Texte intégral
Monsieur le Président,
Mesdames et Messieurs les Rapporteurs,
Mesdames et Messieurs les Sénateurs,
Je voudrais d'abord saluer la grande qualité des contributions de vos commissions et de vos rapporteurs et remercier tous les orateurs pour leurs interventions, en particulier le président Dulait, dont les appréciations sur notre gestion budgétaire et sur notre action en Côte d'Ivoire et au Moyen-Orient sont autant d'encouragements.
Votre travail de fond, lucide et attentif, Mesdames et Messieurs les Sénateurs, sur nos missions et nos moyens, a souligné les efforts de rigueur du Ministère des Affaires étrangères, dans un contexte budgétaire difficile.
De même, vous avez mis en évidence le respect des priorités assignées par le président de la République, notamment pour l'aide publique au développement - dont Pierre-André Wiltzer exposera le contenu tout à l'heure - la qualité du service rendu à nos compatriotes à l'étranger et la réforme du droit d'asile.
Vous avez tous relevé enfin notre volonté de poursuivre résolument la réforme de l'action extérieure de l'Etat.
Alors que le Quai d'Orsay, fait sans précédent, est en grève aujourd'hui, j'y reviens dans un instant, nous sommes particulièrement sensibles à votre soutien, Mesdames et Messieurs les Sénateurs, à notre action ainsi qu'aux orientations de ce projet de budget pour 2004, certes marqué par la rigueur, mais surtout par la ferme volonté d'adapter notre outil diplomatique aux défis qui se présentent à nous.
Pour tenter d'être synthétique et précis dans mes réponses, je les regrouperai autour de trois thèmes :
- les perspectives de réforme du ministère sont-elles conformes aux objectifs du gouvernement ?
- les crédits ouverts sont-ils à la hauteur de nos ambitions ?
- où en est notre diplomatie sur plusieurs dossiers d'actualité ?
(I) Nos efforts de modernisation sont-ils à la hauteur des ambitions de la réforme de l'Etat ?
Vous le savez, Mesdames et Messieurs les Sénateurs, les organisations syndicales du ministère des Affaires étrangères ont appelé à la grève aujourd'hui. Ce mouvement est très suivi, avec un taux de participation à la mi-journée de plus de 50% dans nos postes à l'étranger de 1/3 à Paris et de un quart à Nantes. Il doit être pris très au sérieux.
Car cette mobilisation traduit l'incertitude, le doute, la crainte même des agents du ministère devant la détérioration de leurs conditions de travail et de rémunération. Ces hommes et ces femmes ont conscience des efforts, des sacrifices mêmes, auxquels ce ministère a consenti depuis des années. Ils souscrivent, dans l'esprit de responsabilité qui est le leur, à la volonté de réforme que j'ai constamment exprimée depuis dix-huit mois. S'ils sont convaincus qu'il faut aller de l'avant pour maximiser les atouts de notre diplomatie, ils sont tout autant persuadés que cet effort ne peut reposer sur le seul ministère des Affaires étrangères.
C'est un message de justice, de volonté et d'ambition que je veux vous transmettre aujourd'hui, parce que je crois à la modernisation de notre Etat et à celle de notre action extérieure. Je sais pouvoir compter sur les agents du Quai d'Orsay dans cette entreprise nécessaire. Mais eux-mêmes veulent être assurés que leur engagement dans cette réforme se fera sous le signe de l'équité et que les autres acteurs de l'action internationale de la France prendront leur part dans la vaste rénovation en cours.
Mesdames et Messieurs les Sénateurs, nous devons entendre cet appel et avancer dans la voie de la réforme avec encore plus de détermination.
Détermination, pour ne pas décevoir leurs attentes légitimes, bien sûr ; détermination aussi, car chacun mesure combien, au-delà de nos frontières, partout dans le monde, c'est bien le destin des Français et des Européens qui se joue. Le Ministère des Affaires étrangères a la responsabilité particulière d'éclairer l'avenir et cette responsabilité le place nécessairement au coeur de l'action extérieure de l'Etat.
Cette fonction stratégique nous impose le devoir de nous réformer. S'il veut pleinement remplir sa mission, ce Ministère doit être à la pointe de la modernisation de l'Etat. C'est tout le sens de l'action que je mène depuis 18 mois, avec trois objectifs prioritaires :
- renforcer la capacité stratégique du Quai d'Orsay pour mieux définir les priorités de l'action extérieure de la France ;
- assurer la cohérence interministérielle de notre action diplomatique ;
- rénover les méthodes et les outils, en utilisant mieux les compétences de notre ministère.
Avec ces objectifs, mon ambition est bien de mettre en cohérence l'action extérieure de l'Etat, pour qu'elle soit à la hauteur de la place de la France dans le monde.
Il faut donc fédérer toutes les énergies qui y concourent. Voilà pourquoi, dans le cadre de la nouvelle constitution financière de l'Etat, je plaide pour une mission interministérielle "Action extérieure de l'Etat". Elle devra permettre d'avoir, enfin, une vue d'ensemble de l'action des différents départements ministériels qui agissent à l'étranger et, bien évidemment, de mieux hiérarchiser et rationaliser nos priorités.
Comme le dit le président Dulait, nous sommes à la recherche "d'une cohérence interministérielle accrue pour notre action extérieure". Une mise en cohérence que Jacqueline Gourault, Jacques Chaumont et Daniel Goulet ont légitimement appelée de leurs voeux.
C'est tout l'objet de la stratégie ministérielle de réforme que j'ai soumise au Premier ministre, à l'issue d'une consultation approfondie de l'ensemble des agents de mon ministère.
Cette stratégie passe par trois étapes :
- Une étape politique et parlementaire d'abord ; en rassemblant, au-delà du "jaune budgétaire", dont le caractère lacunaire et tardif est souligné par M. Branger dans son rapport, tous les moyens de l'Etat au sein d'une mission interministérielle " Action extérieure". Vous aurez enfin, Mesdames et Messieurs les Sénateurs, une vision consolidée des actions de la France en dehors de ses frontières en même temps qu'une meilleure maîtrise des crédits qu'elle y consacre. Plusieurs d'entre vous - notamment Messieurs Branger, Durand-Chastel ou de Montesquiou - l'ont dit avec force.
Quand je défends devant vous les crédits de mon ministère, il ne s'agit que de 45 % environ des crédits de l'action extérieure de l'Etat. Il manque tout le reste et nous voyons bien, dès lors, que la stratégie d'ensemble est peu lisible et ne permet pas de faire, dans la clarté, les choix nécessaires. Si chacun des ministres concernés contribuait à ce débat, la représentation nationale et nos concitoyens n'en seraient-ils pas mieux informés ? N'est-ce pas là que résident aussi les disparités et redondances que vos missions à l'étranger décrivent avec constance ? N'est-ce pas ainsi que devient possible la réforme du réseau procédant de la réflexion interministérielle que Jacques Chaumont appelle de ses voeux ?
C'est donc bien à travers la validation politique, par le Parlement, des finalités et des moyens de notre politique étrangère que nous pourrons lui donner sa pleine cohérence. A défaut, le risque est bien que chaque administration poursuive ses objectifs propres sans aucune vision d'ensemble.
- La deuxième étape, qui vient en appui à cette démarche interministérielle, c'est une réforme en profondeur du ministère des Affaires étrangères. Car, pour emporter la conviction, il faut être exemplaire.
Il s'agit d'abord de renforcer notre capacité stratégique pour mieux définir les priorités de notre action extérieure. J'en prendrai trois exemples : rendre tout leur rôle aux directions géographiques qui incarnent la fonction de synthèse politique qui nous incombe ; faire de chaque ambassade une équipe réellement pluridisciplinaire et dont l'unité d'action s'incarnera dans un plan triennal ; enfin, redonner vie au Comité interministériel des moyens extérieurs de l'Etat (CIMEE), comme le préconise fort justement André Ferrand, pour mieux coordonner l'ensemble des crédits de personnel, de fonctionnement et d'intervention de l'action extérieure.
Il s'agit ensuite de valoriser les compétences et motiver les agents des Affaires étrangères. Comment ? Monique Cerisier-Ben Guiga et Danielle Bidard-Reydet s'en sont inquiétées. En favorisant avant tout la promotion interne, y compris d'un corps à l'autre, mais aussi en donnant une véritable impulsion à l'exigence d'évaluation : elle sera généralisée à tous les niveaux, et d'abord aux ambassadeurs, et inclura les jugements des collaborateurs selon la méthode dite d'évaluation à " 360 degrés ". Les nominations aux emplois supérieurs seront désormais préparées par un comité diplomatique et consulaire réunissant des représentants du ministère chargés de proposer, sur la base des évaluations, des choix en toute transparence.
Il faut enfin, je l'ai dit, rénover les méthodes et les outils du ministère. En réorganisant l'administration centrale pour mieux identifier et encadrer les grandes fonctions stratégiques ; en développant parallèlement une gestion par objectifs, fondée sur un vrai contrôle de gestion et sur l'évaluation des résultats.
- Enfin, c'est la troisième étape, cette réforme trouvera sa traduction au niveau local à travers le choix résolu d'une approche interministérielle et déconcentrée. Les instruments de cette démarche commencent déjà à se mettre en place : conférences d'orientation budgétaire au niveau local autour de la pratique des budgets - pays, globalisation des crédits, création de services administratifs unifiés... Il s'agit d'amener l'ensemble des ministères à mettre en place une gestion concertée des crédits de l'action extérieure. Le document cadre que j'ai signé en juin dernier avec Francis Mer en a jeté les bases.
Je suggérerai au Premier ministre d'aller plus loin, en lui proposant d'instaurer un mandat de gestion, par pays, des crédits et des effectifs de tous les services de l'Etat, mandat qui sera confié aux ambassadeurs. Ceci devrait répondre aux attentes de Michel Charasse, qui a souhaité davantage d'interministérialité au niveau local.
Vos rapporteurs ont fait une large place au thème de la loi organique relative aux lois de finances (LOLF). Ce chantier va incontestablement contribuer à la modernisation du ministère, comme le souhaite Louis Duvernois. Jacques Chaumont nous l'a dit : il conduit à une véritable "révolution culturelle" et doit mettre la gestion au coeur des priorités du ministère.
Je viens d'évoquer la mission interministérielle et je me réjouis du consensus qui nous réunit sur ce point. MM. Branger, Charasse et Durand-Chastel se sont interrogés sur son périmètre : doit-elle regrouper l'ensemble des crédits de l'action extérieure de l'Etat ou uniquement les crédits d'aide publique au développement ?
L'objectif, selon la LOLF, d'une mission interministérielle est d'apporter aux parlementaires une vision transversale et consolidée d'une politique publique. Il paraît donc nécessaire que la mission "Action extérieure de l'Etat" soit la plus large possible et qu'elle regroupe tous les programmes à composante internationale et pas uniquement ceux de l'aide publique au développement. Dois-je rappeler que les coûts de fonctionnement et de structure de l'ensemble de notre action extérieure engloutissent un peu plus de 20% du montant global des crédits ? Quelle organisation moderne peut souffrir de tels coûts indirects ?
Enfin, si, comme certains l'ont souligné, cette mission ne pouvait regrouper la totalité des crédits internationaux, du fait de leur dispersion et de l'impossibilité pour certains ministères de définir des programmes à dimension internationale, la mission pourrait s'accompagner d'un ou plusieurs projets coordonnés de politique interministérielle (PCPI) permettant d'harmoniser, dans le cadre des finalités politiques décidées par le Parlement, les objectifs de nos interventions extérieures.
La structuration en programmes du budget du Ministère des affaires étrangères a suscité, c'est naturel, des interrogations, notamment de Messieurs Branger, Charasse et Cointat. Paulette Brisepierre a même demandé que cette réforme ne soit pas une "occasion manquée".
Plusieurs schémas ont été envisagés. La version dont vous avez fait état demeure susceptible de modifications, d'abord parce que le Parlement tient de la LOLF elle-même le pouvoir d'amender les programmes, ensuite parce que nous voulons prendre en compte l'avis du comité interministériel d'audit des programmes, qui analyse en ce moment même nos propositions, enfin parce que le Premier ministre aura également à rendre son arbitrage.
Nous avons à ce stade retenu trois programmes correspondant aux trois principaux métiers de notre ministère tels qu'ils apparaissent en particulier, de manière très claire, dans les activités de nos postes à l'étranger :
- un programme "rayonnement et influence de la France", qui réunit les crédits de l'action diplomatique proprement dite ;
- un programme "coopération et action culturelle", qui regroupe l'essentiel de nos crédits d'action culturelle, scientifique et technique, ceux de l'audiovisuel extérieur et enfin ceux de l'aide publique au développement, y compris le Fonds européen de développement (FED) ;
- un programme enfin "réseaux et services publics à l'étranger" où figureront les crédits consulaires ou dédiés aux Français de l'étranger et au Conseil supérieur des Français de l'étranger (CSFE) - ceci répond à une question de Christian Cointat - ceux consacrés aux activités de direction et de gestion du Ministère et, à titre provisoire, les crédits de personnel et de fonctionnement des services extérieurs.
MM. Charasse et Branger, notamment, s'interrogent sur la pertinence du regroupement des crédits culturels et de l'aide publique au développement dans un même programme.
Ce choix reflète une réalité profonde de communauté de métiers et de complémentarité des actions. Ces politiques ne se détachent pas l'une de l'autre ; elles sont menées par les mêmes structures administratives. Ainsi, la politique de coopération universitaire est menée par la même direction, qu'elle concerne des pays de l'OCDE ou des pays en voie de développement.
En outre, la structuration du programme " coopération et action culturelle " en budgets opérationnels de programme répondra au souhait, exprimé notamment par Michel Charasse - et que je comprends tout à fait - d'identifier clairement les moyens alloués à ces deux politiques.
