Texte intégral
Monsieur le président,
Mesdames et messieurs les députés,
J'ai l'honneur de vous présenter, au nom du gouvernement, un projet de loi relatif à la sécurité quotidienne.
Avec la croissance revenue, chacun mesure mieux les dommages causés par la crise économique et sociale qu'a connue notre pays depuis 30 ans.
Chômage, insécurité : notre modèle d'intégration républicain a été mis à rude épreuve. Fort heureusement, il a, pour l'essentiel, résisté. Si les périodes de crise ont engendré de l'insécurité, le retour à la croissance n'entraîne pas automatiquement une diminution de celle-ci. Il faut s'attaquer à toutes ses causes, sociales, culturelles, familiales, urbaines...
Parce que l'insécurité est une injustice sociale et fragilise le pacte républicain, la lutte contre ce fléau doit s'affirmer comme une priorité essentielle pour tous les responsables publics et, au-delà, mobiliser l'ensemble de la société dans la lutte contre la violence sous toutes ses formes.
Violence des licenciements et du chômage, violence des images véhiculées par les médias, violence engendrée par un habitat parfois dégradé. Les lieux que nous avions pu croire un temps préservés, l'école, la famille, ont - à leur tour - été atteints.
Comment ne pas refuser cette violence, cette insécurité subie, ou ressentie, quand les milieux populaires sont les premiers à en éprouver les effets ? quand ce qui en en jeu, c'est la cohésion sociale et la solidité de notre pacte républicain ?
Dans ce que l'on appelle "pudiquement" les quartiers sensibles ou difficiles, les personnes à faibles et moyens revenus subissent, plus que d'autres, des situations d'insécurité liées à la dégradation du cadre de vie et de l'environnement, à la multiplication d'actes de délinquance et d'incivilités, d'autant plus durement ressentis qu'à l'injustice de l'agression s'ajoute celle de n'avoir pas les moyens, notamment financiers, d'y faire face.
Quand, dans leur vie quotidienne, nos concitoyens ont l'impression que leur sécurité, celle de leur proches, ou celle de leurs biens, est menacée, quand ils subissent des atteintes, quand ils éprouvent le sentiment que la société dans son ensemble peine à trouver des réponses, c'est notre modèle républicain lui-même qui peut se trouver affaibli.
Cette situation, nous ne l'acceptons pas, pas plus que nous n'acceptons l'insécurité.
La sécurité, je l'ai dit et je le réaffirme solennellement ici, c'est l'affaire de toute la société. La sécurité est un devoir essentiel de l'Etat, parce que l'Etat est le garant de la cohésion nationale et qu'il ne saurait concéder ce rôle à d'autres. Pour autant, faut-il que l'Etat assure seul sa mise en oeuvre ?
Je crois avoir largement contribué, avec d'autres, et en tout premier lieu Bruno LE ROUX, votre rapporteur, à faire émerger la notion de " coproduction " de sécurité.
Car la sécurité ne peut pas être de la seule responsabilité de la police ou de la gendarmerie. Elle doit, aujourd'hui, mobiliser l'ensemble des acteurs concernés par la lutte contre la délinquance : police, gendarmerie et justice bien sûr, mais aussi éducation nationale, collectivités territoriales, transporteurs, bailleurs, travailleurs sociaux et associations. Je n'oublie pas, non plus, la sécurité privée, qui est dans l'attente de l'examen et de l'adoption du projet de loi présenté par le gouvernement pour définir son statut.
Chacun doit se sentir concerné, responsabilisé. Le respect de la règle s'apprend dès le plus jeune âge, et ensuite dans tous les actes de la vie en société : dans la famille, à l'école, sur les stades, au sein de l'entreprise, dans les lieux de loisirs ou les transports.
La société civile est souvent magnifiée. Encore faut-il qu'elle ne soit pas défaillante. Si les parents ne transmettent pas à leurs enfants les valeurs et les règles de la vie en société, les conséquences en sont supportées par les institutions publiques qui doivent alors engager une démarche, lourde, de rattrapage, toujours consommatrice en deniers publics.
Une telle situation ne saurait se développer à l'infini, sauf à bouleverser les équilibres entre la sphère de la société civile et celle de la puissance publique.
Pour cela, nous avons commencé à faire travailler ensemble les élus, des professions, des associations, des services publics, et tous les acteurs sociaux, qui n'ont pas encore suffisamment l'habitude d'agir en commun. Mais les clivages institutionnels sont parfois trop marqués pour être dépassés sans une volonté politique forte. Cette volonté, je l'ai ; le gouvernement l'a.
C'est l'ambition du partenariat mis en uvre avec les contrats locaux de sécurité conclus entre l'Etat et les collectivités locales
D'ores et déjà, quelque 550 contrats ont été signés, qui ont permis des progrès considérables en termes de qualité du service rendu à la population, mais aussi en termes d'efficacité. Chacun s'accorde d'ailleurs à le reconnaître.
Le gouvernement a décidé l'organisation de cinq rencontres régionales et d'une rencontre nationale, en juin 2001, pour relancer la mobilisation sur le terrain, la mise en uvre de moyens budgétaires nouveaux (340 millions de francs), et le recrutement de 4 000 emplois d'adultes-relais pour les contrats locaux de sécurité. Ces contrats, il faut les faire vivre, les étendre à de nouveaux domaines : par exemple, la lutte contre la violence dans le sport, ou la sécurité des professionnels de santé qui effectuent un travail difficile dans certains quartiers.
Autant d'initiatives qu'il nous faut développer et encourager pendant la mandature qui s'est ouverte avec les récentes élections municipales.
Pour faire reculer l'insécurité, l'apport des municipalités, et plus généralement des collectivités locales, est indispensable.
Les polices municipales peuvent jouer un rôle utile, dès lors que la loi de 1999 a défini leur régime juridique et encadré leur action par des conventions avec l'Etat.
En revanche, la municipalisation de la police nationale, qui reviendrait à placer les policiers sous l'autorité des maires, ne résoudrait rien. Au contraire, elle créerait la pagaille et aggraverait les inégalités entre les communes ; elle serait sans efficacité face à des phénomènes de violence, caractérisés par une plus grande mobilité de leurs auteurs, qui ignorent évidemment les frontières administratives.
Mieux vaut établir des relations fréquentes, directes, et suivies entre le maire, le commissaire de police, le procureur et le préfet pour coordonner les actions à conduire. Car la lutte pour la sécurité implique des mesures locales concrètes, qui sont de la compétence des communes : réhabilitation d'un urbanisme dégradé, recherche d'une plus grande mixité sociale et urbaine pour casser toute forme de communautarisme ou de ghetto. Cela passe aussi par le soutien aux associations de prévention et la mise en place d'équipements de proximité.
Les maires doivent être, mieux encore, associés à la lutte contre la délinquance et l'insécurité. Les informer systématiquement et régulièrement sur les objectifs poursuivis et sur les résultats obtenus par les services de police et de gendarmerie nationales, recueillir leurs attentes, engager des actions communes avec les services municipaux, sont autant de modes de travail qu'il faut désormais organiser, généraliser, consacrer par la loi. Pour ma part, j'y suis prêt.
J'entends mobiliser les préfets sur cette question et préciser avec eux les modalités selon lesquelles les services de l'Etat, préfets, police, gendarmerie, doivent associer les maires à la mise en uvre de toutes les politiques touchant à la sécurité de proximité.
J'attends des maires, en contrepartie, qu'ils contribuent à cette politique en prenant les mesures qui relèvent de leurs compétences, qu'ils s'associent à l'amélioration du cadre de vie par l'enlèvement des épaves, la réhabilitation ou la construction de logements sociaux, le soutien aux associations. Il ne s'agit pas en effet de modifier les compétences des uns ou des autres ; il s'agit, c'est essentiel, de mieux travailler ensemble.
A ceux qui se tournent vers la police en lui demandant de résoudre tous les problèmes, je répondrai que cette institution, à qui je renouvelle ma confiance, contribue déjà pour une large part à la réduction de l'insécurité, mais qu'elle ne peut répondre, seule, à tous les maux de la société.
A l'initiative de ce gouvernement, elle s'est engagée dans une vraie révolution pour devenir police de proximité, plus efficace parce que plus présente sur le terrain, capable tout autant de prévenir que de réprimer.
