développement et de l'identité. Ces défis, je ne doute pas que les départements d'outre-mer sauront les relever.
(Source http://www.outre-mer.gouv.fr, le 11 mai 2000)
Mesdames et Messieurs les Députés,
Le 23 octobre 1998, à l'occasion de la discussion du budget de mon département ministériel, l'ensemble des députés de l'outre-mer avaient souhaité que s'ouvre un grand débat sur l'avenir de l'outre-mer français. Ce débat avait permis au Gouvernement de confirmer sa volonté d'engager, sur la durée de la législature, un vaste chantier de réformes qui concerneraient toutes les collectivités d'outre-mer.
A cette occasion, je vous avais annoncé que le Gouvernement déposerait un projet de loi d'orientation, pour les départements d'outre-mer.
Ce projet de loi qui vous est soumis est, vous le savez, le fruit d'une réflexion et d'une concertation qui a été menée pendant plusieurs mois avec les élus, les responsables socio-économiques et toutes les forces vives des sociétés d'outre-mer. Plusieurs rapports, en particulier celui de M. Claude LISE, sénateur de la Martinique, et M. Michel TAMAYA, député de la Réunion, rédigé dans le cadre d'une mission parlementaire confiée par le Premier ministre, ont permis l'élaboration d'un document cadre qui a lui-même fait l'objet de la plus large consultation et qui a suscité de nombreuses remarques et propositions. Le Gouvernement en a tenu le plus grand compte.
L'ampleur de cette concertation a souligné les attentes nombreuses et parfois contradictoires qui se faisaient jour, non seulement entre les départements d'outre-mer mais aussi à l'intérieur de chacun d'entre eux.
L'objectif d'une loi d'orientation n'est pourtant pas de résoudre l'ensemble des problèmes qui se posent. Le projet qui vous est soumis n'échappe pas à cette règle. D'ailleurs, et s'agissant des seuls départements d'outre-mer, le Gouvernement a pris 38 ordonnances depuis la loi d'habilitation de mars 1998, a augmenté fortement les crédits consacrés par l'Etat aux contrats de plan, a obtenu de l'Union européenne le doublement des fonds structurels et, en concertation avec les assemblées locales, a soumis aux instances communautaires le mémorandum de la France tirant toutes les conséquences du nouvel article 299-2 du Traité instituant la Communauté européenne.
La concertation sur la loi d'orientation a provoqué des débats passionnels et parfois irréductibles, surtout à vrai dire concernant les questions institutionnelles ou purement administratives.
En revanche, sur les sujets économiques, sociaux et culturels, l'essentiel des propositions ont reçu, certes à chaque fois sous bénéfice d'améliorations souhaitées, un accueil favorable. Je ne doute pas que le débat parlementaire qui va s'ouvrir en apportera la confirmation.
Je m'en réjouis d'autant plus que le dernier de mes prédécesseurs à avoir légiféré pour les départements d'outre-mer, en 1994, avait vu ses propositions rejetées par six assemblées locales sur huit - il s'en souviendra ! - alors même que seul le domaine économique et social était concerné.
S'agissant des questions institutionnelles, le Gouvernement a pu constater que le débat méritait d'être ouvert et qu'il était loin de pouvoir être refermé, compte tenu notamment de la diversité des positions. J'y reviendrai.
Ce projet de loi d'orientation qui vous est soumis et qui sera complété par des amendements parlementaires examinés par vos commissions et par les amendements gouvernementaux, marquera, à n'en pas douter, une étape essentielle pour les départements d'outre-mer, s'agissant tant de leur développement économique et social que de l'évolution de leurs institutions au sein de la République.
Je souhaite que nos débats contribuent à enrichir son contenu qui s'articule autour de huit grands axes :
1- Développer l'activité et la compétitivité des entreprises des départements d'outre-mer afin de tenir compte des handicaps qui nuisent gravement à leur développement;
2- Donner à chaque jeune d'outre-mer la possibilité d'occuper un véritable emploi ;
3- Mettre en oeuvre un plan volontariste de lutte contre l'exclusion en renforçant considérablement les dispositifs de retour à l'activité ;
4- Reprendre le chemin de l'égalité sociale ;
5- Permettre aux départements d'outre-mer de développer leur identité propre ;
6- Franchir une nouvelle étape de la décentralisation en attribuant de nouvelles responsabilités et de nouvelles ressources aux collectivités locales ;
7- Permettre à chaque département d'outre-mer de définir sa propre voie d'évolution au sein de la République ;
8- Etendre en les adaptant certains des dispositifs proposés à Saint-Pierre-et-Miquelon, tout en rénovant les mécanismes de la démocratie locale dans cette collectivité.
Ces axes s'inscrivent, comme le souligne l'article 1er du projet, dans une priorité qui concerne la Nation toute entière. Il y aurait en effet une vision réductrice à ne considérer cette loi qu'au regard des problèmes propres à l'outre-mer. C'est en réalité la dimension même de notre pacte républicain qui est en cause, ou, pour reprendre les termes d'Aimé Césaire concluant le 12 mars 1946 son rapport à l'assemblée constituante sur le projet de départementalisation de la Guadeloupe, de la Martinique, de la Réunion et de la Guyane, l'exercice de " cette fraternité agissante aux termes de laquelle il y aura une France plus que jamais unie et diverse, multiple et harmonieuse ".