Les dépenses de personnels de l'administration centrale sont ventilées entre les trois programmes. Comme je vous l'indiquais à l'instant, les crédits de rémunération des agents expatriés le seront également, une fois que nous aurons tiré tous les enseignements de notre expérimentation des "budgets - pays LOLF" et que la rationalisation, en cours, de nos réseaux aura porté ses fruits. Répartir les effectifs entre les trois programmes avant d'avoir redistribué les emplois des réseaux compliquerait singulièrement cette tâche déjà délicate.
A cet égard, vous avez tous montré un grand intérêt pour la nécessaire évolution des réseaux du ministère.
Au cas par cas, vous le savez bien, les décisions sont difficiles à prendre. Mmes Gourault et Cerisier-Ben Guiga, MM. Chaumont, Del Picchia et de Montesquiou estiment que les réseaux consulaire et culturel sont surdimensionnés, notamment en Europe. Ces interrogations sont légitimes. Le contexte international a évolué : nous avons le devoir de nous y adapter et ceci a été trop longtemps différé.
C'est pourquoi j'ai demandé que l'ensemble des paramètres de notre présence soient examinés, dans un esprit d'innovation. Les chefs de poste ont été consultés afin que les propositions retenues soient au plus près des réalités du terrain et de l'évolution des enjeux. Mais cet exercice n'a de sens que s'il s'inscrit dans une démarche d'ensemble, commune à toutes les administrations présentes à l'étranger.
A ce propos, je voudrais rassurer le président Dulait, qui s'est interrogé sur notre capacité à financer le plan de modernisation du ministère. S'il n'est pas question, sauf exception, de fermetures sèches, nous allons en revanche supprimer les doubles emplois, rassembler les sites, promouvoir la polyvalence de l'encadrement... Telle a été l'inspiration des postes mixtes, alliant fonction consulaire et commerciale, expérience à laquelle je sais qu'André Ferrand est très attaché et qui a donné de bons résultats.
De cet effort devraient émerger des marges de manoeuvres budgétaires, peut-être quelques dizaines de millions d'euros - ce n'est à ce stade qu'une évaluation sommaire - qui seront affectés notamment au financement des dépenses de formation, d'équipements de sécurité, de communication, de rénovation de locaux ou de promotions internes, qu'implique le plan de modernisation.
Notre présence dans une Union européenne élargie à 25 est au coeur de notre réflexion stratégique. M. de Montesquiou a raison de s'interroger sur l'utilité de maintenir en l'état notre administration consulaire alors que des solutions européennes ou innovantes existent déjà. Mais soyons lucides : dans une Europe, où les pouvoirs locaux auront de plus en plus d'influence - voyez l'Allemagne, l'Espagne ou encore l'Italie - nous devons conserver au niveau régional un réseau d'observation et d'influence politique et culturelle, sans doute sous des formes nouvelles.
Pour ce qui est du réseau consulaire, nous allons élargir l'expérimentation lancée en Belgique, et dont Robert Del Picchia s'est fait l'écho. En Belgique, depuis le 1er juin 2003, les Français résidant à Liège ou à Anvers peuvent s'adresser indifféremment aux consulats de ces villes ou de Bruxelles pour les opérations administratives courantes.
En regroupant les compétences consulaires sur un seul poste pour un pays ou un groupe de pays, nous allons nous appuyer sur des équipes spécialisées, tout en maintenant une fonction d'accueil dans les autres postes. Ainsi, le traitement de l'état civil dans chaque pays de l'Union européenne va être réorganisé selon ce modèle puisque les opérations en Belgique seront centralisées à Bruxelles dès le 1er janvier 2004 et la télé - administration permettra de travailler plus efficacement et d'offrir à nos compatriotes des informations et des services plus professionnels.
Vous savez le rôle primordial, dans notre effort pour promouvoir la diversité culturelle, du vaste réseau de nos établissements dans le monde : Instituts, Centres culturels et Alliances françaises. Monique Cerisier-Ben Guiga a rappelé tout l'intérêt de ce réseau. Son déploiement sur les cinq continents et le travail minutieux de coopération ou d'influence accompli au quotidien sont plus que jamais nécessaires dans un monde où le dialogue, l'écoute et le respect de l'autre sont des éléments essentiels dans l'action extérieure de notre pays.
La France a la chance de pouvoir s'appuyer sur un dispositif que lui a légué l'histoire ; comme vous l'avez prôné M. Dauge - et sachez que j'ai entendu votre appel - elle entend le préserver mais dans une perspective d'évolution constante, puisque la carte du monde change et qu'il nous faut en permanence adapter nos outils de coopération à des nécessités nouvelles. Nous avons ouvert, ou sommes sur le point d'ouvrir, de nouveaux centres à Kaboul, en Asie centrale à Achkhabad, par ailleurs en Algérie à Constantine et Tlemcen. Nous poursuivons le déploiement d'Alliances françaises en Russie et, surtout, en Chine, à raison de deux ouvertures par an.
A l'inverse, nous réfléchissons à des formules alternatives en Europe, où il n'est sans doute pas nécessaire de conserver une présence permanente, du moins sous la forme d'un établissement, dans des villes de moyenne importance. Il est donc capital que nous réussissions à dégager des marges de manoeuvre et à faire respirer notre réseau culturel. Dans le même temps, notre effort de modernisation se poursuit : les personnels recrutés locaux de ces établissements bénéficieront de près de 2 millions d'euros pour améliorer leurs grilles salariales. Ceci apporte une réponse, je crois, aux préoccupations de Monique Cerisier-Ben Guiga.
(II) Le deuxième thème de vos préoccupations porte sur les dotations du ministère des Affaires étrangères : sont-elles à la hauteur de nos ambitions diplomatiques ?
Tous vos rapporteurs ont tenu à rappeler les difficultés de l'exécution du budget en 2003 et leurs conséquences sur nos engagements internationaux ou sur notre coopération : Michel Charasse pour souligner que le principe de régulation est légitime et inévitable en période de situation budgétaire très tendue, Jacques Chaumont pour estimer que l'autorisation votée par le Parlement est bafouée par la régulation budgétaire qui a frappé le ministère des Affaires étrangères en 2003.
Il est vrai que cette régulation a été massive, puisque les annulations et les gels ont amputé 15 % des crédits hors rémunérations et engagements internationaux. Elle a affecté - fait sans précédent - les crédits de reports, alors même que mon ministère s'était vu imposer 103 millions d'euros de reports obligatoires dans le cadre de la régulation budgétaire en 2002. Elle a aussi été tardive puisque ses derniers avatars ont été notifiés en avril, alors que bien des actions avaient déjà été engagées ou des promesses données.
Cette régulation à répétition a d'abord porté sur le fonctionnement du ministère à des niveaux sans égal, ce qui a provoqué de sérieuses perturbations dans l'activité quotidienne de notre maison. Compte tenu de son ampleur, elle n'a pas permis d'exonérer totalement l'aide publique au développement. Comme le relèvent Monique Cerisier-Ben Guiga, Jacques Chaumont et Michel Charasse, les crédits d'aide publique au développement (APD) n'ont pu être sanctuarisés, pas plus que n'ont été épargnés les crédits de la Francophonie comme l'a regretté Jacques Legendre.
J'ajoute que les organisations de solidarité internationales, le fonds de solidarité prioritaire ainsi que notre assistance technique - 200 recrutements ont dû être suspendus jusqu'à l'année prochaine - ont eu également à subir les conséquences de cette régulation.
C'est là un sujet de réflexion pour l'avenir : dès lors que notre politique étrangère s'inscrit dans les priorités voulues par le président de la République et le gouvernement et approuvées par la représentation nationale, nous devons tout faire pour lui épargner les aléas de la régulation budgétaire. Car c'est le crédit même de notre pays qui risque d'être mis en cause aux yeux de nos partenaires étrangers. Il est clair en tout cas qu'il ne sera pas possible de continuer ainsi à appliquer, sans nuance, à notre ministère des régulations qui bouleversent profondément nos actions de coopération et font douter de la parole de la France. Je le dis ici avec beaucoup de sérieux : nous ne pourrons pas en 2004 subir des gels et des annulations comme cela a été le cas cette année sous peine de devoir renoncer, de manière définitive, à certaines de nos activités.
A ce propos, Christian Cointat a formulé le souhait d'une plus grande concertation entre l'Etat et le Conseil supérieur des Français de l'étranger avant toute décision de gel budgétaire. Je n'ai pas d'objection, pour ma part, à un tel dialogue en vous confirmant la volonté des autorités françaises de tenir régulièrement informées les instances représentatives de nos compatriotes à l'étranger.
Dans ce contexte difficile, quelles sont les priorités de ce budget ? Je salue l'unanimité avec laquelle vos rapporteurs ont relevé la continuité dans ce budget des priorités engagées en 2003 : c'est, d'abord, la poursuite de notre effort en faveur de l'aide au développement tel que voulu par le président de la République, pour permettre de porter l'effort de la France à 0,5 % du PIB d'ici 2007 qui sera tenu.
Cette augmentation ne résultera pas de nos seuls engagements communautaires ou d'annulations de dettes. Je tiens à répondre aux inquiétudes exprimées par Mme Paulette Brisepierre devant la commission des Affaires étrangères : nous ne céderons ni à "la tentation du chèque" ni à celle de "la sous-traitance" généralisée. Je suis déterminé à mettre en avant nos atouts et notre savoir-faire.
Pierre-André Wiltzer évoquera tout ceci plus complètement tout à l'heure. Il répondra notamment à la question de Robert Del Picchia sur la budgétisation du Fonds européen de développement.
Ce budget reflète ensuite la priorité maintenue à la Francophonie, conformément aux engagements pris lors du Sommet de Beyrouth en octobre 2002. Les crédits alloués au Fonds multilatéral unique vont donc augmenter de 10 millions d'euros et les synergies entre notre coopération et les interventions des institutions de la francophonie seront davantage exploitées.
Par ailleurs, c'est la troisième priorité, dans le cadre de la réforme du droit d'asile, les crédits destinés à l'Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA) et à la Commission de recours des réfugiés augmentent de près de 10 millions d'euros, soit une croissance de 35 % environ par rapport à 2003. Grâce à ces efforts, l'OFPRA aura ramené le délai de traitement des demandes de dix à quatre mois d'ici la fin de l'année et devrait atteindre l'objectif de deux mois assigné par le président de la République avant l'été prochain.
Vos rapporteurs ont bien voulu relever que le ministère a pris toute sa part dans l'effort de rigueur du gouvernement cette année : à 4,2 milliards d'euros, nos crédits sont en progression de 2,6 % par rapport à la loi de finances initiale pour 2003 mais, hors crédits dédiés à l'aide publique au développement, ils baissent de 1,26 %.
Jacques Chaumont a souligné à juste titre l'importance de cet effort :
- les effectifs sont à nouveau réduits, de 116 emplois exactement, soit le non-remplacement de 46 % des départs à la retraite. Au total, cela représente une réduction de près de 10 % des effectifs en moins de 10 ans
- Par ailleurs, une économie de 20 millions d'euros nous a été demandée sur les indemnités de résidence. Nous y avons vu un motif supplémentaire de procéder à la réforme trop longtemps différée de ces indemnités, afin de corriger les incohérences géographiques qui aboutissaient à des écarts de rémunération inéquitables.
Une partie de cette économie, 3,8 millions d'euros, servira à revaloriser les primes de l'administration centrale, à travers une augmentation linéaire de 11 %. Une autre partie, 4,2 millions d'euros, financera l'amélioration de la rémunération et de la protection sociale des recrutés locaux.
Pour répondre aux préoccupations exprimées par Monique Cerisier-Ben Guiga, Robert Del Picchia, Jacques Chaumont et Jean-Guy Branger, je précise qu'il sera tenu le plus grand compte du coût de la vie dans les différents pays mais aussi de la situation hiérarchique des agents : les indemnités des agents de catégorie C et de la plupart des personnels enseignants diminueront moins que celles de leurs collègues des catégories A et B.
A cet égard, je souligne que le ministère des Affaires étrangères a eu une politique volontariste pour préserver et améliorer le revenu des agents des catégories C et B.
Depuis 1998, date de la fusion avec le ministère de la Coopération qui pratiquait des taux de primes plus élevés pour ses agents C et B, l'effort de rattrapage concernant les catégories C et le 1er grade de la catégorie B a permis en moyenne un doublement de ces primes sur 6 ans, alors que les catégories B supérieures progressaient de 40 à 50 % et la A de 20 à 50 % pour les A types.
Ainsi l'éventail des primes à l'intérieur du ministère a bien été resserré, alors que le différentiel des A avec ceux d'autres ministères s'est accru.
La réforme des indemnités de résidence ne s'arrêtera pas, au demeurant, à un exercice de mise en cohérence. Des modifications des textes réglementaires sont en cours d'étude pour rendre plus juste le régime des congés de maladie à l'étranger ainsi que le système des majorations familiales. La nature des responsabilités exercées, et non plus leur corps ou leur grade, déterminera le groupe dans lequel les agents seront classés. Un système de classement des ambassades, inspiré du modèle existant dans les préfectures, permettra également de remettre de l'ordre dans la gestion des crédits et des carrières.
Je suis bien conscient que ce reformatage des indemnités de résidence constitue un effort exceptionnel demandé aux agents de l'Etat en poste à l'étranger. Je m'en suis expliqué directement avec les agents du ministère et avec les organisations syndicales. J'ai marqué la nécessité que cet effort soit pour solde de tout compte.
- Autre effort significatif d'économies, les frais de fonctionnement de l'administration centrale et de nos réseaux à l'étranger, vont baisser de 2 % par rapport à 2003, et les crédits immobiliers de 10,3 % en crédits de paiement et de 23,5 % en autorisations de programme.
