Déclaration de M. Emile Zuccarelli, ministre de la fonction publique, de la réforme de l'Etat et de la décentralisation, sur le rôle des Chambres de métiers dans la mise en oeuvre des contrats de plan Etat région, leur compétence en matière de participation au développement local, l'aide aux usagers et le projet de loi sur les collectivités locales et l'intercommunalité, Paris le 23 septembre 1998.

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Circonstance : Assemblée générale permanente des Chambres de métiers à Paris le 23 septembre 1998

Texte intégral

Monsieur le Président, Mesdames et Messieurs les présidents de chambres de métiers, Mesdames, Messieurs,
Vous avez examiné ce matin les opportunités que les contrats de plan Etat-Région offrent pour un développement bien compris de l'artisanat.
Conformément à sa mission, l'Assemblée permanente des chambres de métiers a élaboré un projet stratégique en vue des négociations à venir. L'équation de la réussite territoriale y est clairement posée. Il faut développer des compétences, les valoriser à travers des réseaux et se donner des projets et des cadres collectifs d'action pour réduire les incertitudes et catalyser les énergies.
Le projet de l'APCM rejoint assez largement l'analyse faite par le gouvernement et promue par Madame Dominique Voynet, ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement : les entreprises et les territoires doivent être de véritables acteurs, agissant en coopération, engagés les uns envers les autres.
Les contrats de plan Etat-Région ont instauré une pratique de dialogue entre l'Etat et ses partenaires territoriaux autour de la mise en place des équipements structurants dont notre pays a besoin. Aujourd'hui, il faut rechercher encore plus de participation et d'implication de tous les acteurs, publics, privés et associatifs pour un développement créateur d'emplois ou d'activités nouvelles : c'est la priorité de ce gouvernement et de nos concitoyens.
Le volet territorial des contrats de plan présentera des modèles d'actions qui concourent au développement local et à une meilleure organisation du territoire. Les contrats de pays et d'agglomération favoriseront ensuite les processus de progrès à l'échelon local.
Les nouveaux contrats de plan seront donc un moment fort de l'expression de la stratégie de l'Etat et de la Nation aux différents échelons territoriaux. Leur succès dépendra pour beaucoup du soutien actif de services publics performants et modernes, comme cela a toujours été le cas dans notre pays. Cette coopération correspond à la fois à notre vision du rôle de l'Etat républicain, à l'attente des citoyens et des entreprises, malgré des discours parfois divergents qui ne reflètent pas la réalité des pratiques.
Dans son rapport au comité économique et social sur le développement de l'artisanat, M Jean-Yves Rossi, votre Directeur général, avait déjà souligné le rôle que pouvaient jouer en ce sens les chambres de métiers. Il me permettra de le citer pour rappeler ce que votre fonction apporte d'original à la recherche de l'intérêt général :
" Gestionnaires d'un établissement public, responsables de services administratifs, soumis à ce titre aux lois du service public, les administrateurs des chambres se trouvent dans une situation singulière qui fait la difficulté et la richesse de leur rôle de représentation : leurs avis doivent trouver l'équilibre entre l'écho des difficultés des artisans et la force des contraintes que, gestionnaires d'un service public, ils éprouvent et connaissent donc concrètement ".
Les administrateurs des chambres de métiers se trouvent de fait au point de rencontre de l'action publique et de l'initiative individuelle, là où s'amorce le cercle vertueux du projet collectif et républicain auquel nous adhérons.
Nous avons en France une haute idée du rôle des services publics. Pour nous, l'Etat ne saurait se réduire à ses fonctions régaliennes. Il joue un rôle social considérable, il soutient et facilite l'essor économique, il met en place les moyens d'accès de chacun au savoir et à la culture. Parce qu'il doit remplir tous ces rôles en sachant s'adapter à un environnement évolutif, son adaptation aux progrès de la société est pour lui une obligation permanente.
Les services déconcentrés, qui regroupent 96 % des fonctionnaires, ordonnent les 2/3 des dépenses et prennent les 3/4 des décisions administratives individuelles, sont concernés au premier chef.
