Interview de M. François Baroin, ministre de l'outre-mer, dans "La Dépêche de Tahiti" le 30 mars 2006, sur le projet de comité de suivi de la dotation globale de développement économique, la gestion de Gaston Flosse, la réforme du code des communes et les conséquences radiologiques des essais nucléaires.

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Circonstance : Déplacement en Polynésie le 30 mars 2006

Média : La Dépêche de Tahiti

Texte intégral

La Dépêche de Tahiti : Les relations avec un président de la Polynésie qui continue à affirmer sa volonté d'indépendance. Est-ce la raison d'une visite tardive en Polynésie ?
François Baroin : Je souhaitais faire ce déplacement plus tôt ; les circonstances ne l'ont malheureusement pas permis, mon programme ayant été bouleversé par la catastrophe aérienne de Maracaïbo qui a douloureusement touché nos compatriotes de Martinique l'été dernier et par l'épidémie de chickungunya dont est victime aujourd'hui le département de la Réunion. Les mêmes circonstances m'ont conduit à différer également mon premier déplacement en Nouvelle Calédonie que je n'ai pu effectuer qu'au début de ce mois.
La Dépêche de Tahiti : Le pacte de confiance vaut-il dans un tel contexte ?
François Baroin : J'ai proposé à chacune des collectivités d'outre mer lors de ma prise de fonction un pacte de confiance. « Respect, attention, soutien. » sont les trois piliers de ce pacte qui doit permettre à chacune des collectivités ultramarines, dans le respect des compétences et des spécificités locales, de bénéficier de la même politique gouvernementale que celle appliquée et mise en oeuvre en métropole... tout en tenant compte des spécificités locales. » Cet engagement, je l'ai pris à l'égard de la Polynésie et de l'ensemble de ses habitants et je le tiens.
La Dépêche de Tahiti : Les aides à la Polynésie - Le gouvernement a pu être accusé de vouloir « fermer les robinets ».
François Baroin : Je m'inscris en faux contre cette assertion. L'Etat dépensera pour la Polynésie française, en 2006, 1.138 millions d'euros contre 855 millions d'euros en 2000, ce qui représente une hausse annuelle moyenne de 5 %. Avec 4.406 euros par habitant, la Polynésie française est placée en tête de toutes les collectivités française. Bien sûr, la Polynésie française, comme les autres collectivités, ne peut être exonérée de l'effort national de redressement de nos finances publiques. Chaque dépense, dans le cadre de la loi organique relative aux lois de finances (LOLF), devra être justifiée au premier euro. C'est ainsi que le budget de l'Etat est désormais voté et non plus, comme par le passé, par addition de mesures nouvelles à un socle intouchable de mesures acquises. La contribution de l'Etat au développement de la Polynésie, c'est également la défiscalisation qui contribue à la réalisation d'investissements productifs importants (hôtellerie, transports aériens, ...). Je rappelle qu'elle a généré plus de 26 milliards de francs Pacifique d'investissements depuis 2003.
La Dépêche de Tahiti : Après la fin du contrat de développement, certains financements (santé, éducation) n'ont pas été budgétés. Peut-il y avoir rattrapage ?
François Baroin : La loi qui fondait le contrat de développement est arrivée à son terme. Une dotation pérenne, la DGDE, a été instituée. Elle n'interdit naturellement pas d'établir des relations financières supplémentaires entre l'Etat et la Polynésie lorsque cela est nécessaire au regard de la solidarité nationale. Des conventions sont dans cet esprit en cours de finalisation avec le ministère de la santé. S'agissant de l'éducation, je rappelle que l'Etat consacre toujours 50 milliards de francs Pacifique à cette compétence, bien qu'elle ait été transférée.
La Dépêche de Tahiti : Le gouvernement polynésien plaide pour une loi d'orientation qui impliquerait un nouveau contrat de développement. Etes-vous d'accord ?
François Baroin : Il appartient à la Polynésie française, en vertu de son statut de large autonomie, de définir ses orientations stratégiques en matière de développement. L'Etat sera un partenaire attentif et continuera à apporter son accompagnement, notamment lorsqu'il s'agit de projets s'inscrivant dans les priorités nationales. Bien entendu, il est important de travailler dans un esprit partenarial. C'est tout le sens du comité de suivi de la Dotation globale de développement économique qui sera prochainement installé et au sein duquel l'Etat et la Polynésie pourront nouer un dialogue fructueux sur les orientations et les priorités de nature à favoriser un véritable développement économique et social.
La Dépêche de Tahiti : La chambre territoriale des comptes a mis en cause la gestion de Gaston Flosse. Le contrôle ne paraît-il pas un peu tardif ? Peut-il être amélioré ?
François Baroin : Il ne m'appartient pas de répondre à la place de la Chambre territoriale des comptes de Polynésie française qui, comme toutes les chambres régionales des comptes, exerce sa mission en toute indépendance.
