Déclaration de M. Alain Marleix, secrétaire d'Etat à l'intérieur et aux collectivités territoriales, sur les finances locales, la répartition des compétences entre l'Etat et les collectivités territoriales "chef de file", l'intercommunalité et le statut de l'élu local, Figeac le 30 mai 2008.

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Circonstance : Onzièmes assises de l'Association des petites villes de France, à Figeac le 30 mai 2008

Texte intégral

Madame le Maire,
Chère Nicole PAULO,
Monsieur le Président,
Cher Martin MALVY,
Mesdames et messieurs les parlementaires,
Madame la Préfète, (Marcelle PIERROT),
Mesdames et messieurs les conseillers régionaux et généraux,
Mesdames et messieurs les maires et présidents d'EPCI,
Cher(e)s ami(e)s,
Permettez-moi avant de commencer de vous dire que c'est avec un très grand plaisir que j'ai accepté votre invitation pour cette XIe assemblée générale de l'association des petites villes de France, ici à FIGEAC.
Au carrefour de l'Auvergne, du Rouergue et du Quercy, FIGEAC est aujourd'hui connue pour l'exceptionnelle qualité de son patrimoine mais aussi par son dynamisme économique.
J'adresserai tout d'abord mes félicitations à votre président, Martin MALVY, pour sa réélection à la tête de votre association qui a pour mission (je vous cite) de « porter la voix des petites villes sur l'échiquier territorial ».
Moi-même en tant que conseiller général du Cantal et longtemps maire d'une petite ville, je peux mesurer les grandeurs mais aussi les servitudes qui s'attachent à votre rôle d'élu de proximité.
Vous êtes en permanence sur le terrain.
Vous êtes les premiers interlocuteurs de nos concitoyens.
Je sais que votre tâche est lourde, vos responsabilités sont difficiles, votre disponibilité est sans relâche.
Les Français recherchent en vous, tout à la fois, l'autorité et l'assistance, l'instruction et le conseil.
Pour ma part, c'est en toute franchise et en toute lucidité que je veux aborder devant vous, les rapports entre l'Etat, les communes, leurs intercommunalités, les départements et les régions.
Mesdames et messieurs,
Comme vous le savez, les relations entre l'Etat et les collectivités territoriales sont à la fois complexes et étroites.
Je connais vos attentes concernant le partenariat financier entre l'Etat et les collectivités territoriales.
Je vais les évoquer plus particulièrement puisque mon collègue Hubert FALCO a parlé de l'aménagement du territoire.
Je sais que vous aviez saisi sur ce sujet le Premier ministre, François FILLON, par lettre du 19 juillet 2007 à l'occasion de sa déclaration de politique générale du Gouvernement.
Je tiens à vous dire que je serai toujours attentif à nos territoires et tout particulièrement aux petites villes que je connais bien.
Le soutien de l'Etat à leur égard ne s'est d'ailleurs pas démenti.
L'effort financier de l'Etat en faveur des collectivités territoriales, atteint en 2008 72 milliards d'euros.
C'est supérieur aux 57 milliards d'euros que l'impôt sur le revenu rapporte chaque année à notre pays.
Ces 72 milliards d'euros représentent un cinquième des dépenses budgétaires totales.
Comme vous le savez, la loi de finances initiale 2008 a mis en place le Contrat de stabilité.
L'enveloppe des dotations progresse cette année comme l'inflation : cela veut dire que l'Etat garantit aux collectivités territoriales le pouvoir d'achat de leurs dotations.
Dans cette progression d'ensemble, l'Etat et le Comité des finances locales veillent à ce que les collectivités qui en ont le plus besoin bénéficient d'un soutien renforcé : c'est le cas de nombreuses petites villes.
Ce soutien de l'Etat dépasse les 4 milliards d'euros, en 2008 au bénéfice des petites villes.
J'en veux pour preuve également l'effort fait en faveur de la dotation de solidarité rurale qui atteint cette année 270 millions d'euros au profit des communes de 3 000 à 20 000 habitants contre 244 millions d'euros en 2007.
Les petites villes de France de plus de 5 000 habitants bénéficient également cette année de 262 millions d'euros au titre de la dotation de solidarité urbaine.
L'effort de l'Etat se confirme aussi dans la juste compensation des transferts de compétence.
Les collectivités territoriales, plus particulièrement les départements et les régions, exercent désormais de nombreuses compétences qui étaient celles de l'Etat.
Je sais qu'il y a parfois des débats sur la réalité de cette compensation.
Le principe de compensation a été validé par le Conseil constitutionnel et les compensations successives l'ont été par les élus et la Commission consultative sur l'évaluation des charges à l'occasion de plus d'une vingtaine de réunion.
