Texte intégral
« Cher Président Dermagne, j'avoue le plaisir qui est le mien de
travailler une fois encore devant votre éminente assemblée. Outre le
respect qui m'anime à votre égard, je n'oublie pas qu'il y a quelques
années, en ma qualité de vice-président de l'Assemblée nationale, j'
avais eu l'honneur de vous entendre adresser vos voeux au Président de
la République, dont vous savez que l'attachement à l'égard de l'Outre-
mer ne s'est jamais démenti, et vous aviez alors parlé de votre
assemblée comme étant celle du premier mot, mais parfois aussi celle du
dernier mot. De fait, le rôle du CES dans nos institutions justifie
pleinement que les membres du gouvernement soient à votre pleine et
entière disposition pour vous entendre et surtout vous écouter.
Je voudrais aussi remercier vivement la rapporteure pour son engagement
personnel : ce projet d'avis sera ressenti très positivement par nos
deux millions de compatriotes ultramarins, pour lesquels la
problématique du quotidien est exactement la même qu'en métropole sinon
que leurs problèmes sont multipliés puisque le taux de chômage y est
deux à trois fois plus élevé, le nombre de Rmistes ou d'allocataires de
prestations sociales deux à trois fois supérieur. En outre, le retard
en infrastructures et en équipements, ainsi que les perspectives de
développement économique endogène nous amènent tout naturellement à
être en permanence dans une obligation de démultiplication des
politiques publiques, autant sur le plan des moyens budgétaires et
financiers que sur celui de l'accompagnement des dispositifs originaux,
dérogatoires au droit commun, mais indispensables au développement
économique de ces territoires. Enfin, autre paramètre important : dans
certains de ces départements, la moitié de la population a moins de
vingt-cinq ans et il faut donc mener des politiques publiques adaptées
à l'évolution démographique.
Ceci posé, je voudrais rappeler que la feuille de route fixée par le
Président de la République a érigé l'égalité économique comme enjeu de
la législature. Pour cela, il a donné l'impulsion nécessaire et
indispensable, d'une part pour modifier la Constitution ; d'autre part
pour mettre en place une loi d'orientation pour l'Outre-mer, inscrite
dans la durée, c'est-à-dire pour les quinze années à venir, et se doter
de moyens budgétaires et financiers adaptés à l'évolution des besoins.
Dans ce contexte où le tourisme est l'un des éléments de développement
majeur Outre-mer, les propositions du Conseil vont constituer un
précieux outil de réflexion et d'aide à la décision. Car comme vous l'
avez fort justement indiqué, madame, ce projet d'avis s'adresse non
seulement au gouvernement, mais sans doute davantage encore aux
collectivités locales, puisque le tourisme est une compétence désormais
largement décentralisée dans les départements d'Outre-mer et totalement
dans les collectivités d'Outre-mer. Certes, il manque encore des outils
statistiques complets et homogènes, ce qui d'ailleurs fait qu'il est
parfois très difficile de donner une impulsion aux politiques publiques
de proximité en faveur de populations que l'on ne connaît qu'
imparfaitement. Ainsi, s'il existe une priorité à Mayotte, c'est bien
la constitution définitive d'un état civil qui permette de savoir
précisément pour qui nous travaillons, à quelle strate démographique on
s'adresse, combien il y a d'écoles à construire, combien de
dispensaires hospitaliers à bâtir, combien de voies de communication à
développer pour irriguer les pôles urbains et les zones rurales.
Mais revenons au tourisme, pour d'abord rappeler son importance,
notamment aux Antilles et en Polynésie française, où il pèse 5 à 10 %
du produit intérieur brut. C'est évidemment un gisement d'emplois et de
services essentiel, qui emploie déjà dans les départements d'Outre-mer
plus de vingt mille personnes et sans doute bien davantage si nous y
intégrons tous les secteurs associés - transports aériens et maritimes,
location de véhicules, agences de voyages, commerce ou artisanat. Le
potentiel de développement existe donc, c'est indiscutable, et d'après
l'Organisation mondiale du tourisme, les perspectives mondiales sont
très prometteuses, avec des taux de progression de plus de 5,5 % par
an, notamment dans les Caraïbes.