Mesdames et Messieurs les Députés, les dispositions qui vous sont soumises visent en premier lieu à accroître fortement la compétitivité des entreprises dans les départements d'outre-mer.
Les départements d'outre-mer sont en effet confrontés à des handicaps structurels comme l'éloignement ou l'exiguïté de leur marché intérieur qui ont été reconnus par l'article 299-2 du Traité instituant la Communauté européenne. A ce titre, ces départements sont aujourd'hui les seules régions françaises d'objectif 1. Ils bénéficieront sur la période 2000-2006, de 23 milliards de fonds structurels.
Les arbitrages rendus par le Premier ministre permettront également aux quatre départements d'outre-mer de bénéficier de crédits d'Etat dans le cadre des contrats de plan Etat-région, en augmentation de plus de 46 %, soit 5,6 milliards.
A ces crédits communautaires et d'Etat, s'ajouteront ceux des collectivités locales de l'ordre de 9 milliards de francs. Au total, pour les sept ans à venir, l'économie des départements d'outre-mer bénéficiera donc de 37 milliards de francs qui se comparent aux 19,7 milliards de francs de la période précédente.
Considérable, cet effort est nécessaire pour fonder les bases d'un développement durable où le niveau de la commande publique restera, dans les années à venir, une variable clé.
L'intégration économique des départements d'outre-mer à la métropole et à l'Union européenne est évidemment un formidable atout et j'observe qu'aujourd'hui cette réalité n'est plus contestée par personne. Encore faut-il cependant permettre aux entreprises des départements d'outre-mer, tout en respectant les principes communautaires et notamment celui de la libre concurrence, de lutter à armes égales non seulement sur leur propre marché mais aussi sur les marchés extérieurs.
Je voudrais tout de suite aborder un volet qui ne figure pas dans le projet de loi, mais qui vous préoccupe légitimement. C'est le soutien aux investissements économiques dans les départements d'Outre-mer. Le dispositif de défiscalisation actuel, avec les modifications successives qui sont intervenues, approche de sa fin qui est prévue en 2002. Il a suscité des excès et des effets pervers certes, mais il a aussi favorisé l'investissement productif outre-mer, ce qui est positif.
Le gouvernement estime qu'un nouveau dispositif de soutien à l'investissement est indispensable, car c'est un pilier du développement économique outre-mer. Il faut regarder l'ensemble des conditions de financement des investissements et des entreprises, et favoriser l'investissement sur place des capitaux disponibles outre-mer tout autant que des capitaux extérieurs.
Le Premier Ministre s'est engagé à ce que ce nouveau dispositif soit défini d'ici la fin de cette année, et un groupe de travail a été créé à cet effet, qui rassemble des représentants des ministères, des forces économiques des quatre départements et de la FEDOM.
Je renouvelle ici, pour qu'il n'y ait pas d'ambiguïté, ni de faux-débat, cet engagement : le nouveau dispositif sera mis en place d'ici la fin de l'année, soit par voie d'amendement à la présente loi, soit dans la loi de finances pour 2001, selon la date où il sera prêt.
C'est un élément essentiel que je tenais à vous indiquer dès à présent.
Le deuxième aspect de la compétitivité des entreprises concerne leurs coûts d'exploitation, et particulièrement le coût du travail.
Un dispositif d'exonérations de cotisations de sécurité sociale en faveur des secteurs dits "exposés", avait été introduit par la loi du 25 juillet 1994 proposée par M. PERBEN.
L'article 2 du projet de loi dépasse et englobe l'ancien dispositif pour en faire un dispositif structurel de développement économique et de l'emploi, sous réserve des observations qui pourront être faites par les instances communautaires à qui elles ont été notifiées. Je peux vous dire que, pour l'essentiel, les propositions gouvernementales recueillent un avis favorable de Bruxelles.
Le projet du gouvernement vise à tenir compte de l'expérience acquise et de ses résultats. Ainsi, le projet vise à répondre à quatre types de limites, majeures, du dispositif actuel :
- La durée du dispositif, qui était limitée à cinq ans, ne permettait pas aux entreprises de faire des projets de développement à moyen terme.
- La condition d'être à jour de ses cotisations, ou d'avoir signé un plan d'apurement, a éliminé un tiers des entreprises représentant 20% des salariés normalement concernées.
- L'énoncé trop restrictif, des secteurs exonérés, par exemple dans le domaine du tourisme où seule l'hôtellerie-restauration était concernée.
- Le niveau de l'exonération, limité au SMIC, était trop faible, en particulier pour tous les secteurs qui ont besoin de main d'oeuvre qualifiée.
Les résultats obtenus restent modestes ; les exonérations ont généré une partie des créations d'emplois dans les secteurs concernés, au nombre de 3.000 par an environ. Nous devons faire beaucoup mieux.
Le Gouvernement a repensé le nouveau dispositif de façon beaucoup plus large, pour un coût annuel de l'ordre de 3,5 milliards de francs, soit quatre fois le coût du dispositif actuel, je dis bien quatre fois, pour que l'on mesure bien l'ampleur de l'effort, notamment lorsqu'il y a débat sur tel ou tel point particulier.