Ce que n'avait pas fait le gouvernement de M. JUPPE, préparer l'avenir, anticiper les nécessaires adaptations, le gouvernement de Lionel JOSPIN l'a fait : un effort sans précédent a été consenti depuis 1997 pour renforcer les moyens humains et matériels de la police nationale.
S'agissant des effectifs de police, vous savez qu'après une période difficile de baisse des personnels actifs, faute d'une anticipation de 25 000 départs en retraite par le précédent gouvernement, nous sommes revenus, au début de cette année, seulement au niveau de 1995. Les effectifs actifs augmentent désormais à chaque sortie des écoles de police. Par ailleurs, il ne faut pas oublier que ce gouvernement, en créant les adjoints de sécurité, a permis à la police nationale d'abord de compenser la disparition des policiers auxiliaires à la suite de la suppression du service national, et même de bénéficier d'une augmentation nette de plus de 7 500 personnels par rapport à 1997.
Les crédits de la police nationale, après une stagnation entre 1995 et 1997, ont été fortement augmentés : depuis quatre ans, ils ont crû de 14%. Le budget d'équipement de la police, à lui seul, a augmenté de 33 % sur cette période.
Dès cette année, avec la mise en oeuvre de la deuxième vague de police de proximité, 1 102 secteurs et 3 142 quartiers sont créés, entraînant la création de 616 implantation nouvelles.
L'effectif supplémentaire de policiers actifs affectés dans les circonscriptions de sécurité publique est de l'ordre de 8 %. A l'issue de la mise en oeuvre de la police de proximité début 2002, ce sont quelque 3.300 fonctionnaires supplémentaires qui auront été affectés dans les circonscriptions concernées.
La mise en oeuvre de la police de proximité, pour sa part, a d'ores et déjà mobilisé plus de 400 millions de francs. Il s'agit essentiellement de crédits de fonctionnement pour renforcer les moyens d'intervention des services (scooters, VTT, véhicules, etc) et de crédits immobiliers pour multiplier les implantations de proximité (plus de 1 000 au terme du plan). S'y ajoute la hausse des moyens ouverts pour les transmissions et l'informatique.
Ainsi que l'a annoncé le premier ministre, il faut poursuivre cet effort. L'enjeu le justifie car, contrairement à une idée reçue, les effectifs de la police et de la gendarmerie ne placent pas la France au premier rang des pays européens, et les moyens qui leur sont affectés ne représentent aujourd'hui que 3,3 % du budget total de l'Etat.
Au-delà de la mise en oeuvre de la police de proximité, le temps est venu pour la police nationale de s'engager dans une démarche prospective. Il s'agit non seulement de programmer en termes de moyens la modernisation de la police nationale dans différents domaines, mais également de pouvoir accélérer et amplifier les réformes à conduire, et de préparer la police nationale aux enjeux de demain : adapter l'ensemble des services de police aux exigences de la police de proximité, notamment en développant la déconcentration de sa gestion, prendre en compte les nouvelles attentes en matière de sécurité, anticiper un certain nombre d'évolutions liées notamment aux nouvelles technologies ou à des besoins déjà constatés ou prévisibles.
Cette démarche, je compte bien la conduire.
La sécurité, c'est aussi l'affaire de la justice.
La sanction et la réparation sont intimement liées à l'idée même de sécurité. La justice, bénéficiant de moyens de travail renforcés, doit pouvoir apporter une réponse rapide et adaptée à chaque fait de délinquance. C'est ce qu'attendent les Français.
Il n'est pas à l'ordre du jour de remettre en cause l'équilibre des textes applicables aux mineurs ; il nous faut d'abord les appliquer. Il nous faut, en particulier, trouver des réponses plus efficaces encore aux comportements des mineurs réitérants qui se jouent des règles et des interdits et qui, en bandes, déstabilisent des quartiers entiers.
Les réponses sont dans l'opérationnel, plus que dans le législatif. Préfets et procureurs, magistrats et policiers doivent travailler encore mieux ensemble, sur le terrain, afin d'apporter des réponses concrètes à cette violence. Je m'y emploie, avec Marylise LEBRANCHU.
Des initiatives fortes vont être prises pour renforcer l'efficacité des mesures de lutte contre la délinquance, mieux coordonner l'action des services d'enquête sur le plan local, et rendre plus lisible l'action menée contre les bandes et les trafics locaux.
Les préfets et les procureurs auront ainsi à concevoir et conduire des actions communes, sur des sites où la cohésion sociale est mise en péril par la présence de bandes ou par la prédominance de l'économie souterraine. Ces actions, en nombre significatif, ont commencé d'être engagées, seront développées dans les prochaines semaines, et poursuivies très régulièrement au cours des prochains mois.
L'échange réciproque des informations doit aboutir à des opérations concertées avec l'ensemble des services répressifs, sur des sites bien définis, pour identifier les réseaux de délinquance, désorganiser les bandes et mettre un terme aux trafics qui alimentent une économie souterraine de la délinquance.
La conduite de telles opérations doit associer non seulement l'ensemble des services répressifs, mais être renforcée par d'autres services de l'Etat, comme les douanes ou les services fiscaux, et bénéficier de renforts ponctuels de police ou de gendarmerie. La conduite de cette action publique doit s'appuyer en amont sur la demande de sécurité exprimée par les habitants des quartiers et les élus locaux.
Toute action d'un service d'enquête faisant apparaître une infraction caractérisée doit être suivie d'une réponse judiciaire, qui puisse être compréhensible et lisible par les habitants.
Nous devons aussi inventer de nouvelles formes de prise en charge, dès l'infraction commise, pour que ces jeunes ne restent pas livrés à eux-mêmes et, ensuite, après le prononcé de la sanction, pour que celle-ci ne reste pas sans effet.
Dans cet esprit, ainsi que l'a proposé la Ministre de la Justice lors de la réunion de ministres du 12 avril dernier, les mesures alternatives à l'incarcération vont être développées. A cet effet, les capacités d'accueil des dispositifs non carcéraux vont être augmentées dans les centres de placement immédiat et les centres éducatifs renforcés.
Enfin, nous avons un devoir de transparence, vis à vis des citoyens et de leurs élus, sur la question de la sécurité. C'est comme cela que la société percevra mieux que la sécurité, c'est l'affaire de tous.
Il faut sortir du débat annuel sur les statistiques de la délinquance et mettre en place, à l'instar de ce qui a été fait en matière de chômage, et dans un souci de plus grande transparence, un dispositif qui permette de mieux mesurer la réalité de l'insécurité et l'efficacité de la lutte contre la délinquance.
En effet, les statistiques de la délinquance ne permettent en l'état qu'une approche incomplète de l'insécurité. Tel n'est pas d'ailleurs leur objet, puisqu'elles ont pour vocation de recenser les infractions faisant suite soit à des plaintes, soit à des infractions dont le constat est directement lié à l'activité des services.
Par ailleurs, il est difficile d'établir "un pont" entre les chiffres de la délinquance constatée par la police, et les réponses apportées par l'institution judiciaire.
Afin de mettre au point un nouvel outil de mesure, une mission de préfiguration d'un observatoire de la sécurité va être mise en place dans les semaines qui viennent, sous l'autorité d'une personnalité reconnue.
Je souhaite que cette mission permette, à terme, de disposer d'outils mieux adaptés au suivi de la délinquance, de l'activité des services d'enquête et des suites données par l'institution judiciaire, et, plus globalement, à la mesure de l'insécurité.
Nous avons le souci, Marylise LEBRANCHU et moi-même, de veiller à l'efficacité et à la continuité de la chaîne pénale, de la constatation de l'infraction à l'exécution de la sanction. Nous devons retrouver sa traduction au niveau statistique, comme au niveau opérationnel.
Voilà, en quelques mots, notre conception de la sécurité.
Nous avons un devoir vis à vis de nos concitoyens. Ils nous jugeront sur notre capacité à faire, plus qu'à dire.
Lors des élections municipales, ils ont exprimé une attente forte de tranquillité publique, laquelle recouvre tout autant un besoin de sécurité qu'un besoin de qualité de vie et de dignité.
C'est cette qualité de vie que le gouvernement entend améliorer avec ce projet de loi sur la sécurité quotidienne.
