Discours de M. Christian Paul, secrétaire d'Etat à l'outre-mer, sur les dispositions de la loi d'orientation pour l'outre-mer, notamment le congé solidarité, l'embauche des jeunes, les réformes institutionnelles, les mesures d'exonération fiscale en faveur des entreprises locales, le soutien fiscal aux investissements d'outre-mer et les futurs statuts des DOM surtout ceux de La Réunion, Paris le 7 novembre 2000.

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Circonstance : Présentation du projet de loi d'orientation pour les DOM, en 2è lecture, au Sénat, à Paris, le 7 novembre 2000

Texte intégral

Monsieur le Président,
Mesdames et Messieurs les sénateurs
En m'adressant à votre assemblée pour vous présenter, en nouvelle lecture, le projet de loi d'orientation pour l'outre-mer, tel qu'il a été adopté le 12 octobre dernier à l'assemblée nationale, mon état d'esprit n'est pas celui du candidat à un examen purement formel.
Je souhaite au contraire, en y mettant toute la force de ma conviction, essayer de convaincre la majorité sénatoriale qui a accepté en première lecture l'essentiel de ce texte et qui l'a enrichi, que rien ne justifie, au fond, que subsistent de véritables désaccords entre elle et le gouvernement. Si quelques points de divergence ont abouti à ce qu'échoue la commission mixte paritaire qui s'est tenue le 3 octobre 2000 à l'issue de la première lecture, je veux croire que cette discussion peut les réduire.
Je souhaite surtout que notre discussion permette à chacun, dans cet hémicycle, comme dans les départements d'outre-mer, de prendre l'exacte mesure des orientations affirmées par ce projet.
Ce projet n'est pas une simple loi d'étape. Elle dessine un cap, sans fixer un point d'arrivée. C'est en cela qu'elle est une véritable loi d'orientation.
Permettez-moi d'en donner au moins trois preuves :
- elle fonde un processus d'évolution statutaire porteur de sens et d'une exigence forte.
Plus d'un demi-siècle après la loi de 1946, près de vingt ans après les lois de décentralisations, une nouvelle page doit s'écrire. Dans le même temps qu'il affirme le droit à une évolution différenciée et choisie, ce texte reconnaît que le mouvement doit provenir de la confrontation des idées et des projets dans l'espace public local. C'est la fin d'une vision unique, dictant à l'outre-mer depuis Paris, le chemin à emprunter.
- elle s'attaque à bras-le-corps à l'enjeu majeur, au drame partagé des départements d'outre-mer qu'est le chômage et la souffrance sociale qu'il produit, en disant haut et fort que les départements d'outre-mer ne sauraient demeurer durablement à l'écart de la croissance retrouvée par notre pays.
- elle dépasse l'opposition stérile entre le développement économique et l'évolution institutionnelle. Elle donne à la République, pour appréhender les réalités complexes de l'outre-mer, une grille de lecture indispensable pour bâtir l'action de l'Etat. Organiser mieux la solidarité, ce n'est pas un objectif incompatible avec le respect des identités et des différences.

S'agissant du volet économique et social de ce projet de loi, je faisais observer à vos collègues députés, lors de mon intervention à l'assemblée nationale, qu'en première lecture, votre assemblée avait adopté l'essentiel des articles du projet de loi. Je donnais d'ailleurs acte au Sénat que, dans bien des cas, vos travaux et vos débats avaient permis d'améliorer certaines dispositions proposées.
Au regard des amendements que votre commission des lois a adoptés, et évidemment sous bénéfice d'inventaire, il me semble que les points de désaccords se sont encore considérablement réduits par rapport à ceux qui avaient été constatés à l'issue de la première lecture. Sur le fond, seuls deux d'entre eux me paraissent suffisamment substantiels pour que je les évoque d'emblée.
Le premier est relatif au dispositif, attendu outre-mer depuis tant d'années, de congé solidarité, prévu à l'article 9 quater du projet de loi, dispositif couramment qualifié de préretraite contre embauche de jeunes, et pour lequel le gouvernement a entendu en réserver le bénéfice aux seules entreprises qui seront effectivement passées au 35 heures.

