Texte intégral
Discours du 10 octobre 2000
Monsieur le Président,
Mesdames et Messieurs les députés
En m'adressant à l'Assemblée Nationale pour vous présenter, en nouvelle lecture, le projet de loi d'orientation pour l'outre-mer, je me dois de penser à cette longue histoire commune qui a donné toute sa densité et sa force à la relation singulière et féconde qui unit la République à l'outre-mer.
Cette histoire, qui n'a pas toujours exclu l'incompréhension ou la souffrance, il nous appartient aujourd'hui d'en écrire une page inédite. Cette histoire, dont il faut trouver la source contemporaine dans la loi de départementalisation de 1946, est une histoire inachevée. Par rapport à ce moment-clé du XXème siècle pour l'outre-mer, le texte qui vous est soumis marque incontestablement un tournant, sans pour autant tourner le dos aux progrès réalisés.
Je crois aussi que ce projet de loi est l'un des textes les plus porteurs d'avenir dont nous ayons eu à débattre au cours de cette législature. Avec tous ceux qui l'ont soutenu, mais aussi à ceux qui le discutent âprement, je voudrais en redire le sens.
J'observe au passage, que ce projet, dont les soutiens vont bien au delà des lignes de partage habituelles, coalise étrangement, même s'ils ne sont pas très nombreux, l'opposition des partisans du statu quo, et le scepticisme de ceux qui, à vouloir brûler les étapes, se condamnent à l'impuissance. Aussi, je veux redire le sens de ce projet, le mettre en perspective, en explorer la dynamique.
Trop longtemps à propos de l'outre-mer, l'on a opposé le progrès économique et social et les réformes institutionnelles. Or, sans pouvoirs locaux disposant de réels moyens d'agir, le développement économique et social ainsi décrété ou octroyé, depuis Paris ne sera ni partagé ni durable. A l'inverse, sans un puissant mouvement de solidarité, qu'il faudra savoir cibler et prolonger dans le temps, le débat sur les institutions apparaîtra bien éloigné des préoccupations quotidiennes des populations. Dépasser cette opposition est justement l'ambition de la loi d'orientation.
Ce texte, proposé par Jean-Jack QUEYRANNE avec le concours de beaucoup d'entre vous, et, au fil des mois, un dialogue avec tous, sera un grand texte pour l'outre-mer français. S'il en est ainsi, ce n'est pas seulement parce que ce projet a su réconcilier l'économique et le social, tout en créant les conditions d'une évolution des institutions. C'est avant tout parce qu'il se fonde sur une vraie vision de l'outre-mer français des années 2000, fondée sur le respect des identités et l'appel à la responsabilité.
Ce texte exprime une volonté et ouvre, comme en 1946, comme en 1982, un nouveau et vaste chantier qui rendra possible que dans chaque département d'outre-mer, s'élabore un projet d'évolution institutionnelle, auquel chacun pourra contribuer et donc pourra s'identifier.
L'expression des plus hauts responsables de notre pays le confirme.
Ainsi le 11 mars dernier en Martinique, le Président de la République déclarait-il que la politique de l'outre-mer ne pouvait plus " être appliquée de façon uniforme " et que l'évolution des règles statutaires était " dans la nature des choses ". Il s'inscrivait ainsi dans la démarche initiée par le Gouvernement, et qu'avait rappelée le Premier ministre dans la lettre qu'il avait adressée, au début de l'année, aux huit présidents d'assemblée affirmant, je le cite : " les aspirations en matière institutionnelle sont différentes d'un département à l'autre. Le Gouvernement est donc décidé à rompre avec la vision traditionnellement uniforme des départements d'outre-mer et à offrir à chacun d'entre eux la possibilité d'une évolution différenciée ".
De ce point de vue, l'horizon institutionnel des DOM est donc clairement dégagé, et la loi d'orientation peut donc signifier certes une étape, mais aussi et surtout un point de départ, et un tremplin.
Et pourtant, l'assemblée nationale est saisie, en nouvelle lecture, du projet de loi d'orientation pour l'outre-mer, après que, le gouvernement ayant déclaré l'urgence sur ce texte, se soit tenue une commission mixte paritaire entre les deux assemblées le
3 octobre dernier. Cette commission mixte paritaire a donc échoué. Je le regrette. J'y reviendrai.
Mais d'abord, je veux rappeler que cette loi entend inscrire les départements d'outre-mer dans un véritable pacte de croissance et de solidarité en s'attaquant, plus que jamais, au chômage et l'exclusion qu'ils connaissent depuis trop longtemps, cette situation inacceptable qui contraint les énergies et les initiatives, qui enferme dans le découragement et la désespérance.
I. Pour un partage solidaire de la croissance.
C'est bien la première orientation voulue par ce projet.
L'effort est sans précédent mais surtout, pour la première fois à un tel niveau, les solutions proposées visent à s'attaquer aux causes réelles du chômage et de l'exclusion dans ces départements. Encore fallait-il, pour ce faire, rompre avec cette vision stigmatisante, et pourquoi ne pas le dire, métropolitaine, consistant à voir dans les départements d'outre-mer, des économies artificielles, placées sous perfusion et nourries d'argent public.
Certes, même si sur les douze derniers mois, on constate partout une tendance à la baisse du nombre de demandeurs d'emplois, le taux de chômage qu'ils connaissent est en moyenne trois fois plus important qu'en métropole. Tout aussi incontestable, et évidemment inacceptable, est le nombre d'allocataires du RMI, qui est lui, cinq fois supérieur à la moyenne nationale. Mais nous aurions tort de croire, et plus encore de laisser croire, que les départements d'outre-mer ne recèlent pas de ressorts, de volontés, d'énergies ou de capacités à entreprendre.
La réalité est en effet tout autre. Les économies des départements d'outre-mer font preuve de dynamisme. On méconnaît trop souvent le fait que leur taux de croissance et leur taux de création d'emplois sont, et depuis plusieurs années, supérieurs à ceux de la métropole. On méconnaît encore le fait que ces départements n'ont pas tout à fait achevé leur transition démographique. Les chiffres du dernier recensement en témoignent : sur cette période, la population s'est accrue aux Antilles de 7, 6%, c'est-à-dire deux fois plus qu'en métropole. Que dire de la situation de la Réunion, plus 18 %, ou celle de la Guyane, plus 37 %, deux départements où le solde migratoire a aggravé la situation.
Mesdames et Messieurs les Députés, la principale cause du chômage dans les départements d'outre-mer, c'est la démographie, qui fait arriver chaque année 30 000 jeunes sur le marché du travail. Dans ces départements, 36 % de la population a moins de 20 ans contre 25 % en métropole. Demandons-nous ce que serait la situation de cette dernière si elle était confrontée à pareil défi. C'est ce défi que nous entendons relever dans les départements d'outre-mer.
Aussi, la première orientation de ce texte que je veux rappeler, c'est l'ensemble de ses dispositifs qui visent à offrir à chaque jeune des départements d'outre-mer, une vraie chance de s'insérer sur le marché du travail. Ces dispositifs viendront ainsi compléter les mesures nationales parmi lesquelles figurent évidemment au premier chef, les emplois-jeunes qui s'élèvent aujourd'hui à 13.000 dans les quatre départements. Deux mesures spécifiques m'apparaissent particulièrement justifiées et sont d'ailleurs très attendues outre-mer.
La première d'entre elles est le projet initiative jeune qui permettra d'accorder une aide pouvant atteindre près de 50.000 francs par projet à chaque jeune, de moins de trente ans, qui créera ou reprendra une entreprise, ou qui poursuivra une formation professionnelle hors de son département, que celle-ci se déroule en métropole ou à l'étranger. Mon objectif est que, dès 2001, 10.000 jeunes des départements d'outre-mer puissent ainsi voir financer leur projet professionnel.
La seconde, c'est le congé-solidarité, mesure là encore spécifique, qui vise à mettre en uvre un système de préretraites contre embauche de jeunes en contrat à durée indéterminée. Fondé sur un mécanisme de solidarité entre les générations, ce dispositif, vous le savez, pourra être financé jusqu'à 60 % de son coût par l'Etat.
Le deuxième grand axe qu'il convient de souligner est la mise en uvre d'un plan visant à pallier les handicaps structurels qui contraignent le développement économique des départements d'outre-mer. Je pense ici à l'abaissement du coût du travail par l'exonération des cotisations patronales de sécurité sociale. L'ampleur de ce plan n'a pas de précédent. Mais sur ce point, je souhaite d'abord qu'ici, chacun se rappelle d'où nous partons.
La loi du 25 juillet 1994 avait proposé un système d'exonération de ces cotisations, dans la limite du SMIC, au profit des entreprises des secteurs dits exposés, à la condition cependant que celles-ci soient à jour de leurs dettes sociales ou se soient vues accorder par l'administration, un plan d'apurement de celles-ci. Les dispositions de cette loi étaient limitées à cinq ans et son financement reposait intégralement sur une majoration de la TVA outre-mer, c'est-à-dire par un impôt sur la consommation dont chacun sait qu'il frappe indistinctement, des plus riches aux plus pauvres. Précaire, restreint, intégralement à la charge des départements d'outre-mer, ce dispositif a bénéficié à moins de 45.000 salariés.
Le projet de loi d'orientation propose une exonération totale des cotisations patronales de sécurité sociale dans la limite de 1,3 fois le SMIC et ce, non seulement pour toutes les entreprises des secteurs exposés, désormais quelle que soit leur situation au regard de leurs dettes sociales, mais aussi au profit de toutes les entreprises de moins de onze salariés. Qu'on me comprenne bien. Toutes les entreprises des secteurs exposés, quel que soit leur effectif, et toutes les entreprises de moins de onze salariés, quel que soit leur secteur d'activité. J'ajoute que les secteurs exposés ont été étendus, je pense notamment aux NTIC et, avec une exonération ramenée à la moitié, au BTP.
Autrement dit, 95 % des entreprises des départements d'outre-mer en bénéficieront, c'est-à-dire près de 115.000 salariés auxquels s'ajouteront tous les employeurs et travailleurs indépendants, c'est-à-dire 55.000 personnes de plus. J'ajoute que ce nouveau système sera pérenne et qu'il sera entièrement à la charge de l'Etat. Les crédits correspondants, c'est-à-dire plus de 3,5 milliards de francs par an, figurent d'ores et déjà dans le budget du ministère de l'emploi et de la solidarité que vous serez prochainement appelé à examiner.
C'est à l'aune de cet effort, encore une fois sans précédent, et en gardant à l'esprit les limites du dispositif antérieur, que nous pourrons débattre sereinement, si vous le souhaitez, des moyens que nous pouvons imaginer pour atténuer un effet de seuil sur lequel plusieurs d'entre vous ont appelé mon attention. Chacun doit cependant se rappeler que cet effet de seuil sera, en tout état de cause, très limité par le fait que la très grande majorité des entreprises d'outre-mer ont un effectif moyen inférieur à deux salariés et, qu'encore une fois, il ne concernera pas les entreprises des secteurs exposés.