Avant de dire ce qu'est cette loi, permettez-moi de dire ce qu'elle n'est pas :
Ce n'est pas une grande loi d'orientation sur la sécurité, destinée à régler l'ensemble des questions de sécurité en France, questions qui - j'en ai la conviction - ne relèvent pas du domaine législatif, mais plutôt d'une mobilisation de l'ensemble de la société pour lutter, le plus en amont possible, contre les inégalités sociales, pour promouvoir le rôle des parents, de l'école, des élus, des organisations syndicales et professionnelles, des associations, et, parallèlement, pour rendre effectives les sanctions quand elles sont nécessaires.
C'est une loi "technique", au service d'une politique, qui n'a pas d'autre ambition, mais c'est déjà beaucoup, que d'améliorer la vie quotidienne de nos concitoyens en répondant concrètement à leurs difficultés : les commerces d'armes qui peuvent s'ouvrir n'importe où, les animaux dangereux qui constituent une menace permanente dans certains quartiers, les escroqueries à la carte bancaire qui sont insuffisamment réprimées.
C'est la voie qui a été tracée par le conseil de sécurité intérieure du 30 janvier 2001 : pas de loi d'orientation, elle reste lettre morte ou elle est rapidement oubliée. On a connu cela sous une précédente législature. Mais un texte court, aux effets immédiats.
Le projet de loi que j'ai l'honneur de présenter, au nom du gouvernement, devant l'Assemblée nationale est la traduction juridique de ces orientations. Il s'organise autour de quatre points :
- Il renforce en premier lieu l'encadrement du commerce des armes et la mise en sécurité des armes détenues,
- Il étend en deuxième lieu les compétences de police judiciaire des personnels de la police nationale,
- Il permet ensuite de renforcer la lutte contre de nouvelles formes de délinquance, liées à la fraude aux moyens de paiement,
- Enfin, il améliore les modalités de lutte contre l'insécurité, avec des dispositions sur les animaux dangereux et sur la liaison ferroviaire transmanche.
Mesdames et messieurs les députés, presque chaque jour, il est porté à la connaissance du ministre de l'intérieur que je suis, un événement tragique qui montre à quel point le dispositif actuel est insuffisant, en ce qui concerne l'implantation des magasins d'armes, et les modalités d'acquisition, de cession et de détention de ces armes.
Aucune disposition législative ne permet un contrôle de l'implantation d'un établissement de vente d'armes.
Les conditions d'acquisition et de détention des armes font quant à elles l'objet d'une réglementation très stricte, répondant à des impératifs de sécurité. Mais à quoi bon cette réglementation dès lors qu'elle permet la vente en dehors des circuits professionnels ?
Il est urgent de remédier à cela. C'est pourquoi le projet de loi soumis à l'approbation de la représentation nationale prévoit, tout d'abord, un contrôle plus strict des ouvertures de locaux destinés au commerce de détail d'armes, en créant un régime d'autorisation.
Est-il admissible qu'un commerce puisse s'ouvrir n'importe où ? que soient exposées à la vue d'un public, déjà trop sollicité par des images violentes, des armes à feu qui constituent souvent le symbole même de cette violence ? Est-ce cela que nous voulons ?
L'autorisation d'ouverture sera délivrée par le préfet du lieu d'implantation du magasin, qui examinera la demande au regard des mesures de sécurité prévues pour assurer la protection des locaux contre le vol ou les intrusions, et de la localisation du magasin. S'il estime que l'exploitation du magasin présente un risque pour l'ordre ou la sécurité publics, il pourra refuser de délivrer l'autorisation. S'il apparaît, une fois l'autorisation accordée, que l'existence du commerce présente des risques pour l'ordre et la sécurité publics, l'autorisation pourra, bien sûr, être retirée.
En ce qui concerne les magasins déjà installés, la loi donnera au préfet la possibilité de prendre une mesure de fermeture, s'il apparaît que leur exploitation a été à l'origine de troubles répétés à l'ordre et à la sécurité publics, ou que la protection contre les risques de vols ou d'intrusion est insuffisante. Dans ce dernier cas, une mise en demeure sera préalablement adressée à l'exploitant.
Ensuite la loi imposera que les transactions portant sur des matériels, des armes, et des munitions, ne puissent se faire que dans des magasins autorisés. Désormais les professionnels auront l'exclusivité du commerce d'armes neuves ou d'occasion, pour les sept premières catégories.
La vente par correspondance ou à distance sera remplacée par un contact direct entre l'acheteur et le professionnel.
A ceux qui objectent que cela pénalise une activité économique, je répondrai par le coût humain des drames provoqués par un accès trop facile aux armes ; je leur dirai aussi que je préfère un meilleur contrôle des ventes et par conséquent de l'acquisition et de la détention d'armes, à une mesure d'interdiction qui serait inapplicable.
Je souligne pour finir le rôle très positif que les armuriers seront appelés à jouer. Ils constitueront un relais incontournable entre vendeurs et acquéreurs, et favoriseront, par leur expérience et leur compétence, le respect de règles de sécurité élémentaires.
Enfin, des mesures de sécurité, qui seront précisées par décret, accompagneront la détention des armes, afin d'éviter les vols, accidents ou suicides : c'est une façon d'améliorer la sécurité générale.
Car l'insécurité ne se réduit pas à la délinquance. Je ne crois pas qu'il suffise de légiférer sur les armes pour contrer ceux qui ne se soucient pas de la loi. Mais je suis convaincu que tout drame évité contribue à la sécurité : il y a eu près de 4 000 décès par armes à feu en France en 2000, et la grande majorité n'est pas constituée par des meurtres.
Plus personne aujourd'hui ne conteste l'obligation d'attacher sa ceinture de sécurité. Doit-on exiger moins de ceux qui détiennent des armes ? Est-il attentatoire à la liberté d'imposer des mesures simples, pour qu'un enfant ne puisse, à l'insu de ses parents, s'emparer d'une arme et briser involontairement une vie ?
Je ne serai pas le ministre qui aura préféré cette prétendue liberté à la plus élémentaire des responsabilités.
Le deuxième volet du projet favorise l'action de la police nationale sur le terrain, en renforçant les prérogatives de police judiciaire de ses agents.
Aujourd'hui, les fonctionnaires du corps de maîtrise et d'application de la police nationale n'obtiennent la qualité d'agent de police judiciaire que deux ans après leur titularisation.
De même, les adjoints de sécurité n'ont pour l'instant aucune prérogative de police judiciaire, ce qui les empêche d'assister avec toute l'efficacité requise les fonctionnaires des services actifs de la police nationale, en particulier dans le contexte de présence plus active sur la voie publique lié à la police de proximité.
Des choix ont été faits pour améliorer cette situation.
Le conseil de sécurité intérieure du 30 janvier 2001 a préconisé le renforcement des moyens opérationnels mis à la disposition des services de police et de gendarmerie pour leur permettre de mener à bien la généralisation de la police de proximité et lutter contre l'insécurité.
Pour compléter ces mesures, l'attribution de la qualité d'agent de police judiciaire aux agents du corps de maîtrise et d'application, dès titularisation, est une nécessité. C'est la raison pour laquelle je vous propose de modifier l'article 20 du code de procédure pénale.
Dans le même esprit, le gouvernement a, en outre, souhaité donner la qualité d'agent de police judiciaire adjoint aux adjoints de sécurité, en les mentionnant à l'article 21 du code de procédure pénale comme le sont les gendarmes adjoints et les agents de police municipale.
Au sein de la police nationale, les adjoints de sécurité ne constituent en aucune façon des agents de second rang. Affectés à hauteur de 90 % dans les zones sensibles, ils apportent une contribution essentielle au déploiement de la police de proximité, tout en faisant évoluer le métier de policier. Ils contribuent à renforcer le lien entre les citoyens, en particulier les jeunes, et la police. Leur présence est indispensable.
Bien évidemment, leur formation sera approfondie afin qu'ils soient en mesure d'assurer les missions de police judiciaire qui pourront désormais leur être confiées. Elle sera portée de dix semaines actuellement à quatorze semaines, la durée de la formation générale et juridique passant de 145 à 240 heures.
Pour les adjoints de sécurité actuellement en fonction, une formation continue sera également prévue aux mêmes fins.
Deux chiffres méritent d'être rappelés pour apprécier la portée des mesures proposées. L'attribution des prérogatives de police judiciaire aux fonctionnaires du corps de maîtrise et d'application de la police nationale dès leur titularisation permettra de disposer de 9 500 agents de police judiciaire supplémentaires. Plus de 15 000 adjoints de sécurité, devenus agents de police judiciaire adjoints, viendront également renforcer de manière plus opérationnelle les effectifs.