Le tourisme ultramarin, vous l'avez dit madame, doit ainsi s'ouvrir sur
ces nouveaux marchés. C'est en cohérence avec la ligne politique que le
Président de la République nous a fixée, à savoir d'enraciner, dans l'
environnement économique immédiat, l'ensemble des territoires où qu'ils
se trouvent, que ce soit du côté du Canada avec Saint-Pierre-et-
Miquelon, dans l'axe caribéen, dans l'Océan Indien où l'ouverture va
jusqu'en Australie, ou encore dans le Pacifique, où la question de la
pertinence des relations avec la Nouvelle Zélande et l'Australie, dans
un environnement dopé par la Chine et l'Inde, est évidemment une
perspective sur le plan touristique, le gisement d'emplois pouvant être
tout à fait exceptionnel à terme pour nos compatriotes dans ces zones.
Malgré les difficultés rencontrées, l'Outre-mer a donc des perspectives
alléchantes grâce à des atouts incontestables qu'il nous faut bonifier,
mais également mieux faire connaître : le patrimoine naturel
exceptionnel, que vous avez évoqué, sous toutes ces latitudes, propice
à une diversité de tourisme qui peut se combiner avec des sites
balnéaires ou volcaniques tout à fait remarquables, une flore
exceptionnelle, des fonds sous-marins magnifiques et enviés.
D'ailleurs nous sommes actuellement en procédure de classification au
patrimoine mondial de l'UNESCO d'une partie des coraux calédoniens. Le
même esprit nous anime dans la constitution des parcs, pour lesquels
Jacques Chirac s'est beaucoup impliqué, afin de préserver, sous forme
de sanctuaires, cette dimension environnementale qui est un atout
touristique pour le développement de nos territoires.
Il existe également un patrimoine culturel très varié. Je pense
notamment à l'architecture, à la gastronomie ou encore aux traditions.
Nous avons également des infrastructures portuaires, aéroportuaires,
routières et sanitaires, qui peuvent être, toutes choses égales par
ailleurs, considérées comme de qualité, avec des compagnies aériennes
nationales ou locales performantes, même si, bon an mal an, certaines
traversent les difficultés que nous savons.
Atout supplémentaire : il existe un environnement politique, juridique
et économique sécurisant dans le cadre de notre constitution, et c'
était d'ailleurs là le sens de la modification effectuée au cours de
cette législature. Autre point très important : cette prise de
conscience désormais actée par les élus et les professionnels que le
tourisme doit être un moteur du développement.
Enfin, l'Outre-mer bénéficie de politiques publiques d'accompagnement
puissantes. Permettez-moi de vous rappeler que les défiscalisations
nationales ont représenté sept cent soixante-quinze millions d'euros
entre 2001 et 2005, auxquels s'ajoutent les défiscalisations locales en
Polynésie française et en Nouvelle Calédonie. Comptons aussi les
exonérations de charges, soit plus de cent millions d'euros en 2005,
ainsi que les aides régionales et européennes dans les départements d'
Outre-mer, sans oublier les codes des investissements dans les
collectivités d'Outre-mer. Cela fait beaucoup d'argent, certes, mais je
tiens à dire devant vous que, sans ces outils dérogatoires au droit
commun, nous ne parviendrons jamais à pérenniser une économie durable,
à rassurer les investisseurs, à permettre à des chargés d'entreprise
d'effectuer leur métier, à savoir prendre des risques, les assumer et
créer de l'emploi stable. C'est la raison pour laquelle toute attaque
un peu brutale à l'égard de la défiscalisation, toute remise en cause
parfois aveugle des exonérations de charges sociales, toute facilité de
langage qui consisterait à prendre une idée pour un projet politique -
par exemple combien coûte et combien rapporte l'Outre-mer - serait à
l'opposé de ce que l'État a comme responsabilité à l'égard de nos
compatriotes ultramarins.
Pourtant, malgré ses atouts et un accompagnement significatif, le
tourisme Outre-mer connaît paradoxalement des difficultés persistantes.
Votre rapporteur a su aborder cette question sous des angles divers :
stratégies développées, adaptation des outils ou encore capacité à les
utiliser. Pour ma part, je souhaiterais simplement évoquer quelques
pistes de réflexion.