Au-delà de ces baisses, Mesdames et Messieurs les Sénateurs, certaines dotations, clairement insuffisantes, n'ont pu être augmentées. Au moins sommes-nous parvenus à les stabiliser.
Il s'agit en premier lieu des contributions volontaires aux organismes internationaux, hors Francophonie, contributions qui, comme l'a souligné M. Branger, jouent un rôle déterminant dans la crédibilité de la France au sein des organisations internationales.
Il y a une divergence évidente entre notre engagement politique en faveur des institutions multilatérales et le niveau de nos contributions volontaires. Je reste convaincu qu'à moyen terme, l'objectif que nous nous sommes fixés d'une augmentation de notre aide publique au développement conduira à accroître ces contributions qui, je le rappelle, constituent à plus de 90 % de l'APD.
Les subventions aux opérateurs de l'audiovisuel, demeureront également stables et permettront à RFI et TV5 d'assurer leurs missions. Enfin, l'érosion des crédits de la coopération militaire et de défense a été stoppée, même si ces dotations demeurent à l'évidence insuffisantes.
Dans une conjoncture budgétaire difficile, nous nous sommes donc organisés pour préserver l'essentiel.
A propos des moyens du ministère, je voudrais à présent revenir sur quatre sujets que vous avez été nombreux à évoquer : l'enseignement français à l'étranger, l'audiovisuel extérieur, nos investissements immobiliers et nos concitoyens à l'étranger.
Tous les sénateurs représentant les Français de l'étranger se sont inquiétés du niveau des crédits alloués à l'Agence pour l'enseignement français à l'étranger et des déconventionnements qui sont intervenus cette année.
Mais vous avez également noté que la gestion rigoureuse de l'Agence, aidée, il est vrai, par le redressement de l'euro par rapport au dollar, a contribué à l'amélioration sensible de sa situation financière et de sa capacité à financer ses priorités.
Vous m'interrogez sur le déconventionnement de nos établissements scolaires. Pour des raisons très diverses - qui peuvent tenir au souci d'indépendance des comités de gestion, aux avantages offerts par la législation locale ou encore, c'est le cas aux Etats-Unis, à une incompatibilité entre le statut de résident et des dispositions réglementaires ou légales - il peut arriver, en effet, que l'Agence décide de substituer au lien contractuel qu'elle entretient avec des associations gestionnaires un simple appui pédagogique et financier.
A vrai dire, il ne s'est guère passé une année dans la vie de l'Agence sans qu'elle ait été amenée à "déconventionner". Ce mouvement se poursuivra, en fonction de besoins soigneusement identifiés, et bien entendu avec l'accord de tous les partenaires de la communauté scolaire.
Mais - et je le dis ici solennellement - il n'y a aucune politique de déconventionnement systématique menée par l'Agence ou par le ministère des Affaires étrangères. C'est même tout le contraire : des conventions sont en cours d'élaboration avec un certain nombre d'établissements - Saint-Petersbourg, bientôt Ljubljana et Bratislava, à terme Vilnius - pour accompagner le mouvement vers l'Est de l'Europe des communautés françaises expatriées. Et gardons en mémoire la forte montée en puissance de notre réseau en Chine.
Quant à l'effort demandé aux familles pour participer à ces développements un rapport récent de l'Inspection générale des Finances a montré que les droits de scolarité ont augmenté à un rythme inférieur à l'inflation.
Comme j'ai eu l'occasion de le souligner devant le Conseil économique et social, la principale difficulté de l'Agence pour l'enseignement français à l'étranger réside dans la gestion du parc immobilier de nos écoles et lycées à l'étranger. L'état de ces bâtiments est loin d'être partout satisfaisant, et des ressources aléatoires ne permettent pas toujours de répondre aux besoins d'entretien et aux impératifs de sécurité. Ce dernier point est pour moi une priorité absolue.
Pour prolonger la proposition d'André Ferrand, ce ne sont pas un mais deux fonds d'investissements qu'il est prévu de mettre en place aux termes du plan d'orientation stratégique en cours d'élaboration avec les partenaires de l'AEFE :
- le premier serait constitué par le transfert à l'Agence des crédits du titre V que le ministère des Affaires étrangères destine aux établissements en gestion directe, complétés par les contributions des établissements eux-mêmes, et surtout par l'émission d'emprunts auxquels la loi autorise l'Agence à procéder ;
- le second serait destiné aux établissements conventionnés, sous la forme d'un fonds alimenté soit par les loyers versés lorsqu'il s'agit d'immeubles appartenant à l'Etat, soit par des dons d'entreprises - je sais qu'André Ferrand y est très attentif - ou des autorités publiques des pays d'accueil, soit par des cotisations des établissements scolaires.
Vous le savez, une nouvelle loi relative au mécénat et aux fondations a été adoptée le 1er août dernier, à l'initiative du ministre de la Culture et de la Communication. Elle prévoit notamment de porter à 60 % les déductions d'impôt dont pourraient désormais bénéficier les entreprises mécènes. En réponse à une question de M. le Sénateur Robert Del Picchia, le ministre du Budget a clairement indiqué que nos établissements scolaires à l'étranger pourraient en bénéficier, à condition que les associations ou les fondations concernées aient leur siège en France.
Robert Del Picchia a également soulevé la question du bac international. Comme vous le savez, les Lycées français à l'étranger, pourtant considérés comme des établissements d'excellence, éprouvent aujourd'hui des difficultés à garder les meilleurs élèves du dernier cycle du secondaire, car le baccalauréat français n'est pas toujours reconnu par les autorités locales, notamment aux Etats-Unis. Dans le même temps le baccalauréat international, dit de "Genève", se développe rapidement mais n'offre pas les mêmes garanties pédagogiques que le bac français.
Aussi a-t-il paru utile d'envisager la mise au point d'une certification de fin d'études secondaires à caractère international. Le ministère de l'Education nationale étudie à cette fin les modalités d'un baccalauréat accessible à tous les élèves qui le souhaiteraient, et reposant, pour partie, sur les épreuves du baccalauréat français et, pour le reste, sur les certifications proposées dans le pays d'accueil.
Voilà une nouvelle illustration de la collaboration étroite que nous poursuivons avec le ministère de l'Education nationale en faveur du réseau de l'AEFE. Qu'il s'agisse de l'homologation des établissements, de l'affectation du personnel expatrié ou résident, ou encore des conditions de retour des enfants d'expatriés, nos liens avec l'Education nationale sont nombreux et confiants. Faut-il aller plus loin et prévoir un co-financement de l'AEFE par l'Education nationale, par exemple pour les bourses scolaires ou les salaires indiciaires des enseignants ? J'ai noté les suggestions d'André Ferrand et de Hubert Durand-Chastel sur ce point et j'entends charger l'Agence et la direction générale de la coopération internationale et du développement (DGCID) d'une mission exploratoire sur ces différents sujets.
J'en viens maintenant à l'audiovisuel extérieur.
S'agissant de la Chaîne d'information internationale, évoquée par plusieurs orateurs et à propos de laquelle Mme Cerisier-Ben Guiga s'est inquiétée des conséquences de son financement sur celui de RFI et TV5, je ne reviendrai pas sur la nécessité de mieux faire entendre notre voix et diffuser nos images.
M. Bernard Brochand a rendu son rapport au Premier ministre. C'est une première étape qui définit, de façon générale, le dispositif proposé : une chaîne indépendante, fondée sur un partenariat TF1 - France Télévisions, diffusant en français, arabe, anglais pour commencer -, le Maghreb, l'Afrique, le Proche et le Moyen-Orient étant naturellement les zones prioritaires pour la diffusion de cette future entreprise.
Comme vous le savez, le Premier ministre a demandé à M. Brochand de poursuivre sa mission pendant trois mois. Beaucoup de questions se posent, en effet, pour préciser le projet :
- la définition du cahier des charges ;
- l'analyse d'impact sur le dispositif existant de l'audiovisuel extérieur ;
- la clarification de ce que seront les relations de cette chaîne indépendante avec l'Etat ;
- et, naturellement, les questions de financement.
Nous attendons donc les conclusions de ce nouveau rapport, étant entendu que le choix a été fait de ne pas remettre en cause le dispositif autour de RFI et de TV5.
D'ailleurs, je vous rappelle que TV5 est une entreprise internationale et que nous sommes tenus à une concertation régulière et préalable avec nos partenaires concernés.
Robert Del Picchia a appelé mon attention sur l'arrêt de la diffusion hertzienne de France 2 en Italie.
Je suis, comme vous, attaché à la défense de la francophonie et du rayonnement culturel de notre pays dans le monde. La situation que vous évoquez est, malheureusement, la conséquence d'une récente évolution de la législation italienne qui contraint à court terme tous les opérateurs hertziens de télévision à numériser leur réseau d'émetteurs, sauf à renoncer définitivement à être présents.
Face à cette obligation, nous avons fait le choix de céder une partie du réseau de France 2 en Italie du Nord et du Centre pour dégager une capacité de financement et préparer l'avenir. Il s'agira en effet de tirer parti de la généralisation de la réception numérique pour accroître les capacités de diffusion terrestre en Italie. A ce moment là, tout sera mis en oeuvre pour réinstaller une chaîne française sur l'un de ces réseaux, avec l'objectif de couvrir la plus grande partie possible du territoire italien.
Dans l'immédiat, je vous confirme qu'il n'a jamais été question d'interrompre la diffusion de France 2 à Rome et que l'investissement nécessaire à la numérisation de l'émetteur sera fait. Par ailleurs, l'ensemble des téléspectateurs italiens de France 2 ont été informés qu'ils pouvaient continuer à recevoir cette chaîne, moyennant l'installation d'une parabole et l'emploi d'un décodeur. Il est probable qu'une bonne partie d'entre eux feront cet effort financier modeste, comme l'ont d'ailleurs fait avant eux des millions d'Algériens ou de Tunisiens.
Quelques commentaires maintenant sur notre politique immobilière.
M. Durand-Chastel et M. Chaumont, qui a effectué une mission en Turquie en septembre, ont estimé qu'il fallait tirer au plus vite les enseignements des réelles difficultés que connaît le ministère des Affaires étrangères en matière d'investissement.
Vous avez raison, nos difficultés en matière d'investissement immobilier ont été aggravées par la régulation budgétaire. Nous avons dû notamment différer des paiements dus à certaines entreprises. Comme l'a souligné M. Jean-Guy Branger dans son rapport, ces difficultés ont amené à surseoir à la construction du bâtiment des archives à La Courneuve et de nouvelles ambassades de Tokyo et de Pékin.
Si des solutions innovantes en matière de financement sont toujours recherchées, notamment à Tokyo, la loi ne nous permet pas actuellement de financer des bâtiments d'archives en partenariat public-privé.
Il faut donc poursuivre nos réflexions et probablement faire des choix. A cet égard, nous devrons vendre davantage pour pouvoir, progressivement, redonner au ministère sa capacité d'investissement en matière immobilière. Mais ceci ne peut se faire dans la précipitation et doit s'inscrire dans le cadre plus global de la rationalisation de nos réseaux à l'étranger que j'évoquais précédemment.
M. Durand-Chastel a suggéré le recours à la formule du crédit-bail pour l'acquisition d'immeubles destinés à une mission de service public. Nous examinons en effet des solutions de ce type, mais ceci implique une modification de la réglementation actuelle qui est à l'étude.
Je terminerai cette partie de mon intervention par notre action en faveur des Français de l'étranger.
Je voudrais d'abord évoquer la proposition de Loi organique déposée par le sénateur Cointat qui vise à intégrer dans le domaine législatif les règles concernant les instances représentatives des Français de l'étranger.
Le gouvernement souhaite effectivement associer davantage les Français de l'étranger à la gestion de leurs affaires, conformément à la politique de décentralisation. Il compte en particulier donner davantage de pouvoirs et de responsabilités aux représentants élus des Français de l'étranger, essentiellement au niveau local, pour tout ce qui touche aux affaires sociales, à l'enseignement et à l'emploi de nos compatriotes.
Je suis en revanche moins certain qu'il soit possible d'assimiler ces "instances" à des collectivités territoriales proprement dites. Les Français de l'étranger constituent-ils réellement une collectivité au sens propre ? Ce sont des communautés diverses et nombreuses, le plus souvent bien intégrées dans leur pays d'accueil mais, évidemment, très dispersées sur le plan géographique. Enfin, pour s'administrer librement comme le prévoit la Constitution, cette collectivité nouvelle devrait pouvoir disposer de ressources propres.
La proposition du sénateur Cointat a le mérite de poser les bonnes questions et d'aller dans la bonne direction. Le gouvernement en partage l'esprit. Reste la réflexion approfondie engagée dans ce sens doit être poursuivie, notamment au sein du CSFE.
L'inscription des Français établis hors de France sur les listes électorales de nos communes est également une préoccupation de Christian Cointat.
Le projet d'ordonnance portant simplification administrative en matière électorale vient d'être soumis au Conseil d'Etat. Son article 1er concerne directement les Français établis hors de France, qui pourront désormais demander leur inscription dans la "commune sur la liste électorale de laquelle est inscrit ou a été inscrit un de leurs parents jusqu'au quatrième degré". Cette ordonnance devrait être soumise au prochain Conseil des ministres et publiée très rapidement.
Mme Cerisier-Ben Guiga et M. Cantegrit se sont préoccupés de l'assistance aux Français de l'étranger.
Le Fonds d'action sociale du ministère des Affaires étrangères a bénéficié d'une revalorisation régulière, de près de 19 % au cours de six dernières années. Près de 18 millions d'euros sont consacrés à l'aide sociale aux Français en difficulté à l'étranger, principalement en faveur de nos compatriotes âgés et handicapés.