Voulez-vous priver 25 000 fonctionnaires de police des moyens de constater des faits aussi répréhensibles que des chiens dangereux non muselés, des voitures en excès de vitesse, qui sont essentiels pour la sécurité de nos concitoyens ?
Nier la nécessité d'étendre les compétences de police judiciaire, ce serait par trop limiter l'efficacité de la police de proximité, tout spécialement en Ile-de-France où sont affectés de jeunes fonctionnaires. Ce serait l'ensemble de la police nationale, au moment même où sa présence sur le terrain est renforcée, qui en souffrirait.
Le chapitre III du projet de loi comporte des dispositions modifiant le code monétaire et financier.
Selon les informations fournies par le GIE Cartes bancaires, le montant total de la fraude annuelle pour la France est de l'ordre de 1 750 millions de francs.
Les statistiques de la délinquance, quant à elles, laissent apparaître une forte augmentation du nombre de falsifications et usages de cartes de crédit sur les trois dernières années (+ 74 %). De même, les escroqueries et abus de confiance ont fortement progressé depuis deux ans (+ 75 % ), notamment en raison des infractions liées au commerce électronique.
Face aux nouvelles formes de fraudes, les textes en vigueur sont inadaptés : on peut réprimer la fraude, mais non les actes qui concourent à sa réalisation, comme la fabrication, la détention, la mise à disposition de fausses façades de distributeurs automatiques de billets ou d'automates, la récupération et la vente de numéros de cartes bancaires. La fabrication et la libre circulation d'appareils de captation de numéros de cartes bancaires échappent également à toute incrimination. Il en est de même, s'agissant de la libre circulation sur " Internet " de logiciels de création de numéros de cartes bancaires, de décryptage de données sécurisées, ainsi que le piratage de fichiers-clients de sociétés stockant des numéros de cartes bancaires.
De manière plus générale la fabrication, la détention ou la mise à disposition de matériels destinés à la contrefaçon ou la falsification ne peuvent être réprimés que si une fraude ultérieure est commise et qu'un lien entre les deux peut être établi.
Le projet de loi permet, sur ces différents plans, d'améliorer sensiblement la sécurité des utilisateurs de cartes de paiement.
Il est ainsi proposé de compléter le code monétaire et financier en ajoutant le cas d'utilisation frauduleuse de la carte aux motifs d'opposition, pour répondre au cas où le porteur légitime est en possession de sa carte, alors que les éléments nécessaires au paiement qui figurent sur celle-ci ont été dérobés et utilisés frauduleusement, voire largement diffusés.
Compte tenu des atteintes portées ou susceptibles d'être portées, il est nécessaire de donner à la Banque de France compétence pour s'assurer de la sécurité des instruments de paiement. Elle doit également pouvoir évaluer la pertinence des normes de sécurité de ces instruments, adresser des recommandations et, le cas échéant, formuler un avis négatif et le rendre public. Elle doit enfin pouvoir expertiser les fonctions de sécurité des moyens de paiement en question, et se faire communiquer tous les éléments d'information utiles à l'accomplissement de cette mission.
Au plan répressif, la loi rendra désormais possible la poursuite des nouvelles formes de fraude par l'instauration d'une nouvelle incrimination dans le code monétaire et financier : il s'agit du fait "de fabriquer, d'acquérir, de détenir, de céder, d'offrir ou de mettre à disposition des équipements, instruments, programmes informatiques ou données conçus ou spécialement adaptés pour commettre" des actes de contrefaçon et de falsification. Les peines prévues sont un emprisonnement de 7 ans et une amende de 750 000 euros.
Désormais, toutes les typologies de fraude répertoriées par les services répressifs seront susceptibles d'être poursuivies comme telles, de manière efficace.
Il y a aux mesures soumises à l'approbation de la représentation nationale un double intérêt : le nouveau dispositif pénal, en augmentant les cas d'incriminations, est de nature à sécuriser ces nouveaux instruments de paiement et donc permettre leur développement dans des conditions plus fiables. Mais au-delà de cet intérêt évident, c'est la sécurité de nos concitoyens qu'il convient d'améliorer. Je suis convaincu que ces dispositions, conçues de façon étroite entre les services de police qui constatent les infractions, ceux de la justice qui les répriment, et ceux du ministère de l'économie, des finances et de l'industrie, garant de la sécurité des moyens de paiement et des consommateurs, permettront de limiter les atteintes aux biens de nos concitoyens.
J'ai parlé tout à l'heure de coproduction de sécurité. Nous en avons encore une illustration.
Le chapitre IV du projet de loi améliore le dispositif créé par le code rural en ce qui concerne les animaux dangereux.
Le code rural prévoit déjà que, lorsqu'un animal est susceptible de constituer un danger, le maire peut adresser des prescriptions de sécurité à son maître ou à son gardien, prendre une mesure de placement de l'animal et, au terme d'un délai de huit jours, une mesure d'euthanasie de l'animal.
La modification apportée par le projet de loi consiste à permettre au maire ou à défaut au préfet, en cas de danger grave ou immédiat, c'est à dire notamment lorsque des prescriptions de sécurité seraient impossibles à mettre en uvre ou sans objet, de prendre des mesures d'urgence efficaces : placement immédiat et euthanasie à bref délai.
Apporter une réponse immédiate et efficace aux situations de danger liées à la présence d'animaux dangereux, c'est contribuer à la sécurité de nos concitoyens.
Soucieux de tenir les engagements internationaux pris à Cahors, le gouvernement a, par ailleurs, ajouté à ce projet de loi une disposition permettant de lutter contre l'immigration irrégulière en Grande-Bretagne : les titres de circulation transfrontalière des personnes empruntant les trains internationaux à destination du Royaume-Uni feront l'objet d'un contrôle dès la montée dans le train, pour éviter qu'une filière d'immigration clandestine ne se constitue en utilisant les trains EUROSTAR.
Selon les autorités britanniques, le nombre d'étrangers qui gagnent illégalement le Royaume Uni par la voie ferroviaire s'est élevé, en 2000, à 6 971 personnes.
Cette liaison ferroviaire pose des problèmes spécifiques qui nécessitent des solutions adaptées à une situation qui n'existait pas lors de la signature des textes initiaux.
Le protocole additionnel au protocole de Sangatte entre le gouvernement de la République française et le gouvernement du Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d'Irlande du Nord, signé à Bruxelles le 30 mai 2000 dont vous examinez par ailleurs le texte de ratification, répond, certes, en partie, au problème posé, mais ne résout pas la question des passagers qui, empruntant la liaison ferroviaire munis d'un billet pour une gare française, notamment Calais, se rendent en fait au Royaume Uni.
Le projet de loi prévoit que les passagers qui se rendent à Calais, embarquant en France dans des trains à destination du Royaume-Uni, peuvent être assujettis à un contrôle frontalier à l'embarquement. Ils en seront informés lors de l'achat de leur titre de transport.
En approuvant cela, vous permettrez de lutter contre l'action des filières criminelles d'immigration clandestine qui, vous le savez, ont déjà été à la source de trop nombreuses victimes à la frontière.
Telles sont les grandes lignes du projet de loi que j'ai l'honneur de soumettre, au nom du Gouvernement, à l'Assemblée Nationale, en souhaitant que celle-ci partage les solutions proposées pour améliorer la sécurité quotidienne de nos concitoyens.
Je tiens à rendre hommage au travail accompli par la commission des lois et Bruno LE ROUX, rapporteur du projet de loi. Le travail réalisé par Jean-Pierre BRARD au nom de la commission des finances doit également être souligné.
Le gouvernement est, bien entendu, ouvert aux amendements qui pourraient enrichir ce texte. Je veux toutefois en indiquer les limites, pour éclairer la suite du débat.
Je m'opposerai, au nom du gouvernement, à tout amendement qui remettrait en cause l'équilibre des textes applicables aux mineurs ; de la même façon, ce texte ne saurait avoir pour vocation de modifier la répartition des compétences entre l'Etat et les collectivités locales.
Je souhaite que ce texte contribue à améliorer la qualité de vie de nos concitoyens, parce que c'est cette demande qui se manifeste au travers de l'exigence de sécurité et de tranquillité publiques. Il y a des impatiences légitimes.
