Déclaration de M. Jean-Pierre Raffarin, Premier ministre, sur la décentralisation, le rôle de la commune, le principe de subsidiarité, la péréquation et les impôts locaux, et sur l'aménagement du territoireParis le 18 novembre 2003.

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Circonstance : Ouverture du 85ème Congrès des Maires à Paris le 18 novembre 2003

Texte intégral

Mesdames, Messieurs les Maires,
Monsieur le Président du Sénat,
Monsieur le Maire de Paris,
Monsieur le Président de l'AMF,
Mesdames et Messieurs les Ministres,
Chers Amis,
Vous avez demandé le respect. Je voudrais vous dire que, moi, qui ai fait tout mon parcours comme élu local, c'est d'abord le respect que je vais exprimer, notamment en pensant à ces maires de la première ligne que sont, par exemple, le maire de Gagny ou le maire de Saint-Nazaire, qui affrontent des difficultés vraiment en première ligne. Nous avons tous, je crois, une pensée pour eux, parce que c'est la lourde charge de responsabilité ; on sait que toutes les catastrophes sont aujourd'hui profondément ressenties dans les territoires, et le maire est souvent le premier interlocuteur des personnes désespérées. Donc, c'est aussi avec émotion que je salue les maires de France pour leur dire que la perspective que souhaite Daniel HOEFFEL, nous ne la traçons pas avec une réforme, avec une action, avec un vote, mais avec une perspective qui est l'organisation décentralisée de la République.
Ce que nous avons inscrit dans la Constitution ne se fera pas, en effet, en quelques semaines. Je sais que, les uns et les autres, vous avez des aspirations profondes, nous allons en parler, mais le chemin qui est le nôtre est de faire en sorte que notre République vive de ses communes, vive de ses territoires et, donc, que nous puissions penser, non pas comme ce fut le cas dans la Constitution de la France, à la République centralisée, mais toujours la République, toujours l'Etat, mais dans le cadre d'une organisation décentralisée de la République. Voilà le chemin qu'il faut emprunter.
Evidemment, c'est difficile. Je sais bien que moi aussi j'ai été dans la salle, de l'autre côté, souvent, et j'ai souvent pris la parole pour demander, comme font les uns et les autres, que l'Etat respecte les territoires. J'en suis convaincu, mais ici, André LAIGNIEL et les autres ont déjà été ministres dans le passé et ils savent que ce n'est pas si simple, sinon ce serait fait. Et si nous devons le faire, c'est parce qu'il faut naturellement mener ce chemin étape après étape avec, comme vient de le dire Daniel HOEFFEL, les idées claires.
Premier élément très important, la démocratie locale et le rôle de la commune. Oui, Cher Daniel, nous confirmons le rôle essentiel de la commune, et le rôle et la mission de la solidarité intercommunale. Je tiens à vous le dire avec force. Je suis vraiment convaincu que le temps le plus fort de la vie républicaine, c'est quand on discute autour de la table du conseil municipal. C'est le lieu que tous les Français comprennent. C'est la seule politique qui est accessible à tous. C'est là où l'on est au contact de ses élus, on comprend l'exercice même du fait républicain. Et pour cela, la commune doit être protégée et la commune doit pouvoir rester cette cellule de base de notre République. C'est pour cela que je suis, comme vous tous, d'accord pour la solidarité intercommunale. D'accord pour que, avec l'intercommunalité, on bâtisse ensemble des projets et des perspectives, qu'on mette des moyens ; mais qu'on ne perde pas l'identité communale parce que c'est dans l'Etat communal que le citoyen se retrouve. C'est en allant s'adresser à son maire, à ses conseillers municipaux, que le citoyen comprend véritablement ce qui se passe, et je ne vois pas où serait le grand progrès si, demain, on supprimait les communes pour créer des grandes structures et, à la place des communes, mettre des conseils de quartier où on ne trouverait pas forcément cette même vitalité communale qui est la vitalité de base de la République.