L'Assemblée nationale a rétabli cette disposition qui est, en effet, pour le gouvernement, une condition nécessaire. Les termes de ce débat sont connus. Le gouvernement a fait de la réduction hebdomadaire du temps de travail, un axe majeur de sa politique en faveur de l'emploi. Les résultats en ce domaine, qui viennent d'être confortés par la baisse importante du chômage que notre pays a connu en septembre (- 2,5 % soit 58 600 chômeurs en moins) montrent qu'il a eu raison. Concernant le dispositif de congé solidarité, cette condition jouera de surcroît comme un multiplicateur qui permettra d'embaucher plus de jeunes, en contrat à durée indéterminée, que de salariés âgés qui bénéficieront de ce congé.
Dans les départements d'outre-mer, où près de 36 % de la population a moins de 20 ans contre 25 % en métropole, les mesures prises en faveur de l'emploi des jeunes, qui sont au cur du projet de loi d'orientation, doivent être à la hauteur des enjeux qui s'y posent. La condition des 35 heures, tout autant d'ailleurs que celle relative à la nature des contrats de travail qui devront être proposés à ces jeunes, est donc essentielle pour la réussite de ce mécanisme de congé solidarité.
Le deuxième point de divergence que je souhaite souligner est lui relatif au champ des exonérations de charges patronales de sécurité sociale, tel que prévu à l'article 2 du projet de loi d'orientation. Votre commission des lois a réitéré son souhait que bénéficient de ces exonérations, non pas les entreprises de moins de 11 salariés, mais les 10 premiers salariés des entreprises de moins de 21 salariés. Le gouvernement a toujours eu conscience de la nécessité d'atténuer l'effet de seuil de son dispositif. A ce titre, il a accepté un amendement parlementaire, lors du débat à l'assemblée nationale, qui poursuivait cet objectif, et qui m'apparaît comme un bon compromis.
L'amendement de votre commission des lois ne représenterait, en effet, pas moins de 400 millions de francs, de charge budgétaire, pour un effet sans doute marginal sur l'emploi, et en tout cas, sans commune mesure avec son coût. Au demeurant, la disposition proposée ne supprimerait pas l'effet de seuil mais se contenterait de le repousser.
Mesdames et Messieurs les sénateurs, sur ce point, j'observe que personne, ici pas plus qu'ailleurs, et en tout cas pas dans les départements d'outre-mer, ne conteste que le plan d'exonérations de charges proposé par le gouvernement, est, selon la formule du Premier ministre, sans précédent.
Le dispositif antérieur, la loi du 25 juillet 1994, ne concernait en effet que les entreprises des secteurs exposés. En dehors de ces derniers, elle ne bénéficiait à aucune petite entreprise. Celles-ci ne profitaient donc pas d'un système dans lequel l'exonération était plafonnée au SMIC et qui était, au demeurant, restreint par la condition d'être à jour de ses dettes sociales ou de s'être vu accordé par l'administration un plan d'apurement de celles-ci. Les dispositions de cette loi étaient limitées à 5 ans et son financement reposait intégralement sur une majoration de la TVA outre-mer, c'est à dire par un impôt dont chacun sait qu'il frappe indistinctement les plus riches comme les plus pauvres. Précaire, restreint, intégralement à la charge des départements d'outre-mer, en fait de trois d'entre eux, ce dispositif n'aura concerné que moins de 45 000 salariés.
Le projet de loi d'orientation relève d'une tout autre ambition. Aux entreprises des secteurs exposés, même lorsque celles-ci ont plus de 10 salariés, s'ajouteront désormais toutes les petites entreprises de moins de 11 salariés, et ce, quel que soit leur secteur d'activité. Ce choix en faveur des petites entreprises découle du constat qu'elles seront, outre-mer peut être plus encore qu'en métropole, le principal gisement de créations d'emplois dans les années à venir. Quant au seuil proposé, chacun sait que puisqu'il en fallait un, celui retenu dans le projet de loi aura été choisi de façon large car la très grande majorité des entreprises d'outre-mer ont en réalité un effectif moyen inférieur à deux salariés. De plus, j'insiste, ce seuil ne concerne pas les entreprises des secteurs exposés. Enfin, si le gouvernement n'a pas jugé possible de suivre la position du Sénat, s'agissant de la liste de ces secteurs exposés, il a néanmoins accepté d'aller dans son sens puisqu'à l'issue de la première lecture, à l'Assemblée nationale, y figurent désormais, les NTIC, que la première lecture à l'Assemblée y a adjoint, comme l'avait d'ailleurs soutenu ici le sénateur Lise et les énergies renouvelables, comme l'avait souhaité le sénateur Vergès. Je rappelle que le gouvernement avait déjà inclus, avec une exonération ramenée à la moitié, le BTP.