Chacun doit être conscient de ses responsabilités dans le combat contre la violence et le refus de toute impunité.
C'est pour le ministre de l'intérieur la priorité absolue. Je mènerai à son terme la réforme en profondeur que constitue la police de proximité, qui doit transformer les conditions d'intervention de tous les services de police. Je continuerai à prescrire à la police de travailler de concert avec la justice, parce que ce mode d'organisation est indispensable à la continuité et à l'efficacité de la chaîne pénale.
Sans reculer en quoi que ce soit sur le caractère régalien de certaines compétences, je m'engage à poursuivre dans la voie du partenariat et de la coproduction de sécurité.
Le Gouvernement, sous l'autorité de Lionel JOSPIN, a pris et prendra ses responsabilités, mais il faut aussi une mobilisation collective de toutes les forces de la Nation pour assurer partout la sécurité. C'est le gage de la tranquillité pour tous.
Mesdames et messieurs les députés, nous ne devons pas nous épuiser dans des discussions stériles où les arrières pensées prennent le pas sur l'intérêt général. Il en va de la liberté, qui ne peut s'épanouir là où règne la loi du plus fort ; il en va de la cohésion nationale.
Un pacte comme notre pacte républicain ne peut être bâti que sur la confiance. C'est cette confiance des citoyens dans leur société, dans leurs institutions, dans la capacité de leurs responsables politiques à apporter des réponses concrètes aux difficultés concrètes, qu'il nous faut, ensemble, restaurer.
(source http://www.interieur.gouv.fr, le 30 avril 2001)
Mesdames et messieurs les députés,
J'ai l'honneur de vous présenter, au nom du gouvernement, un projet de loi relatif à la sécurité quotidienne.
Avec la croissance revenue, chacun mesure mieux les dommages causés par la crise économique et sociale qu'a connue notre pays depuis 30 ans.
Chômage, insécurité : notre modèle d'intégration républicain a été mis à rude épreuve. Fort heureusement, il a, pour l'essentiel, résisté. Si les périodes de crise ont engendré de l'insécurité, le retour à la croissance n'entraîne pas automatiquement une diminution de celle-ci. Il faut s'attaquer à toutes ses causes, sociales, culturelles, familiales, urbaines...
Parce que l'insécurité est une injustice sociale et fragilise le pacte républicain, la lutte contre ce fléau doit s'affirmer comme une priorité essentielle pour tous les responsables publics et, au-delà, mobiliser l'ensemble de la société dans la lutte contre la violence sous toutes ses formes.
Violence des licenciements et du chômage, violence des images véhiculées par les médias, violence engendrée par un habitat parfois dégradé. Les lieux que nous avions pu croire un temps préservés, l'école, la famille, ont - à leur tour - été atteints.
Comment ne pas refuser cette violence, cette insécurité subie, ou ressentie, quand les milieux populaires sont les premiers à en éprouver les effets ? quand ce qui en en jeu, c'est la cohésion sociale et la solidité de notre pacte républicain ?
Dans ce que l'on appelle "pudiquement" les quartiers sensibles ou difficiles, les personnes à faibles et moyens revenus subissent, plus que d'autres, des situations d'insécurité liées à la dégradation du cadre de vie et de l'environnement, à la multiplication d'actes de délinquance et d'incivilités, d'autant plus durement ressentis qu'à l'injustice de l'agression s'ajoute celle de n'avoir pas les moyens, notamment financiers, d'y faire face.
Quand, dans leur vie quotidienne, nos concitoyens ont l'impression que leur sécurité, celle de leur proches, ou celle de leurs biens, est menacée, quand ils subissent des atteintes, quand ils éprouvent le sentiment que la société dans son ensemble peine à trouver des réponses, c'est notre modèle républicain lui-même qui peut se trouver affaibli.
Cette situation, nous ne l'acceptons pas, pas plus que nous n'acceptons l'insécurité.
La sécurité, je l'ai dit et je le réaffirme solennellement ici, c'est l'affaire de toute la société. La sécurité est un devoir essentiel de l'Etat, parce que l'Etat est le garant de la cohésion nationale et qu'il ne saurait concéder ce rôle à d'autres. Pour autant, faut-il que l'Etat assure seul sa mise en oeuvre ?
Je crois avoir largement contribué, avec d'autres, et en tout premier lieu Bruno LE ROUX, votre rapporteur, à faire émerger la notion de " coproduction " de sécurité.
Car la sécurité ne peut pas être de la seule responsabilité de la police ou de la gendarmerie. Elle doit, aujourd'hui, mobiliser l'ensemble des acteurs concernés par la lutte contre la délinquance : police, gendarmerie et justice bien sûr, mais aussi éducation nationale, collectivités territoriales, transporteurs, bailleurs, travailleurs sociaux et associations. Je n'oublie pas, non plus, la sécurité privée, qui est dans l'attente de l'examen et de l'adoption du projet de loi présenté par le gouvernement pour définir son statut.
Chacun doit se sentir concerné, responsabilisé. Le respect de la règle s'apprend dès le plus jeune âge, et ensuite dans tous les actes de la vie en société : dans la famille, à l'école, sur les stades, au sein de l'entreprise, dans les lieux de loisirs ou les transports.
La société civile est souvent magnifiée. Encore faut-il qu'elle ne soit pas défaillante. Si les parents ne transmettent pas à leurs enfants les valeurs et les règles de la vie en société, les conséquences en sont supportées par les institutions publiques qui doivent alors engager une démarche, lourde, de rattrapage, toujours consommatrice en deniers publics.
Une telle situation ne saurait se développer à l'infini, sauf à bouleverser les équilibres entre la sphère de la société civile et celle de la puissance publique.
Pour cela, nous avons commencé à faire travailler ensemble les élus, des professions, des associations, des services publics, et tous les acteurs sociaux, qui n'ont pas encore suffisamment l'habitude d'agir en commun. Mais les clivages institutionnels sont parfois trop marqués pour être dépassés sans une volonté politique forte. Cette volonté, je l'ai ; le gouvernement l'a.
C'est l'ambition du partenariat mis en uvre avec les contrats locaux de sécurité conclus entre l'Etat et les collectivités locales
D'ores et déjà, quelque 550 contrats ont été signés, qui ont permis des progrès considérables en termes de qualité du service rendu à la population, mais aussi en termes d'efficacité. Chacun s'accorde d'ailleurs à le reconnaître.
Le gouvernement a décidé l'organisation de cinq rencontres régionales et d'une rencontre nationale, en juin 2001, pour relancer la mobilisation sur le terrain, la mise en uvre de moyens budgétaires nouveaux (340 millions de francs), et le recrutement de 4 000 emplois d'adultes-relais pour les contrats locaux de sécurité. Ces contrats, il faut les faire vivre, les étendre à de nouveaux domaines : par exemple, la lutte contre la violence dans le sport, ou la sécurité des professionnels de santé qui effectuent un travail difficile dans certains quartiers.
Autant d'initiatives qu'il nous faut développer et encourager pendant la mandature qui s'est ouverte avec les récentes élections municipales.
Pour faire reculer l'insécurité, l'apport des municipalités, et plus généralement des collectivités locales, est indispensable.
Les polices municipales peuvent jouer un rôle utile, dès lors que la loi de 1999 a défini leur régime juridique et encadré leur action par des conventions avec l'Etat.
En revanche, la municipalisation de la police nationale, qui reviendrait à placer les policiers sous l'autorité des maires, ne résoudrait rien. Au contraire, elle créerait la pagaille et aggraverait les inégalités entre les communes ; elle serait sans efficacité face à des phénomènes de violence, caractérisés par une plus grande mobilité de leurs auteurs, qui ignorent évidemment les frontières administratives.
Mieux vaut établir des relations fréquentes, directes, et suivies entre le maire, le commissaire de police, le procureur et le préfet pour coordonner les actions à conduire. Car la lutte pour la sécurité implique des mesures locales concrètes, qui sont de la compétence des communes : réhabilitation d'un urbanisme dégradé, recherche d'une plus grande mixité sociale et urbaine pour casser toute forme de communautarisme ou de ghetto. Cela passe aussi par le soutien aux associations de prévention et la mise en place d'équipements de proximité.