La Dépêche de Tahiti : La polémique sur les conséquences des essais nucléaires. Est-elle fondée ? Est-ce un moyen de pression sur Paris ? Envisagez-vous une commission d'enquête ou une nouvelle expertise ?
François Baroin : La démarche de l'Etat sur la question des essais nucléaires s'inscrit dans un esprit partenarial, de respect et de totale transparence. La connaissance scientifique sur les conséquences des essais évolue. Il était normal de les rendre accessible à la population.. C'est tout le sens de la mission confiée au délégué à la sûreté nucléaire, Monsieur Jurien de la Gravière qui a engagé et poursuivra dans les mois qui viennent un dialogue avec les instances gouvernementales et la société civile. Un facilitateur du Pays, M. Alban Ellacott, a été récemment désigné par le Haut Commissaire ; des déplacements à Mururoa seront organisés d'ici fin avril ; un ouvrage sur l'ensemble des essais français dans le Pacifique et leurs conséquences radiologiques sera publié à l'automne 2006.
La Dépêche de Tahiti : La réforme des communes. Pourquoi le retard dans l'extension du code général des communes alors que la date-limite était le 7 février ?
François Baroin : La date limite était le 27 février 2006, terme du délai de 2 ans prévu par la loi. Le projet était en cours d'examen au Conseil d'Etat, en janvier 2006, lorsque j'ai reçu une délégation de maires qui m'a fait part d'observations importantes. J'ai donc demandé à ce que le projet soit retiré afin de pouvoir y intégrer les principales demandes de modifications formulées. Un nouveau projet d'ordonnance vient d'être transmis aux élus pour recueillir leur avis. Il comporte notamment les modifications suivantes :1) L'entrée en vigueur au 1er janvier 2012 du régime de contrôle de légalité a posteriori des actes des communes. Le nouveau projet donne également la possibilité pour les communes qui le souhaitent d'anticiper cette date pour l'entrée en vigueur du contrôle a posteriori, à compter du renouvellement des conseils municipaux en 2008.2) La création d'une commission consultative d'évaluation des charges transférées aux communes présidée par un magistrat de la chambre territoriale des comptes avec des représentants de l'Etat, des communes, du gouvernement et de l'assemblée de la Polynésie française.3) Le doublement de la population pour le calcul de la DGF bonifiée pour les communautés de communes dont les communes membres sont dispersées sur plusieurs îles et la possibilité pour ces dernières de choisir comme compétence optionnelle le transport inter-îles. Une meilleure prise en compte des spécificités des communes polynésiennes avec la possibilité de choisir, pour toutes les communautés de communes, outre les dispositions prévues par le droit commun, parmi les compétences optionnelles l'eau, l'assainissement et le traitement des déchets. Ce nouveau projet sera transmis dans les prochains jours aux maires de la Polynésie française pour recueillir leur avis.
La Dépêche de Tahiti : Le gouvernement est-il prêt à financer certains transferts de compétence du Pays vers les communes ?
François Baroin : La Constitution pose le principe de la compensation financière de tout transfert de compétence. La commission prévue par le nouveau projet d'ordonnance devra évaluer le coût des compétences qui sont aujourd'hui à la charge des communes, notamment en application de la loi organique statutaire du 27 février 2004 : eau, assainissement, traitement des déchets pour les principales. Je précise que le projet d'ordonnance prévoit des échéances pour la mise en place des infrastructures nécessaires à l'exercice de ces compétences 2011 pour le traitement des déchets, 2016 pour l'eau potable et 2020 pour l'assainissement. La commission devra examiner avec attention comment ces compétences ont été financées dans le passé et quels financements sont possibles pour leur exercice futur. Il faudra ensuite examiner, avec la Polynésie française et les maires, les modalités de ce financement : abondements supplémentaires du fonds intercommunal de péréquation ou mise en place d'une fiscalité communale par exemple. Il faudra également examiner dans quelles conditions les communes peuvent mettre en commun certaines compétences dans le cadre de l'intercommunalité. A ce titre le projet d'ordonnance étend, avec des adaptations, les dispositions sur les communautés d'agglomération et de communes. Ces structures intercommunales seront éligibles à la dotation globale de fonctionnement bonifiée (42 euros par habitant en 2006 pour les communautés d'agglomération et 30 euros pour les communautés de commune). L'Etat continuera à verser sa participation annuelle au fonds intercommunal de péréquation, désormais indexée sur le taux d'évolution de la DGF. Source http://www.outre-mer.gouv.fr, le 7 avril 2006