Déclaration de M. Brice Hortefeux, ministre délégué aux collectivités territoriales, sur les "contrats de partenariat" permettant, à l'Etat ou aux collectivités locales, l'ouverture à la concurrence des équipements et des infrastructures de transport, deuxième étape de la décentralisation, Vatry (Marne) le 29 mai 2006.

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Circonstance : Déplacement à Vatry (Marne) le 29 mai 2006-intervention sur le thème "Collectivités locales et intermodalité"

Texte intégral

Monsieur le Préfet de Région,
Monsieur le Président du Conseil général,
Monsieur le Président du Conseil Régional,
Monsieur le Député,
Mesdames et Messieurs,
Je ne suis pas le 1er des membres du gouvernement à visiter Vatry : je sais que Catherine COLONNA était ici il y a quelques mois pour souligner le rôle important joué par les fonds européens, et je sais que les ministres de l'Equipement et des transports, depuis quelques années, ont manifesté un intérêt accru pour la plate-forme de Vatry.
Ces visites ont au moins pour vous l'intérêt d'être un bon présage : il fut un temps où vous vous sentiez peut être davantage seuls, à Vatry.
Pour ma part, je voulais vous dire trois choses :
? La première, c'est que je suis heureux, en tant que ministre délégué chargé des collectivités territoriales, de saluer l'audace et la réussite d'une collectivité locale. Parce que Vatry, désormais, c'est un pari gagné.
? La deuxième chose, c'est que Vatry illustre formidablement la légitimité des collectivités à avoir plus de compétences, plus de responsabilités, dans le domaine des infrastructures et des transports.
C'était une ambition importante de la 2ème étape de la décentralisation, et si l'on veut bien regarder les choses avec un peu de recul, je crois que nous avons opéré dans ce domaine une mutation profonde.
? Et puis le troisième sujet que j'aborderai c'est qu'au-delà de ce nouveau paysage institutionnel issu de la décentralisation, il existe désormais en matière d'infrastructures et de transports, de nouveaux outils, du côté de l'Etat comme des collectivités, qui, je crois, vont permettre d'accélérer encore la réalisation de nos projets.
1) Vatry, c'est d'abord l'audace et la réussite d'une collectivité locale
1-1) Je viens d'évoquer la décentralisation. J'avoue que je regrette l'image parfois véhiculée par la mise en oeuvre de cette 2ème étape parce qu'elle est inexacte et réductrice.
Ce qui ressort à travers telle ou telle prise de position, c'est parfois un esprit un peu trop exclusivement comptable et, au bout du compte, plutôt conservateur...
Même si selon le Président de l'Assemblée des Départements de France, les départements ne doivent pas être les "pleureuses de la République", cela y ressemble parfois un peu !
On en oublie même le sens, le but, de ce mouvement de décentralisation.
En réalité, les choses se passent bien : 93 000 personnels TOS de l'éducation nationale ont été transférés au 1er janvier dernier, 30 000 agents de l'équipement sont en train de l'être à leur tour; et je ne crois pas, Monsieur le Président du Conseil général, que les uns ou les autres s'en plaignent.
Pourquoi ne s'en plaignent-ils pas ?
Parce que ces personnels ont confiance dans l'action des collectivités locales.
Parce qu'ils ont bien compris ce qui fait le sens de la décentralisation : faire davantage de place à la formidable capacité d'initiative, de réactivité, d'adaptation des collectivités locales.
Je crois que Vatry est justement une des illustrations les plus évidentes de ce que peuvent produire les "libertés" locales.
Vatry c'est d'abord l'audace d'un département qui entreprend, qui a profité de sa bonne santé financière pour investir, faire un pari. Et pas un petit pari, puisque l'investissement réalisé ici représente plus de 210 Millions d'euros.
Un département qui a su anticiper la mutation des activités, notamment militaires, pour se donner une nouvelle attractivité.
A cet égard, je veux évidement rendre hommage au Président Albert VECTEN qui a porté avec une conviction et une détermination fortes et constantes le projet de plate-forme aéroportuaire.