Mesdames et Messieurs les Députés, si je ne veux pas revenir sur le détail des autres mesures du pacte de croissance que le gouvernement propose aux départements d'outre-mer, vous en avez largement débattu en première lecture, je veux en revanche insister sur le fait qu'il s'agit aussi d'un pacte de solidarité, et d'abord de solidarité envers ceux qui sont aujourd'hui exclus du marché du travail, demandeurs d'emplois et bénéficiaires de minima sociaux, parmi lesquels évidemment les allocataires du RMI.
Je veux le faire d'abord en rappelant à tous que si le nombre d'allocataires du RMI, aujourd'hui près de 130.000 dans les départements d'outre-mer, donne la mesure de l'exclusion qui y sévit, il est aussi, comme l'ont démontré les rapports commandés par le gouvernement dans le cadre de la préparation de ce projet de loi, le résultat d'une situation historique d'abus de droit en matière de législation du travail où femmes et hommes étaient employés, mais n'étaient pas déclarés. Cette situation, dont chacun sait qu'elle est loin d'avoir disparu, et dont personne ne peut douter que nous la combattrons, aboutit aujourd'hui à ce que ces femmes et ces hommes, qui ont pourtant souvent commencé de travailler très jeunes, ne puissent bénéficier de suffisamment d'annuités pour être pris en charge par l'assurance-chômage.
Pour réinsérer sur le marché du travail ceux qui en sont aujourd'hui exclus, le gouvernement entend mettre en uvre des solutions innovantes et adaptées aux réalités que connaissent aujourd'hui les départements d'outre-mer. D'une part, la création d'une allocation de retour à l'activité qui permettra, et ce pendant deux ans, à tous les bénéficiaires de minima sociaux, de pouvoir cumuler celle-ci avec les revenus tirés d'une activité rémunérée en entreprise ou chez un particulier ; d'autre part, la mise en uvre d'un titre de travail simplifié, qui se substituera au chèque-emploi-service, et permettra d'alléger considérable- ment les formalités d'embauche, aussi bien pour les particuliers que pour les petites entreprises.
Sur la proposition des sénateurs Claude Lise, Rodolphe Désiré et Dominique Larifla, ces dispositifs se sont vus complétés lors de la discussion au Sénat par une mesure visant à instituer un revenu de solidarité au profit de tous les bénéficiaires du RMI, âgés d'au moins 50 ans et qui s'engageront à quitter définitivement le marché du travail et de l'insertion. Cette mesure, qui est susceptible de concerner 22.000 allocataires, pour lesquels les chances d'un retour à l'emploi apparaissent très faibles, aura pour conséquence d'améliorer sensiblement leur situation matérielle puisqu'ils pourront percevoir 2.700 francs par mois au lieu de 1.800 francs actuellement.
Mesdames et Messieurs les Députés, il n'est pas de développement durable qui ne soit un développement solidaire. Je suis de ceux qui ont toujours refusé d'opposer développement économique et progrès social. Si j'entends que l'exclusion reculera, par les mesures que je vous propose, je n'accepte pas que soit qualifié d'assistanat, dans les départements d'outre-mer, ce qui est baptisé solidarité, en métropole. A ce titre, le projet de loi d'orientation pour l'outre-mer réaffirme l'objectif d'égalité sociale entre la métropole et les départements d'outre-mer.
Le revenu minimum d'insertion sera donc aligné sur le niveau de la métropole. Je sais la très grande sensibilité de l'opinion publique à la Réunion quant au principe et au calendrier de cet alignement. Je sais aussi qu'aux Antilles et en Guyane, sans remettre en cause cet objectif, l'accent a davantage été mis sur les difficultés de mise en uvre. Nous proposons donc cette réforme en ayant conscience d'aspirations ou de réalités qui peuvent être différentes d'un département à un autre. Mais nous le proposons tout simplement parce que c'est juste. En son état actuel, le texte qui vous est soumis prévoit un délai d'alignement de trois ans. Il s'agit là évidemment d'un délai maximum et je vous annonce que le Gouvernement rendra public avant la fin de l'année le calendrier définitif de cet alignement.
Je crois aussi, comme la plupart d'entre vous, que la dignité procède du travail et s'accommode mal de l'assistanat. Je crois que la solidarité se transformerait inéluctablement en assistanat si dans le même temps, ne s'ouvrait pas la perspective de créations d'emplois stables.
Comme l'ont confirmé les débats au Sénat, si besoin en était. Personne, sauf à faire preuve d'esprit partisan, ne peut nier l'ampleur du plan en faveur du développement économique et social des départements d'outre-mer que le gouvernement se propose de mettre en uvre, dès la promulgation de la loi d'orientation, en commençant une augmentation de 25 % du FEDOM en 2001.
L'essentiel des articles relatifs à ce volet économique et social ont ainsi été adoptés par votre assemblée. Elle les a même, avec l'accord du gouvernement, parfois améliorés, et si certains motifs de désaccord se sont parfois exprimés, c'est parce que ce gouvernement n'a pas pour habitude d'enregistrer purement et simplement des demandes manifestement excessives provenant de groupes de pression patronaux.
La majorité sénatoriale a ainsi, concernant le congé-solidarité, entendu supprimer la condition, à mes yeux essentielle, qui réserve le bénéfice de cette mesure aux entreprises effectivement passées aux 35 heures. En accord avec votre commission des lois, le gouvernement vous proposera évidemment de rétablir, à l'identique, le texte que votre assemblée avait adopté en première lecture.
Dans le même sens, je ne peux que me féliciter que la commission des lois ait choisi de ne pas relever le seuil de onze salariés en deçà duquel les entreprises n'appartenant pas aux secteurs exposés pourront bénéficier des exonérations de charges patronales. Ce cadre étant maintenu, je serai évidemment attentif aux propositions qui pourront m'être faites afin d'améliorer le dispositif progressif qui vise à atténuer cet effet de seuil et que vous aviez adopté en première lecture.
Sous bénéfice d'inventaire et, les débats à venir nous éclaireront, je crois donc peu nombreux, sur ce volet économique et social, les désaccords qui subsistent. Et par rapport à la première lecture, il est au moins un motif de querelle, source d'inquiétude légitime voire procès d'intention fait au gouvernement par quelques uns, qui aura disparu. Je veux parler ici de l'engagement qu'avait pris le Premier ministre de mettre en uvre, en remplacement de la loi de 1986 dite loi Pons, un nouveau dispositif de soutien fiscal aux investissements qui soit à la fois plus juste mais aussi plus efficace.
Je l'ai annoncé le 20 septembre dernier, cet engagement sera tenu. L'article 12 du projet de loi de finances pour 2001 qui vous sera présenté par le ministre de l'économie et des finances lors de la discussion de la première partie du budget mettra en uvre ce nouveau dispositif dont je veux ici rappeler les grandes lignes.
Tout d'abord, une plus grande justice fiscale : la déduction actuelle du revenu global, qui porte atteinte à la progressivité de l'impôt, sera remplacée par une réduction d'impôt plus équitable, égale à 50 % du montant de l'investissement. Tous les intervenants seront donc traités de façon équivalente quelle que soit leur tranche d'imposition ; moins critiquable, ce dispositif sera plus durable.
Ensuite, une plus grande efficacité économique : l'aide, qui ne sera plus applicable à la navigation de croisière, sera en revanche étendue à de nouveaux secteurs économiques créateurs d'emplois (la maintenance, la rénovation hôtelière et l'acquisition de logiciels).
Je veux souligner que les entreprises de l'outre-mer en seront les principales bénéficiaires. En effet, au minimum 60 % de l'avantage fiscal accordé leur sera rétrocédé par le biais d'une réduction du loyer.
Comme pour le dispositif d'exonération de charges sociales, des dispositions favoriseront les petites entreprises, qui n'ont pas accès, aujourd'hui, à l'aide fiscale à l'investissement, beaucoup d'entre elles ne disposant pas de revenus suffisants pour investir. Désormais, pour elles, le crédit de 50 % du montant de l'investissement sera reportable et remboursable. Il pourra être imputé sur l'intégralité de leur impôt, sans plafonnement, le cas échéant sur cinq ans, avec remboursement du solde à la fin de la cinquième année.
Vous l'aurez compris, cette réforme entend avant tout être au service de l'emploi. A ce titre, la rénovation hôtelière sera désormais incluse dans le champ des secteurs bénéficiaires, alors que jusqu'ici seules les constructions d'hôtels neufs sont éligibles à l'aide fiscale. Pour la rénovation hôtelière, la réduction d'impôts sera même portée à 60 %. Enfin, l'aide fiscale en faveur des investissements dans les logements locatifs intermédiaires sera portée de 25 % à 40 %.
Pour conclure sur ce dispositif que le ministre de l'économie et des finances et moi même, vous présenterons prochainement de façon plus détaillée, je voudrai rappeler qu'un effort particulier sera réalisé pour Mayotte, Wallis et Futuna, mais aussi pour Saint-Pierre et Miquelon et la Guyane. La réduction d'impôt sera en effet portée à 60 % pour les investissement qui seront réalisés dans ces quatre collectivités.
Ainsi, le gouvernement a entrepris, depuis juin 1997, de donner aux départements d'outre-mer, ainsi qu'à la collectivité de Saint-Pierre et Miquelon, des outils pour les inscrire dans une logique de développement durable et solidaire qui fera reculer le chômage et l'exclusion qui frappent nos compatriotes qui y vivent.
A cet effet, trois chantiers auront ainsi été menés à bien : le pacte de croissance et de solidarité de la loi d'orientation ; la nouvelle loi de soutien fiscal aux investissements ; mais aussi les contrats de plan et les fonds structurels européens puisque, je le rappelle, les départements d'outre-mer bénéficieront sur la période 2000-2006, de près de 30 milliards de francs de l'Etat et de l'Europe, soit plus de 50 % d'augmentation par rapport à la période précédente.
Et pourtant, Mesdames et Messieurs les Députés, je l'ai rappelé dans mon propos introductif, la commission mixte paritaire entre votre assemblée et le Sénat a abouti à un échec. Je veux ici en aborder les causes. Je souhaite aussi le faire de la façon la plus claire possible afin que personne ne puisse douter, ni de la détermination du gouvernement à faire aboutir le volet institutionnel de son projet de loi, ni surtout de la conviction profonde qui est la sienne et qui le fonde.
(Source http://www.outre-mer.gouv.fr, le 13 octobre 2000)
Discours du 10 octobre 2000
II. Pour un nouveau pacte entre la republique et l'outre-mer
Je veux d'abord rappeler le processus qui a présidé à l'élaboration de ce volet institutionnel. Le 10 décembre 1998, le Premier ministre a confié à votre collègue Michel TAMAYA, député-maire de Saint-Denis de la Réunion, et au sénateur Claude LISE, président du Conseil général de la Martinique, une mission parlementaire pour laquelle il précisait que son succès passait par " une large consultation des élus, des responsables professionnels et des représentants des sociétés civiles ". Ce rapport lui a été remis le 24 juin 1999. Peu de temps après ma prise de fonction, je me suis entretenu avec ses auteurs. Ils m'ont rappelé que leur mission les avait conduit à rencontrer plus de 1.200 personnes dans les quatre départements d'outre-mer, et qu'en particulier, toutes les forces politiques de ces départements avaient pu s'exprimer.