- Ce nouveau dispositif sera permanent, sans limitation dans le temps, afin que les entreprises puissent faire des projets durables de développement.
Cela ne dispensera pas pour autant d'effectuer des évaluations périodiques, notamment sur les créations d'emplois, évaluations qui seront d'ailleurs nécessaires vis-à-vis des autorités européennes.
- La condition d'être à jour de ses cotisations est supprimée, car elle condamnait des entreprises au motif qu'elles avaient des difficultés. Notre ambition est de donner à toutes les entreprises les conditions favorables pour leur développement.
Ainsi, le tiers des entreprises qui étaient éliminées jusqu'ici seront réintégrées.
- Le champ d'application des secteurs dits exposés a été revu et élargi ; ainsi ce sont l'ensemble des secteurs du tourisme, et par exemple les locations de voitures, qui rentreront dans le champ, et non plus seulement l'hôtellerie et la restauration.
De même, à la demande des milieux économiques et des élus, il est proposé d'intégrer également le secteur du BTP, avec une exonération partielle. C'est un secteur économique essentiel, qui dépend largement de la commande publique, qui va ainsi bénéficier d'exonérations.
J'ajoute que le gouvernement, pour favoriser les technologies d'avenir dans les DOM, déposera un amendement pour faire bénéficier les secteurs des NTIC (Nouvelles technologies de l'information et de la communication) des exonérations.
Suivant les recommandations du rapport Fragonard, afin d'abaisser le coût du travail dans les entreprises potentiellement créatrices d'emplois et pour lutter contre le travail dissimulé, le projet vous propose aussi d'étendre les exonérations à toutes les petites entreprises de moins de 11 salariés, quels que soient les secteurs d'activité.
Le gouvernement propose également de très importants allégements des cotisations et une grande simplification, pour les employeurs et travailleurs indépendants.
C'est une réponse adaptée à la réalité du tissu socio-économique des DOM où 95% des entreprises ont moins de 11 salariés, avec un effectif moyen d'à peine deux salariés, ce qui relativise les débats sur le délicat effet de seuil. Si chacune de ces entreprises créait, ou régularisait un emploi, cela représenterait de l'ordre de 80.000 emplois. Voilà l'enjeu.
Au total, ce sont environ 115.000 salariés qui seront concernés, contre 44.000 aujourd'hui, par les exonérations, et l'ensemble des employeurs et travailleurs indépendants, soit de l'ordre de 55.000 bénéficieront d'allégements substantiels de leurs charges.
J'ajoute également le relèvement de 20 à 40 hectares pondérés de la limite pour les exonérations des exploitants agricoles. Le relèvement du seuil permettra à une nombre supplémentaires d'exploitants de bénéficier de ces mesures incitatives.
A travers ces exonérations, la dimension "emploi" est fondamentale. C'est ma priorité et celle du gouvernement. C'est la raison pour laquelle, Mesdames et Messieurs les Députés, si le gouvernement n'a pas voulu mettre de conditions bureaucratiques de contrôle en face des exonérations, il a jugé nécessaire, de prévoir une incitation supplémentaire qui sera fixée par décret à 9.000 F par an et par salarié, pour toutes les entreprises qui auront conclu un accord de réduction du temps de travail selon les dispositions de la loi du 19 janvier 2000.
La quatrième limite qui est levée par le projet de loi, c'est le niveau de l'exonération, qui est fixé à 1,3 SMIC au lieu de un SMIC actuellement. Ce relèvement permettra un abaissement plus important du coût du travail, qui renforcera la compétitivité des entreprises et leur permettra d'embaucher du personnel qualifié.
Le financement de ces mesures repose sur la solidarité nationale, ce qui tranche par rapport à la loi de 1994. Le gouvernement n'a pas voulu rentrer dans la logique de faire payer par les consommateurs des DOM, avec une sorte de "TVA sociale". Au contraire, le gouvernement a réduit, le 1er avril dernier, le taux de TVA d'un point dans les DOM comme en métropole.
Au-delà du dispositif d'exonérations de cotisations de sécurité sociale, le gouvernement veut également favoriser la création d'emplois et le développement des entreprises qui diversifient leurs débouchés commerciaux, en particulier dans leur environnement régional. Le précédent dispositif, réglementaire, était tellement restrictif qu'il n'a concerné qu'une dizaine d'entreprises, même si certains de ces projets sont très positifs comme à Saint-Pierre-et-Miquelon.
Le gouvernement s'appuyant sur le rapport Thiel, veut aller beaucoup plus loin, en donnant valeur législative à un dispositif d'aide à la création d'emplois pour ces entreprises, dispositif qui a été notifié à Bruxelles.
Le niveau des primes sera fortement revalorisé, et le seuil d'entrée dans le dispositif sera abaissé de 70% à 20%.
Mesdames et Messieurs les Députés, ces dispositions nouvelles sont fortes. Encore faut-il apurer le passé pour permettre à toutes les entreprises d'aller de l'avant, alors que, trop souvent, leur endettement fiscal et social les empêche d'investir, d'accéder aux crédits bancaires ou encore aux marchés publics.