Dans l'avenir, ce sont donc 95 % des entreprises des départements d'outre-mer qui bénéficieront d'une exonération totale des cotisations patronales de sécurité sociale dans la limite d'un plafond désormais relevé à 1,3 fois le SMIC. Autrement dit, ce dispositif concernera près de 115 000 salariés auxquels s'ajouteront tous les entrepreneurs et travailleurs indépendants, c'est à dire 55 000 personnes de plus. Enfin, les nouvelles dispositions seront pérennes et cette fois-ci, relèveront intégralement de la solidarité nationale.

Lors de la première lecture, à l'assemblée nationale comme au sein de votre assemblée, s'était exprimée une inquiétude, concernant le respect par le gouvernement de l'engagement qu'avait pris le Premier ministre de proposer, dès 2001, un nouveau système, plus efficace et plus juste, de soutien fiscal aux investissements outre-mer en remplacement de 1986 dite loi Pons.
Issu des travaux d'un groupe de travail qui associait aux administrations concernées, et ceci était une première, des chefs d'entreprise représentants toutes les collectivités d'outre-mer, ce nouveau dispositif figure à l'article 12 du projet de loi de finances pour 2001, projet qu'a adopté l'assemblée nationale, le 20 octobre dernier, et dont votre assemblée sera bientôt appelé à débattre.
Je veux cependant, d'emblée, en rappeler les grandes lignes :
- Tout d'abord, une plus grande justice fiscale : la déduction actuelle du revenu global, qui porte atteinte à la progressivité de l'impôt, sera remplacée par une réduction d'impôt plus équitable, égale à 50 % du montant de l'investissement. Tous les intervenants seront donc traités de façon équivalente quelle que soit leur tranche d'imposition ; moins critiquable, ce dispositif sera plus durable.
Ensuite, une plus grande efficacité économique : l'aide, qui ne sera plus applicable à la navigation de croisière, sera en revanche étendue à de nouveaux secteurs économiques créateurs d'emplois (la maintenance, la rénovation hôtelière et l'acquisition de logiciels).
Vous l'aurez compris, cette réforme entend avant tout être au service de l'emploi. A ce titre, la rénovation hôtelière sera désormais incluse dans le champ des secteurs bénéficiaires, alors que jusqu'ici seules les constructions d'hôtels neufs sont éligibles à l'aide fiscale. Pour la rénovation hôtelière, la réduction d'impôts sera même portée à 60 %. Enfin, l'aide fiscale en faveur des investissements dans les logements locatifs intermédiaires sera portée de 25 % à 40 %.
Enfin, j'ai personnellement tenu à ce que les NTIC figurent désormais dans la liste des secteurs éligibles à la défiscalisation et à ce titre, un amendement au projet initial, a été proposé par le gouvernement et adopté par l'assemblée nationale (PLF 2001).

Je veux souligner également que les entreprises de l'outre-mer en seront les principales bénéficiaires. En effet, au minimum 60 % de l'avantage fiscal accordé leur sera rétrocédé par le biais d'une réduction du loyer.

Comme pour le dispositif d'exonération de charges sociales, des dispositions favoriseront les petites entreprises, qui n'ont pas accès, aujourd'hui, à l'aide fiscale à l'investissement, beaucoup d'entre elles ne disposant pas de revenus suffisants pour investir. Désormais, pour elles, le crédit de 50 % du montant de l'investissement sera reportable et remboursable. Il pourra être imputé sur l'intégralité de leur impôt, sans plafonnement, le cas échéant sur cinq ans, avec remboursement du solde à la fin de la cinquième année.
Pour conclure sur ce dispositif, je voudrai rappeler qu'un effort particulier sera réalisé pour Mayotte, Wallis et Futuna, mais aussi pour Saint-Pierre et Miquelon et la Guyane. La réduction d'impôt sera en effet portée à 60 % pour les investissement qui seront réalisés dans ces quatre collectivités.