De cette mission, et au delà des 70 propositions qu'ils avaient faites au gouvernement, se dégageaient pour eux un double enseignement. Partout dans les départements d'outre-mer se faisait jour une aspiration à la responsabilité et à l'identité. Mais d'un département à l'autre, comme à l'intérieur de chaque département, des débats, parfois passionnés, subsistaient quant aux voies pour y parvenir. Le gouvernement se devait donc de respecter ces aspirations tout autant que ces différences en rompant avec une vision uniforme, point de vue traditionnel de Paris. L'idée de procéder en deux étapes était née. Le gouvernement l'a reprise à son compte. Ce texte fixe une méthode, impose un rythme, et propose une ouverture qui va bien au-delà des transferts de compétences contenus dans le projet.
C'est vrai, sur la base des propositions de ce rapport, dont il s'est très largement inspiré, le gouvernement a choisi de proposer aux départements d'outre-mer, une nouvelle et première étape sur le chemin de leur évolution.
Cette étape consiste tout d'abord en d'importants transferts de compétences et de nouveaux moyens financiers et juridiques, à accroître leurs responsabilités et à permettre, pour chacun d'entre eux, que soit désormais prise en compte et respectée une identité particulière forgée par une histoire et une géographie propres. Cette première étape, parce qu'elle était commune aux quatre départements, pouvait se faire à cadre constitutionnel constant.
J'observe que les mesures qui figurent à ce titre dans le projet de loi d'orientation n'ont été contestées par personne. J'en veux pour preuve le fait que la totalité de ces mesures ont été approuvées par les deux assemblées en première lecture. Je veux cependant rappeler que nombre de ces dispositions traduisent une véritable rupture avec des logiques et des réflexes traditionnels des administrations centrales. A titre d'illustration, plusieurs d'entre elles méritent d'être mises en exergue.
Les départements d'outre-mer auront demain, à la différence de ceux de métropole, le droit et la possibilité de négocier et de signer, dans leurs domaines de compétence, des accords internationaux avec les Etats, je dis bien les Etats, de leur environnement régional. Ils pourront également, si les statuts de ces organisations le permettent, être membres associés des organisations internationales régionales de leur zone géographique.
Régions ultrapériphériques de l'Union européenne, les départements d'outre-mer, par l'intermédiaire de leurs assemblées locales, seront désormais systématiquement consultés sur toutes les propositions d'actes de la Communauté européenne qui seront pris en application du nouvel article 299.2 issu du Traité d'Amsterdam. Ils auront parallèlement le pouvoir d'adresser au gouvernement des propositions en la matière.
Enfin, dans le respect des engagements internationaux de la France et de la réglementation communautaire, l'institution régionale se verra transférer, dans les départements d'outre-mer, les compétences en matière d'exploration et d'exploitation des ressources naturelles de la mer et de son sous-sol.
Cette première étape est importante. Elle inscrit les départements d'outre-mer dans ce que Michel TAMAYA et Claude LISE, par une heureuse formule, ont appelé la " voie de la responsabilité ". Mais le gouvernement, et ceci doit être clairement dit, n'a jamais entendu en rester là. Il entend au contraire, dans une deuxième étape, permettre à chaque département d'outre-mer qui le souhaite, de se voir doter d'institutions nouvelles et adaptées à sa situation propre. A cet égard, le temps de l'uniformité a vécu outre-mer. Cette approche n'est d'ailleurs pas spécifique aux départements. Elle concerne toutes les collectivités de l'outre-mer, je pense ici à la Nouvelle-Calédonie, à la Polynésie française ou encore à Mayotte.
Mesdames et Messieurs les Députés, s'agissant des départements d'outre-mer, le choix du gouvernement de rompre avec une vision uniforme n'est pas nouveau et ne devrait surprendre personne. Ce choix marquera cette législature. Je veux citer Jean-Jack QUEYRANNE, lors du débat d'orientation sur l'outre-mer à l'Assemblée nationale, le 23 octobre 1998, qui, évoquant la mission parlementaire qui allait être confiée à Messieurs LISE et TAMAYA, précisait : " le Gouvernement rendra public ces propositions afin qu'elles soient débattues avant toute décision. Rien n'exclut évidemment que ces propositions et les décisions qui découleront du débat public dans chacun des DOM aboutissent à une évolution différenciée selon les départements ".
Le gouvernement reconnaît tout autant aujourd'hui aux départements d'outre-mer le droit à l'évolution statutaire. Et afin que ses intentions ne soient plus l'objet d'un procès en conservatisme ou en frilosité, je vous proposerai d'adopter un amendement gouvernemental à l'article 1er du projet de loi d'orientation visant à ce que celles-ci figurent explicitement dans le corps du projet de loi et non plus seulement dans son exposé des motifs.
Il reste qu'il s'agit d'un droit et non d'une obligation. Sa mise en uvre devra donc respecter les perceptions et les aspirations profondes des populations de chacun des quatre départements d'outre-mer.
A cet égard, je veux donc être très clair, s'agissant de la Réunion. Le gouvernement respectera le choix unanime des Réunionnais d'un statut qui restera régi par le droit de la départementalisation adaptée, tel qu'il est prévu par l'article 73 de la Constitution.
S'agissant des Antilles et de la Guyane, nul ne peut contester que dans ces trois départements, la majorité des élus ont souhaité un changement statutaire de leur collectivité. Le gouvernement n'est ni sourd ni aveugle et il entend répondre à cette demande. Il entend évidemment le faire, de façon spécifique, pour chacun des départements français d'Amérique. Il entend surtout le faire dans la plus grande des transparences et en respectant les principes fondamentaux de notre démocratie. A ce titre, trois conditions devront être vérifiées.
En premier lieu, dans chacun de ces trois départements, le changement statutaire sera l'affaire des élus du suffrage universel. Ils devront donc être à l'initiative de l'évolution institutionnelle de leur département, qui ne sera ni dictée d'en haut, c'est-à-dire de Paris, ni imposée, comme l'a rappelé le Premier ministre lors de son voyage aux Antilles, par des " avant-gardes " sans légitimité démocratique qui prétendraient imposer leur volonté et leur projet, à tous les autres et aux populations.
Ensuite, et cela va de soi, ces élus du suffrage universel devront, malgré des positionnements et des projets inévitablement différents, parfois même antagonistes, rechercher dans un débat démocratique et républicain, les conditions d'un rapprochement leur permettant de se retrouver, le plus largement possible, sur une position commune. Ce rapprochement suppose que toutes les parties prenantes recherchent entre elles un compromis. Encore faut-il pour cela que chacun accepte d'en débattre.
Je voudrais ici m'inscrire en faux contre tous ceux qui affectent, à Paris, de croire qu'outre-mer, existerait spontanément et par je ne sais quel miracle, une pensée unique, évidemment celle qui s'exprimerait de la façon la plus bruyante. C'est loin d'être le cas, et heureusement. Les divergences d'approches sont partout légitimes et, outre-mer, elles témoignent au contraire de la vitalité démocratique de ces sociétés.
A ceux qui craignent que ces divergences paralysent toute chance de réforme, je veux dire que le gouvernement respectera ces différences. Mais son rôle sera évidemment de favoriser le compromis, comme en témoigne l'approche qui est la sienne, la mienne désormais, s'agissant de la Guyane, département dont je constate qu'il est celui où la volonté d'évolution statutaire s'est le plus formalisée.
En Guyane, plusieurs projets existent. Certaines organisations politiques préconisent un statut de très large autonomie inspiré de celui de la Nouvelle-Calédonie. Le sénateur Georges OTHILY propose la création d'une assemblée territoriale unique et de provinces. Le Parti Socialiste Guyanais préconise pour sa part la création d'une région autonome qui resterait dans le cadre de l'Union européenne. Egalement favorable à une évolution, Mme Christiane TAUBIRA-DELANNON a souhaité que la réflexion s'engage à partir d'un bilan approfondi de la décentralisation issue des lois de 1982. Enfin, Monsieur Léon BERTRAND, l'autre député de la Guyane, a pour sa part souhaité que soit étudiée la possibilité de créer un second département qui favoriserait le développement de l'ouest guyanais. Le Président de la République a d'ailleurs déclaré comprendre cette dernière demande et souhaité, je le cite, qu'elle soit " étudiée attentivement au même titre que les autres solutions ".
Tous ces projets sont légitimes et, comme l'ont accepté l'ensemble des forces politiques guyanaises, le gouvernement les étudiera tous notamment au plan de leurs conséquences juridiques, mais aussi au regard de leur adéquation aux réalités guyanaises. A cet effet, s'agissant en particulier de l'organisation territoriale et comme s'y était engagé mon prédécesseur, une mission se rendra prochainement sur place. Afin que le débat, qui encore une fois devra être local, puisse s'engager dans les meilleures conditions, ces expertises seront remises à tous les élus de Guyane dont je recevrai, à cet effet, une délégation avant la fin de l'année.
Malgré les différences d'approche, je me réjouis que désormais chacun ait compris que le débat sur l'évolution statutaire de la Guyane doit d'abord être l'affaire des Guyanais et que cette évolution devra découler du rassemblement le plus large possible autour d'un même projet.
Enfin, Mesdames et Messieurs les députés, il n'est pas envisageable que l'évolution statutaire d'un département d'outre-mer puisse être mise en uvre sans le consentement de sa population. Au plan juridique, même si quelques experts, on en trouve toujours, ont émis des doutes, le gouvernement considère que le principe de ces consultations outre-mer trouve notamment son fondement dans le préambule de la Constitution de 1946. Au plan politique, il s'agit là d'une condition essentielle dont j'observe qu'elle a été acceptée par toutes les forces politiques aux Antilles-Guyane. Je rappelle aussi que cette position du gouvernement n'a pas été contredite par le Président de la République.
Ces trois conditions rappelées, le gouvernement ne fixe pas de limite au débat institutionnel qui a cours dans ces trois départements. Mais toute évolution devra se faire dans la République et ne pourra en aucun cas avoir pour effet d'entraîner, pour les populations, une régression de leurs droits politiques, économiques ou sociaux. De ce point de vue, la sortie de l'Union européenne des départements d'outre-mer me paraît difficilement envisageable, sauf à ce que ses conséquences en aient été très clairement expliquées aux populations qui se prononceraient alors en toute connaissance de cause.
Mesdames et Messieurs les députés, l'article 39 du projet de loi d'orientation que le Sénat a supprimé, et que votre commission des lois, comme le gouvernement, vous proposeront évidemment de rétablir, ne dit pas autre chose que ce que je viens d'énoncer. Il accorde pour la première fois aux élus des départements d'outre-mer le droit d'adresser au gouvernement des propositions d'évolution statutaire allant au delà de la simple adaptation des lois et des règlements, autrement dit, de proposer, le cas échéant, une révision constitutionnelle. Il prévoit également la consultation des populations en matière de changement statutaire.