L'amélioration de l'efficacité de ces services est une priorité gouvernementale. Elle tient une place essentielle dans les orientations de la réforme de l'Etat que j'ai formulées le 5 novembre dernier et que le gouvernement a adoptées.
Je proposerai prochainement des mesures permettant à l'administration territoriale de l'Etat de diversifier ses modes de fonctionnement et d'organisation en fonction de sa propre analyse des contraintes et des exigences de son environnement.
Il s'agit là de poursuivre le mouvement de déconcentration engagé en 1992 pour rapprocher les citoyens des lieux de décision qui les concernent et conférer davantage de responsabilités aux échelons déconcentrés dans la conduite des affaires publiques.
L'efficacité de l'Etat territorial tient en effet à sa capacité à coordonner les efforts d'organismes qui ont des finalités, des objectifs et des calendriers différents, qu'il s'agisse des collectivités territoriales, d'organismes publics ou parapublics locaux, d'organismes professionnels ou des acteurs économiques eux-mêmes.
Dans ces conditions, il ne peut y avoir d'action efficace sans clarification préalable, et partagée, des enjeux, des objectifs et des missions de chacun.
Les établissements publics que vous représentez sont bien évidemment concernés par cette évolution. A l'avenir, ils devraient être davantage sollicités pour participer à l'élaboration de diagnostics communs avec les services de l'Etat, dans le cadre des collèges de chefs de service, au niveau départemental, ou des commissions administratives régionales.
Ils seront également invités à prendre toute leur place dans l'alimentation des systèmes d'information territoriaux dont l'objet est bien de mettre en forme et de partager des connaissances pour capitaliser les expériences et progresser collectivement.
La généralisation des systèmes d'information est inscrite dans le programme d'action gouvernemental pour la société de l'information (PAGSI). A ce jour, plus de 80 systèmes d'information territoriaux ont été mis en oeuvre et financés sur le fonds de la réforme de l'Etat à hauteur d'une trentaine de millions de francs.
Le respect des attentes et des capacités du corps social impose naturellement de faire progresser les droits de chacun, d'offrir aux citoyens une administration plus accessible et de faciliter leurs démarches en simplifiant les procédures.
A la suite du rapport de Monsieur BAERT, Madame la ministre des petites et moyennes entreprises a annoncé un premier train de mesures visant à alléger de façon significative la charge administrative qui pèse sur les PME.
Il convient de poursuivre dans ce sens en s'inscrivant dans la durée. Dans le domaine de l'emploi et du développement économique il reste encore à organiser le travail en réseau avec l'objectif de bien informer les entreprises et les salariés, d'accélérer l'instruction des dossiers, de privilégier l'approche globale des projets, d'harmoniser les politiques d'aides entre les différents intervenants et de coordonner les actions au bénéfice des entreprises.
De ce points de vue, je considère que l'expérience des centres locaux d'action qualités apporte une démonstration exemplaire de l'intérêt de cette orientation.
A Nantes, par exemple, j'ai constaté personnellement que les artisans des métiers de bouche ont mené dans d'excellentes conditions avec les quatre administrations concernées (services vétérinaires, répression des fraudes, action sanitaire, commerce et artisanat) des actions de mise en conformité sanitaire et de formation pour assurer le respect des dispositions d'une directive européenne dans les délais requis.
La chambre des métiers a apporté un soutien actif à cette démarche qui est un réel succès. En deux ans, 118 dossiers de mise aux normes ont été réalisés représentant un investissement moyen de 222 500 F par établissement.
Par ailleurs, j'ai fait adopter le 13 mai en conseil des ministres un projet de loi relatif aux droits des citoyens dans leurs relations avec les administrations - dit DCRA - qui sera examiné par le Parlement au printemps. Ce texte concerne aussi largement les artisans dans leurs relations quotidiennes avec les administrations.
Cette loi s'appliquera à tous les services publics : Etat, établissements publics, collectivités territoriales et aussi les organismes privés gestionnaires d'un service public administratif, tel les URSAFF, par exemple.