En premier lieu, la question de la connaissance : il faut d'abord
développer une information statistique de qualité pour mesurer
correctement l'impact du tourisme, cerner les attentes et les
inflexions et être en capacité de réagir rapidement. Beaucoup reste à
faire dans ce domaine, notamment en mettant aussi l'accent sur le
qualitatif, ce qui implique de multiplier les enquêtes de satisfaction
à de nombreux échelons, et ce beaucoup plus qu'actuellement. Pour
pouvoir se comparer aux autres, il est indispensable de rendre cette
information homogène entre destinations ultramarines et de la diffuser
largement, afin de sensibiliser les populations. Car pour réussir, il
faut l'adhésion des populations. Le tourisme ne doit plus être une
activité particulière, cantonnée dans quelques enclaves : c'est l'
affaire de chacun dans son comportement quotidien, dans l'accueil du
touriste, dans la préservation de l'environnement et du patrimoine
culturel, dans la formation. Il faut donc faire évoluer les mentalités,
ce qui suppose aussi de définir, avec l'ensemble des acteurs, des
stratégies et de les faire partager.
En deuxième lieu, les stratégies touristiques doivent être définies
clairement et naturellement individualisées par territoire. Il y a en
effet autant d'Outre-mer qu'il y a de territoires et il faut donc une
politique adaptée à chacun d'entre eux. C'est aujourd'hui là le rôle et
la responsabilité des collectivités locales mais il est nécessaire d'y
associer très étroitement les professionnels, qui apparaissent souvent
sous-représentés dans les instances de concertation. Certaines
collectivités sont ici très avancées. La Polynésie française,
certainement pionnière, revisite son modèle ; la Nouvelle-Calédonie
vient d'élaborer son schéma de développement touristique et la
Guadeloupe a engagé le même processus, tant que la Réunion préparera,
avec l'appui de l'État, des assises du tourisme dans le cadre d'un plan
de relance du secteur dont les difficultés ont été amplifiées par la
crise du Chikungunya.
Ces stratégies ne signifient pas forcément des revirements brutaux. Je
note d'ailleurs que votre rapporteure suggère plutôt de récupérer les
marchés perdus que de se repositionner sur le haut de gamme, sauf
opportunités ponctuelles. Ceci passe avant tout par la réhabilitation
d'un parc hôtelier important, mais qui a vieilli et n'est plus en phase
avec les attentes de la clientèle.
De même, la recherche de nouvelles cibles, telles que les seniors et
les étrangers, doit s'envisager parallèlement aux efforts de remise à
niveau de l'offre touristique pour reconquérir la clientèle
traditionnelle.
En troisième lieu, les politiques publiques et les outils d'
accompagnement doivent être adaptés. J'ai bien noté vos propositions
d'assouplissement de la défiscalisation en matière de réhabilitation
hôtelière, dispositif qui fonctionne mal aujourd'hui, ce qui est un
handicap, car la charge est lourde s'agissant de la remise à niveau.
J'ai également pris note de votre préconisation de relever le seuil d'
exonérations de charges sociales pour renforcer un niveau d'encadrement
encore insuffisant.
Le gouvernement attendra les conclusions de la commission nationale d'
évaluation de la loi de programme pour l'Outre-mer pour se prononcer.
Comme il s'y était engagé lors du débat budgétaire fin 2005, il n'a en
effet pas jugé souhaitable que l'on modifie ou ajuste ces grands
dispositifs sans évaluation concertée préalable. Car ce qui compte, c'
est ce qui marche, et ce qui marche ici, c'est la défiscalisation. Le
même esprit doit nous animer s'agissant de la politique du logement
social. Quoiqu'il en soit, le rapport d'étape de la commission confirme
déjà l'impact positif ces dispositifs et pérennise donc leur bien-
fondé, ce qui était l'objectif premier. Le rapport définitif devrait
formuler des propositions d'ajustement pour renforcer leur efficacité
et gommer les dérives constatées. Votre avis et votre rapport seront
naturellement transmis à la commission comme contribution
supplémentaire et le gouvernement jugera des mesures les plus
pertinentes à arrêter, si possible avant la fin de la législative
[sic].
Vous suggérez d'aller plus loin encore dans les mécanismes dérogatoires
en évoquant la zone franche d'activités touristiques, dispositif qui a
servi de référence et de modèle dans les quartiers sensibles en
métropole et qui s'inspire des résultats encourageants des zones
franches urbaines. La question mérite débat, surtout dans le cas du
tourisme qui est un secteur porteur, tourné vers l'extérieur et
pourvoyeur d'emplois : il faudra, le moment venu, estimer son impact et
mesurer son coût budgétaire.
En quatrième lieu, au-delà de ces interrogations, il y a une certitude
: il faut renforcer le professionnalisme, notamment en améliorant la
qualité des services et pour correspondre aux attentes nouvelles, mais
aussi en s'inspirant de ce qui se fait à l'étranger.