Cet article 39 propose certes une construction originale et spécifique aux régions monodépartementales qui est le Congrès. Sauf à vouloir masquer une volonté -inavouable- d'empêcher l'évolution institutionnelle des départements français d'Amérique, les débats juridiques autour du Congrès me paraissent occulter le fait qu'il est avant tout un élément dynamique du dispositif proposé.
Le gouvernement tire simplement la conclusion du fait que les départements d'outre-mer sont aujourd'hui des régions monodépartementales où coexistent sur le même territoire géographique, deux assemblées locales.
Ce rappel étant fait, et dès lors que la demande d'assemblée unique persiste assez largement aux Antilles, je crois préférable que les deux assemblées existantes puissent en débattre ensemble. Chacun voit bien en effet, que l'orientation vers une assemblée unique aurait une tout autre force, si elle avait cette fois-ci pour fondement la volonté conjointe des deux assemblées actuelles.
De plus, Mesdames et Messieurs les députés, il s'agit bien que l'évolution institutionnelle ait pour point de départ le rassemblement le plus large des élus locaux, et donc le rassemblement de toutes les légitimités du suffrage universel. Enfin, ce Congrès permettra un débat public et transparent qui permettra aux populations de se prononcer en toute connaissance de cause lorsqu'elles seront consultées.
Interrogé sur cette proposition, Aimé CESAIRE lui-même ne disait pas autre chose, le 5 juillet dernier.
" Nous devons dire, en conscience, ce que nous voulons. Et je crois que c'est une bonne idée de réunir les assemblées, que l'on étudie le problème, que l'on échange les points de vue. Et qu'en définitive, le peuple soit consulté. Cela me paraît fondamental, le peuple martiniquais c'est un peuple. Je crois à l'autodétermination. La parole doit en définitive revenir au peuple martiniquais. C'est lui qui choisira et c'est lui qui doit choisir. "
En ce sens, je voudrais d'ailleurs souligner le formidable paradoxe qu'il y a à affirmer, comme l'a fait la commission des lois du Sénat, que cet article 39 ne serait pas, je cite son rapporteur, " à la hauteur des fortes espérances qu'il a suscitées parmi les populations des départements d'outre-mer ", tout en proposant de le supprimer ce qui revient justement à interdire à ces populations de pouvoir s'exprimer.
Mesdames et Messieurs les députés, sauf encore une fois s'ils dissimulent en fait leur volonté d'empêcher l'évolution institutionnelle des départements d'outre-mer qui le souhaitent, je ne crois pas aux arguments juridiques soulevés par les adversaires de l'article 39 du projet de loi d'orientation. J'y crois d'autant moins quand je constate que certains membres de la majorité sénatoriale qui avaient voté contre cet article et donc contre l'avis du président et du rapporteur de la commission des lois du Sénat, ont pu ensuite proposer d'y souscrire en échange du retrait par le gouvernement de l'article 38 de ce même projet de loi.
Cet article 38, vous le savez, pose le principe de la création d'un second département à la Réunion. Vous connaissez les origines et les termes de ce projet. Il s'agit là d'une demande ancienne de tous les élus réunionnais, je dis bien tous, qui, à un moment ou un autre, ont souhaité cette réforme administrative. A l'appui de cette demande, deux arguments, qui conservent toute leur force, ont été traditionnellement avancés : d'une part, le souci d'un rééquilibrage en faveur du sud de l'île, et, d'autre part, la volonté que la Réunion devienne, plus complètement encore, une région de droit commun, c'est-à-dire comme toutes celles de métropole, pluridépartementale.
Le débat sur cette question a eu lieu. Les modalités initialement proposées par le gouvernement, je pense ici au découpage territorial, ont été revues parce qu'elles avaient été critiquées par une majorité d'élus locaux tant au conseil général qu'au conseil régional. Reste que le projet de bidépartementalisation a reçu l'aval d'une majorité de forces politiques dans l'île et ceci en transcendant, contrairement à ce que j'ai pu lire récemment dans un quotidien national, le clivage traditionnel droite-gauche. Le parti communiste réunionnais, la fédération socialiste mais aussi Alain BENARD, le maire RPR de la seconde ville du département ou encore le député André THIEN AH KOON, pour ne citer qu'eux, se sont prononcés en sa faveur. Le Président de la République a fait de même. Le gouvernement a souhaité que se poursuivent les concertations entre tous les élus afin qu'un accord puisse être trouvé sur le calendrier et les modalités de mise en uvre. Il sera donc attentif aux propositions qui lui seront faites.
Mesdames et Messieurs les députés, les départements d'outre-mer et bien évidemment la collectivité de Saint-Pierre-et-Miquelon dont je rappelle que plusieurs dispositions de ce texte, certaines spécifiques, la concernent, attendent que cette loi d'orientation entre en vigueur le plus tôt possible. Ils l'attendent parce qu'ils ont conscience de sa portée.
Je la mesure également. Je crois également que les départements d'outre-mer méritent une grande ambition pour leur développement, leur identité et leur avenir. La loi d'orientation pour l'outre-mer dont vous allez à nouveau débattre rend possible le succès de cette ambition.
Votre commission des lois, à laquelle je suis très attaché, a entendu ce message, efficacement relayé par votre rapporteur, M. Jérôme LAMBERT.
Aux femmes et aux hommes qui vivent outre-mer, je voudrais réaffirmer notre volonté qu'ils puissent trouver dans la République, dans cette République qu'ils ont contribué à façonner, la place qui leur revient. En le réaffirmant, je m'adresse aussi aux centaines de milliers de nos compatriotes qui, originaires des départements d'outre-mer, vivent aujourd'hui en métropole. J'ai la conviction qu'avec ce texte, s'ouvre enfin pour les départements d'outre-mer le champ du possible. J'ai souhaité vous faire partager cette conviction
(Source http://www.outre-mer.gouv.fr, le 13 octobre 2000)
Discours du 12 octobre 2000
Mesdames et Messieurs les députés,
Mon propos sera bref car tout a été dit ou presque. Les débats que nous venons d'avoir durant ces trois jours ont été fructueux et je tenais à en remercier l'ensemble de la représentation nationale. Comme à l'occasion de la première lecture, vos travaux ont grandement contribué à améliorer ce texte.
Ces débats ont été fructueux et parfois passionnés. Mais l'Assemblée nationale, dont j'étais membre il y a peu de temps encore, est le lieu par excellence où doit s'éprouver le débat démocratique. Des divergences s'y sont exprimées. Elles sont normales et surtout elles sont légitimes. Mais contrairement à ce que j'ai pu entendre hier, elles n'ont laissé aucune place à la polémique, à la médiocrité.
Aux parlementaires de l'outre-mer, à tous sans exception et où qu'ils siègent sur les bancs de cette assemblée, je voudrais exprimer que j'ai ressenti combien chacun d'entre eux, par delà sa vision, ses idées, ses mots, exprimait un même attachement indéfectible, irréductible, passionnel à sa terre, son peuple et à leur avenir. Par delà vos divergences, voilà ce qui avant tout vous rassemble.
A leurs collègues de métropole, au président ROMAN, aux trois rapporteurs Jérôme LAMBERT, Michel TAMAYA, Daniel MARSIN, je voudrais également dire combien j'ai apprécié qu'ils aient été de vrais acteurs de ce débat.
Aux uns et aux autres, il vous revient maintenant, par votre vote, de conclure ce débat. Permettez moi par ces quelques mots de vous rappeler qu'elle en sera, à mes yeux, la portée.
Par cette loi d'orientation, nous voulons dépasser l'opposition stérile, dans laquelle pendant trop longtemps, nos clivages partisans nous ont enfermés, entre développement économique et responsabilité locale. L'un ne va pas sans l'autre et l'outre-mer a droit à l'un comme à l'autre.
Par cette loi d'orientation, nous voulons aussi dépasser l'inacceptable dilemme entre développement économique et progrès social. Là encore, l'outre-mer a droit à l'un comme l'autre et je le redis, ne baptisons pas assistanat ce qui en métropole est solidarité. Nous devons poursuivre le chemin de l'égalité sociale tout simplement parce que c'est juste. Mais nous ne devons pas oublier que l'aspiration profonde des femmes et des hommes, outre-mer comme en métropole, c'est d'avoir pour tous la possibilité et la chance de vivre de son travail. Cela se résume en un mot simple, un mot fort: la dignité.
Cette loi d'orientation est pour moi la clé de voûte d'un dispositif complet et cohérent, à la hauteur des défis auxquels l'outre-mer est confronté. Ce dispositif inclut la nouvelle loi de soutien fiscal aux investissement, les contrats de plan Etat-région et les fonds structurels européens. Mais pour la première fois, les moyens dégagés seront à la hauteur des défis. Pour la première fois toutes les mesures, qu'il s'agisse de lever des freins ou d'inciter à l'innovation , seront déployées. Certes les retards sont nombreux mais les atouts aussi. Il ne s'agit plus d'un simple rattrapage. Il s'agit d'une vraie chance d'une logique de développement et de développement durable.
Mais entre l'outre-mer et la République, nous voulons aussi jeter les bases d'un pacte renouvelé et ce pacte pour l'outre-mer doit désormais ouvrir le champ du possible. A ce titre, la loi d'orientation est un point de départ, pas un point d'arrivée. Elle ouvre une nouvelle étape mais permet, et pourquoi ne pas le dire, encourage à ce qu'il y en ait d'autres. C'est un tremplin.
Pour cela, chacun des quatre départements d'outre-mer doit voir respecter son identité propre et pouvoir exprimer les aspirations profondes qui sont les siennes. Chacun à le droit de débattre et de choisir une évolutiony compris, comme à La Réunion, d'approfondir son ancrage dans le droit commun. C'est ce même droit à l'évolution qui établit aussi le droit à la différence. Je le redis, le Gouvernement auquel j'appartiens ne fixe pas de limite au débat institutionnel là où l'aspiration au changement s'est progressivement fait jour. Au contraire, en organisant ce débat dans un cadre démocratique et républicain, il le permet, et surtout, il rend possible qu'aboutissent des évolutions. Elles seront formulées, pour chacun des trois départements concernés, en fonction des réalités qui sont les siennes et à son rythme. Ces évolutions devront recueillir l'assentiment des populations. Elles seront voulues, elles seront choisies.
54 ans après la loi du 19 mars 1946, nous voulons que s'écrive une nouvelle page de l'histoire de l'outre-mer et de la République. Mais je le redis, tout n'est pas dit avec cette loi d'orientation et au contraire, bien des choses commencent car j'ai la conviction qu'avec elle, il y aura l'avant et l'après. D'autres rendez-vous se dessinent et en cela cette loi est porteuse d'avenir.
Voilà pourquoi , en y mettant toute la conviction qui peut être la mienne et vous appelant à transcender nos clivages traditionnels, je vous demande de l'adopter .
A tous, merci d'avance.