Les articles 5 et 6 tirent les conséquences de cette situation en prévoyant, pour toutes les entreprises de bonne foi, et ce, dès l'entrée en vigueur de la loi d'orientation, la possibilité de demander et d'obtenir de plein droit un moratoire de six mois sur le paiement de leurs dettes antérieures au 1er janvier 2000, période au cours de laquelle un plan d'apurement pourra être signé avec les administrations compétentes, les procédures de recouvrement étant suspendues. Nous en préciserons les modalités lors de l'examen des articles du projet de loi.
Mesdames et Messieurs les Députés, cet effort sans précédent est destiné à lutter contre le chômage. Certes, dans les derniers mois, une stabilisation et parfois un léger recul ont pu être enregistrés au niveau des demandeurs d'emploi. Cette situation n'en demeure pas moins inacceptable. Alors que le taux de chômage en métropole est sur le point de repasser en dessous de la barre des 10 %, les départements d'outre-mer continuent de connaître des taux de chômage de 26 % en Guyane, de l'ordre de 30 % aux Antilles et même de 37 % à la Réunion.
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La principale cause du chômage dans les départements d'outre-mer réside dans leur structure démographique, notamment à la Réunion, où le taux de chômage des jeunes de moins de 25 ans est de plus de 61 %. 35 % des habitants des départements d'outre-mer ont moins de 20 ans, ce chiffre est de dix points supérieur à la métropole.
Cette situation justifiait une application forte du dispositif des emplois-jeunes institué par la loi du 16 octobre 1997. Au 31 décembre 1999, 11 000 emplois-jeunes ont aussi été créés dans les départements d'outre-mer, dont plus de la moitié dans le seul département de la Réunion.
Mais l'ampleur du défi de l'emploi des jeunes appelle des mesures supplémentaires.
Tel est l'objet de l'article 9 du projet qui fonde le deuxième axe essentiel de ce texte : offrir à chaque jeune des départements d'outre-mer une chance réelle de s'insérer durablement sur le marché du travail
Cet article institue dans les départements d'outre-mer le projet initiative-jeunes qui prendra la forme d'une aide financière de l'Etat. Son montant sera fixé par décret et pourra atteindre près de 50 000 francs par projet, accordée à tous les jeunes âgés de 18 à 30 ans. Ils devront soit, créer ou reprendre une entreprise dans leur département, soit poursuivre à l'extérieur de celui-ci une formation professionnelle proposée par l'agence nationale pour l'insertion et la promotion des travailleurs d'outre-mer (ANT).
Ce projet initiative-jeunes devrait concerner près de 10 000 jeunes par an.
En prenant en compte les propositions du rapporteur de votre commission des affaires sociales et culturelles, M. Michel Tamaya et du rapporteur de votre commission de la production et des échanges, M. Daniel Marsin, le Gouvernement souhaite favoriser un mécanisme de solidarité entre les générations permettant, par le départ en préretraite des salariés les plus âgés, une embauche de jeunes.
Très largement inspirée des propositions qui ont été faites à la Réunion, cette disposition sera ouverte à tous les salariés du secteur privé âgés de 55 ans et justifiant d'au moins cinq ans d'ancienneté dans l'entreprise et d'au moins dix années de cotisations retraite.
Cette disposition représentera une charge financière importante pour le budget de l'Etat. En 1994, ce constat avait conduit le Gouvernement à refuser cette mesure. Elle n'est donc envisageable que si, comme cela a été proposé à la Réunion, les partenaires locaux, conseils régionaux et généraux ainsi que les employeurs, apportent eux aussi leur contribution financière.
Mais surtout, elle n'est envisageable que si elle implique de façon rapide et effective des embauches de jeunes, sans que celles-ci traduisent de simples effets d'aubaine. Seules pourront donc en bénéficier les entreprises qui, non seulement s'engageront à maintenir leurs effectifs après embauche de jeunes, mais surtout qui seront effectivement passées aux 35 heures.
Voilà les grandes lignes de l'amendement que je déposerai au nom du Premier ministre qui a voulu que soit pris en compte, par un dispositif original, la situation démographique de l'outre-mer. Il faut répondre à l'attente des jeunes de mieux en mieux formés et leur offrir la perspective d'un travail pour mieux s'insérer dans la société.
Le troisième volet du projet de loi d'orientation vise à renforcer la lutte contre les exclusions.
On connaît le chiffre élevé d'attributaires du RMI : 126 000 foyers, soit 16 % de la population contre 3,3 % en métropole.
Toutefois la comparaison demande à être nuancée.
L'un des nombreux mérites du rapport rédigé à ma demande par M. Bertrand Fragonard, ancien délégué interministériel au RMI, aura ainsi été de démontrer le rôle de substitut aux allocations de chômage que joue dans les départements d'outre-mer le revenu minimum d'insertion faute de bénéficier du système de droit commun d'indemnisation du chômage.
Il ne faut pas nier non plus l'importance du travail dissimulé, le RMI servant de couverture sociale. Il faut tout à la fois permettre le retour à l'activité des attributaires du RMI, encourager le travail déclaré et lutter plus efficacement contre les fraudes.
L'allocation de retour à l'activité a pour objet de favoriser la réinsertion professionnelle de bénéficiaires de minima sociaux. Ceux-ci pourront cumuler pendant deux ans le bénéfice de cette allocation avec une activité rémunérée en entreprise ou chez un particulier.