Mesdames et Messieurs les sénateurs, les mesures économiques et fiscales du projet de loi d'orientation tout comme la nouvelle loi de soutien fiscal à l'investissement viennent ainsi compléter, pour les départements d'outre-mer, les crédits contractualisés, nationaux et européens, dont ils bénéficieront sur la période 2000-2006. Ces crédits, je le rappelle, représenteront près de 30 milliards de francs, sans préjudice des contreparties locales, soit plus de 50 % d'augmentation par rapport à la période précédente.

Pour les départements d'outre-mer, le pacte de croissance et de solidarité, que le Premier ministre avait proposé au pays tout entier, en juin 1997, s'appuiera ainsi désormais sur ces trois outils, conçus en étroite synergie et qui leur permettront, j'en suis sûr, de s'inscrire enfin dans une logique de développement durable et solidaire. Je souhaite que votre assemblée, ne demeure pas à l'écart de ce nouveau soutien aux économies d'outre-mer.

J'en viens maintenant au volet institutionnel du projet de loi d'orientation. Là encore Mesdames et Messieurs les sénateurs, je comprendrais plus aisément que votre assemblée, comme vous le propose une nouvelle fois votre commission des lois, affiche sur ce point son désaccord avec le gouvernement et l'Assemblée nationale, s'il était démontré que ce désaccord découle d'oppositions fondamentales comme celles qui ont opposé, sur l'outre-mer, les grandes familles politiques de notre pays, à d'autres moments de notre Histoire.
Or, à l'occasion de la première lecture au Sénat dont j'ai relu avec attention les débats, le président Larché (je veux saluer ici son ouverture d'esprit et son souci de rechercher un compromis) n'avait pas caché son approbation personnelle de l'article 39 du projet de loi d'orientation. Il avait simplement regretté que le gouvernement n'ait pas choisi d'aller plus vite, sur ce chemin, en proposant d'emblée la transformation des départements d'outre-mer en collectivités de l'article 72 de la Constitution, collectivités qui se substitueraient à celles qui coexistent aujourd'hui, l'institution départementale et l'institution régionale. Il n'y voyait guère d'obstacle en droit interne mais relevait cependant la nécessité d'en examiner les conséquences en droit communautaire, au regard du texte actuel du Traité de l'Union et notamment son article 299-2 relatif aux régions ultrapériphériques.
Dans ce propos, dont chacun conviendra qu'il était ni fermé ni sectaire, tout était cependant dit des ambiguïtés qui subsistent, s'agissant des perspectives d'évolutions institutionnelles des départements d'outre-mer.
En effet, j'y vois certes la confirmation du fait que les groupes politiques qui constituent la majorité sénatoriale ne s'opposent plus à cette évolution institutionnelle. Pour être nouvelle et récente, cette approche s'inscrit ainsi en parfaite cohérence avec l'expression, désormais semblable, des deux plus hauts responsables de notre pays. Qu'on me permette de les citer. Le 11 mars 2000 en Martinique, le Président de la République déclarait que l'évolution des règles statutaires de l'outre-mer était " dans la nature des choses ". Cette orientation ne s'opposait en rien, au contraire, à la ligne directrice tracée par le Premier ministre, lorsqu'écrivant aux huit présidents d'assemblées, Lionel Jospin soulignait la volonté du gouvernement de proposer aux départements d'outre-mer la possibilité d'une évolution. Il n'y a donc plus d'opposition, en métropole, entre la gauche et la droite sur ce point.
Il n'en demeure pas moins que semblent subsister des différences d'appréciations tant sur les contraintes juridiques d'un tel exercice que sur la méthode sur laquelle il doit se fonder.
S'agissant des contraintes juridiques, je voudrais dire que le gouvernement ne croit ni possible, ni souhaitable que le législateur, s'appuyant sur l'article 72 de la Constitution, puisse créer une collectivité unique qui viendrait se substituer non seulement à la région (ce qui est évidemment possible) mais aussi au département, collectivité de la République dont l'existence est prévue par la Constitution, pour l'ensemble du pays, à l'exception des territoires d'outre-mer et de la Nouvelle-Calédonie. Autrement dit, pour autant qu'il ait souhaité le faire, le gouvernement n'aurait pu proposer la création d'une telle collectivité faisant table rase des institutions actuelles, par une loi simple. Pour ce faire, il faudrait, tout simplement, une révision constitutionnelle.