(Source http://www.outre-mer.gouv.fr, le 17 octobre 2000)
Monsieur le Président,
Mesdames et Messieurs les députés
En m'adressant à l'Assemblée Nationale pour vous présenter, en nouvelle lecture, le projet de loi d'orientation pour l'outre-mer, je me dois de penser à cette longue histoire commune qui a donné toute sa densité et sa force à la relation singulière et féconde qui unit la République à l'outre-mer.
Cette histoire, qui n'a pas toujours exclu l'incompréhension ou la souffrance, il nous appartient aujourd'hui d'en écrire une page inédite. Cette histoire, dont il faut trouver la source contemporaine dans la loi de départementalisation de 1946, est une histoire inachevée. Par rapport à ce moment-clé du XXème siècle pour l'outre-mer, le texte qui vous est soumis marque incontestablement un tournant, sans pour autant tourner le dos aux progrès réalisés.
Je crois aussi que ce projet de loi est l'un des textes les plus porteurs d'avenir dont nous ayons eu à débattre au cours de cette législature. Avec tous ceux qui l'ont soutenu, mais aussi à ceux qui le discutent âprement, je voudrais en redire le sens.
J'observe au passage, que ce projet, dont les soutiens vont bien au delà des lignes de partage habituelles, coalise étrangement, même s'ils ne sont pas très nombreux, l'opposition des partisans du statu quo, et le scepticisme de ceux qui, à vouloir brûler les étapes, se condamnent à l'impuissance. Aussi, je veux redire le sens de ce projet, le mettre en perspective, en explorer la dynamique.
Trop longtemps à propos de l'outre-mer, l'on a opposé le progrès économique et social et les réformes institutionnelles. Or, sans pouvoirs locaux disposant de réels moyens d'agir, le développement économique et social ainsi décrété ou octroyé, depuis Paris ne sera ni partagé ni durable. A l'inverse, sans un puissant mouvement de solidarité, qu'il faudra savoir cibler et prolonger dans le temps, le débat sur les institutions apparaîtra bien éloigné des préoccupations quotidiennes des populations. Dépasser cette opposition est justement l'ambition de la loi d'orientation.
Ce texte, proposé par Jean-Jack QUEYRANNE avec le concours de beaucoup d'entre vous, et, au fil des mois, un dialogue avec tous, sera un grand texte pour l'outre-mer français. S'il en est ainsi, ce n'est pas seulement parce que ce projet a su réconcilier l'économique et le social, tout en créant les conditions d'une évolution des institutions. C'est avant tout parce qu'il se fonde sur une vraie vision de l'outre-mer français des années 2000, fondée sur le respect des identités et l'appel à la responsabilité.
Ce texte exprime une volonté et ouvre, comme en 1946, comme en 1982, un nouveau et vaste chantier qui rendra possible que dans chaque département d'outre-mer, s'élabore un projet d'évolution institutionnelle, auquel chacun pourra contribuer et donc pourra s'identifier.
L'expression des plus hauts responsables de notre pays le confirme.
Ainsi le 11 mars dernier en Martinique, le Président de la République déclarait-il que la politique de l'outre-mer ne pouvait plus " être appliquée de façon uniforme " et que l'évolution des règles statutaires était " dans la nature des choses ". Il s'inscrivait ainsi dans la démarche initiée par le Gouvernement, et qu'avait rappelée le Premier ministre dans la lettre qu'il avait adressée, au début de l'année, aux huit présidents d'assemblée affirmant, je le cite : " les aspirations en matière institutionnelle sont différentes d'un département à l'autre. Le Gouvernement est donc décidé à rompre avec la vision traditionnellement uniforme des départements d'outre-mer et à offrir à chacun d'entre eux la possibilité d'une évolution différenciée ".
De ce point de vue, l'horizon institutionnel des DOM est donc clairement dégagé, et la loi d'orientation peut donc signifier certes une étape, mais aussi et surtout un point de départ, et un tremplin.
Et pourtant, l'assemblée nationale est saisie, en nouvelle lecture, du projet de loi d'orientation pour l'outre-mer, après que, le gouvernement ayant déclaré l'urgence sur ce texte, se soit tenue une commission mixte paritaire entre les deux assemblées le
3 octobre dernier. Cette commission mixte paritaire a donc échoué. Je le regrette. J'y reviendrai.
Mais d'abord, je veux rappeler que cette loi entend inscrire les départements d'outre-mer dans un véritable pacte de croissance et de solidarité en s'attaquant, plus que jamais, au chômage et l'exclusion qu'ils connaissent depuis trop longtemps, cette situation inacceptable qui contraint les énergies et les initiatives, qui enferme dans le découragement et la désespérance.
I. Pour un partage solidaire de la croissance.
C'est bien la première orientation voulue par ce projet.
L'effort est sans précédent mais surtout, pour la première fois à un tel niveau, les solutions proposées visent à s'attaquer aux causes réelles du chômage et de l'exclusion dans ces départements. Encore fallait-il, pour ce faire, rompre avec cette vision stigmatisante, et pourquoi ne pas le dire, métropolitaine, consistant à voir dans les départements d'outre-mer, des économies artificielles, placées sous perfusion et nourries d'argent public.
Certes, même si sur les douze derniers mois, on constate partout une tendance à la baisse du nombre de demandeurs d'emplois, le taux de chômage qu'ils connaissent est en moyenne trois fois plus important qu'en métropole. Tout aussi incontestable, et évidemment inacceptable, est le nombre d'allocataires du RMI, qui est lui, cinq fois supérieur à la moyenne nationale. Mais nous aurions tort de croire, et plus encore de laisser croire, que les départements d'outre-mer ne recèlent pas de ressorts, de volontés, d'énergies ou de capacités à entreprendre.
La réalité est en effet tout autre. Les économies des départements d'outre-mer font preuve de dynamisme. On méconnaît trop souvent le fait que leur taux de croissance et leur taux de création d'emplois sont, et depuis plusieurs années, supérieurs à ceux de la métropole. On méconnaît encore le fait que ces départements n'ont pas tout à fait achevé leur transition démographique. Les chiffres du dernier recensement en témoignent : sur cette période, la population s'est accrue aux Antilles de 7, 6%, c'est-à-dire deux fois plus qu'en métropole. Que dire de la situation de la Réunion, plus 18 %, ou celle de la Guyane, plus 37 %, deux départements où le solde migratoire a aggravé la situation.
Mesdames et Messieurs les Députés, la principale cause du chômage dans les départements d'outre-mer, c'est la démographie, qui fait arriver chaque année 30 000 jeunes sur le marché du travail. Dans ces départements, 36 % de la population a moins de 20 ans contre 25 % en métropole. Demandons-nous ce que serait la situation de cette dernière si elle était confrontée à pareil défi. C'est ce défi que nous entendons relever dans les départements d'outre-mer.
Aussi, la première orientation de ce texte que je veux rappeler, c'est l'ensemble de ses dispositifs qui visent à offrir à chaque jeune des départements d'outre-mer, une vraie chance de s'insérer sur le marché du travail. Ces dispositifs viendront ainsi compléter les mesures nationales parmi lesquelles figurent évidemment au premier chef, les emplois-jeunes qui s'élèvent aujourd'hui à 13.000 dans les quatre départements. Deux mesures spécifiques m'apparaissent particulièrement justifiées et sont d'ailleurs très attendues outre-mer.
La première d'entre elles est le projet initiative jeune qui permettra d'accorder une aide pouvant atteindre près de 50.000 francs par projet à chaque jeune, de moins de trente ans, qui créera ou reprendra une entreprise, ou qui poursuivra une formation professionnelle hors de son département, que celle-ci se déroule en métropole ou à l'étranger. Mon objectif est que, dès 2001, 10.000 jeunes des départements d'outre-mer puissent ainsi voir financer leur projet professionnel.
La seconde, c'est le congé-solidarité, mesure là encore spécifique, qui vise à mettre en uvre un système de préretraites contre embauche de jeunes en contrat à durée indéterminée. Fondé sur un mécanisme de solidarité entre les générations, ce dispositif, vous le savez, pourra être financé jusqu'à 60 % de son coût par l'Etat.
Le deuxième grand axe qu'il convient de souligner est la mise en uvre d'un plan visant à pallier les handicaps structurels qui contraignent le développement économique des départements d'outre-mer. Je pense ici à l'abaissement du coût du travail par l'exonération des cotisations patronales de sécurité sociale. L'ampleur de ce plan n'a pas de précédent. Mais sur ce point, je souhaite d'abord qu'ici, chacun se rappelle d'où nous partons.
La loi du 25 juillet 1994 avait proposé un système d'exonération de ces cotisations, dans la limite du SMIC, au profit des entreprises des secteurs dits exposés, à la condition cependant que celles-ci soient à jour de leurs dettes sociales ou se soient vues accorder par l'administration, un plan d'apurement de celles-ci. Les dispositions de cette loi étaient limitées à cinq ans et son financement reposait intégralement sur une majoration de la TVA outre-mer, c'est-à-dire par un impôt sur la consommation dont chacun sait qu'il frappe indistinctement, des plus riches aux plus pauvres. Précaire, restreint, intégralement à la charge des départements d'outre-mer, ce dispositif a bénéficié à moins de 45.000 salariés.
Le projet de loi d'orientation propose une exonération totale des cotisations patronales de sécurité sociale dans la limite de 1,3 fois le SMIC et ce, non seulement pour toutes les entreprises des secteurs exposés, désormais quelle que soit leur situation au regard de leurs dettes sociales, mais aussi au profit de toutes les entreprises de moins de onze salariés. Qu'on me comprenne bien. Toutes les entreprises des secteurs exposés, quel que soit leur effectif, et toutes les entreprises de moins de onze salariés, quel que soit leur secteur d'activité. J'ajoute que les secteurs exposés ont été étendus, je pense notamment aux NTIC et, avec une exonération ramenée à la moitié, au BTP.
Autrement dit, 95 % des entreprises des départements d'outre-mer en bénéficieront, c'est-à-dire près de 115.000 salariés auxquels s'ajouteront tous les employeurs et travailleurs indépendants, c'est-à-dire 55.000 personnes de plus. J'ajoute que ce nouveau système sera pérenne et qu'il sera entièrement à la charge de l'Etat. Les crédits correspondants, c'est-à-dire plus de 3,5 milliards de francs par an, figurent d'ores et déjà dans le budget du ministère de l'emploi et de la solidarité que vous serez prochainement appelé à examiner.
C'est à l'aune de cet effort, encore une fois sans précédent, et en gardant à l'esprit les limites du dispositif antérieur, que nous pourrons débattre sereinement, si vous le souhaitez, des moyens que nous pouvons imaginer pour atténuer un effet de seuil sur lequel plusieurs d'entre vous ont appelé mon attention. Chacun doit cependant se rappeler que cet effet de seuil sera, en tout état de cause, très limité par le fait que la très grande majorité des entreprises d'outre-mer ont un effectif moyen inférieur à deux salariés et, qu'encore une fois, il ne concernera pas les entreprises des secteurs exposés.