Le Conseil général a aussi su mobiliser autour de ce projet d'autres partenaires, au 1er rang desquels la région qui a apporté plus de 17 Meuros, ou l'agglomération de Châlon, sans oublier le soutien de l'Etat et l'apport des fonds Européens.
1-2) Aujourd'hui, ce pari est gagné puisque Vatry a conquis en 2005 la 3ème place parmi les aéroports de fret hors région parisienne après Toulouse et Marseille, loin devant Lyon, Nice, Bordeaux, Nantes ou Strasbourg qui desservent pourtant des régions au poids économique plus important.
Au-delà de l'infrastructure aéroportuaire, Vatry c'est aussi une formidable zone d'activité logistique qui rassemble désormais près de 1 000 emplois directs et probablement deux à trois fois plus d'emplois induits.
1-3) Evidemment, en cette période de discussion des prochains contrats de projets Etat/région, je n'ignore pas qu'il existe des demandes de votre part pour poursuivre, avec le même élan, le développement de Vatry. Je crois qu'à ce stade, la difficulté est de savoir ce qui peut entrer ou non dans le mandat de négociation du Préfet...
Je pense qu'il ne me contredira pas si je dis que l'Etat s'efforcera de trouver les moyens, d'une façon ou d'une autre, pour continuer d'accompagner le développement de Vatry, notamment pour améliorer, ce qui est une priorité légitime, les synergies avec le ferroviaire.
2) Vatry illustre, mieux que n'importe quelle initiative, la légitimité des collectivités territoriales à avoir plus de compétences dans le domaine des transports
2-1) Ces compétences locales en matière d'infrastructures et de transports sont anciennes et reconnues.
Au 1er rang, les routes départementales que les conseils généraux gèrent depuis toujours mais auxquelles les exécutifs départementaux élus depuis 1982 ont apporté un intérêt nouveau, un regard stratégique nouveau également.
Ce réseau a été formidablement modernisé, mieux adapté à l'importance et à la diversité des trafics. Il y a aujourd'hui des routes départementales qui connaissent un trafic de plus 20 000 véhicules jours,... c'est à dire davantage que certaines autoroutes.
Je pense aussi aux transports interurbains qu'organisent les conseils généraux, ou aux transports ferroviaires régionaux que gèrent désormais l'ensemble des régions depuis le 1er janvier 2002.
Il faut bien évidemment saluer l'effort de modernisation, parfois très important, du matériel roulant réalisé par de nombreux conseils régionaux.
Effort sur la qualité, le confort et la fréquence des trains. Cet effort a évidemment un coût, il explique d'ailleurs en grande partie - bien davantage que le financement de la décentralisation en tous cas - les hausses de fiscalité régionale.
Je ne suis pas de ceux qui jalousent la capacité d'investissement des collectivités locales et leur part prépondérante dans l'investissement public de notre pays : les 3/4 de l'investissement public en France est réalisé par les communes, les départements, les régions ou leurs groupements.
Je crois, au contraire, que les collectivités locales ont parfaitement raison de vouloir conserver leur capacité d'investissement car leur rôle, notamment dans la modernisation des infrastructures, est plus que jamais déterminant.

Je suis convaincu que les collectivités locales sont les mieux à même, d'une part, d'adapter l'offre de déplacement aux demandes nouvelles, d'autre part de faire preuve de pragmatisme dans les stratégies d'investissement.
Dans nos sociétés qui se caractérisent par la mobilité, la connaissance qu'ont les collectivités locales de la demande de déplacement, à travers leurs propres projets dans les domaines du logement ou du développement économique, les désigne comme étant les mieux placées pour organiser cette offre de transport.
Elu d'une région rurale, de montagne de surcroît, je mesure pleinement le décalage - comme bien souvent en matière de services publics - entre ce qu'était l'offre de transports ou d'infrastructures autrefois et ce qu'elle est aujourd'hui : elle était statique elle est devenue dynamique, elle était égalitaire mais souvent médiocre, elle est aujourd'hui de plus en plus performante, ce qui ne l'empêche pas d'être solidaire. Les collectivités locales; départements ou régions, en sont aussi capables.
Une des forces des collectivités locales, c'est bien évidemment de savoir mieux que l'Etat, faire preuve de pragmatisme dans leurs stratégies d'investissement.