Votre mobilisation a permis de préserver ces crédits du gel budgétaire. Ils sont intégralement maintenus en 2004, malgré un contexte budgétaire particulièrement tendu, et apporteront ainsi une aide sociale permanente à plus de cinq mille de nos compatriotes les plus démunis.
Je souligne l'effort fait en faveur des personnes handicapées : le nombre de bénéficiaires de l'allocation "handicapé" a augmenté de 3 %. De même, les allocations versées aux enfants handicapés et les aides complémentaires ont été revalorisées de 3 %.
(III) Je voudrais pour terminer répondre aux questions ayant trait à notre action dans plusieurs régions du monde.
Je commencerai par les questions portant sur le Proche-Orient et l'Irak.
Je souscris totalement à l'approche volontariste du président Dulait : l'inaction au Proche-Orient n'est pas une option.
La résolution du conflit israélo-palestinien répond à une exigence de justice, elle est aussi dans l'intérêt de tous : la situation en Irak, les progrès politiques et économiques du Moyen-Orient, la lutte contre le terrorisme sont indissociables du règlement de ce conflit.
Face à cela, il y a une contradiction que nous avons le devoir de surmonter :
- le monde entier s'accorde sur l'objectif à atteindre - il faut que les deux Etats vivent côte à côte en paix et en sécurité - et sur la méthode pour y parvenir : la Feuille de route du Quartet, désormais endossée par le Conseil de sécurité à l'unanimité dans le cadre de la résolution 1515 ;
- mais ce consensus est sans effet face à la situation sur le terrain qui s'aggrave - Danielle Bidard-Reydet nous a dit son indignation sur ce point ;
Pourtant, une nouvelle dynamique, timide et fragile, s'esquisse aujourd'hui : le niveau de violence a fortement baissé ; le gouvernement d'Abou Ala a été formé ; il y a, en perspective, l'espoir d'une reprise des contacts officiels ; enfin les sociétés civiles se mobilisent.
La France, avec l'Europe, soutient ce mouvement en favorisant la relance de la Feuille de route et le Quartet par une action diplomatique volontariste :
- D'où notre soutien à Abou Ala, qui s'efforce d'obtenir un nouveau cessez-le-feu.
- D'où, aussi, notre insistance pour qu'Israël allège concrètement les effets de l'occupation et gèle l'extension des colonies et la construction du mur de séparation, édifié en partie sur le territoire palestinien.
Une action internationale plus audacieuse est nécessaire pour surmonter les obstacles. A cette fin, notre pays a avancé une double proposition :
- une conférence internationale pour marquer l'engagement de la communauté internationale ;
- une présence internationale sur le terrain pour garantir la sécurité et remettre sur pied l'Autorité palestinienne.
Sur l'initiative de Genève, à propos de laquelle m'ont interrogé Mmes Durrieu et Bidard-Reydet ainsi que M. Penne, je rappelle que la France a exprimé à plusieurs reprises son intérêt pour ce projet porteur d'espoir. Il fixe l'horizon et décrit ce que pourrait être le contenu d'un accord définitif. Il est donc complémentaire de la Feuille de route. J'ai moi-même rencontré le 22 octobre dernier les initiateurs de l'accord de Genève, MM. Beilin et Rabbo. Leur initiative témoigne qu'il existe au sein des deux peuples au Proche-Orient les ressorts d'un dialogue et le souci d'une espérance commune.
En Irak, pays sur lequel MM. Dulait, de Montesquiou, Mathieu et Penne ont bien voulu m'interroger, nous restons confrontés à l'urgence, à la montée des périls et à l'extension de la violence.
Les attaques terroristes ont de nouveau démontré qu'une logique seulement sécuritaire est insuffisante, et qu'il faut privilégier en Irak une approche politique et concertée.
Un processus politique s'est engagé le 15 novembre à Bagdad.
La France a salué, avec ses partenaires de l'Union européenne, l'accord signé par le président du Conseil de Gouvernement intérimaire et l'Autorité de la Coalition car cette nouvelle approche :
- représente un pas vers la restauration de la souveraineté irakienne ;
- comporte un calendrier précis de transition politique ;
- prévoit un gouvernement de transition avant l'achèvement du calendrier constitutionnel.
Mais l'urgence en Irak doit conduire à une approche collective à la mesure de l'enjeu. Voilà pourquoi la France plaide pour l'accélération et l'élargissement du processus politique, seule réponse efficace pour briser la spirale du terrorisme. Les discussions en cours en Irak montrent d'ailleurs que l'accord de Bagdad n'est pas figé et que les Irakiens souhaitent s'approprier le processus.
Il faut également associer et responsabiliser tous les Etats de la région. A cet égard, la France se félicite de l'annonce par le Secrétaire général de l'ONU de la mise en place d'un groupe de contact avec les Etats voisins de l'Irak.
Il faut enfin mettre l'ONU en mesure de soutenir efficacement la transition en Irak à chacune de ses étapes. La France a avancé l'idée d'un envoyé spécial du Secrétaire général qui pourrait contribuer à engager les Irakiens et les pays de la région dans le processus.
La France veut en même temps répondre à l'exigence de solidarité vis-à-vis du peuple irakien :
- le dialogue politique est engagé. Je poursuivrai prochainement les contacts noués avec les membres du Conseil de gouvernement ;
- d'autre part, une assistance humanitaire de l'ordre de 7 millions d'euros et des actions de coopération de près d'un million d'euros sont mises en oeuvre, dans l'environnement difficile que l'on connaît. Je vous le confirme bien volontiers, M. de Montesquiou, la France est prête à participer plus largement au développement de ce pays dès lors que les conditions seront réunies.
Mme Cerisier-Ben Guiga a posé plusieurs questions sur la situation en Tunisie.
La France est attachée à la défense des Droits de l'Homme et à l'Etat de droit, en Tunisie comme partout dans le monde. Ces questions sont évoquées régulièrement avec les autorités tunisiennes dans le cadre de notre dialogue politique étroit et confiant. Elles seront abordées, sans esprit d'ingérence, lors de la visite d'Etat du président de la République en Tunisie du 3 au 5 décembre prochain.
Dans ce contexte, nous suivons avec attention, depuis le début de sa grève de la faim, la situation de Maître Radhia Nasraoui, personnalité tunisienne bien connue en Europe. Nous sommes en contact régulier avec les autorités tunisiennes sur ce sujet. Nous espérons que cette affaire trouvera rapidement une issue positive.
Le sénateur Barbier a bien voulu m'interroger sur l'état des relations franco-américaines.
Dans sa relation bilatérale avec les Etats-Unis, la France est restée fidèle à ses principes et elle a constamment veillé à privilégier le pragmatisme. Elle a agi en parfaite loyauté, indiquant à chaque étape quelle serait son attitude. Nous avons eu un désaccord, ce qui peut parfaitement survenir même entre amis, et nous l'assumons.
Nous n'avons rien à retirer de nos choix ni de nos actes. L'évolution de la situation montre à quel point le recours aux Nations Unies et la nécessité d'un transfert de souveraineté rapide au peuple irakien demeurent prioritaires.
Nos objectifs se rejoignent par conséquent : nous n'avons pas plus intérêt que les Etats-Unis à ce que la situation au Moyen-Orient se dégrade davantage. C'est cette crainte qui motivait nos réticences face aux projets d'intervention militaire. A présent, il convient d'organiser le redressement de l'Irak, et de promouvoir la paix régionale. Je crois profondément qu'elle ne pourra voir le jour sans un règlement du conflit israélo-palestinien, ce qui implique un engagement plus fort et équilibré des Etats-Unis.
Notre différend sur la gestion du dossier irakien continue sans doute à marquer l'atmosphère de nos relations. Mais je note que cette situation n'a eu guère d'effets sur nos échanges commerciaux, qui se sont poursuivis normalement en dépit des quelques appels au boycott. Nos relations économiques demeurent excellentes et elles font preuve surtout depuis dix ans d'un dynamise inégalé.
Sur le plan politique, l'ambiance est loin d'être aussi sombre que certains se complaisent à le décrire. Le lancement en octobre dernier d'un groupe d'amitié sur la France au Congrès en est l'illustration. Je saisis d'ailleurs cette occasion pour souligner tout l'intérêt d'un dialogue entre notre Parlement et le Congrès américain, complément indispensable à la concertation entre nos deux gouvernements.
Ce dialogue et cette amitié doivent sans cesse être renforcés. L'antiaméricanisme me semble être en France le fait d'une infime minorité, et ce n'est évidemment pas ce qui a inspiré notre action ces derniers mois, est-il besoin de le préciser. La large majorité de nos concitoyens aiment l'Amérique, et savent ce que la France et l'Europe lui doivent. Nous sommes toujours unis en temps de crise. Le président Chirac était le premier à se rendre à New York après le 11 septembre, et la France demeure un allié actif en Afghanistan, aux côtés des Etats-Unis.
Il est donc temps de mettre fin aux procès d'intention : nous sommes les plus vieux alliés des Etats-Unis et comptons le rester. Cette amitié ne saurait pour autant être réduite à un alignement systématique sur les choix américains, qui peuvent de manière parfaitement légitime ne pas correspondre ni à nos principes ni à nos intérêts. C'est quelque chose que nous devons accepter, en liaison avec nos partenaires européens, dans ce monde multipolaire de l'après guerre-froide.
J'ai bien entendu la question de Guy Penne sur la Tchétchénie : la situation dans cette république est grave, sur le plan politique comme humanitaire, et la France, comme ses partenaires européens, condamne la violence sous toutes ses formes.
Cela étant, il n'y a pas de solution toute faite : ni l'indépendance auto-proclamée en 1991, ni les accords de paix de 1996 , qui la reconnaissent de fait, n'ont réglé le problème.
Moscou a lancé un processus politique, avec une nouvelle Constitution, des élections présidentielle et bientôt législative. Ne le condamnons pas par principe. Mais conservons vigilance et fermeté ; et continuons de demander un retour sur le terrain des ONG et des organisations internationales afin d'aider à ce processus dans la transparence.
Vous m'avez interrogé, Monsieur le Président Dulait, sur l'évolution de la situation en Côte d'Ivoire, et fait part de vos inquiétudes sur la mise en oeuvre des accords de Marcoussis.
Certes, depuis l'origine, le processus qui doit nous conduire à la tenue, fin 2005, d'élections libres, transparentes et ouvertes à tous, a connu des hésitations et des blocages. Il en connaîtra peut être d'autres. Je considère toutefois que, moins d'un an après Marcoussis, les responsables ivoiriens sont parvenus à franchir plusieurs étapes essentielles. Prenons acte de l'engagement déterminé du président Gbagbo à "faire taire les armes pour toujours" et à passer, sans plus tarder, à la phase de mise en oeuvre de Marcoussis. Notons aussi, qu'après sa déclaration de jeudi soir, le chef de l'Etat ait tenu hier à se rendre personnellement sur le terrain à M'Bahiakro pour faire-part de ce message d'apaisement. Différentes réunions sont envisagées cette semaine pour évoquer le retour des forces nouvelles au gouvernement, l'examen des principaux textes d'application de Marcoussis, la mise en oeuvre des opérations de regroupement puis de désarmement. Elles témoigneront - je veux l'espérer - de l'engagement concret de l'ensemble des acteurs de la crise à prendre toute leur part à la poursuite du processus, et de leur volonté de sortir définitivement de l'état de guerre.
Cette évolution souligne aussi la mobilisation de l'ensemble de la communauté régionale et internationale pour laquelle nous n'avons cessé de plaider depuis le début de la crise. Depuis quinze jours, ce mouvement s'est accéléré : Chefs d'Etat de la région, CEDEAO, Union européenne, Nations unies, se sont engagés avec détermination pour rétablir les fils d'un dialogue encore fragile, mais incontournable.
C'est le passage à la phase concrète de mise en oeuvre de Marcoussis, marqué par le début de l'examen des textes législatifs et le regroupement de toutes les forces en présence, qui ouvrira la voie au retour progressif de l'administration et des services publics sur l'ensemble du territoire, au désarmement, à la préparation sereine des échéances électorales et aux nécessaires mesures de reconstruction. Tous ces éléments seront mis en oeuvre avec l'appui de la communauté des bailleurs, tous mobilisés depuis le Sommet de Kléber.
Je tiens enfin à rassurer le président Cantegrit, et à lui confirmer que les élections au CSFE se sont déroulées hier sans incident.
Vous avez plus généralement, Monsieur le Président, salué l'engagement déterminé de la France au service des sorties de conflit, et je vous en remercie. Depuis un an, nous avons effectivement progressé de façon constructive sur plusieurs théâtres : en République démocratique du Congo, l'intervention européenne sous égide française dans le cadre de l'opération Artemis a permis de conforter le processus de transition politique. Nous sommes désormais en mesure de préparer la tenue d'une Conférence sur les Grands Lacs à l'été prochain. En Centrafrique, où nous sommes fortement présents, la mobilisation de nos partenaires européens a permis d'aboutir, il y a quelques jours, à la reprise des relations avec l'Union européenne, prélude, nous y travaillons, à une reprise des relations avec le FMI. Au Soudan, où notre envoyé spécial suit les négociations en permanence depuis un an, un accord de paix pourrait intervenir en début d'année prochaine après plus de vingt années de guerre.
Certes, d'autres points restent fragiles ou vulnérables. Nous les suivons avec la plus grande vigilance. Soyons en effet conscients de cette réalité là : il n'y aura pas d'effort efficace en faveur du développement du continent africain s'il n'y a pas, au préalable, un engagement déterminé au profit de la solution rapide des conflits qui le secouent.
Monsieur le Président,
Mesdames et Messieurs les Sénateurs,
Telles sont les remarques et les observations que je voulais faire en réponse à vos interventions. J'espère qu'elles seront de nature à vous convaincre que le projet de budget que j'ai l'honneur de vous soumettre mérite votre approbation. Je vous remercie.
(Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 4 décembre 2003)
Mesdames et Messieurs les Rapporteurs,
Mesdames et Messieurs les Sénateurs,
Je voudrais d'abord saluer la grande qualité des contributions de vos commissions et de vos rapporteurs et remercier tous les orateurs pour leurs interventions, en particulier le président Dulait, dont les appréciations sur notre gestion budgétaire et sur notre action en Côte d'Ivoire et au Moyen-Orient sont autant d'encouragements.
Votre travail de fond, lucide et attentif, Mesdames et Messieurs les Sénateurs, sur nos missions et nos moyens, a souligné les efforts de rigueur du Ministère des Affaires étrangères, dans un contexte budgétaire difficile.
De même, vous avez mis en évidence le respect des priorités assignées par le président de la République, notamment pour l'aide publique au développement - dont Pierre-André Wiltzer exposera le contenu tout à l'heure - la qualité du service rendu à nos compatriotes à l'étranger et la réforme du droit d'asile.
Vous avez tous relevé enfin notre volonté de poursuivre résolument la réforme de l'action extérieure de l'Etat.
Alors que le Quai d'Orsay, fait sans précédent, est en grève aujourd'hui, j'y reviens dans un instant, nous sommes particulièrement sensibles à votre soutien, Mesdames et Messieurs les Sénateurs, à notre action ainsi qu'aux orientations de ce projet de budget pour 2004, certes marqué par la rigueur, mais surtout par la ferme volonté d'adapter notre outil diplomatique aux défis qui se présentent à nous.
Pour tenter d'être synthétique et précis dans mes réponses, je les regrouperai autour de trois thèmes :
- les perspectives de réforme du ministère sont-elles conformes aux objectifs du gouvernement ?
- les crédits ouverts sont-ils à la hauteur de nos ambitions ?
- où en est notre diplomatie sur plusieurs dossiers d'actualité ?
(I) Nos efforts de modernisation sont-ils à la hauteur des ambitions de la réforme de l'Etat ?
Vous le savez, Mesdames et Messieurs les Sénateurs, les organisations syndicales du ministère des Affaires étrangères ont appelé à la grève aujourd'hui. Ce mouvement est très suivi, avec un taux de participation à la mi-journée de plus de 50% dans nos postes à l'étranger de 1/3 à Paris et de un quart à Nantes. Il doit être pris très au sérieux.
Car cette mobilisation traduit l'incertitude, le doute, la crainte même des agents du ministère devant la détérioration de leurs conditions de travail et de rémunération. Ces hommes et ces femmes ont conscience des efforts, des sacrifices mêmes, auxquels ce ministère a consenti depuis des années. Ils souscrivent, dans l'esprit de responsabilité qui est le leur, à la volonté de réforme que j'ai constamment exprimée depuis dix-huit mois. S'ils sont convaincus qu'il faut aller de l'avant pour maximiser les atouts de notre diplomatie, ils sont tout autant persuadés que cet effort ne peut reposer sur le seul ministère des Affaires étrangères.
C'est un message de justice, de volonté et d'ambition que je veux vous transmettre aujourd'hui, parce que je crois à la modernisation de notre Etat et à celle de notre action extérieure. Je sais pouvoir compter sur les agents du Quai d'Orsay dans cette entreprise nécessaire. Mais eux-mêmes veulent être assurés que leur engagement dans cette réforme se fera sous le signe de l'équité et que les autres acteurs de l'action internationale de la France prendront leur part dans la vaste rénovation en cours.
Mesdames et Messieurs les Sénateurs, nous devons entendre cet appel et avancer dans la voie de la réforme avec encore plus de détermination.
Détermination, pour ne pas décevoir leurs attentes légitimes, bien sûr ; détermination aussi, car chacun mesure combien, au-delà de nos frontières, partout dans le monde, c'est bien le destin des Français et des Européens qui se joue. Le Ministère des Affaires étrangères a la responsabilité particulière d'éclairer l'avenir et cette responsabilité le place nécessairement au coeur de l'action extérieure de l'Etat.
Cette fonction stratégique nous impose le devoir de nous réformer. S'il veut pleinement remplir sa mission, ce Ministère doit être à la pointe de la modernisation de l'Etat. C'est tout le sens de l'action que je mène depuis 18 mois, avec trois objectifs prioritaires :
- renforcer la capacité stratégique du Quai d'Orsay pour mieux définir les priorités de l'action extérieure de la France ;
- assurer la cohérence interministérielle de notre action diplomatique ;
- rénover les méthodes et les outils, en utilisant mieux les compétences de notre ministère.
Avec ces objectifs, mon ambition est bien de mettre en cohérence l'action extérieure de l'Etat, pour qu'elle soit à la hauteur de la place de la France dans le monde.
Il faut donc fédérer toutes les énergies qui y concourent. Voilà pourquoi, dans le cadre de la nouvelle constitution financière de l'Etat, je plaide pour une mission interministérielle "Action extérieure de l'Etat". Elle devra permettre d'avoir, enfin, une vue d'ensemble de l'action des différents départements ministériels qui agissent à l'étranger et, bien évidemment, de mieux hiérarchiser et rationaliser nos priorités.
Comme le dit le président Dulait, nous sommes à la recherche "d'une cohérence interministérielle accrue pour notre action extérieure". Une mise en cohérence que Jacqueline Gourault, Jacques Chaumont et Daniel Goulet ont légitimement appelée de leurs voeux.
C'est tout l'objet de la stratégie ministérielle de réforme que j'ai soumise au Premier ministre, à l'issue d'une consultation approfondie de l'ensemble des agents de mon ministère.
Cette stratégie passe par trois étapes :
- Une étape politique et parlementaire d'abord ; en rassemblant, au-delà du "jaune budgétaire", dont le caractère lacunaire et tardif est souligné par M. Branger dans son rapport, tous les moyens de l'Etat au sein d'une mission interministérielle " Action extérieure". Vous aurez enfin, Mesdames et Messieurs les Sénateurs, une vision consolidée des actions de la France en dehors de ses frontières en même temps qu'une meilleure maîtrise des crédits qu'elle y consacre. Plusieurs d'entre vous - notamment Messieurs Branger, Durand-Chastel ou de Montesquiou - l'ont dit avec force.
Quand je défends devant vous les crédits de mon ministère, il ne s'agit que de 45 % environ des crédits de l'action extérieure de l'Etat. Il manque tout le reste et nous voyons bien, dès lors, que la stratégie d'ensemble est peu lisible et ne permet pas de faire, dans la clarté, les choix nécessaires. Si chacun des ministres concernés contribuait à ce débat, la représentation nationale et nos concitoyens n'en seraient-ils pas mieux informés ? N'est-ce pas là que résident aussi les disparités et redondances que vos missions à l'étranger décrivent avec constance ? N'est-ce pas ainsi que devient possible la réforme du réseau procédant de la réflexion interministérielle que Jacques Chaumont appelle de ses voeux ?
C'est donc bien à travers la validation politique, par le Parlement, des finalités et des moyens de notre politique étrangère que nous pourrons lui donner sa pleine cohérence. A défaut, le risque est bien que chaque administration poursuive ses objectifs propres sans aucune vision d'ensemble.
- La deuxième étape, qui vient en appui à cette démarche interministérielle, c'est une réforme en profondeur du ministère des Affaires étrangères. Car, pour emporter la conviction, il faut être exemplaire.
Il s'agit d'abord de renforcer notre capacité stratégique pour mieux définir les priorités de notre action extérieure. J'en prendrai trois exemples : rendre tout leur rôle aux directions géographiques qui incarnent la fonction de synthèse politique qui nous incombe ; faire de chaque ambassade une équipe réellement pluridisciplinaire et dont l'unité d'action s'incarnera dans un plan triennal ; enfin, redonner vie au Comité interministériel des moyens extérieurs de l'Etat (CIMEE), comme le préconise fort justement André Ferrand, pour mieux coordonner l'ensemble des crédits de personnel, de fonctionnement et d'intervention de l'action extérieure.
Il s'agit ensuite de valoriser les compétences et motiver les agents des Affaires étrangères. Comment ? Monique Cerisier-Ben Guiga et Danielle Bidard-Reydet s'en sont inquiétées. En favorisant avant tout la promotion interne, y compris d'un corps à l'autre, mais aussi en donnant une véritable impulsion à l'exigence d'évaluation : elle sera généralisée à tous les niveaux, et d'abord aux ambassadeurs, et inclura les jugements des collaborateurs selon la méthode dite d'évaluation à " 360 degrés ". Les nominations aux emplois supérieurs seront désormais préparées par un comité diplomatique et consulaire réunissant des représentants du ministère chargés de proposer, sur la base des évaluations, des choix en toute transparence.
Il faut enfin, je l'ai dit, rénover les méthodes et les outils du ministère. En réorganisant l'administration centrale pour mieux identifier et encadrer les grandes fonctions stratégiques ; en développant parallèlement une gestion par objectifs, fondée sur un vrai contrôle de gestion et sur l'évaluation des résultats.
- Enfin, c'est la troisième étape, cette réforme trouvera sa traduction au niveau local à travers le choix résolu d'une approche interministérielle et déconcentrée. Les instruments de cette démarche commencent déjà à se mettre en place : conférences d'orientation budgétaire au niveau local autour de la pratique des budgets - pays, globalisation des crédits, création de services administratifs unifiés... Il s'agit d'amener l'ensemble des ministères à mettre en place une gestion concertée des crédits de l'action extérieure. Le document cadre que j'ai signé en juin dernier avec Francis Mer en a jeté les bases.
Je suggérerai au Premier ministre d'aller plus loin, en lui proposant d'instaurer un mandat de gestion, par pays, des crédits et des effectifs de tous les services de l'Etat, mandat qui sera confié aux ambassadeurs. Ceci devrait répondre aux attentes de Michel Charasse, qui a souhaité davantage d'interministérialité au niveau local.
Vos rapporteurs ont fait une large place au thème de la loi organique relative aux lois de finances (LOLF). Ce chantier va incontestablement contribuer à la modernisation du ministère, comme le souhaite Louis Duvernois. Jacques Chaumont nous l'a dit : il conduit à une véritable "révolution culturelle" et doit mettre la gestion au coeur des priorités du ministère.
Je viens d'évoquer la mission interministérielle et je me réjouis du consensus qui nous réunit sur ce point. MM. Branger, Charasse et Durand-Chastel se sont interrogés sur son périmètre : doit-elle regrouper l'ensemble des crédits de l'action extérieure de l'Etat ou uniquement les crédits d'aide publique au développement ?
L'objectif, selon la LOLF, d'une mission interministérielle est d'apporter aux parlementaires une vision transversale et consolidée d'une politique publique. Il paraît donc nécessaire que la mission "Action extérieure de l'Etat" soit la plus large possible et qu'elle regroupe tous les programmes à composante internationale et pas uniquement ceux de l'aide publique au développement. Dois-je rappeler que les coûts de fonctionnement et de structure de l'ensemble de notre action extérieure engloutissent un peu plus de 20% du montant global des crédits ? Quelle organisation moderne peut souffrir de tels coûts indirects ?
Enfin, si, comme certains l'ont souligné, cette mission ne pouvait regrouper la totalité des crédits internationaux, du fait de leur dispersion et de l'impossibilité pour certains ministères de définir des programmes à dimension internationale, la mission pourrait s'accompagner d'un ou plusieurs projets coordonnés de politique interministérielle (PCPI) permettant d'harmoniser, dans le cadre des finalités politiques décidées par le Parlement, les objectifs de nos interventions extérieures.
La structuration en programmes du budget du Ministère des affaires étrangères a suscité, c'est naturel, des interrogations, notamment de Messieurs Branger, Charasse et Cointat. Paulette Brisepierre a même demandé que cette réforme ne soit pas une "occasion manquée".
Plusieurs schémas ont été envisagés. La version dont vous avez fait état demeure susceptible de modifications, d'abord parce que le Parlement tient de la LOLF elle-même le pouvoir d'amender les programmes, ensuite parce que nous voulons prendre en compte l'avis du comité interministériel d'audit des programmes, qui analyse en ce moment même nos propositions, enfin parce que le Premier ministre aura également à rendre son arbitrage.
Nous avons à ce stade retenu trois programmes correspondant aux trois principaux métiers de notre ministère tels qu'ils apparaissent en particulier, de manière très claire, dans les activités de nos postes à l'étranger :
- un programme "rayonnement et influence de la France", qui réunit les crédits de l'action diplomatique proprement dite ;
- un programme "coopération et action culturelle", qui regroupe l'essentiel de nos crédits d'action culturelle, scientifique et technique, ceux de l'audiovisuel extérieur et enfin ceux de l'aide publique au développement, y compris le Fonds européen de développement (FED) ;
- un programme enfin "réseaux et services publics à l'étranger" où figureront les crédits consulaires ou dédiés aux Français de l'étranger et au Conseil supérieur des Français de l'étranger (CSFE) - ceci répond à une question de Christian Cointat - ceux consacrés aux activités de direction et de gestion du Ministère et, à titre provisoire, les crédits de personnel et de fonctionnement des services extérieurs.
MM. Charasse et Branger, notamment, s'interrogent sur la pertinence du regroupement des crédits culturels et de l'aide publique au développement dans un même programme.
Ce choix reflète une réalité profonde de communauté de métiers et de complémentarité des actions. Ces politiques ne se détachent pas l'une de l'autre ; elles sont menées par les mêmes structures administratives. Ainsi, la politique de coopération universitaire est menée par la même direction, qu'elle concerne des pays de l'OCDE ou des pays en voie de développement.
En outre, la structuration du programme " coopération et action culturelle " en budgets opérationnels de programme répondra au souhait, exprimé notamment par Michel Charasse - et que je comprends tout à fait - d'identifier clairement les moyens alloués à ces deux politiques.
