Déclaration de M. Dominique de Villepin, Premier ministre, sur l'action de l'Etat en faveur des PME et sur la modernisation de l'Etat avec la suppression de 15 000 postes de fonctionnaires au budget 2007, Paris le 13 juin 2006.

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Circonstance : 4e édition de la journée nationale de la CGPME, à Paris le 13 juin 2006

Texte intégral

Monsieur le Président,
Mesdames, Messieurs
Permettez-moi d'abord de vous dire tout le plaisir que j'ai d'être avec vous. Dans quelques instants, je serai aux côtés des Bleus. Donc il était normal qu'à cet instant je sois aux côtés des PME.
Je me réjouis d'être à nouveau parmi vous cette année, pour participer à ce grand rendez-vous annuel, celui que vous avez su instaurer Monsieur le Président. Et je tiens à saluer tous vos partenaires qui à vos côtés, en organisant des ateliers-débats ou en exposant leurs savoirs faire dans les stands à l'étage, font de cette journée une grande réussite au service de la petite et moyenne entreprise.
Je vous remercie, Monsieur le Président, d'avoir rappelé dans votre discours, toutes les actions qui ont été engagées depuis un an par mon gouvernement en faveur de la croissance et de l'emploi, et vous savez à quel point Renaud Dutreil y a, jour après jour, contribué. Et je crois qu'il mérite d'être salué.
Vous l'avez constaté, les 45 propositions de « Cap PME 2010 » présentées à cette tribune l'année dernière ont constitué pour nous une véritable source d'idées et de mesures. C'est bien la preuve que votre organisation représente fidèlement, dans un esprit constructif, les intérêts des entreprises. Et je suis convaincu que les chefs d'entreprises présents dans cette salle savent, Monsieur le Président, la conviction et l'efficacité avec laquelle vous portez haut et fort les valeurs de l'entreprise.
1. Depuis le début de l'année, la politique de croissance que nous avons mise en place ensemble porte ses fruits.
Tous les indicateurs sont à la hausse, qu'il s'agisse de l'investissement, de l'exportation ou encore de la consommation. La croissance économique ces derniers mois s'établit sur un rythme annuel supérieur à 2 %. Cela paraît naturel, cela paraît facile. Il y a quelques mois encore, cela paraissait moins évident. C'est dire combien il nous a fallu de détermination, d'obstination même, pour faire en sorte que cela devienne réalité.
Surtout, depuis 12 mois, le chômage baisse dans notre pays. Les incrédules restent nombreux mais, force est de constater que cette tendance s'inscrit dans la durée. En un an, le nombre de demandeurs d'emploi a diminué de 210.000. C'est bien la preuve que lorsque nous nous mobilisons tous ensemble, lorsque nous ciblons tous nos efforts sur tel ou tel blocage, nous obtenons ensemble des résultats. Ces résultats en matière d'emploi, ils soutiennent la croissance et ils créent un cercle vertueux pour l'activité et le pouvoir d'achat. C'est cette logique que nous avons enclenchée les uns et les autres depuis un an.
* Vous avez rappelé, Monsieur le Président, votre attachement au CNE et votre conviction que ce nouveau contrat à destination des très petites entreprises avait contribué à la baisse du chômage. Moins d'un an après sa mise en oeuvre, nous le voyons : le CNE marche. Il aide les entrepreneurs à surmonter les risques qui pèsent sur la pérennité et la croissance de leur entreprise. On n'embauche pas son premier salarié, ou son dixième salarié, comme on embauche son cinq millième ou son vingt millième salarié. ? Vous avez rappelé aussi qu'un chef d'entreprise n'embauche pas pour licencier quelques mois plus tard. C'est une évidence, malheureusement trop ignorée, et vous avez eu raison de rappeler que dans notre pays, la culture économique, la connaissance de l'entreprise était insuffisamment partagée. Tout chef d'entreprise qui a connu les difficultés liées au recrutement des salariés, qu'il s'agisse du choix de la bonne personne, des formalités souvent très lourdes à accomplir ou des risques que l'on prend pour conquérir de nouveaux marchés, tout chef d'entreprise peut comprendre que vous embauchez pour développer vos entreprises, et évidemment pas pour licencier !
* Le CNE est un bon outil pour vos entreprises, c'est un bon outil pour l'emploi et pour la croissance, et donc nous le garderons !