En cinquième lieu, le développement touristique doit se concevoir dans
une optique de développement durable, d'abord parce que la nature est
au coeur de l'offre touristique ultramarine et qu'il faut impérativement
la préserver. Il y a donc un équilibre à trouver ou un arbitrage à
effectuer entre la construction de nouvelles unités sur des sites
préservés toujours moins nombreux et la rénovation des structures en
place. Les élus doivent en être pleinement conscients lorsqu'ils
arrêtent les schémas d'aménagement locaux et les documents d'urbanisme.
De même qu'il leur appartient, dans leur pouvoir de régulation, de
préserver les styles architecturaux locaux, véritable patrimoine
culturel.
En dernier lieu, les perspectives d'avenir du tourisme dépendent de la
résolution de la question des transports. Il faut ici parvenir à
concilier les impératifs de continuité territoriale, de gestion de la
fonction publique et de développement touristique. L'objectif est bien
de dégager des capacités en sièges en haute saison, sachant que l'offre
paraît suffisante sur l'année et sur les liaisons avec la métropole,
sauf en Guyane. Vous êtes arrivés aux mêmes propositions que l'audit de
modernisation que j'avais demandé sur le sujet à la fin 2005, c'est-à-
dire un étalement des congés bonifiés et un allègement des obligations
des services publics pour autoriser, de manière encadrée, les charters
secs. C'est la convergence des avis sur ces sujets sensibles qui
permettra d'avancer. Là encore, nous tâcherons d'agir avant la fin de
cette législature.
Ce rapport apporte une contribution riche sur l'état et les
perspectives du tourisme Outre-mer. Il interpelle aussi bien les
collectivités locales que les professionnels, le gouvernement et les
populations. Critique, il se veut également constructif, comme en
témoignent ses nombreuses recommandations soit pour l'ensemble de l'
Outre-mer, soit pour chaque destination. C'est donc là une contribution
très utile au débat public qui doit s'instaurer à la fois Outre-mer et
en métropole pour redéfinir régulièrement le cadre dans lequel le
tourisme doit se construire pour le bien-être économique, social et
environnemental de nos compatriotes. ».source http://www.ces.fr, le 19 janvier 2007
travailler une fois encore devant votre éminente assemblée. Outre le
respect qui m'anime à votre égard, je n'oublie pas qu'il y a quelques
années, en ma qualité de vice-président de l'Assemblée nationale, j'
avais eu l'honneur de vous entendre adresser vos voeux au Président de
la République, dont vous savez que l'attachement à l'égard de l'Outre-
mer ne s'est jamais démenti, et vous aviez alors parlé de votre
assemblée comme étant celle du premier mot, mais parfois aussi celle du
dernier mot. De fait, le rôle du CES dans nos institutions justifie
pleinement que les membres du gouvernement soient à votre pleine et
entière disposition pour vous entendre et surtout vous écouter.
Je voudrais aussi remercier vivement la rapporteure pour son engagement
personnel : ce projet d'avis sera ressenti très positivement par nos
deux millions de compatriotes ultramarins, pour lesquels la
problématique du quotidien est exactement la même qu'en métropole sinon
que leurs problèmes sont multipliés puisque le taux de chômage y est
deux à trois fois plus élevé, le nombre de Rmistes ou d'allocataires de
prestations sociales deux à trois fois supérieur. En outre, le retard
en infrastructures et en équipements, ainsi que les perspectives de
développement économique endogène nous amènent tout naturellement à
être en permanence dans une obligation de démultiplication des
politiques publiques, autant sur le plan des moyens budgétaires et
financiers que sur celui de l'accompagnement des dispositifs originaux,
dérogatoires au droit commun, mais indispensables au développement
économique de ces territoires. Enfin, autre paramètre important : dans
certains de ces départements, la moitié de la population a moins de
vingt-cinq ans et il faut donc mener des politiques publiques adaptées
à l'évolution démographique.
Ceci posé, je voudrais rappeler que la feuille de route fixée par le
Président de la République a érigé l'égalité économique comme enjeu de
la législature. Pour cela, il a donné l'impulsion nécessaire et
indispensable, d'une part pour modifier la Constitution ; d'autre part
pour mettre en place une loi d'orientation pour l'Outre-mer, inscrite
dans la durée, c'est-à-dire pour les quinze années à venir, et se doter
de moyens budgétaires et financiers adaptés à l'évolution des besoins.