Le titre de travail simplifié (TTS) se substituera au chèque emploi-services. Son objet est de simplifier fortement les formalités d'embauche et de déclaration afin d'enrayer le développement des activités informelles.
Favorisant le retour à l'activité, ces dispositions ne produiront cependant leur plein effet que si elles s'accompagnent de mesures permettant d'améliorer le contrôle du RMI et de clarifier le rôle des organismes chargés de la politique d'insertion.
Il s'agit de prendre en compte pleinement l'existence des agences d'insertion. La loi de lutte contre les exclusions les a transformées en établissement public local et l'article 12 en tire toutes les conséquences organisationnelles. Il est essentiel que tous ceux qui ont droit au RMI y accèdent, mais uniquement ceux qui y ont droit. Il est essentiel que l'insertion et, en particulier, le retour à l'activité, fonctionnent efficacement. L'agence d'insertion a un rôle central à jouer, en partenariat avec les communes qui seront membres actifs des plans locaux d'insertion, pour mieux répondre aux besoins des allocataires.
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Le quatrième volet du projet de loi porte sur la réalisation de l'égalité sociale.
Cette revendication s'est exprimée avec force à la Réunion, autour de la question de l'alignement du revenu minimum d'insertion. Elle existe aussi dans les autres départements d'outre-mer même si l'accent y est davantage mis sur la nécessité d'une certaine progressivité.
Le Gouvernement juge légitime la revendication de l'égalité sociale et se refuse à baptiser " assistanat " ce qui en métropole est dénommé " solidarité ". IL entend aussi que les mesures de retour à l'emploi, d'insertion et de contrôle prennent leur plein effet. C'est pourquoi il avait initialement proposé de réaliser l'égalité du RMI en cinq ans et celle de l'API en sept ans. Votre commission des lois a envisagé que l'alignement proposé se fasse dès promulgation de la loi d'orientation, ce qui pourrait contrarier la mise en oeuvre des mesures en faveur de l'emploi et de l'insertion.
Le Gouvernement, soucieux de supprimer les discriminations existantes dans un délai plus rapproché, a choisi de se ranger à la proposition de M. Daniel Marsin, rapporteur pour avis du projet de loi, tendant à ramener à trois ans le calendrier d'alignement du revenu minimum d'insertion.
Je déposerai donc un amendement dans ce sens. Cet alignement se fera en maintenant les crédits au bénéfice du logement social qui étaient inclus dans la créance de proratisation. Le Gouvernement est conscient de la nécessité de poursuivre l'effort en faveur du logement social compte tenu des retards existants.
Au-delà d'un financement budgétaire qui sera aussi maintenu, le Gouvernement a prévu de moderniser la politique du logement dans les départements d'outre-mer. Tel est l'objet du titre III du projet de loi.
Ainsi est-il prévu qu'un Fonds régional d'aménagement foncier et urbain, un FRAFU, soit créé dans chaque DOM. Il permettra d'accélérer les travaux nécessaires à la réalisation de gros équipements d'adduction d'eau, d'épuration et d'assainissement et à la production de terrains viabilisés, en particulier au bénéfice du logement social.
Par ailleurs, les barèmes de l'allocation logement applicables au secteur locatif seront unifiés d'ici le 1er juillet 2001. Cette mesure renforcera la solvabilité des locataires et facilitera les opérations de réhabilitation des immeubles de logements locatifs sociaux.
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Affirmer les identités des départements d'outre-mer, leur donner toute leur place dans notre pays et leur permettre de s'inscrire dans leur environnement régional, tel est l'objet du cinquième axe et des titres IV et V du projet de loi.
Pour la première fois, un projet de loi affirme que les langues en usage dans les départements d'outre-mer appartiennent au patrimoine linguistique de la Nation. A ce titre, elles bénéficieront d'un soutien accru.
Mais valoriser les cultures des départements d'outre-mer, dont chacun connaît la vitalité et la contribution au rayonnement de notre pays, suppose également d'accroître les moyens de leur développement. A ce titre, trois mesures essentielles vous sont proposées :
- la réduction progressive des écarts de prix des biens culturels entre la métropole et les départements d'outre-mer, avec, en particulier, un alignement du prix du livre au 1er janvier 2002 ;
- le développement d'un dispositif de soutien à la production cinématographique dans les départements d'outre-mer ;
- la création d'un fonds de promotion des échanges éducatifs, culturels et sportifs.
L'identité des départements d'outre-mer découle aussi de leur appartenance à un environnement régional comprenant dans la quasi totalité des cas des Etats indépendants avec lesquels ils partagent une histoire et une culture communes. Favoriser leur insertion dans cet environnement régional n'est en aucun cas une remise en cause de leur appartenance à la République mais participera au contraire à son rayonnement.
Le projet de loi prévoit une plus grande association des exécutifs locaux à l'action internationale de la France dans leur environnement régional. Dans les domaines de compétence de l'Etat, ces exécutifs pourront recevoir un pouvoir de négocier et signer les accords au nom de la France. Ils pourront adresser au Gouvernement des propositions tendant à ce que la France conclue des accords internationaux avec les Etats de leur environnement.