La commune c'est la cellule de base de l'intercommunalité, c'est l'espace de solidarité dans notre République. Et dans toutes les missions que nous avons les uns et les autres, une mission est particulièrement importante en ces périodes qui sont quelquefois troublées : ensemble nous devons faire vivre la République au-dessus de tous les communautarismes, au-dessus de tous les cloisonnements, de tous les ghettos qui sont ceux de la cité. C'est pour cela que cette mission républicaine des maires prend tous les jours plus d'importance quand nous voyons les tentations communautaires de la société européenne. Et je tiens à vous dire que, agents de la République, vous êtes partenaires de l'Etat, partenaires de la République pour qu'ensemble nous puissions faire respecter les valeurs de la République. Certains, dans vos communes, avez vécu récemment des actes inacceptables d'antisémitisme ou de racisme. Ce sont les valeurs de la République qui sont mises en cause.
Nous allons prochainement, le 9 décembre prochain, tenir le premier comité interministériel contre le racisme et l'antisémitisme et nous ferons en sorte que l'on puisse associer la commune pour donner aux élus la possibilité aussi d'agir pour que la République, ses valeurs soient vécues sur le terrain, non comme des incantations qui viennent du haut de la société mais au contraire, comme des valeurs qui puissent être partagées dans chaque commune.
Je voudrais aussi vous dire, pour renforcer la démocratie locale, combien nous avons, dans notre réflexion sur l'organisation décentralisée de la République, fait un pas conceptuel majeur, mon Cher Daniel, qu'il faut souligner : nous avons fait entrer le principe de subsidiarité dans la Constitution.
Le principe de subsidiarité est une des plus belles protections pour le fait communal. Ce qui est bien traité au niveau de la commune n'a pas besoin de monter en haut et l'on fait ainsi en sorte de pouvoir traiter au plus près du citoyen les problèmes qui le concernent. Ce principe de subsidiarité est aujourd'hui dans la Constitution, c'est-à-dire que, quand des textes ne respecteront pas la commune dans son rôle de proximité et confieront à d'autres des missions que la commune est mieux placée pour assumer, et bien, le Conseil constitutionnel cassera les textes.
Et là nous rejoignons une démarche européenne qui veut que la démocratie s'organise à partir de la cellule de base.
Progressivement, naturellement, cette réforme produira ses effets, notamment au fur et à mesure que le droit se construira, que les textes se construiront les uns après les autres, mais nous respecterons ce mouvement de la démocratie qui est maintenant inscrit dans la Constitution. Le mouvement de la démocratie est un mouvement du bas vers le haut. Et vous verrez dans la prochaine jurisprudence du Conseil constitutionnel que ce principe-là change beaucoup de choses pour protéger la commune et l'intercommunalité dans l'ensemble de notre organisation administrative.
Je veux bien avec vous, avec l'AMF, après cet acte II de la décentralisation que le Sénat vient d'adopter récemment, travailler avec les communes sur l'acte III pour que l'on précise bien comment organiser les responsabilités en fonction de la diversité communale, parce que - disons les choses franchement - on voit bien que toutes les communes assument des responsabilités républicaines, mais toutes les communes n'ont pas les mêmes dimensions et pas les mêmes moyens, et on ne parle pas toujours de la même chose quand on parle responsabilités intercommunales.
Je suis prêt à ce que l'on travaille ensemble, dans un groupe de travail commun avec Patrick DEVEDJIAN, avec Nicolas SARKOZY pour le ministère de l'Intérieur, avec les élus, avec l'AMF et avec tous ceux qui le souhaitent, pour bâtir cet acte III du fait communal et de la relation avec l'intercommunalité, parce qu'il existe sur l'agglomération, sur des sujets importants un certain nombre d'ambiguïtés qu'il faut lever. Travaillons ensemble pour définir avec précision ce qui relève de l'intercommunalité, ce qui relève des procédures de l'intercommunalité et ce qui relève de la commune et de sa fonction.