Les dépenses de personnels de l'administration centrale sont ventilées entre les trois programmes. Comme je vous l'indiquais à l'instant, les crédits de rémunération des agents expatriés le seront également, une fois que nous aurons tiré tous les enseignements de notre expérimentation des "budgets - pays LOLF" et que la rationalisation, en cours, de nos réseaux aura porté ses fruits. Répartir les effectifs entre les trois programmes avant d'avoir redistribué les emplois des réseaux compliquerait singulièrement cette tâche déjà délicate.
A cet égard, vous avez tous montré un grand intérêt pour la nécessaire évolution des réseaux du ministère.
Au cas par cas, vous le savez bien, les décisions sont difficiles à prendre. Mmes Gourault et Cerisier-Ben Guiga, MM. Chaumont, Del Picchia et de Montesquiou estiment que les réseaux consulaire et culturel sont surdimensionnés, notamment en Europe. Ces interrogations sont légitimes. Le contexte international a évolué : nous avons le devoir de nous y adapter et ceci a été trop longtemps différé.
C'est pourquoi j'ai demandé que l'ensemble des paramètres de notre présence soient examinés, dans un esprit d'innovation. Les chefs de poste ont été consultés afin que les propositions retenues soient au plus près des réalités du terrain et de l'évolution des enjeux. Mais cet exercice n'a de sens que s'il s'inscrit dans une démarche d'ensemble, commune à toutes les administrations présentes à l'étranger.
A ce propos, je voudrais rassurer le président Dulait, qui s'est interrogé sur notre capacité à financer le plan de modernisation du ministère. S'il n'est pas question, sauf exception, de fermetures sèches, nous allons en revanche supprimer les doubles emplois, rassembler les sites, promouvoir la polyvalence de l'encadrement... Telle a été l'inspiration des postes mixtes, alliant fonction consulaire et commerciale, expérience à laquelle je sais qu'André Ferrand est très attaché et qui a donné de bons résultats.
De cet effort devraient émerger des marges de manoeuvres budgétaires, peut-être quelques dizaines de millions d'euros - ce n'est à ce stade qu'une évaluation sommaire - qui seront affectés notamment au financement des dépenses de formation, d'équipements de sécurité, de communication, de rénovation de locaux ou de promotions internes, qu'implique le plan de modernisation.
Notre présence dans une Union européenne élargie à 25 est au coeur de notre réflexion stratégique. M. de Montesquiou a raison de s'interroger sur l'utilité de maintenir en l'état notre administration consulaire alors que des solutions européennes ou innovantes existent déjà. Mais soyons lucides : dans une Europe, où les pouvoirs locaux auront de plus en plus d'influence - voyez l'Allemagne, l'Espagne ou encore l'Italie - nous devons conserver au niveau régional un réseau d'observation et d'influence politique et culturelle, sans doute sous des formes nouvelles.
Pour ce qui est du réseau consulaire, nous allons élargir l'expérimentation lancée en Belgique, et dont Robert Del Picchia s'est fait l'écho. En Belgique, depuis le 1er juin 2003, les Français résidant à Liège ou à Anvers peuvent s'adresser indifféremment aux consulats de ces villes ou de Bruxelles pour les opérations administratives courantes.
En regroupant les compétences consulaires sur un seul poste pour un pays ou un groupe de pays, nous allons nous appuyer sur des équipes spécialisées, tout en maintenant une fonction d'accueil dans les autres postes. Ainsi, le traitement de l'état civil dans chaque pays de l'Union européenne va être réorganisé selon ce modèle puisque les opérations en Belgique seront centralisées à Bruxelles dès le 1er janvier 2004 et la télé - administration permettra de travailler plus efficacement et d'offrir à nos compatriotes des informations et des services plus professionnels.
Vous savez le rôle primordial, dans notre effort pour promouvoir la diversité culturelle, du vaste réseau de nos établissements dans le monde : Instituts, Centres culturels et Alliances françaises. Monique Cerisier-Ben Guiga a rappelé tout l'intérêt de ce réseau. Son déploiement sur les cinq continents et le travail minutieux de coopération ou d'influence accompli au quotidien sont plus que jamais nécessaires dans un monde où le dialogue, l'écoute et le respect de l'autre sont des éléments essentiels dans l'action extérieure de notre pays.
La France a la chance de pouvoir s'appuyer sur un dispositif que lui a légué l'histoire ; comme vous l'avez prôné M. Dauge - et sachez que j'ai entendu votre appel - elle entend le préserver mais dans une perspective d'évolution constante, puisque la carte du monde change et qu'il nous faut en permanence adapter nos outils de coopération à des nécessités nouvelles. Nous avons ouvert, ou sommes sur le point d'ouvrir, de nouveaux centres à Kaboul, en Asie centrale à Achkhabad, par ailleurs en Algérie à Constantine et Tlemcen. Nous poursuivons le déploiement d'Alliances françaises en Russie et, surtout, en Chine, à raison de deux ouvertures par an.
A l'inverse, nous réfléchissons à des formules alternatives en Europe, où il n'est sans doute pas nécessaire de conserver une présence permanente, du moins sous la forme d'un établissement, dans des villes de moyenne importance. Il est donc capital que nous réussissions à dégager des marges de manoeuvre et à faire respirer notre réseau culturel. Dans le même temps, notre effort de modernisation se poursuit : les personnels recrutés locaux de ces établissements bénéficieront de près de 2 millions d'euros pour améliorer leurs grilles salariales. Ceci apporte une réponse, je crois, aux préoccupations de Monique Cerisier-Ben Guiga.
(II) Le deuxième thème de vos préoccupations porte sur les dotations du ministère des Affaires étrangères : sont-elles à la hauteur de nos ambitions diplomatiques ?
Tous vos rapporteurs ont tenu à rappeler les difficultés de l'exécution du budget en 2003 et leurs conséquences sur nos engagements internationaux ou sur notre coopération : Michel Charasse pour souligner que le principe de régulation est légitime et inévitable en période de situation budgétaire très tendue, Jacques Chaumont pour estimer que l'autorisation votée par le Parlement est bafouée par la régulation budgétaire qui a frappé le ministère des Affaires étrangères en 2003.
Il est vrai que cette régulation a été massive, puisque les annulations et les gels ont amputé 15 % des crédits hors rémunérations et engagements internationaux. Elle a affecté - fait sans précédent - les crédits de reports, alors même que mon ministère s'était vu imposer 103 millions d'euros de reports obligatoires dans le cadre de la régulation budgétaire en 2002. Elle a aussi été tardive puisque ses derniers avatars ont été notifiés en avril, alors que bien des actions avaient déjà été engagées ou des promesses données.
Cette régulation à répétition a d'abord porté sur le fonctionnement du ministère à des niveaux sans égal, ce qui a provoqué de sérieuses perturbations dans l'activité quotidienne de notre maison. Compte tenu de son ampleur, elle n'a pas permis d'exonérer totalement l'aide publique au développement. Comme le relèvent Monique Cerisier-Ben Guiga, Jacques Chaumont et Michel Charasse, les crédits d'aide publique au développement (APD) n'ont pu être sanctuarisés, pas plus que n'ont été épargnés les crédits de la Francophonie comme l'a regretté Jacques Legendre.
J'ajoute que les organisations de solidarité internationales, le fonds de solidarité prioritaire ainsi que notre assistance technique - 200 recrutements ont dû être suspendus jusqu'à l'année prochaine - ont eu également à subir les conséquences de cette régulation.
C'est là un sujet de réflexion pour l'avenir : dès lors que notre politique étrangère s'inscrit dans les priorités voulues par le président de la République et le gouvernement et approuvées par la représentation nationale, nous devons tout faire pour lui épargner les aléas de la régulation budgétaire. Car c'est le crédit même de notre pays qui risque d'être mis en cause aux yeux de nos partenaires étrangers. Il est clair en tout cas qu'il ne sera pas possible de continuer ainsi à appliquer, sans nuance, à notre ministère des régulations qui bouleversent profondément nos actions de coopération et font douter de la parole de la France. Je le dis ici avec beaucoup de sérieux : nous ne pourrons pas en 2004 subir des gels et des annulations comme cela a été le cas cette année sous peine de devoir renoncer, de manière définitive, à certaines de nos activités.
A ce propos, Christian Cointat a formulé le souhait d'une plus grande concertation entre l'Etat et le Conseil supérieur des Français de l'étranger avant toute décision de gel budgétaire. Je n'ai pas d'objection, pour ma part, à un tel dialogue en vous confirmant la volonté des autorités françaises de tenir régulièrement informées les instances représentatives de nos compatriotes à l'étranger.
Dans ce contexte difficile, quelles sont les priorités de ce budget ? Je salue l'unanimité avec laquelle vos rapporteurs ont relevé la continuité dans ce budget des priorités engagées en 2003 : c'est, d'abord, la poursuite de notre effort en faveur de l'aide au développement tel que voulu par le président de la République, pour permettre de porter l'effort de la France à 0,5 % du PIB d'ici 2007 qui sera tenu.
Cette augmentation ne résultera pas de nos seuls engagements communautaires ou d'annulations de dettes. Je tiens à répondre aux inquiétudes exprimées par Mme Paulette Brisepierre devant la commission des Affaires étrangères : nous ne céderons ni à "la tentation du chèque" ni à celle de "la sous-traitance" généralisée. Je suis déterminé à mettre en avant nos atouts et notre savoir-faire.
Pierre-André Wiltzer évoquera tout ceci plus complètement tout à l'heure. Il répondra notamment à la question de Robert Del Picchia sur la budgétisation du Fonds européen de développement.
Ce budget reflète ensuite la priorité maintenue à la Francophonie, conformément aux engagements pris lors du Sommet de Beyrouth en octobre 2002. Les crédits alloués au Fonds multilatéral unique vont donc augmenter de 10 millions d'euros et les synergies entre notre coopération et les interventions des institutions de la francophonie seront davantage exploitées.
Par ailleurs, c'est la troisième priorité, dans le cadre de la réforme du droit d'asile, les crédits destinés à l'Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA) et à la Commission de recours des réfugiés augmentent de près de 10 millions d'euros, soit une croissance de 35 % environ par rapport à 2003. Grâce à ces efforts, l'OFPRA aura ramené le délai de traitement des demandes de dix à quatre mois d'ici la fin de l'année et devrait atteindre l'objectif de deux mois assigné par le président de la République avant l'été prochain.
Vos rapporteurs ont bien voulu relever que le ministère a pris toute sa part dans l'effort de rigueur du gouvernement cette année : à 4,2 milliards d'euros, nos crédits sont en progression de 2,6 % par rapport à la loi de finances initiale pour 2003 mais, hors crédits dédiés à l'aide publique au développement, ils baissent de 1,26 %.
Jacques Chaumont a souligné à juste titre l'importance de cet effort :
- les effectifs sont à nouveau réduits, de 116 emplois exactement, soit le non-remplacement de 46 % des départs à la retraite. Au total, cela représente une réduction de près de 10 % des effectifs en moins de 10 ans
- Par ailleurs, une économie de 20 millions d'euros nous a été demandée sur les indemnités de résidence. Nous y avons vu un motif supplémentaire de procéder à la réforme trop longtemps différée de ces indemnités, afin de corriger les incohérences géographiques qui aboutissaient à des écarts de rémunération inéquitables.
Une partie de cette économie, 3,8 millions d'euros, servira à revaloriser les primes de l'administration centrale, à travers une augmentation linéaire de 11 %. Une autre partie, 4,2 millions d'euros, financera l'amélioration de la rémunération et de la protection sociale des recrutés locaux.
Pour répondre aux préoccupations exprimées par Monique Cerisier-Ben Guiga, Robert Del Picchia, Jacques Chaumont et Jean-Guy Branger, je précise qu'il sera tenu le plus grand compte du coût de la vie dans les différents pays mais aussi de la situation hiérarchique des agents : les indemnités des agents de catégorie C et de la plupart des personnels enseignants diminueront moins que celles de leurs collègues des catégories A et B.
A cet égard, je souligne que le ministère des Affaires étrangères a eu une politique volontariste pour préserver et améliorer le revenu des agents des catégories C et B.
Depuis 1998, date de la fusion avec le ministère de la Coopération qui pratiquait des taux de primes plus élevés pour ses agents C et B, l'effort de rattrapage concernant les catégories C et le 1er grade de la catégorie B a permis en moyenne un doublement de ces primes sur 6 ans, alors que les catégories B supérieures progressaient de 40 à 50 % et la A de 20 à 50 % pour les A types.
Ainsi l'éventail des primes à l'intérieur du ministère a bien été resserré, alors que le différentiel des A avec ceux d'autres ministères s'est accru.
La réforme des indemnités de résidence ne s'arrêtera pas, au demeurant, à un exercice de mise en cohérence. Des modifications des textes réglementaires sont en cours d'étude pour rendre plus juste le régime des congés de maladie à l'étranger ainsi que le système des majorations familiales. La nature des responsabilités exercées, et non plus leur corps ou leur grade, déterminera le groupe dans lequel les agents seront classés. Un système de classement des ambassades, inspiré du modèle existant dans les préfectures, permettra également de remettre de l'ordre dans la gestion des crédits et des carrières.
Je suis bien conscient que ce reformatage des indemnités de résidence constitue un effort exceptionnel demandé aux agents de l'Etat en poste à l'étranger. Je m'en suis expliqué directement avec les agents du ministère et avec les organisations syndicales. J'ai marqué la nécessité que cet effort soit pour solde de tout compte.
- Autre effort significatif d'économies, les frais de fonctionnement de l'administration centrale et de nos réseaux à l'étranger, vont baisser de 2 % par rapport à 2003, et les crédits immobiliers de 10,3 % en crédits de paiement et de 23,5 % en autorisations de programme.