Le véritable enjeu de la coopération régionale pour les départements d'outre-mer réside dans leur demande ancienne non seulement d'être associés à l'action internationale de l'Etat dans leur zone géographique, mais surtout de pouvoir coopérer directement et le plus librement possible avec les Etats de cette zone. Cette revendication s'est heurtée jusqu'ici à une fin de non recevoir.
Limiter les relations internationales des départements d'outre-mer dans leur environnement régional au seul champ de la coopération décentralisée, c'est-à-dire entre collectivités de même nature, comme le prévoit le droit commun, se révèle inadapté. C'est avec Sainte-Lucie ou Maurice qu'il s'agit de coopérer, pour la Martinique ou la Réunion et non avec leurs collectivités locales.
Désormais, les conseils généraux et régionaux des départements d'outre-mer pourront demander que leurs présidents puissent, dans leurs domaines de compétence, négocier des accords internationaux avec les Etats de leur environnement régional.
De même, la Guadeloupe, la Martinique, la Guyane et la Réunion pourront demander à participer aux organisations régionales existantes en tant que membres associés ou observateurs, dès lors que les statuts de ces organisations le permettront.
Tirant les conséquences de sa volonté d'accroître le rôle et la capacité d'action des départements d'outre-mer dans le domaine international, le Gouvernement propose également de renforcer les moyens de cette coopération, en créant des fonds qui seront cogérés par l'Etat et les assemblées locales. Ils permettront de financer les projets de coopération les plus innovants. Ces fonds viendront se substituer à l'actuel FIC aux Antilles-Guyane et pallieront une absence s'agissant de la Réunion.
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Le Premier ministre avait demandé à MM. Lise et Tamaya d'explorer les pistes d'avenir pour la décentralisation outre-mer. S'inspirant de leurs propositions, le projet de loi propose aujourd'hui, dans son sixième axe, de confier de nouvelles responsabilités aux départements d'outre-mer.
En premier lieu, les assemblées locales pourront s'exprimer de manière plus systématique sur les textes qui les concernent, tant pour les actes nationaux - projets de lois, d'ordonnances ou de décrets - que pour les projets communautaires. Les modes de consultation seront également harmonisés entre les différentes assemblées.
En second lieu, la spécificité des départements d'outre-mer rend légitime le souhait des collectivités locales de se voir reconnaître une responsabilité directe dans les décisions à prendre. Le Gouvernement a donc voulu que de nouvelles compétences leur soient transférées.
Il en est d'abord ainsi des routes nationales. Constatant que depuis déjà plus de quinze ans, le financement et la maîtrise d'ouvrage sont assurés par les régions, certaines d'entre elles ont souhaité qu'un pas supplémentaire soit franchi. Ce projet de loi donne donc la possibilité aux régions qui le souhaitent, que l'ensemble de la voirie classée " route nationale " soit transféré dans leur patrimoine.
La pêche est une ressource économique essentielle, pour laquelle le Gouvernement a également souhaité confier aux régions les compétences qu'il détient, sous réserve du droit communautaire et, bien sûr, des engagements internationaux de la France.
De même, certains départements peuvent fonder des espoirs sur l'exploitation des ressources minières du sous-sol de la mer. Ce projet de loi confie aux régions la compétence en matière d'exploration et d'exploitation des ressources non biologiques du fond de la mer et de son sous-sol. Cette compétence s'exercera en particulier lors de l'octroi des permis exclusifs et des concessions minières. Là encore, les services de l'Etat seront mis à disposition des régions pour l'exercice de cette compétence.
Les départements d'outre-mer se caractérisent par la très grande diversité des énergies renouvelables pouvant y être valorisées. Dans ce domaine, ils présentent sans doute la plus grande concentration de l'ensemble de la République, puisque la plupart d'entre eux rassemblent des possibilités en énergie géothermique, éolienne, solaire ou obtenue par valorisation de la biomasse, sans parler de l'énergie hydraulique. Il est donc légitime que les régions interviennent directement dans l'exploitation de ces ressources, en ayant la responsabilité d'élaborer et de mettre en oeuvre des programmes de prospection et de valorisation des ressources locales.
La mise en oeuvre d'une véritable politique de l'eau est un enjeu majeur outre-mer, tant les conflits d'intérêt sur son usage sont potentiellement grands sur des territoires de petites tailles mais à forte densité de population. Le projet de loi prévoit donc, à l'instar des agences financières de bassin existants en métropole, la création, dans chacun des quatre départements d'outre-mer, d'un office de l'eau.
Le Gouvernement a souhaité répondre favorablement au souhait partout exprimé par les élus locaux d'une plus forte association des collectivités à l'élaboration de la politique du logement social. C'est pourquoi, les conseils généraux seront consultés sur les orientations générales de la programmation des aides au logement social, et les Conseils départementaux de l'habitat seront coprésidés par le préfet et le Président du conseil général.
Enfin, en Guadeloupe, la position particulière des communes de Saint-Martin et Saint-Barthélémy, tant du point de vue de l'histoire que de la situation géographique, justifie qu'elles puissent bénéficier de responsabilités plus directes dans la gestion de leurs collectivités.
La situation financière de nombreuses collectivités d'outre-mer reste préoccupante. Les départements, en particulier, doivent faire face à une croissance importante de leur dépenses sociales. Ils devront également absorber l'impact financier de l'alignement plus rapide du RMI. Il était donc essentiel que ce projet de loi prévoit des dispositions pour améliorer cette situation.