Et personnellement, je serai dans le camp de ceux qui préfèrent les méthodes collégiales à ceux qui préfèrent les méthodes hiérarchiques, car je crois que la démocratie a besoin de la vie municipale. C'est un élément clef de notre réflexion et je suis déterminé à avancer avec vous sur ce terrain, pour que nous puissions définir comment organiser le fait urbain, mais aussi la renaissance rurale qui ne peut pas être traitée de la même manière. Et pourquoi avoir systématiquement la même vision ? La France ne sera pas toute urbaine. La France doit protéger un certain nombre d'équilibres. Mais il faut aussi que, dans cet espace européen qui se construit, nos grandes capitales puissent avoir un rayonnement, puissent organiser leur présence sur la scène internationale, européenne. Ce n'est pas forcément la même approche dans le monde hyper urbanisé et dans le monde rural où il faut organiser la vie du territoire. Il n'y a pas une supériorité du fait urbain sur le fait rural, les deux sont des faits constituants de la République et, pour tous les deux, il faut une politique adaptée.
Je suis vraiment convaincu, mon Cher Président, que dans ce contexte vous pourrez compter sur l'ensemble des ministères pour, comme le disait le maire de Paris tout à l'heure, que l'Etat stabilise ses positions. En 18 mois, on a fait un certain nombre de choses, mais on ne peut pas tout faire non plus. Je sais bien qu'on dit souvent que la parole de l'Etat n'est pas respectée. J'ai même vu un arrêt d'une haute juridiction écrivant que la signature de l'Etat n'était pas forcément respectée par celui-ci. Donc, évidemment, avec une approche de cette nature, on peut douter de la capacité de l'Etat à stabiliser son action. Je suis déterminé à réformer l'État pour que vous connaissiez bien qui fait quoi, ce qu'assume l'Etat, ce qu'assument les collectivités territoriales.
Il faut sortir d'un certain nombre d'ambiguïtés où on met tout le monde un peu dans le même lieu, où on définit des responsabilités de manière ambiguë, on ne sait plus qui fait quoi et quand il n'y a plus de responsable, on voit que les actions sont paralysées. C'est ce que nous faisons avec la décentralisation. C'est aussi ce que nous ferons par ordonnance pour supprimer un certain nombre de commissions. Il y a 300 commissions ou groupes de travail autour de chaque préfet. On va les diviser au moins par deux. Et j'ai même vu des commissions qui étaient des objets administratifs non identifiés, vous vous souvenez sans doute de ces CRADD, ces Commissions régionales d'aménagement et de développement durable, où vous aviez les élus, les associations et l'Etat. L'Etat était représenté par plusieurs personnes. Et un élu malicieux, comme j'en connais quelques-uns - il n'y en a pas beaucoup dans la salle, mais cela peut se trouver quand même - et bien, un élu malicieux pouvait s'amuser à un moment à faire voter le préfet d'un département contre le préfet de l'autre département. C'est brillant pour l'Etat, deux préfets qui ne votent pas de la même manière ! Il n'y a qu'un seul Etat, et l'Etat doit s'affirmer sur une seule position, claire et définitive. C'est pour cela que toutes ces commissions qui multiplient les responsabilités, en fait, en les dispersant, ne sont pas des avancées de la démocratie. Je réforme l'Etat pour qu'il puisse avoir des positions claires, que quand l'Etat s'engage, il s'engage à un seul niveau. Et quand le préfet s'est engagé, il s'est engagé pour tout l'Etat. Je sais que le maire de Bordeaux était particulièrement attentif à cela. Il avait souffert de ce qui s'appelle l'IMEC, l'instruction ministérielle à l'échelon central. C'est la possibilité qu'on avait, quand vous avez l'accord de la DIREN, quand vous avez l'accord de la DRASS ou quand vous avez l'accord de la DDE, de ne pas avoir l'accord du ministère et, donc, c'était la possibilité pour le niveau central, de revenir sur une position du niveau régional. Il n'y a qu'un seul Etat. L'Etat, au niveau régional, ne peut pas se désengager au niveau national et quand il s'est engagé au niveau national il doit être respecté dans sa décision au niveau local. C'est la réforme que nous menons pour que vous ayez face à vous un partenaire clair, et qui s'engage.