Le décès accidentel du Maire de Pradelles, dans le Nord, il y a quelques mois, renversé par un camion sur le bord d'une route nationale dont il attendait la déviation depuis 30 ans, illustre tragiquement cette logique du tout ou rien qui le plus souvent - assez logiquement d'ailleurs - est celle de l'Etat en matière d'infrastructures.
Est-il raisonnable d'attendre du même Etat qu'il réalise des lignes TGV et se préoccupe de faire placer un feu rouge sur une nationale en attendant son aménagement ? Je ne crois pas.
La décentralisation, c'est justement le fait de rapprocher les décisions - ceux qui les prennent - des citoyens pour mettre plus de réactivité et plus de pragmatisme.
C'est fait pour que des dossiers comme ceux de la déviation de Pradelles, n'attendent pas 30 ans pour se régler dans une logique du tout ou rien, mais que localement on puisse, en échappant à la machinerie des procédures de programmation d'un Etat centralisé, trouver des solutions plus adaptées.
2-2) Parce que les collectivités locales ont développé des compétences, et parce qu'elles sont les mieux à même d'exprimer l'intérêt local, l'ambition de l'acte 2 de la décentralisation a été d'étendre cette compétence et de la généraliser à toutes les infrastructures sauf celles que l'on peut réellement considérer d'intérêt national.
Ce n'est donc pas une mince affaire : les collectivités locales ont désormais la compétence de droit commun de gestion de la plupart des infrastructures de transport.
Au-delà des routes nationales transférées, les collectivités peuvent désormais être propriétaires et gérer les aéroports, les ports fluviaux et maritimes, les cours d'eau et canaux.
Le succès de cette décentralisation est indéniable : s'agissant des ports maritimes transférables (parmi lesquels des ports très importants, comme Toulon ou Cherbourg), la plupart ont fait l'objet de candidatures : au 31 mars, 24 candidatures formelles étaient enregistrées, 12 d'entre elles émanant d'une région.
S'agissant des aéroports, pour lesquels le délai de dépôt de candidature n'est pas achevé, 17 collectivités ont d'ores et déjà désignées et plus de 60 manifestations d'intérêts ont été enregistrées. Et encore, on ne peut s'empêcher d'observer que l'on a pas véritablement cherché à ce que la liste des aérodromes transférables soit la plus attractive... Je crois si l'on avait voulu aller plus loin, si l'on avait accepté l'idée que l'Etat conserve moins que les 8 plate-formes métropolitaines qu'il va conserver - nous aurions aussi trouvé preneurs...
Enfin, si la loi n'a pas entendu privilégier systématiquement tel niveau de collectivité par rapport à tel autre, elle a veillé à garantir une cohérence locale en créant un schéma régional des infrastructures et des transports, dont l'élaboration revient au Conseil régional, dans le respect des compétences des départements et en concertation avec les communes et leurs groupements.
2-3) Je crois que l'éventail très large des compétences locales dans le domaine des transports est un atout à même de développer le transport "multimodal".
Désormais compétentes en matière fluviale, aérienne, terrestre, les collectivités peuvent plus facilement développer les articulations et synergies entre les différents modes de transport. Je sais que c'est un thème qui vous est cher et qui sous-tend le projet même de la plate-forme de Vatry.
En matière de transports, l'accumulation, comme ici au carrefour de deux autoroutes et à proximité, bientôt, d'une ligne à grande vitesse, crée une dynamique qui appelle l'activité.
Dans ce domaine, des investissements sont nécessaires pour mener un projet et le temps court qui sépare la décision politique de la réalisation concrète sont des atouts. Et ce temps court, reconnaissons-le, il est davantage l'apanage des collectivités locales que de l'Etat...
J'ai eu l'occasion de dire que je n'étais pas partisan d'un acte III de la décentralisation, mais je crois que nous avons à aller en revanche au plus loin dans l'exercice des compétences dont disposent désormais les acteurs locaux - notamment les régions - pour renforcer l'intermodalité entre le rail et l'aéroportuaire.
A l'exception de Paris ou de Lyon, il faut reconnaître que l'action de l'Etat n'a pas été la plus performante.