Au-delà des contraintes juridiques, une telle approche aurait surtout posé un double problème de méthode. Devait-elle concerner en effet, l'un des quatre départements, ce qui a mes yeux est dans l'avenir évidemment envisageable, ou s'appliquer de façon uniforme aux quatre, auquel cas, nous sommes en désaccord ?
Si en effet, il doit y avoir une évolution institutionnelle pour les départements d'outre-mer, alors le choix du gouvernement est sans ambiguïté.
L'évolution statutaire devra se faire en fonction de réalités et d'aspirations qui sont propres à chacun de ces départements et non de façon uniforme.
Le choix d'une approche spécifique, " sur mesure " pour chaque département d'outre-mer est aujourd'hui commun au Président de la République et au gouvernement. L'outre-mer est une école de la diversité.
Enfin, et ceci doit être également clarifié, qui doit être à l'initiative de cette évolution institutionnelle ? Le gouvernement en a évidemment toujours la possibilité juridique. Mais au plan politique, notre choix est autre. Nous entendons, en effet, que l'évolution institutionnelle procède d'abord de l'initiative locale et ne soit ni octroyée, ni imposée d'en haut, depuis Paris.
Tel est donc l'objet de l'article 39 du projet de loi. Donner aux élus locaux des deux assemblées un droit à l'initiative en matière d'évolution statutaire et à ce titre, organiser ce droit. Sommes nous vraiment en désaccord sur ce point ? Et si nous le sommes, quelle est la portée de cette opposition ?
Le gouvernement pose en effet, trois conditions politiques à l'évolution institutionnelle d'un département d'outre-mer qui y aspirerait.
En premier lieu, que l'évolution statutaire soit l'affaire des élus du suffrage universel et ne soit en aucun cas imposée par des avant-gardes ou des minorités agissantes, sans légitimité démocratique, qui prétendraient imposer leur volonté et leur projet à la population et à ceux qu'elle a investi pour la représenter.
Ensuite, chacun voit bien que ces élus devront rechercher dans un débat démocratique et républicain, les conditions d'un rapprochement de points de vues initiaux, inévitablement différents voire antagonistes, afin de se retrouver, le plus largement possible, sur une position commune qui sera le fruit d'un compromis.
Enfin, Mesdames et Messieurs les sénateurs, s'agissant de l'outre-mer, je ne crois pas envisageable que l'évolution statutaire, dès lors qu'elle serait substantielle, puisse être mise en uvre sans que chacun, gouvernement et parlement, mais aussi élus locaux, se soient assurés qu'elle rencontre l'assentiment de la population.
Le gouvernement a procédé ainsi pour la Nouvelle-Calédonie et pour Mayotte. Dans les deux cas, certes, les bases juridiques de la consultation de la population étaient différentes. En Nouvelle-Calédonie, la révision constitutionnelle de juillet 1998 avait prévu cette consultation. A Mayotte, celle-ci n'avait aucun caractère décisionnel et trouvait son fondement juridique dans les préambules des Constitutions de 1946 et de 1958 dont le rapprochement montre que s'agissant des territoires, au sens physique et non juridique du terme, de l'outre-mer, de telles consultations sont possibles. Là encore, le Président de la République et le gouvernement partagent la même appréciation comme l'a confirmé l'intervention publique du Chef de l'Etat, le 11 mars 2000, en Martinique, intervention dans laquelle il a souhaité que " toute modification statutaire substantielle soit explicitement approuvée par les populations concernées ".
L'éloignement comme l'histoire des relations entre la métropole et l'outre-mer sont autant de facteurs qui conduisent à être convaincu que si de telles consultations sont juridiquement possibles pour les collectivités d'outre-mer, en l'espèce pour les départements d'outre-mer, elles sont surtout politiquement et moralement nécessaires. Vouloir agir autrement serait prendre le risque de troubler profondément les opinions publiques en suscitant craintes et hantises, en contraignant ainsi les aspirations par la peur.