Au-delà de ces baisses, Mesdames et Messieurs les Sénateurs, certaines dotations, clairement insuffisantes, n'ont pu être augmentées. Au moins sommes-nous parvenus à les stabiliser.
Il s'agit en premier lieu des contributions volontaires aux organismes internationaux, hors Francophonie, contributions qui, comme l'a souligné M. Branger, jouent un rôle déterminant dans la crédibilité de la France au sein des organisations internationales.
Il y a une divergence évidente entre notre engagement politique en faveur des institutions multilatérales et le niveau de nos contributions volontaires. Je reste convaincu qu'à moyen terme, l'objectif que nous nous sommes fixés d'une augmentation de notre aide publique au développement conduira à accroître ces contributions qui, je le rappelle, constituent à plus de 90 % de l'APD.
Les subventions aux opérateurs de l'audiovisuel, demeureront également stables et permettront à RFI et TV5 d'assurer leurs missions. Enfin, l'érosion des crédits de la coopération militaire et de défense a été stoppée, même si ces dotations demeurent à l'évidence insuffisantes.
Dans une conjoncture budgétaire difficile, nous nous sommes donc organisés pour préserver l'essentiel.
A propos des moyens du ministère, je voudrais à présent revenir sur quatre sujets que vous avez été nombreux à évoquer : l'enseignement français à l'étranger, l'audiovisuel extérieur, nos investissements immobiliers et nos concitoyens à l'étranger.
Tous les sénateurs représentant les Français de l'étranger se sont inquiétés du niveau des crédits alloués à l'Agence pour l'enseignement français à l'étranger et des déconventionnements qui sont intervenus cette année.
Mais vous avez également noté que la gestion rigoureuse de l'Agence, aidée, il est vrai, par le redressement de l'euro par rapport au dollar, a contribué à l'amélioration sensible de sa situation financière et de sa capacité à financer ses priorités.
Vous m'interrogez sur le déconventionnement de nos établissements scolaires. Pour des raisons très diverses - qui peuvent tenir au souci d'indépendance des comités de gestion, aux avantages offerts par la législation locale ou encore, c'est le cas aux Etats-Unis, à une incompatibilité entre le statut de résident et des dispositions réglementaires ou légales - il peut arriver, en effet, que l'Agence décide de substituer au lien contractuel qu'elle entretient avec des associations gestionnaires un simple appui pédagogique et financier.
A vrai dire, il ne s'est guère passé une année dans la vie de l'Agence sans qu'elle ait été amenée à "déconventionner". Ce mouvement se poursuivra, en fonction de besoins soigneusement identifiés, et bien entendu avec l'accord de tous les partenaires de la communauté scolaire.
Mais - et je le dis ici solennellement - il n'y a aucune politique de déconventionnement systématique menée par l'Agence ou par le ministère des Affaires étrangères. C'est même tout le contraire : des conventions sont en cours d'élaboration avec un certain nombre d'établissements - Saint-Petersbourg, bientôt Ljubljana et Bratislava, à terme Vilnius - pour accompagner le mouvement vers l'Est de l'Europe des communautés françaises expatriées. Et gardons en mémoire la forte montée en puissance de notre réseau en Chine.
Quant à l'effort demandé aux familles pour participer à ces développements un rapport récent de l'Inspection générale des Finances a montré que les droits de scolarité ont augmenté à un rythme inférieur à l'inflation.
Comme j'ai eu l'occasion de le souligner devant le Conseil économique et social, la principale difficulté de l'Agence pour l'enseignement français à l'étranger réside dans la gestion du parc immobilier de nos écoles et lycées à l'étranger. L'état de ces bâtiments est loin d'être partout satisfaisant, et des ressources aléatoires ne permettent pas toujours de répondre aux besoins d'entretien et aux impératifs de sécurité. Ce dernier point est pour moi une priorité absolue.
Pour prolonger la proposition d'André Ferrand, ce ne sont pas un mais deux fonds d'investissements qu'il est prévu de mettre en place aux termes du plan d'orientation stratégique en cours d'élaboration avec les partenaires de l'AEFE :
- le premier serait constitué par le transfert à l'Agence des crédits du titre V que le ministère des Affaires étrangères destine aux établissements en gestion directe, complétés par les contributions des établissements eux-mêmes, et surtout par l'émission d'emprunts auxquels la loi autorise l'Agence à procéder ;
- le second serait destiné aux établissements conventionnés, sous la forme d'un fonds alimenté soit par les loyers versés lorsqu'il s'agit d'immeubles appartenant à l'Etat, soit par des dons d'entreprises - je sais qu'André Ferrand y est très attentif - ou des autorités publiques des pays d'accueil, soit par des cotisations des établissements scolaires.
Vous le savez, une nouvelle loi relative au mécénat et aux fondations a été adoptée le 1er août dernier, à l'initiative du ministre de la Culture et de la Communication. Elle prévoit notamment de porter à 60 % les déductions d'impôt dont pourraient désormais bénéficier les entreprises mécènes. En réponse à une question de M. le Sénateur Robert Del Picchia, le ministre du Budget a clairement indiqué que nos établissements scolaires à l'étranger pourraient en bénéficier, à condition que les associations ou les fondations concernées aient leur siège en France.
Robert Del Picchia a également soulevé la question du bac international. Comme vous le savez, les Lycées français à l'étranger, pourtant considérés comme des établissements d'excellence, éprouvent aujourd'hui des difficultés à garder les meilleurs élèves du dernier cycle du secondaire, car le baccalauréat français n'est pas toujours reconnu par les autorités locales, notamment aux Etats-Unis. Dans le même temps le baccalauréat international, dit de "Genève", se développe rapidement mais n'offre pas les mêmes garanties pédagogiques que le bac français.
Aussi a-t-il paru utile d'envisager la mise au point d'une certification de fin d'études secondaires à caractère international. Le ministère de l'Education nationale étudie à cette fin les modalités d'un baccalauréat accessible à tous les élèves qui le souhaiteraient, et reposant, pour partie, sur les épreuves du baccalauréat français et, pour le reste, sur les certifications proposées dans le pays d'accueil.
Voilà une nouvelle illustration de la collaboration étroite que nous poursuivons avec le ministère de l'Education nationale en faveur du réseau de l'AEFE. Qu'il s'agisse de l'homologation des établissements, de l'affectation du personnel expatrié ou résident, ou encore des conditions de retour des enfants d'expatriés, nos liens avec l'Education nationale sont nombreux et confiants. Faut-il aller plus loin et prévoir un co-financement de l'AEFE par l'Education nationale, par exemple pour les bourses scolaires ou les salaires indiciaires des enseignants ? J'ai noté les suggestions d'André Ferrand et de Hubert Durand-Chastel sur ce point et j'entends charger l'Agence et la direction générale de la coopération internationale et du développement (DGCID) d'une mission exploratoire sur ces différents sujets.
J'en viens maintenant à l'audiovisuel extérieur.
S'agissant de la Chaîne d'information internationale, évoquée par plusieurs orateurs et à propos de laquelle Mme Cerisier-Ben Guiga s'est inquiétée des conséquences de son financement sur celui de RFI et TV5, je ne reviendrai pas sur la nécessité de mieux faire entendre notre voix et diffuser nos images.
M. Bernard Brochand a rendu son rapport au Premier ministre. C'est une première étape qui définit, de façon générale, le dispositif proposé : une chaîne indépendante, fondée sur un partenariat TF1 - France Télévisions, diffusant en français, arabe, anglais pour commencer -, le Maghreb, l'Afrique, le Proche et le Moyen-Orient étant naturellement les zones prioritaires pour la diffusion de cette future entreprise.
Comme vous le savez, le Premier ministre a demandé à M. Brochand de poursuivre sa mission pendant trois mois. Beaucoup de questions se posent, en effet, pour préciser le projet :
- la définition du cahier des charges ;
- l'analyse d'impact sur le dispositif existant de l'audiovisuel extérieur ;
- la clarification de ce que seront les relations de cette chaîne indépendante avec l'Etat ;
- et, naturellement, les questions de financement.
Nous attendons donc les conclusions de ce nouveau rapport, étant entendu que le choix a été fait de ne pas remettre en cause le dispositif autour de RFI et de TV5.
D'ailleurs, je vous rappelle que TV5 est une entreprise internationale et que nous sommes tenus à une concertation régulière et préalable avec nos partenaires concernés.
Robert Del Picchia a appelé mon attention sur l'arrêt de la diffusion hertzienne de France 2 en Italie.
Je suis, comme vous, attaché à la défense de la francophonie et du rayonnement culturel de notre pays dans le monde. La situation que vous évoquez est, malheureusement, la conséquence d'une récente évolution de la législation italienne qui contraint à court terme tous les opérateurs hertziens de télévision à numériser leur réseau d'émetteurs, sauf à renoncer définitivement à être présents.
Face à cette obligation, nous avons fait le choix de céder une partie du réseau de France 2 en Italie du Nord et du Centre pour dégager une capacité de financement et préparer l'avenir. Il s'agira en effet de tirer parti de la généralisation de la réception numérique pour accroître les capacités de diffusion terrestre en Italie. A ce moment là, tout sera mis en oeuvre pour réinstaller une chaîne française sur l'un de ces réseaux, avec l'objectif de couvrir la plus grande partie possible du territoire italien.
Dans l'immédiat, je vous confirme qu'il n'a jamais été question d'interrompre la diffusion de France 2 à Rome et que l'investissement nécessaire à la numérisation de l'émetteur sera fait. Par ailleurs, l'ensemble des téléspectateurs italiens de France 2 ont été informés qu'ils pouvaient continuer à recevoir cette chaîne, moyennant l'installation d'une parabole et l'emploi d'un décodeur. Il est probable qu'une bonne partie d'entre eux feront cet effort financier modeste, comme l'ont d'ailleurs fait avant eux des millions d'Algériens ou de Tunisiens.
Quelques commentaires maintenant sur notre politique immobilière.
M. Durand-Chastel et M. Chaumont, qui a effectué une mission en Turquie en septembre, ont estimé qu'il fallait tirer au plus vite les enseignements des réelles difficultés que connaît le ministère des Affaires étrangères en matière d'investissement.
Vous avez raison, nos difficultés en matière d'investissement immobilier ont été aggravées par la régulation budgétaire. Nous avons dû notamment différer des paiements dus à certaines entreprises. Comme l'a souligné M. Jean-Guy Branger dans son rapport, ces difficultés ont amené à surseoir à la construction du bâtiment des archives à La Courneuve et de nouvelles ambassades de Tokyo et de Pékin.
Si des solutions innovantes en matière de financement sont toujours recherchées, notamment à Tokyo, la loi ne nous permet pas actuellement de financer des bâtiments d'archives en partenariat public-privé.
Il faut donc poursuivre nos réflexions et probablement faire des choix. A cet égard, nous devrons vendre davantage pour pouvoir, progressivement, redonner au ministère sa capacité d'investissement en matière immobilière. Mais ceci ne peut se faire dans la précipitation et doit s'inscrire dans le cadre plus global de la rationalisation de nos réseaux à l'étranger que j'évoquais précédemment.
M. Durand-Chastel a suggéré le recours à la formule du crédit-bail pour l'acquisition d'immeubles destinés à une mission de service public. Nous examinons en effet des solutions de ce type, mais ceci implique une modification de la réglementation actuelle qui est à l'étude.
Je terminerai cette partie de mon intervention par notre action en faveur des Français de l'étranger.
Je voudrais d'abord évoquer la proposition de Loi organique déposée par le sénateur Cointat qui vise à intégrer dans le domaine législatif les règles concernant les instances représentatives des Français de l'étranger.
Le gouvernement souhaite effectivement associer davantage les Français de l'étranger à la gestion de leurs affaires, conformément à la politique de décentralisation. Il compte en particulier donner davantage de pouvoirs et de responsabilités aux représentants élus des Français de l'étranger, essentiellement au niveau local, pour tout ce qui touche aux affaires sociales, à l'enseignement et à l'emploi de nos compatriotes.
Je suis en revanche moins certain qu'il soit possible d'assimiler ces "instances" à des collectivités territoriales proprement dites. Les Français de l'étranger constituent-ils réellement une collectivité au sens propre ? Ce sont des communautés diverses et nombreuses, le plus souvent bien intégrées dans leur pays d'accueil mais, évidemment, très dispersées sur le plan géographique. Enfin, pour s'administrer librement comme le prévoit la Constitution, cette collectivité nouvelle devrait pouvoir disposer de ressources propres.
La proposition du sénateur Cointat a le mérite de poser les bonnes questions et d'aller dans la bonne direction. Le gouvernement en partage l'esprit. Reste la réflexion approfondie engagée dans ce sens doit être poursuivie, notamment au sein du CSFE.
L'inscription des Français établis hors de France sur les listes électorales de nos communes est également une préoccupation de Christian Cointat.
Le projet d'ordonnance portant simplification administrative en matière électorale vient d'être soumis au Conseil d'Etat. Son article 1er concerne directement les Français établis hors de France, qui pourront désormais demander leur inscription dans la "commune sur la liste électorale de laquelle est inscrit ou a été inscrit un de leurs parents jusqu'au quatrième degré". Cette ordonnance devrait être soumise au prochain Conseil des ministres et publiée très rapidement.
Mme Cerisier-Ben Guiga et M. Cantegrit se sont préoccupés de l'assistance aux Français de l'étranger.
Le Fonds d'action sociale du ministère des Affaires étrangères a bénéficié d'une revalorisation régulière, de près de 19 % au cours de six dernières années. Près de 18 millions d'euros sont consacrés à l'aide sociale aux Français en difficulté à l'étranger, principalement en faveur de nos compatriotes âgés et handicapés.