Mon premier objectif est de favoriser la connaissance par l'usager de la réglementation en vigueur, des documents administratifs et du fonctionnement des services. Deux mesures me paraissent devoir être soulignées ici :
D'abord la suppression de l'anonymat dans le traitement des dossiers : les usagers devront pouvoir connaître le nom de la personne qui instruit leur dossier et celui du responsable à qui il appartient de prendre toute décision correspondante.
Ensuite l'unification de la procédure d'accès aux documents administratifs, qu'il s'agisse de documents papiers, de fichiers informatiques ou d'archives. Dans tous les cas, les difficultés de communication seront soumises à la Commission d'accès aux documents administratifs.
Le deuxième volet de la loi a trait à la simplification des démarches administratives. Il vise à améliorer le traitement des demandes et à accroître la sécurité juridique des demandeurs.
Les services publics seront désormais tenus d'accuser réception de toute demande et de transmettre au service compétent celles qui leur sont adressées par erreur.
Ils devront organiser une procédure contradictoire avant la prise d'une décision défavorable pour recueillir les observations de la personne concernée. Ainsi les décisions de radiation, de refus, de sanction administrative ne surviendront-elles plus sans que le destinataire en ait été d'abord averti et mis en situation de faire valoir son point de vue.
Dans le même souci de simplification, le cachet de la poste constituera désormais, pour toutes les administrations que j'ai citées, la preuve que l'usager a bien rempli son obligation chaque fois qu'il doit observer une date limite pour l'envoi d'un document où d'un règlement financier. Ce mode de décompte est déjà utilisé par les services fiscaux. Sa généralisation simplifiera considérablement le fonctionnement des petites entreprises soumises à de nombreux délais imposés par des organismes qui jusqu'ici appliquent des règles variables. En particulier cela vaudra pour les URSSAF; ce qui devrait enfin apporter un peu de quiétude aux entrepreneurs dans leurs relations avec cet organisme.
D'une manière générale, les procédures seront notablement accélérées puisque le délai de droit commun de réponse à une demande sera ramené de 4 à 2 mois. Ce délai écoulé, le silence de l'administration sera considéré comme un rejet qui pourra aussitôt être déféré au juge administratif, s'il y a lieu. Par dérogation, des décrets en Conseil d'Etat pourront prévoir des procédures où, au contraire, dans le silence, la réponse implicite sera une autorisation.
En matière de contentieux administratif, le délai d'ordonnancement par les personnes morales de droit public des sommes à verser au titre de condamnations pécuniaires ou d'indemnités est ramené de quatre à deux mois.
Le projet de loi prévoit enfin des dispositions relatives aux maisons de services publics et au renforcement du rôle du médiateur de la République.
Les maisons de service public, qui regroupent en un seul lieu, à proximité des usagers, plusieurs services d'usage courant, se verront dotées d'un cadre juridique précisant le contenu des conventions à passer pour garantir la qualité du personnel et du service.
Ainsi, plus proches, plus rapides, plus transparentes et plus soucieuses de la qualité du service rendu, les administrations pourront apporter au citoyen les prestations quotidiennes qu'il est en droit d'attendre et à l'ensemble du corps social le maintien de sa nécessaire cohésion.
Tout ceci s'harmonisant avec l'ensemble des mesures prises ou prévues pour simplifier la vie des artisans et dont Mme Lebranchu ne manquera pas de vous parler ce soir.
Concernant maintenant la décentralisation, le gouvernement a préparé un ensemble de trois projets de loi cohérents :
- La loi d'orientation et d'aménagement durable du territoire, présentée par Mme Dominique Voynet ;
- La loi sur l'intercommunalité préparée par Monsieur Jean-Pierre Chevènement ;
- La loi sur les interventions économiques des collectivités locales que j'ai proposée et élaborée.
Ce projet répond à trois préoccupations :
La première est celle de l'emploi. En la matière, même si les collectivités locales n'ont pas vocation à se substituer aux autres acteurs économiques, il convient de reconnaître l'importance du rôle qu'elles ont à jouer. Il y a donc lieu de faciliter et d'accroître la capacité d'intervention des collectivités locales dans toute la mesure du possible.