Je tiens à vous assurer que l'Etat a compensé intégralement les dépenses occasionnées par ces transferts afin d'aider les départements et les régions à faire face à leurs nouvelles compétences.
Mesdames et messieurs,
Je voudrais maintenant vous tracer les perspectives pour l'année 2009.
Je sais combien vous participez très largement au soutien de la croissance de l'économie française en contribuant à près de 70 % des investissements publics.
C'est pourquoi j'ai souhaité, dès mon arrivée, défendre l'un des principaux leviers de cet investissement qu'est le FCTVA.
Depuis plus de 30 ans, ce fonds est un instrument de croissance, c'est la raison pour laquelle je me satisfais avec vous que le Premier ministre a annoncé mercredi lors de la conférence nationale des finances publiques « qu'une éventuelle atteinte au FCTVA est une fausse rumeur ».
Cependant, comme l'a rappelé le Président de la République lors de son discours de CAHORS, le 3 avril dernier, les concours financiers de l'Etat peuvent difficilement continuer à augmenter plus vite que les dépenses que le Gouvernement consacre à ses propres politiques.
Les défis que l'Etat doit relever, il les partage aussi avec les collectivités territoriales.
Croissance économique, emploi, solidarité, environnement, sécurité, tous ces défis exigent un sursaut collectif.
Pour l'Etat comme pour les collectivités territoriales, l'intérêt général ne se divise pas.
Mais en aucun cas, les finances locales ne doivent servir de variables d'ajustement pour les finances publiques.
Dans le débat budgétaire, il n'est pas question de stigmatiser les collectivités.
Je sais parfaitement que leur budget de fonctionnement est obligatoirement en équilibre, que leur endettement est maîtrisé, et que globalement leurs finances sont saines.
Toutefois, un effort de tous est nécessaire pour tenir nos engagements européens, pour équilibrer nos finances publiques à l'échéance 2012, mais aussi pour ne pas laisser à nos enfants une dette trop lourde à supporter.
C'est tout le sens du contrat de stabilité que j'évoquais précédemment.
Parmi les réformes fondamentales annoncées par le Président de la République dans son discours de CAHORS, il nous appartiendra d'engager la rénovation de la fiscalité locale, notamment au travers de la réforme des valeurs locatives cadastrales.
Là aussi, nous devons agir en étroite concertation, tous ensemble.
Le Gouvernement a fait le choix de mettre en chantier cette réforme sans cesse repoussée depuis 40 ans.
L'actualisation des valeurs locatives aujourd'hui inégalement estimées, sera engagée.
Il faudra y procéder avec détermination mais par étapes et dans la concertation.
C'est à l'occasion des mutations que l'harmonisation pourra être envisagée.
Le Président de la République a souhaité que nous la concevions ensemble et que nous la mettions en ?uvre ensemble.
Mais au-delà de cette relation financière, la présence de l'Etat se traduit également par ce que les technocrates appelleraient la « structuration du territoire » et que mon collègue et ami Hubert FALCO a pu vous exposer hier.
Mesdames et messieurs,
Je voudrais aborder avec vous le cadre global de la gestion de nos territoires.
Chacun déplore à juste titre l'enchevêtrement des acteurs, des compétences et des circuits de prise de décision qui conduisent à l'existence d'un véritable maquis dans lequel plus personne ne comprend rien.
Après le temps nécessaire de la décentralisation est venu le temps indispensable de la clarification des compétences.
Les conséquences directes sont facilement identifiables : une inflation de la dépense publique pour cause de doublons et une source de complexité pour les citoyens : au total, une « suradministration » des dossiers.
Tout cela fait sans doute partie « du charme français » mais cela nous singularise par rapport aux autres pays de l'Union européenne, et est, de plus, coûteux pour le contribuable.
A la demande du Gouvernement, dans le cadre de la révision générale des politiques publiques, le rapport du sénateur Alain LAMBERT a préconisé plusieurs pistes d'actions telles qu'une meilleure définition des compétences de chacun, le recours plus fréquent à une collectivité chef de file ou encore la mutualisation des services communaux et intercommunaux.
Par ailleurs, mal très français, l'inflation normative touche l'ensemble des activités de notre pays y compris les collectivités territoriales qui doivent supporter les coûts de l'application des textes et des normes, alors qu'elles sont peu associées à leur élaboration.
Comme le notait le Président de la République lors de son intervention devant le 90ème congrès des maires de France en octobre 2007 : «L'Etat ne peut plus continuer à prendre des décisions, à établir des normes, sans se poser la question de leur impact sur les compétences et les finances des collectivités.»
Pour y remédier, la Commission Consultative d'Evaluation des Normes, composée d'élus, a été créée.