Votre mobilisation a permis de préserver ces crédits du gel budgétaire. Ils sont intégralement maintenus en 2004, malgré un contexte budgétaire particulièrement tendu, et apporteront ainsi une aide sociale permanente à plus de cinq mille de nos compatriotes les plus démunis.
Je souligne l'effort fait en faveur des personnes handicapées : le nombre de bénéficiaires de l'allocation "handicapé" a augmenté de 3 %. De même, les allocations versées aux enfants handicapés et les aides complémentaires ont été revalorisées de 3 %.
(III) Je voudrais pour terminer répondre aux questions ayant trait à notre action dans plusieurs régions du monde.
Je commencerai par les questions portant sur le Proche-Orient et l'Irak.
Je souscris totalement à l'approche volontariste du président Dulait : l'inaction au Proche-Orient n'est pas une option.
La résolution du conflit israélo-palestinien répond à une exigence de justice, elle est aussi dans l'intérêt de tous : la situation en Irak, les progrès politiques et économiques du Moyen-Orient, la lutte contre le terrorisme sont indissociables du règlement de ce conflit.
Face à cela, il y a une contradiction que nous avons le devoir de surmonter :
- le monde entier s'accorde sur l'objectif à atteindre - il faut que les deux Etats vivent côte à côte en paix et en sécurité - et sur la méthode pour y parvenir : la Feuille de route du Quartet, désormais endossée par le Conseil de sécurité à l'unanimité dans le cadre de la résolution 1515 ;
- mais ce consensus est sans effet face à la situation sur le terrain qui s'aggrave - Danielle Bidard-Reydet nous a dit son indignation sur ce point ;
Pourtant, une nouvelle dynamique, timide et fragile, s'esquisse aujourd'hui : le niveau de violence a fortement baissé ; le gouvernement d'Abou Ala a été formé ; il y a, en perspective, l'espoir d'une reprise des contacts officiels ; enfin les sociétés civiles se mobilisent.
La France, avec l'Europe, soutient ce mouvement en favorisant la relance de la Feuille de route et le Quartet par une action diplomatique volontariste :
- D'où notre soutien à Abou Ala, qui s'efforce d'obtenir un nouveau cessez-le-feu.
- D'où, aussi, notre insistance pour qu'Israël allège concrètement les effets de l'occupation et gèle l'extension des colonies et la construction du mur de séparation, édifié en partie sur le territoire palestinien.
Une action internationale plus audacieuse est nécessaire pour surmonter les obstacles. A cette fin, notre pays a avancé une double proposition :
- une conférence internationale pour marquer l'engagement de la communauté internationale ;
- une présence internationale sur le terrain pour garantir la sécurité et remettre sur pied l'Autorité palestinienne.
Sur l'initiative de Genève, à propos de laquelle m'ont interrogé Mmes Durrieu et Bidard-Reydet ainsi que M. Penne, je rappelle que la France a exprimé à plusieurs reprises son intérêt pour ce projet porteur d'espoir. Il fixe l'horizon et décrit ce que pourrait être le contenu d'un accord définitif. Il est donc complémentaire de la Feuille de route. J'ai moi-même rencontré le 22 octobre dernier les initiateurs de l'accord de Genève, MM. Beilin et Rabbo. Leur initiative témoigne qu'il existe au sein des deux peuples au Proche-Orient les ressorts d'un dialogue et le souci d'une espérance commune.
En Irak, pays sur lequel MM. Dulait, de Montesquiou, Mathieu et Penne ont bien voulu m'interroger, nous restons confrontés à l'urgence, à la montée des périls et à l'extension de la violence.
Les attaques terroristes ont de nouveau démontré qu'une logique seulement sécuritaire est insuffisante, et qu'il faut privilégier en Irak une approche politique et concertée.
Un processus politique s'est engagé le 15 novembre à Bagdad.
La France a salué, avec ses partenaires de l'Union européenne, l'accord signé par le président du Conseil de Gouvernement intérimaire et l'Autorité de la Coalition car cette nouvelle approche :
- représente un pas vers la restauration de la souveraineté irakienne ;
- comporte un calendrier précis de transition politique ;
- prévoit un gouvernement de transition avant l'achèvement du calendrier constitutionnel.
Mais l'urgence en Irak doit conduire à une approche collective à la mesure de l'enjeu. Voilà pourquoi la France plaide pour l'accélération et l'élargissement du processus politique, seule réponse efficace pour briser la spirale du terrorisme. Les discussions en cours en Irak montrent d'ailleurs que l'accord de Bagdad n'est pas figé et que les Irakiens souhaitent s'approprier le processus.
Il faut également associer et responsabiliser tous les Etats de la région. A cet égard, la France se félicite de l'annonce par le Secrétaire général de l'ONU de la mise en place d'un groupe de contact avec les Etats voisins de l'Irak.
Il faut enfin mettre l'ONU en mesure de soutenir efficacement la transition en Irak à chacune de ses étapes. La France a avancé l'idée d'un envoyé spécial du Secrétaire général qui pourrait contribuer à engager les Irakiens et les pays de la région dans le processus.
La France veut en même temps répondre à l'exigence de solidarité vis-à-vis du peuple irakien :
- le dialogue politique est engagé. Je poursuivrai prochainement les contacts noués avec les membres du Conseil de gouvernement ;
- d'autre part, une assistance humanitaire de l'ordre de 7 millions d'euros et des actions de coopération de près d'un million d'euros sont mises en oeuvre, dans l'environnement difficile que l'on connaît. Je vous le confirme bien volontiers, M. de Montesquiou, la France est prête à participer plus largement au développement de ce pays dès lors que les conditions seront réunies.
Mme Cerisier-Ben Guiga a posé plusieurs questions sur la situation en Tunisie.
La France est attachée à la défense des Droits de l'Homme et à l'Etat de droit, en Tunisie comme partout dans le monde. Ces questions sont évoquées régulièrement avec les autorités tunisiennes dans le cadre de notre dialogue politique étroit et confiant. Elles seront abordées, sans esprit d'ingérence, lors de la visite d'Etat du président de la République en Tunisie du 3 au 5 décembre prochain.
Dans ce contexte, nous suivons avec attention, depuis le début de sa grève de la faim, la situation de Maître Radhia Nasraoui, personnalité tunisienne bien connue en Europe. Nous sommes en contact régulier avec les autorités tunisiennes sur ce sujet. Nous espérons que cette affaire trouvera rapidement une issue positive.
Le sénateur Barbier a bien voulu m'interroger sur l'état des relations franco-américaines.
Dans sa relation bilatérale avec les Etats-Unis, la France est restée fidèle à ses principes et elle a constamment veillé à privilégier le pragmatisme. Elle a agi en parfaite loyauté, indiquant à chaque étape quelle serait son attitude. Nous avons eu un désaccord, ce qui peut parfaitement survenir même entre amis, et nous l'assumons.
Nous n'avons rien à retirer de nos choix ni de nos actes. L'évolution de la situation montre à quel point le recours aux Nations Unies et la nécessité d'un transfert de souveraineté rapide au peuple irakien demeurent prioritaires.
Nos objectifs se rejoignent par conséquent : nous n'avons pas plus intérêt que les Etats-Unis à ce que la situation au Moyen-Orient se dégrade davantage. C'est cette crainte qui motivait nos réticences face aux projets d'intervention militaire. A présent, il convient d'organiser le redressement de l'Irak, et de promouvoir la paix régionale. Je crois profondément qu'elle ne pourra voir le jour sans un règlement du conflit israélo-palestinien, ce qui implique un engagement plus fort et équilibré des Etats-Unis.
Notre différend sur la gestion du dossier irakien continue sans doute à marquer l'atmosphère de nos relations. Mais je note que cette situation n'a eu guère d'effets sur nos échanges commerciaux, qui se sont poursuivis normalement en dépit des quelques appels au boycott. Nos relations économiques demeurent excellentes et elles font preuve surtout depuis dix ans d'un dynamise inégalé.
Sur le plan politique, l'ambiance est loin d'être aussi sombre que certains se complaisent à le décrire. Le lancement en octobre dernier d'un groupe d'amitié sur la France au Congrès en est l'illustration. Je saisis d'ailleurs cette occasion pour souligner tout l'intérêt d'un dialogue entre notre Parlement et le Congrès américain, complément indispensable à la concertation entre nos deux gouvernements.
Ce dialogue et cette amitié doivent sans cesse être renforcés. L'antiaméricanisme me semble être en France le fait d'une infime minorité, et ce n'est évidemment pas ce qui a inspiré notre action ces derniers mois, est-il besoin de le préciser. La large majorité de nos concitoyens aiment l'Amérique, et savent ce que la France et l'Europe lui doivent. Nous sommes toujours unis en temps de crise. Le président Chirac était le premier à se rendre à New York après le 11 septembre, et la France demeure un allié actif en Afghanistan, aux côtés des Etats-Unis.
Il est donc temps de mettre fin aux procès d'intention : nous sommes les plus vieux alliés des Etats-Unis et comptons le rester. Cette amitié ne saurait pour autant être réduite à un alignement systématique sur les choix américains, qui peuvent de manière parfaitement légitime ne pas correspondre ni à nos principes ni à nos intérêts. C'est quelque chose que nous devons accepter, en liaison avec nos partenaires européens, dans ce monde multipolaire de l'après guerre-froide.
J'ai bien entendu la question de Guy Penne sur la Tchétchénie : la situation dans cette république est grave, sur le plan politique comme humanitaire, et la France, comme ses partenaires européens, condamne la violence sous toutes ses formes.
Cela étant, il n'y a pas de solution toute faite : ni l'indépendance auto-proclamée en 1991, ni les accords de paix de 1996 , qui la reconnaissent de fait, n'ont réglé le problème.
Moscou a lancé un processus politique, avec une nouvelle Constitution, des élections présidentielle et bientôt législative. Ne le condamnons pas par principe. Mais conservons vigilance et fermeté ; et continuons de demander un retour sur le terrain des ONG et des organisations internationales afin d'aider à ce processus dans la transparence.
Vous m'avez interrogé, Monsieur le Président Dulait, sur l'évolution de la situation en Côte d'Ivoire, et fait part de vos inquiétudes sur la mise en oeuvre des accords de Marcoussis.
Certes, depuis l'origine, le processus qui doit nous conduire à la tenue, fin 2005, d'élections libres, transparentes et ouvertes à tous, a connu des hésitations et des blocages. Il en connaîtra peut être d'autres. Je considère toutefois que, moins d'un an après Marcoussis, les responsables ivoiriens sont parvenus à franchir plusieurs étapes essentielles. Prenons acte de l'engagement déterminé du président Gbagbo à "faire taire les armes pour toujours" et à passer, sans plus tarder, à la phase de mise en oeuvre de Marcoussis. Notons aussi, qu'après sa déclaration de jeudi soir, le chef de l'Etat ait tenu hier à se rendre personnellement sur le terrain à M'Bahiakro pour faire-part de ce message d'apaisement. Différentes réunions sont envisagées cette semaine pour évoquer le retour des forces nouvelles au gouvernement, l'examen des principaux textes d'application de Marcoussis, la mise en oeuvre des opérations de regroupement puis de désarmement. Elles témoigneront - je veux l'espérer - de l'engagement concret de l'ensemble des acteurs de la crise à prendre toute leur part à la poursuite du processus, et de leur volonté de sortir définitivement de l'état de guerre.
Cette évolution souligne aussi la mobilisation de l'ensemble de la communauté régionale et internationale pour laquelle nous n'avons cessé de plaider depuis le début de la crise. Depuis quinze jours, ce mouvement s'est accéléré : Chefs d'Etat de la région, CEDEAO, Union européenne, Nations unies, se sont engagés avec détermination pour rétablir les fils d'un dialogue encore fragile, mais incontournable.
C'est le passage à la phase concrète de mise en oeuvre de Marcoussis, marqué par le début de l'examen des textes législatifs et le regroupement de toutes les forces en présence, qui ouvrira la voie au retour progressif de l'administration et des services publics sur l'ensemble du territoire, au désarmement, à la préparation sereine des échéances électorales et aux nécessaires mesures de reconstruction. Tous ces éléments seront mis en oeuvre avec l'appui de la communauté des bailleurs, tous mobilisés depuis le Sommet de Kléber.
Je tiens enfin à rassurer le président Cantegrit, et à lui confirmer que les élections au CSFE se sont déroulées hier sans incident.
Vous avez plus généralement, Monsieur le Président, salué l'engagement déterminé de la France au service des sorties de conflit, et je vous en remercie. Depuis un an, nous avons effectivement progressé de façon constructive sur plusieurs théâtres : en République démocratique du Congo, l'intervention européenne sous égide française dans le cadre de l'opération Artemis a permis de conforter le processus de transition politique. Nous sommes désormais en mesure de préparer la tenue d'une Conférence sur les Grands Lacs à l'été prochain. En Centrafrique, où nous sommes fortement présents, la mobilisation de nos partenaires européens a permis d'aboutir, il y a quelques jours, à la reprise des relations avec l'Union européenne, prélude, nous y travaillons, à une reprise des relations avec le FMI. Au Soudan, où notre envoyé spécial suit les négociations en permanence depuis un an, un accord de paix pourrait intervenir en début d'année prochaine après plus de vingt années de guerre.
Certes, d'autres points restent fragiles ou vulnérables. Nous les suivons avec la plus grande vigilance. Soyons en effet conscients de cette réalité là : il n'y aura pas d'effort efficace en faveur du développement du continent africain s'il n'y a pas, au préalable, un engagement déterminé au profit de la solution rapide des conflits qui le secouent.
Monsieur le Président,
Mesdames et Messieurs les Sénateurs,
Telles sont les remarques et les observations que je voulais faire en réponse à vos interventions. J'espère qu'elles seront de nature à vous convaincre que le projet de budget que j'ai l'honneur de vous soumettre mérite votre approbation. Je vous remercie.
(Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 4 décembre 2003)