Dans ce contexte où le tourisme est l'un des éléments de développement
majeur Outre-mer, les propositions du Conseil vont constituer un
précieux outil de réflexion et d'aide à la décision. Car comme vous l'
avez fort justement indiqué, madame, ce projet d'avis s'adresse non
seulement au gouvernement, mais sans doute davantage encore aux
collectivités locales, puisque le tourisme est une compétence désormais
largement décentralisée dans les départements d'Outre-mer et totalement
dans les collectivités d'Outre-mer. Certes, il manque encore des outils
statistiques complets et homogènes, ce qui d'ailleurs fait qu'il est
parfois très difficile de donner une impulsion aux politiques publiques
de proximité en faveur de populations que l'on ne connaît qu'
imparfaitement. Ainsi, s'il existe une priorité à Mayotte, c'est bien
la constitution définitive d'un état civil qui permette de savoir
précisément pour qui nous travaillons, à quelle strate démographique on
s'adresse, combien il y a d'écoles à construire, combien de
dispensaires hospitaliers à bâtir, combien de voies de communication à
développer pour irriguer les pôles urbains et les zones rurales.
Mais revenons au tourisme, pour d'abord rappeler son importance,
notamment aux Antilles et en Polynésie française, où il pèse 5 à 10 %
du produit intérieur brut. C'est évidemment un gisement d'emplois et de
services essentiel, qui emploie déjà dans les départements d'Outre-mer
plus de vingt mille personnes et sans doute bien davantage si nous y
intégrons tous les secteurs associés - transports aériens et maritimes,
location de véhicules, agences de voyages, commerce ou artisanat. Le
potentiel de développement existe donc, c'est indiscutable, et d'après
l'Organisation mondiale du tourisme, les perspectives mondiales sont
très prometteuses, avec des taux de progression de plus de 5,5 % par
an, notamment dans les Caraïbes.
Le tourisme ultramarin, vous l'avez dit madame, doit ainsi s'ouvrir sur
ces nouveaux marchés. C'est en cohérence avec la ligne politique que le
Président de la République nous a fixée, à savoir d'enraciner, dans l'
environnement économique immédiat, l'ensemble des territoires où qu'ils
se trouvent, que ce soit du côté du Canada avec Saint-Pierre-et-
Miquelon, dans l'axe caribéen, dans l'Océan Indien où l'ouverture va
jusqu'en Australie, ou encore dans le Pacifique, où la question de la
pertinence des relations avec la Nouvelle Zélande et l'Australie, dans
un environnement dopé par la Chine et l'Inde, est évidemment une
perspective sur le plan touristique, le gisement d'emplois pouvant être
tout à fait exceptionnel à terme pour nos compatriotes dans ces zones.
Malgré les difficultés rencontrées, l'Outre-mer a donc des perspectives
alléchantes grâce à des atouts incontestables qu'il nous faut bonifier,
mais également mieux faire connaître : le patrimoine naturel
exceptionnel, que vous avez évoqué, sous toutes ces latitudes, propice
à une diversité de tourisme qui peut se combiner avec des sites
balnéaires ou volcaniques tout à fait remarquables, une flore
exceptionnelle, des fonds sous-marins magnifiques et enviés.
D'ailleurs nous sommes actuellement en procédure de classification au
patrimoine mondial de l'UNESCO d'une partie des coraux calédoniens. Le
même esprit nous anime dans la constitution des parcs, pour lesquels
Jacques Chirac s'est beaucoup impliqué, afin de préserver, sous forme
de sanctuaires, cette dimension environnementale qui est un atout
touristique pour le développement de nos territoires.
Il existe également un patrimoine culturel très varié. Je pense
notamment à l'architecture, à la gastronomie ou encore aux traditions.
Nous avons également des infrastructures portuaires, aéroportuaires,
routières et sanitaires, qui peuvent être, toutes choses égales par
ailleurs, considérées comme de qualité, avec des compagnies aériennes
nationales ou locales performantes, même si, bon an mal an, certaines
traversent les difficultés que nous savons.
Atout supplémentaire : il existe un environnement politique, juridique
et économique sécurisant dans le cadre de notre constitution, et c'
était d'ailleurs là le sens de la modification effectuée au cours de
cette législature. Autre point très important : cette prise de
conscience désormais actée par les élus et les professionnels que le
tourisme doit être un moteur du développement.