3) La troisième et dernière chose que je voulais vous dire, c'est qu'il existe désormais, de nouveaux outils, du côté de l'Etat comme des collectivités qui, je crois, vont permettre d'accélérer encore la réalisation de nos projets.
3-1) Du côté de l'Etat d'abord. Bien entendu, son rôle ne disparaît pas.
Il se recentre sur les grandes infrastructures nationales (11 000 Km de routes ou d'autoroutes, 8 grands aéroports en métropole, la construction de nouvelles lignes grandes vitesse, comme ici le TGV Est...) et, enfin, se donne les moyens de disposer de ressources budgétaires conséquentes, identifiées et en quelque sorte "sanctuarisées" pour que les chantiers de travaux publics de l'Etat ne soient plus soumis aux aléas de la régulation budgétaire.
Je veux bien sûr parler de la création de l'Agence de Financement des Infrastructures de France (l'AFIF).
Cette agence a été dotée à titre principal des 4 milliards d'euros issus du produit de la privatisation des autoroutes.
Mais elle perçoit également 40 % du produit des amendes de radar ainsi que la redevance domaniale perçue sur les sociétés d'autoroutes
3-2) Le second élément de contexte, c'est l'influence de l'Europe, qui a considérablement "avivé" la concurrence entre les acteurs du secteur.
C'est le cas dans le domaine autoroutier vous le savez avec, notamment, la fin de "l'adossement", mais c'est le cas aussi en matière aéroportuaire puisque progressivement, la gestion des aéroports, même ceux qui restent propriété de l'Etat, doit entrer dans le champ de la concurrence.
Il est clair que cette ouverture à la concurrence est un facteur de dynamisation : on l'observe déjà en matière autoroutière, où la multiplication des offres en réponse aux nouvelles mises en concession permet souvent de réduire la part de financement public par rapport à ce qui est estimée et donc de multiplier les projets.
3-3) Mais notre paysage juridique a changé également, par la volonté du gouvernement de permettre le recours aux PPP ou plus exactement aux Contrats de partenariat.
Il s'agit, vous le savez, pour une collectivité publique qui peut être l'Etat ou une collectivité locale de confier à une entreprise privée une mission globale comprenant la conception, le financement, la construction, l'entretien et l'exploitation d'un équipement public.
La rémunération que la collectivité verse à l'entreprise étant liée à des objectifs de performance sur la qualité du service public rendu.
Ce contrat de partenariat réalise une véritable rupture dans notre conception traditionnelle de la maîtrise d'ouvrage : pas tant sur le mode de financement privé de l'équipement réalisé, mais en retenant cette idée qu'une infrastructure, un équipement, qui répond à un besoin public, peut aussi, dans le même temps, répondre à des besoins privés, sans qu'il faille séparer les deux.
C'est évidemment toute la question de la sous utilisation de certains équipements publics qui trouve ainsi une réponse.
Tous les élus locaux ont en tête le cas d'une salle de conférence municipale qui sert cent jours par an ou d'un stade qui accueille 50 matchs...
Ce contrat de partenariat qui a déjà trouvé à s'appliquer pour les projets de reconstruction de deux grands stades en France (pas des moindres : Lille et Marseille) est aussi, à l'évidence un outil à mobiliser dans le domaine des infrastructures de transport.
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Avec ces trois grandes évolutions :
? Un nouveau partage des pouvoirs entre l'Etat et les collectivités locales, dans un domaine où leur compétence et leur légitimité sont reconnues,
? L'ouverture de notre marché aux grands acteurs économiques notamment européens,
? L'introduction de nouveaux outils juridiques à la disposition des collectivités.
Ce que l'on appelle dans notre pays le monde de "l'équipement" est en pleine mutation, en plein essor.
Le nouvel équilibre institutionnel permet de conjuguer un regain d'ambition dans la politique d'infrastructures tant de l'Etat que des collectivités et le maintien d'une solidarité territoriale.
En venant à Vatry c'est le symbole précurseur de cette de cette nouvelle synergie des actions conjuguée des collectivités locales et de l'Etat que je voulais saluer.Source http://www.interieur.gouv.fr, le 31 mai 2006