Les maires doivent être, mieux encore, associés à la lutte contre la délinquance et l'insécurité. Les informer systématiquement et régulièrement sur les objectifs poursuivis et sur les résultats obtenus par les services de police et de gendarmerie nationales, recueillir leurs attentes, engager des actions communes avec les services municipaux, sont autant de modes de travail qu'il faut désormais organiser, généraliser, consacrer par la loi. Pour ma part, j'y suis prêt.
J'entends mobiliser les préfets sur cette question et préciser avec eux les modalités selon lesquelles les services de l'Etat, préfets, police, gendarmerie, doivent associer les maires à la mise en uvre de toutes les politiques touchant à la sécurité de proximité.
J'attends des maires, en contrepartie, qu'ils contribuent à cette politique en prenant les mesures qui relèvent de leurs compétences, qu'ils s'associent à l'amélioration du cadre de vie par l'enlèvement des épaves, la réhabilitation ou la construction de logements sociaux, le soutien aux associations. Il ne s'agit pas en effet de modifier les compétences des uns ou des autres ; il s'agit, c'est essentiel, de mieux travailler ensemble.
A ceux qui se tournent vers la police en lui demandant de résoudre tous les problèmes, je répondrai que cette institution, à qui je renouvelle ma confiance, contribue déjà pour une large part à la réduction de l'insécurité, mais qu'elle ne peut répondre, seule, à tous les maux de la société.
A l'initiative de ce gouvernement, elle s'est engagée dans une vraie révolution pour devenir police de proximité, plus efficace parce que plus présente sur le terrain, capable tout autant de prévenir que de réprimer.
Ce que n'avait pas fait le gouvernement de M. JUPPE, préparer l'avenir, anticiper les nécessaires adaptations, le gouvernement de Lionel JOSPIN l'a fait : un effort sans précédent a été consenti depuis 1997 pour renforcer les moyens humains et matériels de la police nationale.
S'agissant des effectifs de police, vous savez qu'après une période difficile de baisse des personnels actifs, faute d'une anticipation de 25 000 départs en retraite par le précédent gouvernement, nous sommes revenus, au début de cette année, seulement au niveau de 1995. Les effectifs actifs augmentent désormais à chaque sortie des écoles de police. Par ailleurs, il ne faut pas oublier que ce gouvernement, en créant les adjoints de sécurité, a permis à la police nationale d'abord de compenser la disparition des policiers auxiliaires à la suite de la suppression du service national, et même de bénéficier d'une augmentation nette de plus de 7 500 personnels par rapport à 1997.
Les crédits de la police nationale, après une stagnation entre 1995 et 1997, ont été fortement augmentés : depuis quatre ans, ils ont crû de 14%. Le budget d'équipement de la police, à lui seul, a augmenté de 33 % sur cette période.
Dès cette année, avec la mise en oeuvre de la deuxième vague de police de proximité, 1 102 secteurs et 3 142 quartiers sont créés, entraînant la création de 616 implantation nouvelles.
L'effectif supplémentaire de policiers actifs affectés dans les circonscriptions de sécurité publique est de l'ordre de 8 %. A l'issue de la mise en oeuvre de la police de proximité début 2002, ce sont quelque 3.300 fonctionnaires supplémentaires qui auront été affectés dans les circonscriptions concernées.
La mise en oeuvre de la police de proximité, pour sa part, a d'ores et déjà mobilisé plus de 400 millions de francs. Il s'agit essentiellement de crédits de fonctionnement pour renforcer les moyens d'intervention des services (scooters, VTT, véhicules, etc) et de crédits immobiliers pour multiplier les implantations de proximité (plus de 1 000 au terme du plan). S'y ajoute la hausse des moyens ouverts pour les transmissions et l'informatique.
Ainsi que l'a annoncé le premier ministre, il faut poursuivre cet effort. L'enjeu le justifie car, contrairement à une idée reçue, les effectifs de la police et de la gendarmerie ne placent pas la France au premier rang des pays européens, et les moyens qui leur sont affectés ne représentent aujourd'hui que 3,3 % du budget total de l'Etat.
Au-delà de la mise en oeuvre de la police de proximité, le temps est venu pour la police nationale de s'engager dans une démarche prospective. Il s'agit non seulement de programmer en termes de moyens la modernisation de la police nationale dans différents domaines, mais également de pouvoir accélérer et amplifier les réformes à conduire, et de préparer la police nationale aux enjeux de demain : adapter l'ensemble des services de police aux exigences de la police de proximité, notamment en développant la déconcentration de sa gestion, prendre en compte les nouvelles attentes en matière de sécurité, anticiper un certain nombre d'évolutions liées notamment aux nouvelles technologies ou à des besoins déjà constatés ou prévisibles.
Cette démarche, je compte bien la conduire.
La sécurité, c'est aussi l'affaire de la justice.
La sanction et la réparation sont intimement liées à l'idée même de sécurité. La justice, bénéficiant de moyens de travail renforcés, doit pouvoir apporter une réponse rapide et adaptée à chaque fait de délinquance. C'est ce qu'attendent les Français.
Il n'est pas à l'ordre du jour de remettre en cause l'équilibre des textes applicables aux mineurs ; il nous faut d'abord les appliquer. Il nous faut, en particulier, trouver des réponses plus efficaces encore aux comportements des mineurs réitérants qui se jouent des règles et des interdits et qui, en bandes, déstabilisent des quartiers entiers.
Les réponses sont dans l'opérationnel, plus que dans le législatif. Préfets et procureurs, magistrats et policiers doivent travailler encore mieux ensemble, sur le terrain, afin d'apporter des réponses concrètes à cette violence. Je m'y emploie, avec Marylise LEBRANCHU.
Des initiatives fortes vont être prises pour renforcer l'efficacité des mesures de lutte contre la délinquance, mieux coordonner l'action des services d'enquête sur le plan local, et rendre plus lisible l'action menée contre les bandes et les trafics locaux.
Les préfets et les procureurs auront ainsi à concevoir et conduire des actions communes, sur des sites où la cohésion sociale est mise en péril par la présence de bandes ou par la prédominance de l'économie souterraine. Ces actions, en nombre significatif, ont commencé d'être engagées, seront développées dans les prochaines semaines, et poursuivies très régulièrement au cours des prochains mois.
L'échange réciproque des informations doit aboutir à des opérations concertées avec l'ensemble des services répressifs, sur des sites bien définis, pour identifier les réseaux de délinquance, désorganiser les bandes et mettre un terme aux trafics qui alimentent une économie souterraine de la délinquance.
La conduite de telles opérations doit associer non seulement l'ensemble des services répressifs, mais être renforcée par d'autres services de l'Etat, comme les douanes ou les services fiscaux, et bénéficier de renforts ponctuels de police ou de gendarmerie. La conduite de cette action publique doit s'appuyer en amont sur la demande de sécurité exprimée par les habitants des quartiers et les élus locaux.
Toute action d'un service d'enquête faisant apparaître une infraction caractérisée doit être suivie d'une réponse judiciaire, qui puisse être compréhensible et lisible par les habitants.
Nous devons aussi inventer de nouvelles formes de prise en charge, dès l'infraction commise, pour que ces jeunes ne restent pas livrés à eux-mêmes et, ensuite, après le prononcé de la sanction, pour que celle-ci ne reste pas sans effet.
Dans cet esprit, ainsi que l'a proposé la Ministre de la Justice lors de la réunion de ministres du 12 avril dernier, les mesures alternatives à l'incarcération vont être développées. A cet effet, les capacités d'accueil des dispositifs non carcéraux vont être augmentées dans les centres de placement immédiat et les centres éducatifs renforcés.
Enfin, nous avons un devoir de transparence, vis à vis des citoyens et de leurs élus, sur la question de la sécurité. C'est comme cela que la société percevra mieux que la sécurité, c'est l'affaire de tous.
Il faut sortir du débat annuel sur les statistiques de la délinquance et mettre en place, à l'instar de ce qui a été fait en matière de chômage, et dans un souci de plus grande transparence, un dispositif qui permette de mieux mesurer la réalité de l'insécurité et l'efficacité de la lutte contre la délinquance.
En effet, les statistiques de la délinquance ne permettent en l'état qu'une approche incomplète de l'insécurité. Tel n'est pas d'ailleurs leur objet, puisqu'elles ont pour vocation de recenser les infractions faisant suite soit à des plaintes, soit à des infractions dont le constat est directement lié à l'activité des services.
Par ailleurs, il est difficile d'établir "un pont" entre les chiffres de la délinquance constatée par la police, et les réponses apportées par l'institution judiciaire.