Enfin, l'Outre-mer bénéficie de politiques publiques d'accompagnement
puissantes. Permettez-moi de vous rappeler que les défiscalisations
nationales ont représenté sept cent soixante-quinze millions d'euros
entre 2001 et 2005, auxquels s'ajoutent les défiscalisations locales en
Polynésie française et en Nouvelle Calédonie. Comptons aussi les
exonérations de charges, soit plus de cent millions d'euros en 2005,
ainsi que les aides régionales et européennes dans les départements d'
Outre-mer, sans oublier les codes des investissements dans les
collectivités d'Outre-mer. Cela fait beaucoup d'argent, certes, mais je
tiens à dire devant vous que, sans ces outils dérogatoires au droit
commun, nous ne parviendrons jamais à pérenniser une économie durable,
à rassurer les investisseurs, à permettre à des chargés d'entreprise
d'effectuer leur métier, à savoir prendre des risques, les assumer et
créer de l'emploi stable. C'est la raison pour laquelle toute attaque
un peu brutale à l'égard de la défiscalisation, toute remise en cause
parfois aveugle des exonérations de charges sociales, toute facilité de
langage qui consisterait à prendre une idée pour un projet politique -
par exemple combien coûte et combien rapporte l'Outre-mer - serait à
l'opposé de ce que l'État a comme responsabilité à l'égard de nos
compatriotes ultramarins.
Pourtant, malgré ses atouts et un accompagnement significatif, le
tourisme Outre-mer connaît paradoxalement des difficultés persistantes.
Votre rapporteur a su aborder cette question sous des angles divers :
stratégies développées, adaptation des outils ou encore capacité à les
utiliser. Pour ma part, je souhaiterais simplement évoquer quelques
pistes de réflexion.
En premier lieu, la question de la connaissance : il faut d'abord
développer une information statistique de qualité pour mesurer
correctement l'impact du tourisme, cerner les attentes et les
inflexions et être en capacité de réagir rapidement. Beaucoup reste à
faire dans ce domaine, notamment en mettant aussi l'accent sur le
qualitatif, ce qui implique de multiplier les enquêtes de satisfaction
à de nombreux échelons, et ce beaucoup plus qu'actuellement. Pour
pouvoir se comparer aux autres, il est indispensable de rendre cette
information homogène entre destinations ultramarines et de la diffuser
largement, afin de sensibiliser les populations. Car pour réussir, il
faut l'adhésion des populations. Le tourisme ne doit plus être une
activité particulière, cantonnée dans quelques enclaves : c'est l'
affaire de chacun dans son comportement quotidien, dans l'accueil du
touriste, dans la préservation de l'environnement et du patrimoine
culturel, dans la formation. Il faut donc faire évoluer les mentalités,
ce qui suppose aussi de définir, avec l'ensemble des acteurs, des
stratégies et de les faire partager.
En deuxième lieu, les stratégies touristiques doivent être définies
clairement et naturellement individualisées par territoire. Il y a en
effet autant d'Outre-mer qu'il y a de territoires et il faut donc une
politique adaptée à chacun d'entre eux. C'est aujourd'hui là le rôle et
la responsabilité des collectivités locales mais il est nécessaire d'y
associer très étroitement les professionnels, qui apparaissent souvent
sous-représentés dans les instances de concertation. Certaines
collectivités sont ici très avancées. La Polynésie française,
certainement pionnière, revisite son modèle ; la Nouvelle-Calédonie
vient d'élaborer son schéma de développement touristique et la
Guadeloupe a engagé le même processus, tant que la Réunion préparera,
avec l'appui de l'État, des assises du tourisme dans le cadre d'un plan
de relance du secteur dont les difficultés ont été amplifiées par la
crise du Chikungunya.
Ces stratégies ne signifient pas forcément des revirements brutaux. Je
note d'ailleurs que votre rapporteure suggère plutôt de récupérer les
marchés perdus que de se repositionner sur le haut de gamme, sauf
opportunités ponctuelles. Ceci passe avant tout par la réhabilitation
d'un parc hôtelier important, mais qui a vieilli et n'est plus en phase
avec les attentes de la clientèle.
De même, la recherche de nouvelles cibles, telles que les seniors et
les étrangers, doit s'envisager parallèlement aux efforts de remise à
niveau de l'offre touristique pour reconquérir la clientèle
traditionnelle.