2. Mais nous n'en resterons pas là. D'autres chantiers importants sont en cours et vous en avez cités un certain nombre, Monsieur le Président. Je suis venu vous dire aujourd'hui que le gouvernement est déterminé à faire avancer tout ce qui sera utile à notre économie et à notre pays.
Ces chantiers, nous les abordons avec trois convictions, qui sont au coeur de la politique économique de mon gouvernement :
* La première conviction : ce sont les entreprises qui créent l'emploi. Il ne doit pas y avoir de malentendu dans notre pays sur cette réalité simple. Et ce sont les emplois créés par les entreprises, c'est l'activité que vous créerez, qui nous permettront de rompre durablement avec le chômage de masse.
* La deuxième conviction, c'est que le vrai moteur de l'emploi, ce sont bien les PME. Nos grandes entreprises réussissent. Leurs performances profitent à tous. Mais ce sont bien les PME qui font vivre nos régions et nos villes. Ce sont elles qui sont à l'origine d'innovations décisives pour la compétitivité de notre économie. Et ce n'est pas un hasard si la première grande mesure économique qu'a prise mon gouvernement, c'est bien de faire confiance aux petites et moyennes entreprises, et nous n'avons pas été déçus.
* La troisième conviction, c'est que les PME, même celles en forte croissance, ont besoin de notre aide pour surmonter les obstacles qu'elles rencontrent. Un défaut de paiements, un retard de livraison, le contrôle de l'administration qui ne tombe jamais au bon moment, tout cela, je le sais, entrave vos capacités d'initiatives et bride vos perspectives. C'est pourquoi, j'ai décidé, sur proposition de Thierry BRETON et de Renaud DUTREIL, d'apporter un accompagnement spécifique aux PME en forte croissance, les fameuses « gazelles », en créant un statut de l'entreprise de croissance. Ce statut permettra aux PME concernées de voir neutraliser toute augmentation de son imposition sur les sociétés. Elles pourront, si elles le souhaitent, reporter sur leurs échéances suivantes, le paiement des 6 premiers mois de charges sociales des derniers salariés embauchés. En agissant ainsi nous renforcerons la densité de notre tissu économique, en permettant aux moyennes entreprises d'atteindre plus rapidement la taille critique nécessaire à leur pérennisation. Ce statut sera effectif au premier janvier 2007.
Au-delà de cette initiative, le gouvernement a déjà pris des mesures fortes à l'égard des PME, qu'il s'agisse du CNE ou du chèque très petite entreprise, qu'il s'agisse de la mise en place des pôles de compétitivité ou encore de la loi sur la recherche, qui font une place importante aux PMI.
* Nous avons également mis en place une réforme de la fiscalité des plus values, qui facilite la transmission de dizaines de milliers de petites et moyennes entreprises.
Nous sommes partis d'un constat que vous faites depuis longtemps : alors que l'investissement de la pierre était totalement défiscalisé au bout de quinze ans, la réussite d'un entrepreneur qui avait pris tous les risques et créé des emplois était taxée à 26 %, et ce même au bout de trente ans.
La suppression de cette anomalie, la CGPME la demandait avec force depuis plusieurs années. C'est une réforme essentielle pour notre économie et je suis heureux que mon gouvernement l'ait menée à terme.
* Ensuite, nous avons engagé la réforme du financement de la protection sociale. Un premier pas a été franchi avec la pérennisation des allègements des charges sociales sur les bas salaires.
Je m'y étais engagé devant vous l'année dernière, cela a été fait : les allègements de charges bénéficient depuis la loi de finances pour 2006 d'un financement spécifique afin d'en assurer la pérennité.
Mais ce premier pas ne suffit pas. J'ai bien entendu votre proposition d'un abattement général à la base. Comme vous le savez, à l'initiative du Président de la République, le chantier de l'assiette des prélèvements sociaux est ouvert depuis le début de l'année.
Quatre pistes ont été expertisées par les ministères concernés pour mesurer l'efficacité réelle de chacune d'entre elles, et notamment en matière de créations d'emplois.
Nous en sommes maintenant au stade de la concertation : de nombreuses personnalités sont auditionnées par le Conseil d'Orientation pour l'Emploi et le Conseil d'Analyse Economique.
Mais je veux le dire très clairement, comme pour la taxe professionnelle, il n'est pas question d'engager une réforme des charges sociales qui pénalise les petites entreprises et avantage seulement les grandes.
* Enfin, nous nous sommes battus au niveau européen pour reconduire le taux de TVA à 5,5 % dans le bâtiment.