En faveur des communes, tout d'abord, le projet prévoit une majoration à hauteur de 40 millions de francs par an de la dotation globale de fonctionnement.
S'agissant des départements, ils pourront désormais fixer les taux des droits de consommation sur les tabacs et ils percevront, ou continueront de percevoir dans le cas de la Guyane et de la Réunion, le produit de ce droit.
Mesdames et Messieurs les Députés, conforter la décentralisation suppose également que nous soyions attentifs aux réflexions et aux projets qui visent à adapter les structures administratives aux démarches d'aménagement du territoire et à la nécessité de rapprocher la décision du citoyen.
Ces réflexions ont conduit un grand nombre d'élus de la Réunion à souhaiter qu'un second département soit créé dans leur île, avant la fin de la législature, afin de prendre en compte les retards en matière de développement et d'équipement de sa partie Sud. Le Président de la République s'est prononcé à deux reprises en faveur d'une telle réforme. Le Gouvernement a également fait savoir qu'il y était favorable.
Il a cependant constaté que les modalités qu'il avait proposées, sur la base d'une concertation approfondie, avaient donné lieu à un avis défavorable tant du Conseil général que du Conseil régional. Mais, dans le même temps, 13 maires sur 24 et 7 parlementaires sur les 8 que compte la Réunion ont réaffirmé leur choix en faveur de cette bidépartementalisation. Les discussions qui se sont poursuivies avec les élus de la Réunion ont conduit le Gouvernement à valider le compromis qui a émergé localement sur les limites territoriales des deux futurs départements. Ce nouveau redécoupage figure donc à l'article 38 du projet de loi.
Le Gouvernement reste favorable à la mise en oeuvre de la bidépartementalisation à la Réunion. Il sera donc attentif aux propositions qui lui seront faites par les Parlementaires de la Réunion quant à la date et aux modalités qui pourront être retenues pour rendre effective cette réforme.
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Dans les trois autres départements d'outre-mer, les débats sur l'évolution institutionnelle sont engagés depuis longtemps. J'en viens ainsi au septième axe de ce projet.
Faut-il envisager dès à présent une révision de l'article 73 de la Constitution ? Certains l'ont proposé. Cet article, on le sait, a fait l'objet, en 1982, d'une interprétation restrictive du Conseil constitutionnel, saisi à l'initiative d'une opposition qui n'est guère différente de celle d'aujourd'hui.
Les institutions ont leurs contraintes. A l'occasion de son déplacement en Guyane, le 23 novembre 1997, le Président de la République avait déclaré : " Il faut exploiter davantage toute la souplesse qu'offre la Constitution et notamment son article 73, qui a prévu la possibilité d'adapter aux réalités des départements d'outre-mer, grâce à des mesures particulières, le régime législatif et l'organisation administrative. Cela est possible ; ". Le fait que le chef de l'Etat, à qui appartient sur proposition du Premier ministre, concurremment aux membres du Parlement, l'initiative en ce domaine, ait paru alors ne pas retenir l'hypothèse d'une révision de la Constitution a conduit à rechercher d'autres voies.
L'article 73 de la Constitution regroupe dans une même catégorie juridique des entités géographiques, humaines, culturelles, qui, pour partager une histoire souvent proche, connaissent des réalités et nourrissent des aspirations qui sont bel et bien différentes.
C'est pourquoi, avant même d'envisager une éventuelle évolution institutionnelle des départements d'outre-mer, le Premier ministre a rappelé qu'il était nécessaire de rompre avec un traitement uniforme qui aboutit désormais à nier outre-mer identités et aspirations.
La démarche qui vous est proposée se veut respectueuse de ces différences. Ainsi, le Gouvernement entend prendre en compte le choix unanime des forces politiques et des élus de la Réunion qui ont souhaité que ne soit pas modifié, pour leur île, le cadre juridique actuel de la départementalisation adaptée défini par l'article 73 de la Constitution.
Plus encore, Mesdames et Messieurs les Députés, si le débat institutionnel a montré des aspirations différentes dans les départements français d'Amérique, il a aussi fait apparaître des différences sensibles entre les points de vue.
Ces trois départements français d'Amérique, tout en exerçant les attributions que leur ont conférées les lois de décentralisation, les deux assemblées locales, le conseil régional et le conseil général, considèrent avoir la légitimité et donc le droit de débattre des questions statutaires.
Je partage ce point de vue. Il faut aussi que la population soit associée aux évolutions statutaires.
Dans les trois départements français d'Amérique, un consensus s'est fait jour sur ces deux principes : permettre aux assemblées locales de se saisir de la question statutaire et donc d'avoir la capacité de proposer des réformes allant au-delà de la simple adaptation des lois et des règlements ; permettre aux populations intéressées de pouvoir se prononcer sur les orientations qui seraient retenues par le Gouvernement sur la base des propositions qui auront émergé localement.
Si les assemblées locales souhaitent débattre de la question institutionnelle, il est préférable qu'elles commencent par le faire ensemble et non séparément. D'où la proposition du congrès. Je vois trois raisons à sa création.