Afin de mettre au point un nouvel outil de mesure, une mission de préfiguration d'un observatoire de la sécurité va être mise en place dans les semaines qui viennent, sous l'autorité d'une personnalité reconnue.
Je souhaite que cette mission permette, à terme, de disposer d'outils mieux adaptés au suivi de la délinquance, de l'activité des services d'enquête et des suites données par l'institution judiciaire, et, plus globalement, à la mesure de l'insécurité.
Nous avons le souci, Marylise LEBRANCHU et moi-même, de veiller à l'efficacité et à la continuité de la chaîne pénale, de la constatation de l'infraction à l'exécution de la sanction. Nous devons retrouver sa traduction au niveau statistique, comme au niveau opérationnel.
Voilà, en quelques mots, notre conception de la sécurité.
Nous avons un devoir vis à vis de nos concitoyens. Ils nous jugeront sur notre capacité à faire, plus qu'à dire.
Lors des élections municipales, ils ont exprimé une attente forte de tranquillité publique, laquelle recouvre tout autant un besoin de sécurité qu'un besoin de qualité de vie et de dignité.
C'est cette qualité de vie que le gouvernement entend améliorer avec ce projet de loi sur la sécurité quotidienne.
Avant de dire ce qu'est cette loi, permettez-moi de dire ce qu'elle n'est pas :
Ce n'est pas une grande loi d'orientation sur la sécurité, destinée à régler l'ensemble des questions de sécurité en France, questions qui - j'en ai la conviction - ne relèvent pas du domaine législatif, mais plutôt d'une mobilisation de l'ensemble de la société pour lutter, le plus en amont possible, contre les inégalités sociales, pour promouvoir le rôle des parents, de l'école, des élus, des organisations syndicales et professionnelles, des associations, et, parallèlement, pour rendre effectives les sanctions quand elles sont nécessaires.
C'est une loi "technique", au service d'une politique, qui n'a pas d'autre ambition, mais c'est déjà beaucoup, que d'améliorer la vie quotidienne de nos concitoyens en répondant concrètement à leurs difficultés : les commerces d'armes qui peuvent s'ouvrir n'importe où, les animaux dangereux qui constituent une menace permanente dans certains quartiers, les escroqueries à la carte bancaire qui sont insuffisamment réprimées.
C'est la voie qui a été tracée par le conseil de sécurité intérieure du 30 janvier 2001 : pas de loi d'orientation, elle reste lettre morte ou elle est rapidement oubliée. On a connu cela sous une précédente législature. Mais un texte court, aux effets immédiats.
Le projet de loi que j'ai l'honneur de présenter, au nom du gouvernement, devant l'Assemblée nationale est la traduction juridique de ces orientations. Il s'organise autour de quatre points :
- Il renforce en premier lieu l'encadrement du commerce des armes et la mise en sécurité des armes détenues,
- Il étend en deuxième lieu les compétences de police judiciaire des personnels de la police nationale,
- Il permet ensuite de renforcer la lutte contre de nouvelles formes de délinquance, liées à la fraude aux moyens de paiement,
- Enfin, il améliore les modalités de lutte contre l'insécurité, avec des dispositions sur les animaux dangereux et sur la liaison ferroviaire transmanche.
Mesdames et messieurs les députés, presque chaque jour, il est porté à la connaissance du ministre de l'intérieur que je suis, un événement tragique qui montre à quel point le dispositif actuel est insuffisant, en ce qui concerne l'implantation des magasins d'armes, et les modalités d'acquisition, de cession et de détention de ces armes.
Aucune disposition législative ne permet un contrôle de l'implantation d'un établissement de vente d'armes.
Les conditions d'acquisition et de détention des armes font quant à elles l'objet d'une réglementation très stricte, répondant à des impératifs de sécurité. Mais à quoi bon cette réglementation dès lors qu'elle permet la vente en dehors des circuits professionnels ?
Il est urgent de remédier à cela. C'est pourquoi le projet de loi soumis à l'approbation de la représentation nationale prévoit, tout d'abord, un contrôle plus strict des ouvertures de locaux destinés au commerce de détail d'armes, en créant un régime d'autorisation.
Est-il admissible qu'un commerce puisse s'ouvrir n'importe où ? que soient exposées à la vue d'un public, déjà trop sollicité par des images violentes, des armes à feu qui constituent souvent le symbole même de cette violence ? Est-ce cela que nous voulons ?
L'autorisation d'ouverture sera délivrée par le préfet du lieu d'implantation du magasin, qui examinera la demande au regard des mesures de sécurité prévues pour assurer la protection des locaux contre le vol ou les intrusions, et de la localisation du magasin. S'il estime que l'exploitation du magasin présente un risque pour l'ordre ou la sécurité publics, il pourra refuser de délivrer l'autorisation. S'il apparaît, une fois l'autorisation accordée, que l'existence du commerce présente des risques pour l'ordre et la sécurité publics, l'autorisation pourra, bien sûr, être retirée.
En ce qui concerne les magasins déjà installés, la loi donnera au préfet la possibilité de prendre une mesure de fermeture, s'il apparaît que leur exploitation a été à l'origine de troubles répétés à l'ordre et à la sécurité publics, ou que la protection contre les risques de vols ou d'intrusion est insuffisante. Dans ce dernier cas, une mise en demeure sera préalablement adressée à l'exploitant.
Ensuite la loi imposera que les transactions portant sur des matériels, des armes, et des munitions, ne puissent se faire que dans des magasins autorisés. Désormais les professionnels auront l'exclusivité du commerce d'armes neuves ou d'occasion, pour les sept premières catégories.
La vente par correspondance ou à distance sera remplacée par un contact direct entre l'acheteur et le professionnel.
A ceux qui objectent que cela pénalise une activité économique, je répondrai par le coût humain des drames provoqués par un accès trop facile aux armes ; je leur dirai aussi que je préfère un meilleur contrôle des ventes et par conséquent de l'acquisition et de la détention d'armes, à une mesure d'interdiction qui serait inapplicable.
Je souligne pour finir le rôle très positif que les armuriers seront appelés à jouer. Ils constitueront un relais incontournable entre vendeurs et acquéreurs, et favoriseront, par leur expérience et leur compétence, le respect de règles de sécurité élémentaires.
Enfin, des mesures de sécurité, qui seront précisées par décret, accompagneront la détention des armes, afin d'éviter les vols, accidents ou suicides : c'est une façon d'améliorer la sécurité générale.
Car l'insécurité ne se réduit pas à la délinquance. Je ne crois pas qu'il suffise de légiférer sur les armes pour contrer ceux qui ne se soucient pas de la loi. Mais je suis convaincu que tout drame évité contribue à la sécurité : il y a eu près de 4 000 décès par armes à feu en France en 2000, et la grande majorité n'est pas constituée par des meurtres.
Plus personne aujourd'hui ne conteste l'obligation d'attacher sa ceinture de sécurité. Doit-on exiger moins de ceux qui détiennent des armes ? Est-il attentatoire à la liberté d'imposer des mesures simples, pour qu'un enfant ne puisse, à l'insu de ses parents, s'emparer d'une arme et briser involontairement une vie ?
Je ne serai pas le ministre qui aura préféré cette prétendue liberté à la plus élémentaire des responsabilités.
Le deuxième volet du projet favorise l'action de la police nationale sur le terrain, en renforçant les prérogatives de police judiciaire de ses agents.
Aujourd'hui, les fonctionnaires du corps de maîtrise et d'application de la police nationale n'obtiennent la qualité d'agent de police judiciaire que deux ans après leur titularisation.
De même, les adjoints de sécurité n'ont pour l'instant aucune prérogative de police judiciaire, ce qui les empêche d'assister avec toute l'efficacité requise les fonctionnaires des services actifs de la police nationale, en particulier dans le contexte de présence plus active sur la voie publique lié à la police de proximité.
Des choix ont été faits pour améliorer cette situation.
Le conseil de sécurité intérieure du 30 janvier 2001 a préconisé le renforcement des moyens opérationnels mis à la disposition des services de police et de gendarmerie pour leur permettre de mener à bien la généralisation de la police de proximité et lutter contre l'insécurité.
Pour compléter ces mesures, l'attribution de la qualité d'agent de police judiciaire aux agents du corps de maîtrise et d'application, dès titularisation, est une nécessité. C'est la raison pour laquelle je vous propose de modifier l'article 20 du code de procédure pénale.