Cela n'a pas été facile et je tiens à remercier tous ceux qui ont aidé le gouvernement dans ce combat, et qui sont présents aujourd'hui : la pérennisation du taux de TVA réduite pour les travaux de rénovation à domicile permettra de continuer à créer des emplois dans ce secteur essentiel pour notre économie.
Nous n'avons pas obtenu le même avantage fiscal pour la restauration, malgré un travail d'explication qui a permis de convaincre la quasi-totalité de nos partenaires. J'ai donc décidé de continuer le combat, en posant la question plus globale de l'harmonisation de la fiscalité en Europe. Je souhaite que nous réfléchissions aux possibilités de donner un contenu concret à la subsidiarité en matière fiscale en donnant plus d'autonomie aux Etats pour les impôts qui n'ont pas d'impact sur les échanges intracommunautaires. Nous venons d'adresser à nos partenaires une contribution pour présenter nos propositions.
Dans l'attente des prochaines échéances sur ce dossier, j'ai demandé à Renaud DUTREIL et à Léon BERTRAND de travailler sur un plan de soutien au secteur de l'hôtellerie restauration. Six chantiers de modernisation et de croissance ont été signés en ma présence le 18 mai dernier par l'ensemble des syndicats de restaurateurs. Ils seront mis en oeuvre d'ici la fin de l'année.
Cette politique en faveur des PME, nous allons la poursuivre dans les mois qui viennent :
* Je m'étais engagé l'année dernière à réserver une part importante des marchés publics aux PME.
Nous avons engagé les démarches nécessaires au niveau européen pour créer un « Small Business Act » : il s'agit de nous réserver la possibilité de mettre en place des mesures d'accès des PME aux marchés publics. C'est donc un élément fondamental du patriotisme économique européen que nous défendons.
Sur le plan national, une nouvelle réforme du code des marchés publics est sur le point d'aboutir : elle conserve les simplifications apportées il y a deux ans au bénéfice de l'acheteur public. Surtout elle met un terme à des dispositions discriminantes vis-à-vis des PME, et met en oeuvre la disposition en faveur de l'allotissement que vous avez appelée de vos voeux. ? Pour que ces nouvelles dispositions juridiques produisent leur plein effet nous devons faire en sorte que les délais de paiement de ces marchés soient plus rapides.
Aujourd'hui ils dépassent trop souvent 90 jours. C'est autant de trésorerie avancée à l'Etat, par les PME, alors que cela devrait être exactement l'inverse. C'est pourquoi, mon gouvernement engage une initiative sans précédent, consistant à créer un label « paiement des PME en 30 jours » pour les administrations qui s'organisent pour tenir cet objectif.
Les administrations de l'Etat donneront l'exemple. Mais les réorganisations et les outils de suivi des marchés publics permettant de tenir ce délai seront proposés aux collectivités locales.
Enfin, le code des marchés publics sera modifié pour permettre aux sous-traitants d'être payés plus rapidement, directement par l'acheteur public.
* Je m'étais engagé devant vous à simplifier toujours davantage les procédures administratives. Je sais que vous perdez encore trop de temps les uns et les autres, d'énergie dans des formalités souvent peu utiles et redondantes.
C'est pourquoi j'ai souhaité mobiliser l'ensemble du gouvernement sur cette tâche prioritaire, dans le cadre d'un grand mouvement de simplification et de réforme de l'Etat.
Jean-François COPE présentera d'ici l'été en Conseil des ministres, un nouveau projet de loi de simplification, comportant 45 mesures très concrètes pour faciliter la vie des Français, et pour la première fois sous la Vème République la suppression de près de 150 contraintes législatives devenues aujourd'hui obsolètes.
Par ailleurs, une nouvelle ordonnance de simplification fiscale est en chantier, et grâce à l'action de Xavier BERTRAND et de Philippe BAS, des avancées significatives ont été accomplies ces derniers mois par les URSSAF sur le plan de la simplification des démarches sociales. En particulier, la mise en place de la procédure du rescrit social effective depuis le début de l'année, apporte une sécurité importante pour tous les employeurs, puisque la réponse apportée par l'administration à un problème d'interprétation de la loi n'est pas susceptible d'être contestée par la suite en cas de contrôle.
Là aussi, je souhaite aller plus loin : Renaud DUTREIL vous présentera dans quelques instants un plan particulier de simplifications concernant principalement les PME : pour la première fois dans son histoire, l'Etat va s'engager sur un objectif chiffré : réduire dès 2007 de 20 % le coût des 112 formalités les plus pénalisantes pour les petites et moyennes entreprises ! Cela veut dire pour vous une économie globale estimée à 200 millions d'euros par an. C'est toute votre énergie que nous voulons ainsi libérer, au service de la croissance et de l'emploi.