- La première, c'est qu'on ne peut exclure que parmi les propositions qui émergeront au plan local, figure l'instauration d'une assemblée unique. D'ores et déjà, des positions ont été prises ou réaffirmées en ce sens. Le Gouvernement, quinze ans après la mise en oeuvre de l'institution régionale, n'entend pas trancher entre deux légitimités du suffrage universel. L'orientation vers une assemblée unique aurait toutefois une tout autre résonance si elle avait pour fondement la volonté conjointe des deux institutions actuelles.
- La seconde raison réside dans le fait que les populations locales ne peuvent être consultées sur un projet d'évolution statutaire sans qu'elles aient été éclairées par un débat local approfondi. C'est pour moi un des éléments essentiels de l'exigence de clarté et de loyauté qui s'attache, vous le savez, à toute consultation des populations intéressées.
- Enfin, Mesdames et Messieurs les Députés, surtout lorsqu'elle implique une révision constitutionnelle, outre-mer, l'évolution statutaire n'est concevable que si elle a pour fondement un projet qui rassemble localement le plus grand nombre, transcendant largement les clivages politiques traditionnels.
Cette approche sera d'autant mieux comprise dans les départements français d'Amérique que partout ils ont d'ores et déjà commencé de la mettre en oeuvre. Ce fut le cas en février 1999 en Guyane ; en Martinique, les deux exécutifs locaux, par un échange de lettres rendues publiques, sont tombés d'accord pour une réunion conjointe de leurs assemblées afin de débattre ensemble de la question statutaire ; en Guadeloupe, la présidente du conseil régional a proposé à son homologue du conseil général la constitution d'une commission mixte. Ceci aussi méritait d'être rappelé.
Le choix du Gouvernement est donc clair. Rompre avec une vision uniforme de l'outre-mer ; permettre, dans l'avenir, une évolution statutaire dans chaque département d'outre-mer où cette évolution rencontrerait une aspiration claire et forte de la société ; créer pour ce faire, un cadre permettant que se déroule localement, si tel est le souhait des élus, un débat démocratique et transparent ; permettre enfin aux populations de choisir.
Mesdames et Messieurs les Députés, je crois qu'il n'y a plus sur la question institutionnelle d'opposition, au plan national, entre la gauche et la droite. Les récentes déclarations du Président de la République, le 11 mars dernier en Martinique, en attestent.
S'inscrivant dans la démarche du Gouvernement rappelée par le Premier ministre lors de son déplacement aux Antilles, au mois d'octobre 1999, le chef de l'Etat a en effet déclaré que l'évolution des règles statutaires était " dans la nature des choses " et que " toutes les propositions, dès lors qu'elles ne mettent pas en cause notre République et ses valeurs fondamentales sont recevables et légitimes ". Mais il a aussi affirmé une double conviction :
- S'agissant de la politique de l'outre-mer, il a indiqué qu'elle ne pouvait plus " être appliquée de façon uniforme ".
- S'agissant de la nécessité de vérifier l'aspiration des populations, il a souligné qu'il était effectivement nécessaire que " toute modification statutaire substantielle soit explicitement approuvée par les populations concernées ". Il rejoignait, là encore, le choix du Gouvernement de recueillir, préalablement à tout processus juridique d'évolution, l'assentiment de ces populations.
Mesdames et Messieurs les Députés, le débat que nous aurons sur ce titre VII du projet de loi qui vous est soumis, n'est pas que juridique, même si évidemment, le Gouvernement fort des avis éclairés qu'il a pu obtenir, s'est attaché à ce que les dispositions qu'il propose soient compatibles avec nos règles constitutionnelles.
Je souhaite recueillir sur ce point un large assentiment de l'Assemblée nationale qui montrera à nos compatriotes des départements d'outre-mer, qu'ensemble, nous voulons qu'il leur appartienne, à eux et à personne d'autre, de tracer leur avenir et que cet avenir ne sera pas, ne sera plus, ni dicté d'en haut, ni l'otage de nos querelles partisanes dans l'hexagone.
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Le projet de loi comprend enfin des dispositions particulières à Saint-Pierre-et-Miquelon, huitième et dernier axe (titre VIII).
Le projet de loi modifie la loi du 11 juin 1985 relative à Saint-Pierre-et-Miquelon afin de permettre la représentation au sein du conseil général des différentes composantes politiques et de confier aux deux communes des compétences de droit commun, en matière d'urbanisme et de fiscalité locale.
En outre, je vous précise que des amendements du Gouvernement permettront de renforcer le système de protection sociale applicable à Saint-Pierre et Miquelon.
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Mesdames et Messieurs les Députés, le projet de loi d'orientation pour l'outre-mer, par l'ampleur des financements qu'il entend mobiliser après ceux, considérables, qui ont été inscrits dans les contrats de plan Etat-région et dans les documents uniques de programmation, par les responsabilités accrues qui seront confiées aux élus, par les possibilités qu'il offre à chaque département d'outre-mer de s'inscrire pleinement dans la République, dans le respect de son identité et de ses aspirations, marquera une étape historique dont chacun ici doit avoir pleinement conscience. Cette étape est celle de la responsabilité, du développement et de l'identité. Ces défis, je ne doute pas que les départements d'outre-mer sauront les relever.
(Source http://www.outre-mer.gouv.fr, le 11 mai 2000)