Mesdames et Messieurs les Députés, si je ne veux pas revenir sur le détail des autres mesures du pacte de croissance que le gouvernement propose aux départements d'outre-mer, vous en avez largement débattu en première lecture, je veux en revanche insister sur le fait qu'il s'agit aussi d'un pacte de solidarité, et d'abord de solidarité envers ceux qui sont aujourd'hui exclus du marché du travail, demandeurs d'emplois et bénéficiaires de minima sociaux, parmi lesquels évidemment les allocataires du RMI.
Je veux le faire d'abord en rappelant à tous que si le nombre d'allocataires du RMI, aujourd'hui près de 130.000 dans les départements d'outre-mer, donne la mesure de l'exclusion qui y sévit, il est aussi, comme l'ont démontré les rapports commandés par le gouvernement dans le cadre de la préparation de ce projet de loi, le résultat d'une situation historique d'abus de droit en matière de législation du travail où femmes et hommes étaient employés, mais n'étaient pas déclarés. Cette situation, dont chacun sait qu'elle est loin d'avoir disparu, et dont personne ne peut douter que nous la combattrons, aboutit aujourd'hui à ce que ces femmes et ces hommes, qui ont pourtant souvent commencé de travailler très jeunes, ne puissent bénéficier de suffisamment d'annuités pour être pris en charge par l'assurance-chômage.
Pour réinsérer sur le marché du travail ceux qui en sont aujourd'hui exclus, le gouvernement entend mettre en uvre des solutions innovantes et adaptées aux réalités que connaissent aujourd'hui les départements d'outre-mer. D'une part, la création d'une allocation de retour à l'activité qui permettra, et ce pendant deux ans, à tous les bénéficiaires de minima sociaux, de pouvoir cumuler celle-ci avec les revenus tirés d'une activité rémunérée en entreprise ou chez un particulier ; d'autre part, la mise en uvre d'un titre de travail simplifié, qui se substituera au chèque-emploi-service, et permettra d'alléger considérable- ment les formalités d'embauche, aussi bien pour les particuliers que pour les petites entreprises.
Sur la proposition des sénateurs Claude Lise, Rodolphe Désiré et Dominique Larifla, ces dispositifs se sont vus complétés lors de la discussion au Sénat par une mesure visant à instituer un revenu de solidarité au profit de tous les bénéficiaires du RMI, âgés d'au moins 50 ans et qui s'engageront à quitter définitivement le marché du travail et de l'insertion. Cette mesure, qui est susceptible de concerner 22.000 allocataires, pour lesquels les chances d'un retour à l'emploi apparaissent très faibles, aura pour conséquence d'améliorer sensiblement leur situation matérielle puisqu'ils pourront percevoir 2.700 francs par mois au lieu de 1.800 francs actuellement.
Mesdames et Messieurs les Députés, il n'est pas de développement durable qui ne soit un développement solidaire. Je suis de ceux qui ont toujours refusé d'opposer développement économique et progrès social. Si j'entends que l'exclusion reculera, par les mesures que je vous propose, je n'accepte pas que soit qualifié d'assistanat, dans les départements d'outre-mer, ce qui est baptisé solidarité, en métropole. A ce titre, le projet de loi d'orientation pour l'outre-mer réaffirme l'objectif d'égalité sociale entre la métropole et les départements d'outre-mer.
Le revenu minimum d'insertion sera donc aligné sur le niveau de la métropole. Je sais la très grande sensibilité de l'opinion publique à la Réunion quant au principe et au calendrier de cet alignement. Je sais aussi qu'aux Antilles et en Guyane, sans remettre en cause cet objectif, l'accent a davantage été mis sur les difficultés de mise en uvre. Nous proposons donc cette réforme en ayant conscience d'aspirations ou de réalités qui peuvent être différentes d'un département à un autre. Mais nous le proposons tout simplement parce que c'est juste. En son état actuel, le texte qui vous est soumis prévoit un délai d'alignement de trois ans. Il s'agit là évidemment d'un délai maximum et je vous annonce que le Gouvernement rendra public avant la fin de l'année le calendrier définitif de cet alignement.
Je crois aussi, comme la plupart d'entre vous, que la dignité procède du travail et s'accommode mal de l'assistanat. Je crois que la solidarité se transformerait inéluctablement en assistanat si dans le même temps, ne s'ouvrait pas la perspective de créations d'emplois stables.
Comme l'ont confirmé les débats au Sénat, si besoin en était. Personne, sauf à faire preuve d'esprit partisan, ne peut nier l'ampleur du plan en faveur du développement économique et social des départements d'outre-mer que le gouvernement se propose de mettre en uvre, dès la promulgation de la loi d'orientation, en commençant une augmentation de 25 % du FEDOM en 2001.
L'essentiel des articles relatifs à ce volet économique et social ont ainsi été adoptés par votre assemblée. Elle les a même, avec l'accord du gouvernement, parfois améliorés, et si certains motifs de désaccord se sont parfois exprimés, c'est parce que ce gouvernement n'a pas pour habitude d'enregistrer purement et simplement des demandes manifestement excessives provenant de groupes de pression patronaux.
La majorité sénatoriale a ainsi, concernant le congé-solidarité, entendu supprimer la condition, à mes yeux essentielle, qui réserve le bénéfice de cette mesure aux entreprises effectivement passées aux 35 heures. En accord avec votre commission des lois, le gouvernement vous proposera évidemment de rétablir, à l'identique, le texte que votre assemblée avait adopté en première lecture.
Dans le même sens, je ne peux que me féliciter que la commission des lois ait choisi de ne pas relever le seuil de onze salariés en deçà duquel les entreprises n'appartenant pas aux secteurs exposés pourront bénéficier des exonérations de charges patronales. Ce cadre étant maintenu, je serai évidemment attentif aux propositions qui pourront m'être faites afin d'améliorer le dispositif progressif qui vise à atténuer cet effet de seuil et que vous aviez adopté en première lecture.
Sous bénéfice d'inventaire et, les débats à venir nous éclaireront, je crois donc peu nombreux, sur ce volet économique et social, les désaccords qui subsistent. Et par rapport à la première lecture, il est au moins un motif de querelle, source d'inquiétude légitime voire procès d'intention fait au gouvernement par quelques uns, qui aura disparu. Je veux parler ici de l'engagement qu'avait pris le Premier ministre de mettre en uvre, en remplacement de la loi de 1986 dite loi Pons, un nouveau dispositif de soutien fiscal aux investissements qui soit à la fois plus juste mais aussi plus efficace.
Je l'ai annoncé le 20 septembre dernier, cet engagement sera tenu. L'article 12 du projet de loi de finances pour 2001 qui vous sera présenté par le ministre de l'économie et des finances lors de la discussion de la première partie du budget mettra en uvre ce nouveau dispositif dont je veux ici rappeler les grandes lignes.
Tout d'abord, une plus grande justice fiscale : la déduction actuelle du revenu global, qui porte atteinte à la progressivité de l'impôt, sera remplacée par une réduction d'impôt plus équitable, égale à 50 % du montant de l'investissement. Tous les intervenants seront donc traités de façon équivalente quelle que soit leur tranche d'imposition ; moins critiquable, ce dispositif sera plus durable.
Ensuite, une plus grande efficacité économique : l'aide, qui ne sera plus applicable à la navigation de croisière, sera en revanche étendue à de nouveaux secteurs économiques créateurs d'emplois (la maintenance, la rénovation hôtelière et l'acquisition de logiciels).
Je veux souligner que les entreprises de l'outre-mer en seront les principales bénéficiaires. En effet, au minimum 60 % de l'avantage fiscal accordé leur sera rétrocédé par le biais d'une réduction du loyer.
Comme pour le dispositif d'exonération de charges sociales, des dispositions favoriseront les petites entreprises, qui n'ont pas accès, aujourd'hui, à l'aide fiscale à l'investissement, beaucoup d'entre elles ne disposant pas de revenus suffisants pour investir. Désormais, pour elles, le crédit de 50 % du montant de l'investissement sera reportable et remboursable. Il pourra être imputé sur l'intégralité de leur impôt, sans plafonnement, le cas échéant sur cinq ans, avec remboursement du solde à la fin de la cinquième année.
Vous l'aurez compris, cette réforme entend avant tout être au service de l'emploi. A ce titre, la rénovation hôtelière sera désormais incluse dans le champ des secteurs bénéficiaires, alors que jusqu'ici seules les constructions d'hôtels neufs sont éligibles à l'aide fiscale. Pour la rénovation hôtelière, la réduction d'impôts sera même portée à 60 %. Enfin, l'aide fiscale en faveur des investissements dans les logements locatifs intermédiaires sera portée de 25 % à 40 %.
Pour conclure sur ce dispositif que le ministre de l'économie et des finances et moi même, vous présenterons prochainement de façon plus détaillée, je voudrai rappeler qu'un effort particulier sera réalisé pour Mayotte, Wallis et Futuna, mais aussi pour Saint-Pierre et Miquelon et la Guyane. La réduction d'impôt sera en effet portée à 60 % pour les investissement qui seront réalisés dans ces quatre collectivités.
Ainsi, le gouvernement a entrepris, depuis juin 1997, de donner aux départements d'outre-mer, ainsi qu'à la collectivité de Saint-Pierre et Miquelon, des outils pour les inscrire dans une logique de développement durable et solidaire qui fera reculer le chômage et l'exclusion qui frappent nos compatriotes qui y vivent.
A cet effet, trois chantiers auront ainsi été menés à bien : le pacte de croissance et de solidarité de la loi d'orientation ; la nouvelle loi de soutien fiscal aux investissements ; mais aussi les contrats de plan et les fonds structurels européens puisque, je le rappelle, les départements d'outre-mer bénéficieront sur la période 2000-2006, de près de 30 milliards de francs de l'Etat et de l'Europe, soit plus de 50 % d'augmentation par rapport à la période précédente.
Et pourtant, Mesdames et Messieurs les Députés, je l'ai rappelé dans mon propos introductif, la commission mixte paritaire entre votre assemblée et le Sénat a abouti à un échec. Je veux ici en aborder les causes. Je souhaite aussi le faire de la façon la plus claire possible afin que personne ne puisse douter, ni de la détermination du gouvernement à faire aboutir le volet institutionnel de son projet de loi, ni surtout de la conviction profonde qui est la sienne et qui le fonde.
(Source http://www.outre-mer.gouv.fr, le 13 octobre 2000)
Discours du 10 octobre 2000
II. Pour un nouveau pacte entre la republique et l'outre-mer
Je veux d'abord rappeler le processus qui a présidé à l'élaboration de ce volet institutionnel. Le 10 décembre 1998, le Premier ministre a confié à votre collègue Michel TAMAYA, député-maire de Saint-Denis de la Réunion, et au sénateur Claude LISE, président du Conseil général de la Martinique, une mission parlementaire pour laquelle il précisait que son succès passait par " une large consultation des élus, des responsables professionnels et des représentants des sociétés civiles ". Ce rapport lui a été remis le 24 juin 1999. Peu de temps après ma prise de fonction, je me suis entretenu avec ses auteurs. Ils m'ont rappelé que leur mission les avait conduit à rencontrer plus de 1.200 personnes dans les quatre départements d'outre-mer, et qu'en particulier, toutes les forces politiques de ces départements avaient pu s'exprimer.