La seconde préoccupation est d'ordre juridique : il faut que les élus et les collectivités disposent d'un cadre juridique leur permettant d'agir en toute sécurité.
Enfin, il nous faut veiller à offrir aux entreprises un dispositif lisible, adapté à leurs besoins et conforme aux règles de l'union européenne.
Ceci suppose la suppression d'un certain nombre de rigidités.
Je mets au chapitre des rigidités la distinction entre aides directes et aides indirectes, qui n'a plus aucune signification, notamment d'un point de vue communautaire.
J'y range aussi la subordination des aides des départements et des communes à l'intervention préalable de la région. Sa suppression est une mesure de bon sens. Sur ce point, je tiens cependant à souligner fortement qu'il n'est pas du tout dans l'objet, ni dans l'esprit de ce texte, de gommer la responsabilité particulière des régions en matière d'action économique.
Ensuite, se pose la question de l'adaptation des aides à la taille des entreprises et de la création de systèmes d'aides différenciées selon leur taille.
Pour les très petites entreprises le texte normalise, régularise, et reconnaît la possibilité de subventionner les associations de type " plates-formes d'initiatives locales " qui consentent des prêts d'honneur à des taux préférentiels ;
A l'autre bout de l'échelle, l'intervention des collectivités locales en faveur des grandes entreprises doit évidemment s'inscrire dans le cadre d'une convention Etat/collectivité, notifiée à la Commission des communautés européennes ;
Entre les deux se trouvent les PME-PMI, qui sont la cible essentielle de ce texte. C'est à dire les entreprises de moins de 250 salariés, avec un chiffre d'affaires de moins de 20 millions d'euros.
Le nouveau régime envisagé est souple. Plutôt que de s'attacher à différencier les aides en fonction de leur nature, tous les types d'aides et toutes les facilités accordées aux entreprises sont rapportées à une unité commune, l'équivalent aide.
Le régime proposé est aussi proche que possible des orientations de la Commission des communautés européennes.
Les aides aux PME-PMI pourraient aller de 7,5 % à 25 % de l'investissement, selon la taille de l'entreprise, lorsqu'elles dépasseront le plafond de 100 000 euros en trois ans fixé par la règle européenne " de minimis ".
Les aides accordées par les collectivités seront plafonnées par des ratios prudentiels variables suivant le type de collectivité.
Le texte prévoit enfin de favoriser le recours à l'intermédiation par le biais des sociétés de capital-risque ou de sociétés de garantie.
Ce projet de loi sur l'intervention économique des collectivités locales est maintenant bien avancé. Il devrait passer au parlement dans le courant de 1999.
La loi sur l'intercommunalité, quant à elle, prévoit des mesures pour inciter les agglomérations à adopter un nouveau statut d'intercommunalité ainsi que des mesures fiscales et financières en vue de développer la taxe professionnelle unique. Les agglomérations pourront de la sorte constituer de véritables espaces de solidarité fiscale et économique où les projets des entreprises s'inscriront plus librement, en fonction des seules contraintes de leur marché.
Nul doute là aussi que Mme Lebranchu exposera les autres mesures concernant la taxe professionnelle, favorables aux artisans
En conclusion de mon intervention, vous aurez compris que les perspectives dont je vous ai fait part sont fondées sur une vision confiante et raisonnable de la capacité des institutions et des partenaires économiques à faire converger leurs efforts en vue d'un développement équilibré de notre société, au service de nos concitoyens.
Les artisans peuvent et doivent y avoir leur part. Je suis certain que le réseau des chambres de métier et l'APCM sauront organiser les solidarités professionnelles et sociales dont ils ont besoin pour accroître leur potentiel de coopération et de mutualisation des risques, des savoirs et des projets, pour participer activement au développement local.
Monsieur le Président, Mesdames et Messieurs les présidents de chambres de métiers, Mesdames, Messieurs, je vous remercie pour votre attention
(source http://sig.premier-ministre.gouv.fr, le 10 septembre 2001)