En troisième lieu, les politiques publiques et les outils d'
accompagnement doivent être adaptés. J'ai bien noté vos propositions
d'assouplissement de la défiscalisation en matière de réhabilitation
hôtelière, dispositif qui fonctionne mal aujourd'hui, ce qui est un
handicap, car la charge est lourde s'agissant de la remise à niveau.
J'ai également pris note de votre préconisation de relever le seuil d'
exonérations de charges sociales pour renforcer un niveau d'encadrement
encore insuffisant.
Le gouvernement attendra les conclusions de la commission nationale d'
évaluation de la loi de programme pour l'Outre-mer pour se prononcer.
Comme il s'y était engagé lors du débat budgétaire fin 2005, il n'a en
effet pas jugé souhaitable que l'on modifie ou ajuste ces grands
dispositifs sans évaluation concertée préalable. Car ce qui compte, c'
est ce qui marche, et ce qui marche ici, c'est la défiscalisation. Le
même esprit doit nous animer s'agissant de la politique du logement
social. Quoiqu'il en soit, le rapport d'étape de la commission confirme
déjà l'impact positif ces dispositifs et pérennise donc leur bien-
fondé, ce qui était l'objectif premier. Le rapport définitif devrait
formuler des propositions d'ajustement pour renforcer leur efficacité
et gommer les dérives constatées. Votre avis et votre rapport seront
naturellement transmis à la commission comme contribution
supplémentaire et le gouvernement jugera des mesures les plus
pertinentes à arrêter, si possible avant la fin de la législative
[sic].
Vous suggérez d'aller plus loin encore dans les mécanismes dérogatoires
en évoquant la zone franche d'activités touristiques, dispositif qui a
servi de référence et de modèle dans les quartiers sensibles en
métropole et qui s'inspire des résultats encourageants des zones
franches urbaines. La question mérite débat, surtout dans le cas du
tourisme qui est un secteur porteur, tourné vers l'extérieur et
pourvoyeur d'emplois : il faudra, le moment venu, estimer son impact et
mesurer son coût budgétaire.
En quatrième lieu, au-delà de ces interrogations, il y a une certitude
: il faut renforcer le professionnalisme, notamment en améliorant la
qualité des services et pour correspondre aux attentes nouvelles, mais
aussi en s'inspirant de ce qui se fait à l'étranger.
En cinquième lieu, le développement touristique doit se concevoir dans
une optique de développement durable, d'abord parce que la nature est
au coeur de l'offre touristique ultramarine et qu'il faut impérativement
la préserver. Il y a donc un équilibre à trouver ou un arbitrage à
effectuer entre la construction de nouvelles unités sur des sites
préservés toujours moins nombreux et la rénovation des structures en
place. Les élus doivent en être pleinement conscients lorsqu'ils
arrêtent les schémas d'aménagement locaux et les documents d'urbanisme.
De même qu'il leur appartient, dans leur pouvoir de régulation, de
préserver les styles architecturaux locaux, véritable patrimoine
culturel.
En dernier lieu, les perspectives d'avenir du tourisme dépendent de la
résolution de la question des transports. Il faut ici parvenir à
concilier les impératifs de continuité territoriale, de gestion de la
fonction publique et de développement touristique. L'objectif est bien
de dégager des capacités en sièges en haute saison, sachant que l'offre
paraît suffisante sur l'année et sur les liaisons avec la métropole,
sauf en Guyane. Vous êtes arrivés aux mêmes propositions que l'audit de
modernisation que j'avais demandé sur le sujet à la fin 2005, c'est-à-
dire un étalement des congés bonifiés et un allègement des obligations
des services publics pour autoriser, de manière encadrée, les charters
secs. C'est la convergence des avis sur ces sujets sensibles qui
permettra d'avancer. Là encore, nous tâcherons d'agir avant la fin de
cette législature.
Ce rapport apporte une contribution riche sur l'état et les
perspectives du tourisme Outre-mer. Il interpelle aussi bien les
collectivités locales que les professionnels, le gouvernement et les
populations. Critique, il se veut également constructif, comme en
témoignent ses nombreuses recommandations soit pour l'ensemble de l'
Outre-mer, soit pour chaque destination. C'est donc là une contribution
très utile au débat public qui doit s'instaurer à la fois Outre-mer et
en métropole pour redéfinir régulièrement le cadre dans lequel le
tourisme doit se construire pour le bien-être économique, social et
environnemental de nos compatriotes. ».source http://www.ces.fr, le 19 janvier 2007