Elle examinera, pour avis, tous les projets de textes réglementaires susceptibles d'avoir un impact sur les collectivités, avant même leur adoption.
C'est une grande avancée et je sais qu'elle répond à l'une de vos principales préoccupations.
J'en veux pour exemple une étude préalable menée en 2003 par l'ADEME sur 80 % du parc français des incinérateurs qui estimait entre 740 et 930 millions d'euros les dépenses d'investissement des collectivités pour la mise aux normes de tous les incinérateurs.
Je crois que la moindre des choses, ici, est de penser, très en amont, aux conséquences que toute nouvelle norme peut induire sur les collectivités territoriales.
Et d'ailleurs, je connais l'irritation que cette question des normes a souvent suscitée chez les élus.
J'en témoigne personnellement.
Ce mode de travail avec les élus locaux est totalement nouveau et doit fonder un nouveau partenariat entre l'Etat et les collectivités.
Pour ma part, j'ai acquis la conviction que la réponse à apporter doit être recherchée dans de nouvelles modalités de pilotage de l'action et de la dépense publiques et non dans une norme impérative de dépense qui se heurterait immanquablement au principe constitutionnel de libre administration.
Dans ce contexte, permettez moi également d'aborder avec vous la gestion de terrain que vous menez de plus en plus grâce à l'intercommunalité.
Le premier constat que nous pouvons faire est celui d'un incontestable succès des structures intercommunales qui se sont durablement installées dans notre paysage local.
Au 1er janvier 2007, l'intercommunalité concerne exactement 34 414 communes (soit 92 % d'entre elles) et 54 millions d'habitants (soit plus de 86 % de la population française).
Nous comptons désormais 2 400 communautés de communes, 169 communautés d'agglomérations et 14 communautés urbaines.
Au-delà de ces chiffres, je le répète, l'intercommunalité est un succès, et les petites villes se sont pleinement inscrites dans cette dynamique.
Elle se veut un outil d'égalité des territoires en rééquilibrant localement les richesses, en favorisant la mutualisation des moyens et des coûts.
Face aux attentes croissantes de services de la part de nos concitoyens, qu'ils résident en zone urbaine ou dans le monde rural, l'intercommunalité peut être le moyen d'assurer la réalisation de projets structurants que ce soit par exemple en terme de réseaux routiers de proximité, de services pour l'accueil des enfants ou encore d'assainissement.
Mais elle est aussi un mouvement inachevé, comme l'ont souligné le Conseil économique et social et la Cour des comptes.
Elles souffrent parfois de l'absence de pertinence des périmètres retenus ou de définition partielle de l'intérêt communautaire.
Ainsi, l'enjeu du fait intercommunal pour les années à venir n'est plus d'affirmer son enracinement durable, mais de créer les conditions de son développement rationnel car l'intercommunalité assure et renforce la cohérence des politiques publiques locales.
C'est un des grands chantiers que je me suis fixé.
Mesdames et messieurs,
Ma première priorité, et je pense que vous la partagez, est de voir, à termes, la cohérence de la carte intercommunale se renforcer.
Chaque fois que cela est envisageable, la superposition des structures de coopération locales sur un même territoire devra être évitée.
Ces situations, qui, d'une part, pèsent sur les budgets locaux et donc sur les contribuables et, d'autre part, obscurcissent la répartition des responsabilités locales, doivent évoluer.
Si les EPCI à fiscalité propre ont vocation à regrouper la quasi-totalité des communes françaises, la création ou le maintien de syndicats de communes ou de syndicats mixtes ne doivent, quant à eux, être envisagés que lorsque qu'ils sont véritablement justifiés.
La question du maintien des syndicats qui, au fil du temps, ont vu leurs compétences s'amenuiser au profit d'autres EPCI à fiscalité propre doit donc être posée.
De même, je crois qu'il est souhaitable de parvenir à un maillage complet de notre territoire, et qu'il faut encourager les communes isolées à adhérer à une intercommunalité.
Je tiens à ce que cet effort s'accompagne d'une concertation menée par chaque préfet comme ici dans le Lot au travers de l'action de la préfète Madame Marcelle PIERROT.
J'insiste sur cet esprit de concertation auquel je suis très attaché car c'est par l'intérêt commun et la conviction qu'il faut agir dans le respect du droit constitutionnel des communes à s'administrer librement.
Je souhaite proposer au Gouvernement un projet de loi comportant diverses dispositions relatives à la modernisation de la démocratie locale.
Dans ce cadre, j'aborderai notamment la question du mode de désignation des élus intercommunaux?autant d'éléments qui sont indispensables pour ancrer les EPCI dans le schéma républicain et démocratique de notre pays.