De cette mission, et au delà des 70 propositions qu'ils avaient faites au gouvernement, se dégageaient pour eux un double enseignement. Partout dans les départements d'outre-mer se faisait jour une aspiration à la responsabilité et à l'identité. Mais d'un département à l'autre, comme à l'intérieur de chaque département, des débats, parfois passionnés, subsistaient quant aux voies pour y parvenir. Le gouvernement se devait donc de respecter ces aspirations tout autant que ces différences en rompant avec une vision uniforme, point de vue traditionnel de Paris. L'idée de procéder en deux étapes était née. Le gouvernement l'a reprise à son compte. Ce texte fixe une méthode, impose un rythme, et propose une ouverture qui va bien au-delà des transferts de compétences contenus dans le projet.
C'est vrai, sur la base des propositions de ce rapport, dont il s'est très largement inspiré, le gouvernement a choisi de proposer aux départements d'outre-mer, une nouvelle et première étape sur le chemin de leur évolution.
Cette étape consiste tout d'abord en d'importants transferts de compétences et de nouveaux moyens financiers et juridiques, à accroître leurs responsabilités et à permettre, pour chacun d'entre eux, que soit désormais prise en compte et respectée une identité particulière forgée par une histoire et une géographie propres. Cette première étape, parce qu'elle était commune aux quatre départements, pouvait se faire à cadre constitutionnel constant.
J'observe que les mesures qui figurent à ce titre dans le projet de loi d'orientation n'ont été contestées par personne. J'en veux pour preuve le fait que la totalité de ces mesures ont été approuvées par les deux assemblées en première lecture. Je veux cependant rappeler que nombre de ces dispositions traduisent une véritable rupture avec des logiques et des réflexes traditionnels des administrations centrales. A titre d'illustration, plusieurs d'entre elles méritent d'être mises en exergue.
Les départements d'outre-mer auront demain, à la différence de ceux de métropole, le droit et la possibilité de négocier et de signer, dans leurs domaines de compétence, des accords internationaux avec les Etats, je dis bien les Etats, de leur environnement régional. Ils pourront également, si les statuts de ces organisations le permettent, être membres associés des organisations internationales régionales de leur zone géographique.
Régions ultrapériphériques de l'Union européenne, les départements d'outre-mer, par l'intermédiaire de leurs assemblées locales, seront désormais systématiquement consultés sur toutes les propositions d'actes de la Communauté européenne qui seront pris en application du nouvel article 299.2 issu du Traité d'Amsterdam. Ils auront parallèlement le pouvoir d'adresser au gouvernement des propositions en la matière.
Enfin, dans le respect des engagements internationaux de la France et de la réglementation communautaire, l'institution régionale se verra transférer, dans les départements d'outre-mer, les compétences en matière d'exploration et d'exploitation des ressources naturelles de la mer et de son sous-sol.
Cette première étape est importante. Elle inscrit les départements d'outre-mer dans ce que Michel TAMAYA et Claude LISE, par une heureuse formule, ont appelé la " voie de la responsabilité ". Mais le gouvernement, et ceci doit être clairement dit, n'a jamais entendu en rester là. Il entend au contraire, dans une deuxième étape, permettre à chaque département d'outre-mer qui le souhaite, de se voir doter d'institutions nouvelles et adaptées à sa situation propre. A cet égard, le temps de l'uniformité a vécu outre-mer. Cette approche n'est d'ailleurs pas spécifique aux départements. Elle concerne toutes les collectivités de l'outre-mer, je pense ici à la Nouvelle-Calédonie, à la Polynésie française ou encore à Mayotte.
Mesdames et Messieurs les Députés, s'agissant des départements d'outre-mer, le choix du gouvernement de rompre avec une vision uniforme n'est pas nouveau et ne devrait surprendre personne. Ce choix marquera cette législature. Je veux citer Jean-Jack QUEYRANNE, lors du débat d'orientation sur l'outre-mer à l'Assemblée nationale, le 23 octobre 1998, qui, évoquant la mission parlementaire qui allait être confiée à Messieurs LISE et TAMAYA, précisait : " le Gouvernement rendra public ces propositions afin qu'elles soient débattues avant toute décision. Rien n'exclut évidemment que ces propositions et les décisions qui découleront du débat public dans chacun des DOM aboutissent à une évolution différenciée selon les départements ".
Le gouvernement reconnaît tout autant aujourd'hui aux départements d'outre-mer le droit à l'évolution statutaire. Et afin que ses intentions ne soient plus l'objet d'un procès en conservatisme ou en frilosité, je vous proposerai d'adopter un amendement gouvernemental à l'article 1er du projet de loi d'orientation visant à ce que celles-ci figurent explicitement dans le corps du projet de loi et non plus seulement dans son exposé des motifs.
Il reste qu'il s'agit d'un droit et non d'une obligation. Sa mise en uvre devra donc respecter les perceptions et les aspirations profondes des populations de chacun des quatre départements d'outre-mer.
A cet égard, je veux donc être très clair, s'agissant de la Réunion. Le gouvernement respectera le choix unanime des Réunionnais d'un statut qui restera régi par le droit de la départementalisation adaptée, tel qu'il est prévu par l'article 73 de la Constitution.
S'agissant des Antilles et de la Guyane, nul ne peut contester que dans ces trois départements, la majorité des élus ont souhaité un changement statutaire de leur collectivité. Le gouvernement n'est ni sourd ni aveugle et il entend répondre à cette demande. Il entend évidemment le faire, de façon spécifique, pour chacun des départements français d'Amérique. Il entend surtout le faire dans la plus grande des transparences et en respectant les principes fondamentaux de notre démocratie. A ce titre, trois conditions devront être vérifiées.
En premier lieu, dans chacun de ces trois départements, le changement statutaire sera l'affaire des élus du suffrage universel. Ils devront donc être à l'initiative de l'évolution institutionnelle de leur département, qui ne sera ni dictée d'en haut, c'est-à-dire de Paris, ni imposée, comme l'a rappelé le Premier ministre lors de son voyage aux Antilles, par des " avant-gardes " sans légitimité démocratique qui prétendraient imposer leur volonté et leur projet, à tous les autres et aux populations.
Ensuite, et cela va de soi, ces élus du suffrage universel devront, malgré des positionnements et des projets inévitablement différents, parfois même antagonistes, rechercher dans un débat démocratique et républicain, les conditions d'un rapprochement leur permettant de se retrouver, le plus largement possible, sur une position commune. Ce rapprochement suppose que toutes les parties prenantes recherchent entre elles un compromis. Encore faut-il pour cela que chacun accepte d'en débattre.
Je voudrais ici m'inscrire en faux contre tous ceux qui affectent, à Paris, de croire qu'outre-mer, existerait spontanément et par je ne sais quel miracle, une pensée unique, évidemment celle qui s'exprimerait de la façon la plus bruyante. C'est loin d'être le cas, et heureusement. Les divergences d'approches sont partout légitimes et, outre-mer, elles témoignent au contraire de la vitalité démocratique de ces sociétés.
A ceux qui craignent que ces divergences paralysent toute chance de réforme, je veux dire que le gouvernement respectera ces différences. Mais son rôle sera évidemment de favoriser le compromis, comme en témoigne l'approche qui est la sienne, la mienne désormais, s'agissant de la Guyane, département dont je constate qu'il est celui où la volonté d'évolution statutaire s'est le plus formalisée.
En Guyane, plusieurs projets existent. Certaines organisations politiques préconisent un statut de très large autonomie inspiré de celui de la Nouvelle-Calédonie. Le sénateur Georges OTHILY propose la création d'une assemblée territoriale unique et de provinces. Le Parti Socialiste Guyanais préconise pour sa part la création d'une région autonome qui resterait dans le cadre de l'Union européenne. Egalement favorable à une évolution, Mme Christiane TAUBIRA-DELANNON a souhaité que la réflexion s'engage à partir d'un bilan approfondi de la décentralisation issue des lois de 1982. Enfin, Monsieur Léon BERTRAND, l'autre député de la Guyane, a pour sa part souhaité que soit étudiée la possibilité de créer un second département qui favoriserait le développement de l'ouest guyanais. Le Président de la République a d'ailleurs déclaré comprendre cette dernière demande et souhaité, je le cite, qu'elle soit " étudiée attentivement au même titre que les autres solutions ".
Tous ces projets sont légitimes et, comme l'ont accepté l'ensemble des forces politiques guyanaises, le gouvernement les étudiera tous notamment au plan de leurs conséquences juridiques, mais aussi au regard de leur adéquation aux réalités guyanaises. A cet effet, s'agissant en particulier de l'organisation territoriale et comme s'y était engagé mon prédécesseur, une mission se rendra prochainement sur place. Afin que le débat, qui encore une fois devra être local, puisse s'engager dans les meilleures conditions, ces expertises seront remises à tous les élus de Guyane dont je recevrai, à cet effet, une délégation avant la fin de l'année.
Malgré les différences d'approche, je me réjouis que désormais chacun ait compris que le débat sur l'évolution statutaire de la Guyane doit d'abord être l'affaire des Guyanais et que cette évolution devra découler du rassemblement le plus large possible autour d'un même projet.
Enfin, Mesdames et Messieurs les députés, il n'est pas envisageable que l'évolution statutaire d'un département d'outre-mer puisse être mise en uvre sans le consentement de sa population. Au plan juridique, même si quelques experts, on en trouve toujours, ont émis des doutes, le gouvernement considère que le principe de ces consultations outre-mer trouve notamment son fondement dans le préambule de la Constitution de 1946. Au plan politique, il s'agit là d'une condition essentielle dont j'observe qu'elle a été acceptée par toutes les forces politiques aux Antilles-Guyane. Je rappelle aussi que cette position du gouvernement n'a pas été contredite par le Président de la République.
Ces trois conditions rappelées, le gouvernement ne fixe pas de limite au débat institutionnel qui a cours dans ces trois départements. Mais toute évolution devra se faire dans la République et ne pourra en aucun cas avoir pour effet d'entraîner, pour les populations, une régression de leurs droits politiques, économiques ou sociaux. De ce point de vue, la sortie de l'Union européenne des départements d'outre-mer me paraît difficilement envisageable, sauf à ce que ses conséquences en aient été très clairement expliquées aux populations qui se prononceraient alors en toute connaissance de cause.
Mesdames et Messieurs les députés, l'article 39 du projet de loi d'orientation que le Sénat a supprimé, et que votre commission des lois, comme le gouvernement, vous proposeront évidemment de rétablir, ne dit pas autre chose que ce que je viens d'énoncer. Il accorde pour la première fois aux élus des départements d'outre-mer le droit d'adresser au gouvernement des propositions d'évolution statutaire allant au delà de la simple adaptation des lois et des règlements, autrement dit, de proposer, le cas échéant, une révision constitutionnelle. Il prévoit également la consultation des populations en matière de changement statutaire.