C'est aussi pour cela qu'en matière de sécurité, par exemple, sur la délinquance, nous avons une évaluation. Nicolas SARKOZY vous fournit les chiffres de la délinquance. Vous présidez de droit les conseils. Vous avez la possibilité d'intervenir, mais l'Etat est là pour assumer ses responsabilités et ses fonctions régaliennes.
Je voudrais également vous dire que, dans ce contexte-là, il faut aussi stabiliser les relations financières. C'est vrai, j'ai bien entendu les craintes des élus qui disent : "On va avoir des responsabilités ou des charges, mais est-ce qu'on aura vraiment les financements ?" Si on se retourne sur le passé, vous avez raison d'être méfiants, ce n'est pas moi qui vous le reprocherai. L'attention des élus sur le financement, c'est normal.
Je voudrais simplement vous dire que nous avons quand même pris un certain nombre de décisions qui n'avaient jamais été prises jusqu'à maintenant pour essayer de protéger les collectivités territoriales. D'abord, nous ne pourrons plus transférer une responsabilité sans transférer les moyens afférents. C'est un changement important. Nous sommes obligés aujourd'hui de mettre les moyens financiers et les moyens humains en face.
Dans le passé, on a réussi des étapes importantes de la décentralisation et je suis de ceux qui saluent le travail de Pierre MAUROY et de Gaston DEFERRE dans la Phase I de la décentralisation. Mais quand on a donné aux départements les collèges en partie et les lycées aux régions, les personnels sont restés souvent dans les rectorats et d'autres ont été engagés dans les collectivités territoriales, ce qui fait que, là, on a eu un doublon.
Maintenant, ce ne sera plus possible et c'est dans la Constitution. On confie une responsabilité ; l'argent et les personnels nécessaires à l'exercice de cette responsabilité sont transférés directement. Et le recours devant le Conseil constitutionnel, au nom de la Constitution qui est notre loi suprême, permettra aux élus d'être protégés. C'est notre première protection.
Nous avons aussi fait en sorte qu'il puisse y avoir dans la décentralisation une deuxième protection. C'est que nous avons un texte en débat au Sénat, qui sera prochainement en débat à l'Assemblée, mais nous faisons en sorte que les décisions soient votées au Parlement avant l'été 2004. Ainsi, nous aurons la possibilité, avant que la loi ne s'applique - et elle ne s'appliquera qu'au 1er janvier 2005 - d'avoir l'évaluation des coûts et, donc, par la loi de finance à l'automne 2004 de mettre les financements en face des transferts. C'est-à-dire que la loi ne s'appliquera que quand les financements auront été décidés. C'est une deuxième protection, je crois très importante parce que nous sommes là dans la situation où nous nous donnons du temps pour faire les transferts et pour les évaluer. C'est une garantie essentielle.
Troisième protection qui est également importante, c'est d'avoir mis en place le concept de péréquation. Je suis bien d'accord avec vous. Tout n'est pas fini sur ce travail. Nous avons réformé la DGF cette année. Mais continuons à travailler ensemble sur ce sujet : le Sénat, l'AMF, les associations, que je salue, des départements et des régions ici représentées par leurs présidents. On a encore du travail à faire pour venir en aide aux territoires les plus fragiles, aux territoires qui ont souffert. Nous l'avons mis, là aussi, dans la Constitution. Techniquement, évidemment, les choses ne sont pas simples ; mais si quelqu'un dans la salle a la règle, là, je la prends tout de suite, je repars avec et on applique cela très vite. Un certain nombre de pistes ont déjà été étudiées par un groupe pour lequel travaille Jean-Pierre FOURCADE et un certain nombre de membres du Comité des finances locales. Il y a là un certain nombre de choses qui nous permettront également de trouver pour les collectivités territoriales et les communes les plus fragiles des moyens de financement adaptés et protégés.