Enfin, je voudrais vous dire un mot sur le statut de l'élu, « serpent de mer » qui donne l'impression de rester un sujet d'études et un thème d'assemblées générales.
Vous aviez lors de votre précédente assemblée générale alerté mon collègue et ami Brice HORTEFEUX à ce sujet.
Faut-il réformer le statut de l'élu local ?
Je sais ô combien le renforcement du statut de l'élu local est, selon le rapport de Jean PUECH, sénateur et président de l'observatoire de la décentralisation, indissociable d'une relance de la démocratie locale, base de notre système républicain et de son esprit citoyen.
Le Gouvernement partage tout à fait cette volonté.
Tout d'abord, je rappelle que les dispositions mises en place, bien que perfectibles, constituent déjà un statut de l'élu local, je pense ici aux aspects financiers du statut de l'élu local, à la formation des élus ou encore aux garanties accordées dans le cadre d'un mandat local comme la réinsertion professionnelle, les crédits d'heure ou l'allocation de fin de mandat.
Je suis cependant favorable à ce que nous accélérions la réflexion sur votre statut de l'élu local.
Bénéficier d'une sécurité matérielle et professionnelle, d'une formation et d'une clarification du statut juridique et des responsabilités, sont des conditions indispensables pour garder un tissu électif diversifié à l'image de la société.
Bien évidemment, la bonne gestion d'une collectivité territoriale s'accompagne d'une fonction publique territoriale qui concerne 1,7 millions d'hommes et de femmes qui ont fait le choix, souvent par vocation, de servir nos concitoyens.
Nous devons leur donner tous les moyens d'exercer au mieux leurs missions.
Des avancées notables ont été permises par la loi de modernisation de la fonction publique territoriale du 19 février 2007, grâce notamment à la Reconnaissance de l'Expérience Professionnelle.
Dans ce cadre, trois orientations peuvent désormais être approfondies.
Je pense à la prise en compte de l'expérience professionnelle qui a naturellement vocation à concerner aussi les agents publics eux-mêmes, dans le cadre des concours internes et examens professionnels.
Je pense ensuite à la loi du 19 février 2007 qui vise à étendre à d'autres domaines la reconnaissance de l'expérience professionnelle, tels que l'avancement ou la formation obligatoire.
Je crois enfin que les efforts de formation individuelle fournis par les agents territoriaux doivent être valorisés, notamment lors de l'examen des possibilités de promotions internes.
Ces pistes, vous l'avez compris s'inscrivent dans le vaste chantier de réforme de la fonction publique que le Président de la République a annoncé dans son discours de NANTES le 19 septembre 2007.
Mesdames et messieurs,
C'est un discours de franchise que j'ai souhaité vous tenir à l'occasion de cette assemblée générale.
Ces rendez-vous doivent être pour nous le moyen d'un échange ouvert et constructif.
C'est comme cela que nous construirons l'avenir avec un Gouvernement qui remplira ses obligations :
1. les obligations qu'il a envers l'Union européenne et les engagements pris en 2007 d'atteindre l'équilibre des comptes de la Nation à l'horizon de 2012.
Un effort de l'ensemble des acteurs publics est une nécessité ;
2. les obligations qu'il a envers vos communes de vous permettre d'assumer vos responsabilités au service de nos concitoyens.
Nous en débattrons au cours des prochains mois dans un esprit ouvert et constructif.
A ce titre, je tiens à vous rassurer : la Conférence nationale des exécutifs aura bien lieu à la fin de ce semestre.
Le Gouvernement sera très attentif aux positions qui y seront formulées ainsi qu'à vos propres propositions, c'est-à-dire à la conclusion des travaux d'aujourd'hui.
La démocratie locale à la française est un exemple pour beaucoup de pays notamment grâce à son formidable réseau d'élus que vous constituez et qui marque une sorte « d'exception à la française ».
Cette « démocratie de proximité » que vous incarnez est au c?ur même de notre pacte républicain, et je veux que chaque élu local puisse bénéficier des meilleures conditions pour exercer sa mission.
En tant que maires de petites villes de France, vous représentez l'une des traditions les plus anciennes de la représentation politique dans notre pays.
La France est riche de ses 36 000 communes et des 500 000 élus locaux qui incarnent l'honneur même de la politique : le service des autres, la proximité, l'écoute, et le dévouement.
A nous, à vous de faire vivre cette démocratie de proximité, à nous de la faire prospérer.
Pour ma part, je vous redis toute ma disponibilité et ma mobilisation pour que nous fassions avancer ensemble nos dossiers.
Je vous remercie.Source http://www.interieur.gouv.fr, le 3 juin 2008