Cet article 39 propose certes une construction originale et spécifique aux régions monodépartementales qui est le Congrès. Sauf à vouloir masquer une volonté -inavouable- d'empêcher l'évolution institutionnelle des départements français d'Amérique, les débats juridiques autour du Congrès me paraissent occulter le fait qu'il est avant tout un élément dynamique du dispositif proposé.
Le gouvernement tire simplement la conclusion du fait que les départements d'outre-mer sont aujourd'hui des régions monodépartementales où coexistent sur le même territoire géographique, deux assemblées locales.
Ce rappel étant fait, et dès lors que la demande d'assemblée unique persiste assez largement aux Antilles, je crois préférable que les deux assemblées existantes puissent en débattre ensemble. Chacun voit bien en effet, que l'orientation vers une assemblée unique aurait une tout autre force, si elle avait cette fois-ci pour fondement la volonté conjointe des deux assemblées actuelles.
De plus, Mesdames et Messieurs les députés, il s'agit bien que l'évolution institutionnelle ait pour point de départ le rassemblement le plus large des élus locaux, et donc le rassemblement de toutes les légitimités du suffrage universel. Enfin, ce Congrès permettra un débat public et transparent qui permettra aux populations de se prononcer en toute connaissance de cause lorsqu'elles seront consultées.
Interrogé sur cette proposition, Aimé CESAIRE lui-même ne disait pas autre chose, le 5 juillet dernier.
" Nous devons dire, en conscience, ce que nous voulons. Et je crois que c'est une bonne idée de réunir les assemblées, que l'on étudie le problème, que l'on échange les points de vue. Et qu'en définitive, le peuple soit consulté. Cela me paraît fondamental, le peuple martiniquais c'est un peuple. Je crois à l'autodétermination. La parole doit en définitive revenir au peuple martiniquais. C'est lui qui choisira et c'est lui qui doit choisir. "
En ce sens, je voudrais d'ailleurs souligner le formidable paradoxe qu'il y a à affirmer, comme l'a fait la commission des lois du Sénat, que cet article 39 ne serait pas, je cite son rapporteur, " à la hauteur des fortes espérances qu'il a suscitées parmi les populations des départements d'outre-mer ", tout en proposant de le supprimer ce qui revient justement à interdire à ces populations de pouvoir s'exprimer.
Mesdames et Messieurs les députés, sauf encore une fois s'ils dissimulent en fait leur volonté d'empêcher l'évolution institutionnelle des départements d'outre-mer qui le souhaitent, je ne crois pas aux arguments juridiques soulevés par les adversaires de l'article 39 du projet de loi d'orientation. J'y crois d'autant moins quand je constate que certains membres de la majorité sénatoriale qui avaient voté contre cet article et donc contre l'avis du président et du rapporteur de la commission des lois du Sénat, ont pu ensuite proposer d'y souscrire en échange du retrait par le gouvernement de l'article 38 de ce même projet de loi.
Cet article 38, vous le savez, pose le principe de la création d'un second département à la Réunion. Vous connaissez les origines et les termes de ce projet. Il s'agit là d'une demande ancienne de tous les élus réunionnais, je dis bien tous, qui, à un moment ou un autre, ont souhaité cette réforme administrative. A l'appui de cette demande, deux arguments, qui conservent toute leur force, ont été traditionnellement avancés : d'une part, le souci d'un rééquilibrage en faveur du sud de l'île, et, d'autre part, la volonté que la Réunion devienne, plus complètement encore, une région de droit commun, c'est-à-dire comme toutes celles de métropole, pluridépartementale.
Le débat sur cette question a eu lieu. Les modalités initialement proposées par le gouvernement, je pense ici au découpage territorial, ont été revues parce qu'elles avaient été critiquées par une majorité d'élus locaux tant au conseil général qu'au conseil régional. Reste que le projet de bidépartementalisation a reçu l'aval d'une majorité de forces politiques dans l'île et ceci en transcendant, contrairement à ce que j'ai pu lire récemment dans un quotidien national, le clivage traditionnel droite-gauche. Le parti communiste réunionnais, la fédération socialiste mais aussi Alain BENARD, le maire RPR de la seconde ville du département ou encore le député André THIEN AH KOON, pour ne citer qu'eux, se sont prononcés en sa faveur. Le Président de la République a fait de même. Le gouvernement a souhaité que se poursuivent les concertations entre tous les élus afin qu'un accord puisse être trouvé sur le calendrier et les modalités de mise en uvre. Il sera donc attentif aux propositions qui lui seront faites.
Mesdames et Messieurs les députés, les départements d'outre-mer et bien évidemment la collectivité de Saint-Pierre-et-Miquelon dont je rappelle que plusieurs dispositions de ce texte, certaines spécifiques, la concernent, attendent que cette loi d'orientation entre en vigueur le plus tôt possible. Ils l'attendent parce qu'ils ont conscience de sa portée.
Je la mesure également. Je crois également que les départements d'outre-mer méritent une grande ambition pour leur développement, leur identité et leur avenir. La loi d'orientation pour l'outre-mer dont vous allez à nouveau débattre rend possible le succès de cette ambition.
Votre commission des lois, à laquelle je suis très attaché, a entendu ce message, efficacement relayé par votre rapporteur, M. Jérôme LAMBERT.
Aux femmes et aux hommes qui vivent outre-mer, je voudrais réaffirmer notre volonté qu'ils puissent trouver dans la République, dans cette République qu'ils ont contribué à façonner, la place qui leur revient. En le réaffirmant, je m'adresse aussi aux centaines de milliers de nos compatriotes qui, originaires des départements d'outre-mer, vivent aujourd'hui en métropole. J'ai la conviction qu'avec ce texte, s'ouvre enfin pour les départements d'outre-mer le champ du possible. J'ai souhaité vous faire partager cette conviction
(Source http://www.outre-mer.gouv.fr, le 13 octobre 2000)
Discours du 12 octobre 2000
Mesdames et Messieurs les députés,
Mon propos sera bref car tout a été dit ou presque. Les débats que nous venons d'avoir durant ces trois jours ont été fructueux et je tenais à en remercier l'ensemble de la représentation nationale. Comme à l'occasion de la première lecture, vos travaux ont grandement contribué à améliorer ce texte.
Ces débats ont été fructueux et parfois passionnés. Mais l'Assemblée nationale, dont j'étais membre il y a peu de temps encore, est le lieu par excellence où doit s'éprouver le débat démocratique. Des divergences s'y sont exprimées. Elles sont normales et surtout elles sont légitimes. Mais contrairement à ce que j'ai pu entendre hier, elles n'ont laissé aucune place à la polémique, à la médiocrité.
Aux parlementaires de l'outre-mer, à tous sans exception et où qu'ils siègent sur les bancs de cette assemblée, je voudrais exprimer que j'ai ressenti combien chacun d'entre eux, par delà sa vision, ses idées, ses mots, exprimait un même attachement indéfectible, irréductible, passionnel à sa terre, son peuple et à leur avenir. Par delà vos divergences, voilà ce qui avant tout vous rassemble.
A leurs collègues de métropole, au président ROMAN, aux trois rapporteurs Jérôme LAMBERT, Michel TAMAYA, Daniel MARSIN, je voudrais également dire combien j'ai apprécié qu'ils aient été de vrais acteurs de ce débat.
Aux uns et aux autres, il vous revient maintenant, par votre vote, de conclure ce débat. Permettez moi par ces quelques mots de vous rappeler qu'elle en sera, à mes yeux, la portée.
Par cette loi d'orientation, nous voulons dépasser l'opposition stérile, dans laquelle pendant trop longtemps, nos clivages partisans nous ont enfermés, entre développement économique et responsabilité locale. L'un ne va pas sans l'autre et l'outre-mer a droit à l'un comme à l'autre.
Par cette loi d'orientation, nous voulons aussi dépasser l'inacceptable dilemme entre développement économique et progrès social. Là encore, l'outre-mer a droit à l'un comme l'autre et je le redis, ne baptisons pas assistanat ce qui en métropole est solidarité. Nous devons poursuivre le chemin de l'égalité sociale tout simplement parce que c'est juste. Mais nous ne devons pas oublier que l'aspiration profonde des femmes et des hommes, outre-mer comme en métropole, c'est d'avoir pour tous la possibilité et la chance de vivre de son travail. Cela se résume en un mot simple, un mot fort: la dignité.
Cette loi d'orientation est pour moi la clé de voûte d'un dispositif complet et cohérent, à la hauteur des défis auxquels l'outre-mer est confronté. Ce dispositif inclut la nouvelle loi de soutien fiscal aux investissement, les contrats de plan Etat-région et les fonds structurels européens. Mais pour la première fois, les moyens dégagés seront à la hauteur des défis. Pour la première fois toutes les mesures, qu'il s'agisse de lever des freins ou d'inciter à l'innovation , seront déployées. Certes les retards sont nombreux mais les atouts aussi. Il ne s'agit plus d'un simple rattrapage. Il s'agit d'une vraie chance d'une logique de développement et de développement durable.
Mais entre l'outre-mer et la République, nous voulons aussi jeter les bases d'un pacte renouvelé et ce pacte pour l'outre-mer doit désormais ouvrir le champ du possible. A ce titre, la loi d'orientation est un point de départ, pas un point d'arrivée. Elle ouvre une nouvelle étape mais permet, et pourquoi ne pas le dire, encourage à ce qu'il y en ait d'autres. C'est un tremplin.
Pour cela, chacun des quatre départements d'outre-mer doit voir respecter son identité propre et pouvoir exprimer les aspirations profondes qui sont les siennes. Chacun à le droit de débattre et de choisir une évolutiony compris, comme à La Réunion, d'approfondir son ancrage dans le droit commun. C'est ce même droit à l'évolution qui établit aussi le droit à la différence. Je le redis, le Gouvernement auquel j'appartiens ne fixe pas de limite au débat institutionnel là où l'aspiration au changement s'est progressivement fait jour. Au contraire, en organisant ce débat dans un cadre démocratique et républicain, il le permet, et surtout, il rend possible qu'aboutissent des évolutions. Elles seront formulées, pour chacun des trois départements concernés, en fonction des réalités qui sont les siennes et à son rythme. Ces évolutions devront recueillir l'assentiment des populations. Elles seront voulues, elles seront choisies.
54 ans après la loi du 19 mars 1946, nous voulons que s'écrive une nouvelle page de l'histoire de l'outre-mer et de la République. Mais je le redis, tout n'est pas dit avec cette loi d'orientation et au contraire, bien des choses commencent car j'ai la conviction qu'avec elle, il y aura l'avant et l'après. D'autres rendez-vous se dessinent et en cela cette loi est porteuse d'avenir.
Voilà pourquoi , en y mettant toute la conviction qui peut être la mienne et vous appelant à transcender nos clivages traditionnels, je vous demande de l'adopter .
A tous, merci d'avance.
(Source http://www.outre-mer.gouv.fr, le 17 octobre 2000)