Enfin, le Président de l'AMF parlait tout à l'heure de la révision des bases des impôts locaux. C'est un travail qui a été engagé depuis longtemps, mais on voit bien que c'est un sujet difficile. Nous sommes déterminés à le reprendre, dans le cadre global de la réforme des finances locales. Nous engageons une réforme de la TIPP et de la taxe sur les assurances, c'est déjà voté en partie pour les départements et les régions.
Ce qui compte dans la décentralisation, c'est la responsabilité ; ce n'est pas le pouvoir. Ce n'est pas le fait d'avoir un pouvoir qui compte, c'est le fait vis-à-vis du citoyen d'avoir une responsabilité et la dignité de l'élu. Je n'aime pas beaucoup quand on critique les élus. Ceux qui consacrent beaucoup de temps au bien commun apparaissent parfois aux yeux de certains comme des ambitieux, alors que le dévouement est plus fort que l'ambition. La dignité de l'élu est dans la responsabilité et notamment dans le choix du financement et dans le choix de l'affectation de ce financement. C'est là où est l'honneur d'être élu. L'élu n'est pas quelqu'un qui distribue, l'élu est quelqu'un qui lève l'impôt et qui, de l'autre côté, construit une politique. Ce sont les deux éléments qui font la dignité et le respect que l'on doit aux élus. Mais c'est important pour nous d'avoir des règles fiscales qui soient claires pour que le citoyen sache vraiment ce qu'on fait de son argent, contrairement à ce qui se passe un peu aujourd'hui où, quel que soit le dispositif sur la feuille d'impôt - même si on a progressé en termes de lisibilité - quand le département ou la région augmente les impôts, c'est quand même le maire qui trinque, en général, parce c'est à lui qu'on rapporte la feuille, même si ce n'est pas sa ligne qui augmente.
Disons qu'il y a besoin, là, d'un peu de clarté, ce sera un chantier pour 2004, pour que chacun assume ses décisions et que ce ne soit pas le mistigri fiscal. J'ai même vu un certain nombre de gens qui disaient que l'augmentation des impôts, c'était la décentralisation, alors que la décentralisation n'était pas encore votée. Je suis convaincu que la responsabilité au contraire, c'est la maîtrise des dépenses publiques, parce que les élus responsables font attention à la dépense publique. C'est cette sécurité que je voulais pouvoir vous apporter.
J'ai bien noté également - c'était le troisième point du discours de Daniel HOEFFEL - le besoin de partenariat avec l'Etat en ce qui concerne l'aménagement du territoire. Quand le général de GAULLE et Olivier GUICHARD avaient créé la DATAR - dont je salue le délégué ici présent - il y avait bien les deux idées différentes : action régionale, ce qui dépend de la décentralisation, et aménagement du territoire qui est une politique de l'Etat, car l'aménagement du territoire, c'est l'Etat qui assume la justice territoriale, l'équité territoriale et qui doit donc faire un certain nombre d'efforts.
Sur ce sujet, je voudrais vous dire que nous construisons de grandes politiques actuellement, articulées autour des comités interministériels d'aménagement du territoire. D'abord, faire en sorte que la France ne prenne pas davantage de retard sur tout ce qui concerne les nouvelles technologies, tout ce qui concerne la téléphonie mobile et tout ce qui concerne le haut débit. Il y a là, vraiment, des nouvelles fractures qui s'installent. C'est vrai qu'il y a dix ans, un territoire n'était pas pénalisé parce qu'on ne pouvait pas y joindre quelqu'un par portable. Maintenant, un touriste, un visiteur, un chef d'entreprise qui n'a pas accès au portable sur une commune, se dit : "Dans quelle commune je suis ?" Et donc, il nous faut aujourd'hui couvrir la France de la téléphonie mobile. C'est un point sur lequel nous nous engageons.