Vous le voyez, nous n'avons certainement pas l'intention, à quelques mois des échéances électorales, de baisser les bras et de regarder passer les trains. Et vous pouvez être sûrs que Renaud Dutreil, jusqu'au dernier jour, sera bien le ministre des PME et que jusqu'au dernier jour, il aura à coeur de faire en sorte que vos intérêts et que la défense de ces intérêts se traduise quotidiennement en actes.
Chers amis,
Avant de terminer je voudrais vous dire un mot sur une question qui, je le sais, vous préoccupe tous, vous l'avez encore redit tout à l'heure Monsieur le Président, sur l'action de modernisation de l'Etat. C'est un sujet sur lequel nous avons voulu avancer résolument et sans attendre, tant il est crucial pour l'avenir de notre pays et de nos enfants. Je sais que certains veulent encore croire que la politique c'est simplement de la poudre de perlimpinpin et qu'une fois tous les cinq ans, l'on s'amuse pour attirer l'électeur, le séduire. Certains pensent même le tromper. Et c'est bien pour cela que mon gouvernement veut être au rendez-vous de l'action, du résultat et de la responsabilité. Combien de fois ai-je entendu dire, à l'approche des élections : c'est la paralysie qui guette, c'est la thrombose, il n'y a rien d'autre à faire que d'attendre. Eh bien, nous prouvons là l'esprit de responsabilité qui est le nôtre. Parce que c'est difficile, parce que c'est nécessaire, les décisions qui doivent être prises aujourd'hui, le seront sans arrière-pensée, sans autres ambitions que de servir l'intérêt de notre pays et de celui de chacun de nos concitoyens. ? J'ai réuni en janvier dernier la première conférence nationale des finances publiques. Depuis le temps qu'on voit monter la dette, l'idée aurait pu venir au fil des années. Eh bien, ce fut la première conférence nationale des finances publiques associant l'Etat, les partenaires sociaux et les collectivités locales. Nous n'avons laissé personne de côté pour que chacun puisse prendre conscience de l'état de nos finances publiques et du poids des dépenses publiques qui, vous le savez mieux que personne, handicapent notre croissance. Il ne sert à rien de diminuer les dépenses de l'Etat, si celles des collectivités locales dérapent parallèlement. C'est bien d'un allègement global dont vous avez besoin. ? Au-delà de cette prise de conscience indispensable, nous voulons des résultats concrets : ainsi, pour la première fois depuis 30 ans, le budget de l'Etat en 2007 diminuera en volume de 1 %. Cet effort sans précédent s'appuie sur trois années de stabilisation des dépenses en volume, qui ont permis de repasser fin 2005 sous la barre des 3 % de déficits. Il permettra d'engager un désendettement durable de l'Etat.
Pour moderniser l'Etat et améliorer le service rendu aux Français, le Gouvernement est déterminé à concentrer les moyens là où ils sont nécessaires : dans certains domaines, il est possible de réaliser des économies et de réduire les effectifs tout en préservant ou en améliorant la qualité du service public. Dans d'autres domaines, nous prévoyons des effectifs supplémentaires pour mettre en oeuvre notre recherche, notre effort dans le domaine de l'enseignement supérieur. Au total, une juste évaluation des besoins nous permet une suppression de 15 000 postes sans remettre en cause la qualité des services rendus aux Français.
C'est ainsi que nous préparons l'avenir en nous engageant sur la voie de la responsabilité et du désendettement.
Sur la modernisation de l'Etat comme sur l'ensemble de notre politique de croissance et d'emploi vous pouvez compter sur l'action du gouvernement. Il n'y aura pas de pause dans l'action politique. Nous continuerons, je l'ai dit, jusqu'au dernier jour la modernisation et l'adaptation de notre pays, pour lui permettre de relever les défis de la modernité et pour défendre ses intérêts. Mieux que quiconque, vous savez le prix du travail, vous savez le prix de l'effort, ce qui est vrai de l'entreprise l'est aussi dans le service de la nation. Jusqu'au dernier moment, jusqu'au dernier jour, il faut maintenir l'effort. Fort de votre exemple, nous continuerons dans ce sens.
Je vous remercie.
Source http://www.premier-ministre.gouv.fr, le 14 juin 2006