Voilà ce que signifie profondément l'article 39 du projet de loi d'orientation. Mais il m'est apparu nécessaire que les intentions du gouvernement, s'agissant de l'évolution institutionnelle des trois départements où une telle aspiration semble s'être fait jour, figurent explicitement dès l'article 1er de ce projet de loi que le gouvernement a proposé d'amender en nouvelle lecture.
Et sommes-nous également en désaccord sur le constat pourtant indéniable que parmi ces quatre départements, l'un d'entre eux, le plus important par la population, a d'ores et déjà choisi la voie qu'il entendait suivre dans les années à venir ?
Les Réunionnais souhaitent que leur île continue d'être régie par le droit commun, sous bénéfice des adaptations prévues à l'article 73 de la Constitution. Je l'ai dit et je le répète, le gouvernement respectera ce choix et il entend même, suivant en cela la demande d'une majorité d'élus, qu'il s'agisse des assemblées locales, des maires ou des parlementaires, approfondir cet alignement sur le droit commun, en proposant que la Réunion devienne, comme toutes celles de métropole, une région pluridépartementale.
Toutes tendances confondues, les cinq députés de la Réunion ont déposé et fait adopté par l'assemblée nationale, un amendement prévoyant qu'un second département serait créé dès le 1er janvier 2001. Le gouvernement n'a pu qu'en tirer les conséquences en amendant son propre texte par l'introduction d'un article 38 bis. Il appartient désormais au Sénat de prendre ses responsabilités et de répondre, je l'espère favorablement, à cette demande.
Je reviendrais, si votre assemblée estime ne pas posséder sur ce point toutes les informations nécessaires, sur les termes du débat qui a eu lieu, localement, entre adversaires et partisans de la bidépartementalisation. J'observerai cependant que là encore, ni au plan local, ni au plan national, personne ne peut réduire ce choix à une position partisane qui recouvrirait les clivages politiques traditionnels.
Seul parlementaire sur huit de la Réunion à y être défavorable, le Sénateur Lauret sait bien que dans son propre parti, des élus importants comme Alain Bénard, maire de Saint-Paul, seconde ville du département, se sont prononcés pour. Dois-je rappeler par ailleurs que là encore, le Président de la République s'est à deux reprises publiquement prononcé pour la création de ce second département ?
Si cette idée est largement partagée, c'est bien que la création d'un second département ne se limite pas à une bidépartementalisation administrative. Il y a aussi, dans ce choix, d'une part, la volonté d'une bidépartementalisation sociale garante de plus de proximité et de solidarité, et donc de cohésion sociale, et, d'autre part, la recherche d'un meilleur équilibre économique, que permettront des infrastructures mieux réparties, et une animation du développement local, au plus près des acteurs locaux.
Mesdames et Messieurs les sénateurs, j'ai ouvert mon propos en affirmant ne pas vouloir me résigner à ce que subsistent des désaccords, alors que nous pouvons ensemble en éclairer mieux les termes.
J'espère y avoir contribué. Je veux rappeler ici que le projet de loi d'orientation pour l'outre-mer a été voté, en nouvelle lecture à l'assemblée nationale, par des hommes, élus de l'outre-mer, qui siègent sur les bancs de l'opposition. Léon Bertrand, Gérard Grignon ou encore André Thien Ah Koon, ont-ils abdiqué leurs convictions ? Non, ils ont perçu dans ce projet, préparé par Jean-Jack Queyranne, et que j'ai l'honneur de présenter devant vous, l'opportunité d'une grande loi pour l'outre-mer français. En joignant leur vote à celui de leurs collègues de la majorité, ils ont montré que pouvaient être dépassés les clivages traditionnels.
Je crois que l'outre-mer, c'est-à-dire les femmes et les hommes qui y vivent, mais aussi ceux qui en sont originaires et qui vivent en métropole, mérite cet effort collectif pour dépasser la ligne qui, habituellement, partage le Parlement. Il vous appartient désormais, après l'assemblée nationale, de le leur dire. C'est à cela que le gouvernement vous convie.
Mesdames et Messieurs les sénateurs, je vous remercie.
(Source http://www.outre-mer.gouv.fr, le 09 novembre 2000).