Le deuxième élément, ce sont les grandes infrastructures et les grands projets. Je crois qu'il est très important que la France du 21ème siècle, ait quelques grands projets mobilisateurs, des projets d'infrastructures, qui touchent l'ensemble de notre territoire, qui irriguent l'ensemble de notre territoire. C'est vrai des grands TGV. C'est vrai des grands projets transfrontaliers. C'est vrai d'un certain nombre d'équipements qu'il nous faut pour aider la France à mieux se brancher sur l'Espagne, sur l'Italie, sur l'Allemagne, sur le Bénélux, sur l'ensemble de nos voisins. Nous avons à ouvrir notre espace et pour cela il faut faire des efforts d'infrastructures.
Je pense que c'est un élément vital pour nos territoires. L'idée que Paris, certes central Monsieur le Maire, certes au coeur de l'étoile nationale, que cette force parisienne soit, et nous le souhaitons tous, capable d'accueillir les jeux olympiques au nom de toute la France, c'est très bien, mais il faut aussi que l'on entende les voix de la France, les voix de Marseille, les voix de Lyon, les voix de Bordeaux, les voix de Toulouse, les voix de Lille, les voix de Strasbourg, de toutes ces métropoles qui doivent trouver leur existence aussi dans l'espace national parce qu'elles sont aussi tournées souvent vers les pays voisins et elles doivent être capables d'attirer à nous, d'attirer sur leurs territoires et sur leur espace environnant les richesses dont on a besoin.
Vous pouvez compter sur une politique de l'aménagement du territoire qui soit une politique fondée notamment sur l'action municipale de proximité, puisque la personnalité qui en est chargée au gouvernement n'est autre que votre ancien président, Jean-Paul DELEVOYE. Je voudrais vous dire aussi que tous les ministres qui sont présents ici, que ce soit pour l'environnement, pour l'équipement, pour l'éducation, ou pour les sujets sociaux comme les personnes âgées, veulent avoir une politique qui s'appuie sur une vision décentralisée de la République.
Toute cette action de décentralisation se fera évidemment progressivement. Il n'y a pas un grand soir de la décentralisation. Progressivement, étape par étape. C'est pour cela que j'ai voulu qu'il y ait pratiquement un an avant le vote des textes et avant leur mise en application, pour qu'on prépare bien les territoires et qu'on puisse éventuellement corriger tout ce qui ne serait pas adapté à la réalité du terrain. Je suis un pragmatique et je ne veux pas inventer des réformes qui sortiraient d'un petit livre ou d'une expertise qui viendrait de loin.
Je souhaite que nous prenions le temps de faire en sorte que nos territoires puissent s'adapter et que les textes s'adaptent aux exigences du territoire. Mais cela veut dire aussi que l'Etat doit faire sa réforme. Ce chantier est aussi important et naturellement, vous avez le droit d'être exigeants aussi sur ce sujet. Alors nous allons progressivement mettre en place un certain nombre de réformes qui vont vous simplifier la vie.
D'abord, au niveau régional, l'Etat est organisé autour de 24 pôles, avec donc 24 représentants et leurs structures. Nous allons rassembler ces 24 pôles en 8, avec le pôle économique autour du TPG, le pôle de l'éducation autour du recteur, et puis l'agriculture, la culture, l'environnement, l'équipement, la santé, le travail. Huit grands pôles, de manière à ce que nous puissions structurer autour du préfet de région une équipe administrative capable de parler avec les élus locaux, avec le sens des responsabilités.
Je voudrais également que l'Etat soit pour les communes le partenaire qui va aider. Par exemple en ce qui concerne l'appel à compétence, puisque la subsidiarité fait que certaines communes, ou intercommunalités, pourront demander à exercer certaines compétences, qui ne pourront être communales sur toute la France, mais qui peuvent être intercommunales dans certains cas. Cela pourra se discuter et les préfets seront là pour que les collectivités territoriales qui demandent les compétences de terrain, avec les départements aient satisfaction quand ceci est possible. Toutes les communes ne le souhaitent pas. Celles qui le souhaitent doivent y avoir accès. C'est un des éléments de la réforme de l'Etat avec naturellement la simplification des normes.
Sur ce sujet, j'ai bien entendu que, comme l'année dernière, les applaudissements étaient très forts, j'ai même l'impression que cela augmente un peu chaque année. J'ai demandé à mes ministres de faire en sorte que l'on protège les élus, car quelquefois l'absence de normes ou l'excès de normes conduit à faire de l'élu le mistigri que l'on charge de toutes les responsabilités. Et il ne faut pas décourager des élus par cet excès de culpabilisation, il ne faut pas décourager les vocations municipales car elles sont nécessaires à la vie de notre démocratie.
Je voudrais vous dire en conclusion que ce qui me paraît très important, c'est d'avoir une perspective qui intègre bien les communes dans le projet de la France. Dans ce début de XXIe siècle, nous voulons une France d'ouverture et une France de sécurité. Nous voyons bien que la France a besoin de s'ouvrir sur l'Europe, cette nouvelle Europe en train de se dessiner dont parlait tout à l'heure Daniel HOEFFEL, qui est une Europe nouvelle puisqu'à partir du 1er mai elle passe de 15 à 25 membres. Elle va avoir une géographie nouvelle. Elle va avoir aussi des institutions - on verra quelles seront les conclusions de la conférence intergouvernementale - mais nous allons avoir à la fois l'élargissement et l'approfondissement de cette Europe nouvelle au cours de l'année 2004
Je crois que les communes sont concernées notamment dans ce rôle très important des relations internationales. Je voudrais dire combien souvent les communes ont été les pionnières de l'esprit d'ouverture : les jumelages, les partenariats. Aujourd'hui quand on regarde ce qu'est concrètement l'amitié franco-allemande, c'est, au sommet, une proximité entre les actions gouvernementales mais c'est sur le terrain des jumelages, des échanges, des lycées, des collèges, des communes qui se rapprochent par des initiatives d'ouverture.
Nous vivons dans un monde ouvert. Dans ce monde, il faut que nous assurions pour les Français de la sécurité mais il faut aussi ouvrir. Ouvrir notre territoire, notre espace sur l'Europe et sur le monde. La coopération décentralisée, c'est relayer les messages de la France. Aujourd'hui, les messages de la France dans le monde sont entendus, que ce soit le protocole de Kyoto et l'environnement, que ce soit l'ONU et la paix, l'appel au droit pour que l'on puisse avoir dans le monde des règles de droit qui soient respectées et que la paix ne dépende pas de la volonté d'un seul ou la guerre de l'ambition d'un seul. Qu'on puisse avoir le droit renforcé, qu'on puisse avoir une organisation mondiale du commerce plus juste. Pour qu'on ait une mondialisation qui soit un peu plus humanisée, il faut que les uns et les autres nous puissions y participer.
C'est pourquoi je salue toutes celles et tous ceux qui s'engagent pour faire en sorte que l'on puisse entendre cette voix de la France au travers des communes, au travers des citoyens, au travers de l'action populaire qui est celle de tous les jours que vous vivez dans vos communes. Une France forte de ses convictions, forte de ses initiatives mais aussi forte de ses territoires.
Vive les communes, vive les communes pour la République et vive la République.
(Source http://www.premier-ministre.gouv.fr, le 20 novembre 2003)