Dans le même esprit, le gouvernement a, en outre, souhaité donner la qualité d'agent de police judiciaire adjoint aux adjoints de sécurité, en les mentionnant à l'article 21 du code de procédure pénale comme le sont les gendarmes adjoints et les agents de police municipale.
Au sein de la police nationale, les adjoints de sécurité ne constituent en aucune façon des agents de second rang. Affectés à hauteur de 90 % dans les zones sensibles, ils apportent une contribution essentielle au déploiement de la police de proximité, tout en faisant évoluer le métier de policier. Ils contribuent à renforcer le lien entre les citoyens, en particulier les jeunes, et la police. Leur présence est indispensable.
Bien évidemment, leur formation sera approfondie afin qu'ils soient en mesure d'assurer les missions de police judiciaire qui pourront désormais leur être confiées. Elle sera portée de dix semaines actuellement à quatorze semaines, la durée de la formation générale et juridique passant de 145 à 240 heures.
Pour les adjoints de sécurité actuellement en fonction, une formation continue sera également prévue aux mêmes fins.
Deux chiffres méritent d'être rappelés pour apprécier la portée des mesures proposées. L'attribution des prérogatives de police judiciaire aux fonctionnaires du corps de maîtrise et d'application de la police nationale dès leur titularisation permettra de disposer de 9 500 agents de police judiciaire supplémentaires. Plus de 15 000 adjoints de sécurité, devenus agents de police judiciaire adjoints, viendront également renforcer de manière plus opérationnelle les effectifs.
Voulez-vous priver 25 000 fonctionnaires de police des moyens de constater des faits aussi répréhensibles que des chiens dangereux non muselés, des voitures en excès de vitesse, qui sont essentiels pour la sécurité de nos concitoyens ?
Nier la nécessité d'étendre les compétences de police judiciaire, ce serait par trop limiter l'efficacité de la police de proximité, tout spécialement en Ile-de-France où sont affectés de jeunes fonctionnaires. Ce serait l'ensemble de la police nationale, au moment même où sa présence sur le terrain est renforcée, qui en souffrirait.
Le chapitre III du projet de loi comporte des dispositions modifiant le code monétaire et financier.
Selon les informations fournies par le GIE Cartes bancaires, le montant total de la fraude annuelle pour la France est de l'ordre de 1 750 millions de francs.
Les statistiques de la délinquance, quant à elles, laissent apparaître une forte augmentation du nombre de falsifications et usages de cartes de crédit sur les trois dernières années (+ 74 %). De même, les escroqueries et abus de confiance ont fortement progressé depuis deux ans (+ 75 % ), notamment en raison des infractions liées au commerce électronique.
Face aux nouvelles formes de fraudes, les textes en vigueur sont inadaptés : on peut réprimer la fraude, mais non les actes qui concourent à sa réalisation, comme la fabrication, la détention, la mise à disposition de fausses façades de distributeurs automatiques de billets ou d'automates, la récupération et la vente de numéros de cartes bancaires. La fabrication et la libre circulation d'appareils de captation de numéros de cartes bancaires échappent également à toute incrimination. Il en est de même, s'agissant de la libre circulation sur " Internet " de logiciels de création de numéros de cartes bancaires, de décryptage de données sécurisées, ainsi que le piratage de fichiers-clients de sociétés stockant des numéros de cartes bancaires.
De manière plus générale la fabrication, la détention ou la mise à disposition de matériels destinés à la contrefaçon ou la falsification ne peuvent être réprimés que si une fraude ultérieure est commise et qu'un lien entre les deux peut être établi.
Le projet de loi permet, sur ces différents plans, d'améliorer sensiblement la sécurité des utilisateurs de cartes de paiement.
Il est ainsi proposé de compléter le code monétaire et financier en ajoutant le cas d'utilisation frauduleuse de la carte aux motifs d'opposition, pour répondre au cas où le porteur légitime est en possession de sa carte, alors que les éléments nécessaires au paiement qui figurent sur celle-ci ont été dérobés et utilisés frauduleusement, voire largement diffusés.
Compte tenu des atteintes portées ou susceptibles d'être portées, il est nécessaire de donner à la Banque de France compétence pour s'assurer de la sécurité des instruments de paiement. Elle doit également pouvoir évaluer la pertinence des normes de sécurité de ces instruments, adresser des recommandations et, le cas échéant, formuler un avis négatif et le rendre public. Elle doit enfin pouvoir expertiser les fonctions de sécurité des moyens de paiement en question, et se faire communiquer tous les éléments d'information utiles à l'accomplissement de cette mission.
Au plan répressif, la loi rendra désormais possible la poursuite des nouvelles formes de fraude par l'instauration d'une nouvelle incrimination dans le code monétaire et financier : il s'agit du fait "de fabriquer, d'acquérir, de détenir, de céder, d'offrir ou de mettre à disposition des équipements, instruments, programmes informatiques ou données conçus ou spécialement adaptés pour commettre" des actes de contrefaçon et de falsification. Les peines prévues sont un emprisonnement de 7 ans et une amende de 750 000 euros.
Désormais, toutes les typologies de fraude répertoriées par les services répressifs seront susceptibles d'être poursuivies comme telles, de manière efficace.
Il y a aux mesures soumises à l'approbation de la représentation nationale un double intérêt : le nouveau dispositif pénal, en augmentant les cas d'incriminations, est de nature à sécuriser ces nouveaux instruments de paiement et donc permettre leur développement dans des conditions plus fiables. Mais au-delà de cet intérêt évident, c'est la sécurité de nos concitoyens qu'il convient d'améliorer. Je suis convaincu que ces dispositions, conçues de façon étroite entre les services de police qui constatent les infractions, ceux de la justice qui les répriment, et ceux du ministère de l'économie, des finances et de l'industrie, garant de la sécurité des moyens de paiement et des consommateurs, permettront de limiter les atteintes aux biens de nos concitoyens.
J'ai parlé tout à l'heure de coproduction de sécurité. Nous en avons encore une illustration.
Le chapitre IV du projet de loi améliore le dispositif créé par le code rural en ce qui concerne les animaux dangereux.
Le code rural prévoit déjà que, lorsqu'un animal est susceptible de constituer un danger, le maire peut adresser des prescriptions de sécurité à son maître ou à son gardien, prendre une mesure de placement de l'animal et, au terme d'un délai de huit jours, une mesure d'euthanasie de l'animal.
La modification apportée par le projet de loi consiste à permettre au maire ou à défaut au préfet, en cas de danger grave ou immédiat, c'est à dire notamment lorsque des prescriptions de sécurité seraient impossibles à mettre en uvre ou sans objet, de prendre des mesures d'urgence efficaces : placement immédiat et euthanasie à bref délai.
Apporter une réponse immédiate et efficace aux situations de danger liées à la présence d'animaux dangereux, c'est contribuer à la sécurité de nos concitoyens.
Soucieux de tenir les engagements internationaux pris à Cahors, le gouvernement a, par ailleurs, ajouté à ce projet de loi une disposition permettant de lutter contre l'immigration irrégulière en Grande-Bretagne : les titres de circulation transfrontalière des personnes empruntant les trains internationaux à destination du Royaume-Uni feront l'objet d'un contrôle dès la montée dans le train, pour éviter qu'une filière d'immigration clandestine ne se constitue en utilisant les trains EUROSTAR.
Selon les autorités britanniques, le nombre d'étrangers qui gagnent illégalement le Royaume Uni par la voie ferroviaire s'est élevé, en 2000, à 6 971 personnes.
Cette liaison ferroviaire pose des problèmes spécifiques qui nécessitent des solutions adaptées à une situation qui n'existait pas lors de la signature des textes initiaux.
Le protocole additionnel au protocole de Sangatte entre le gouvernement de la République française et le gouvernement du Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d'Irlande du Nord, signé à Bruxelles le 30 mai 2000 dont vous examinez par ailleurs le texte de ratification, répond, certes, en partie, au problème posé, mais ne résout pas la question des passagers qui, empruntant la liaison ferroviaire munis d'un billet pour une gare française, notamment Calais, se rendent en fait au Royaume Uni.
Le projet de loi prévoit que les passagers qui se rendent à Calais, embarquant en France dans des trains à destination du Royaume-Uni, peuvent être assujettis à un contrôle frontalier à l'embarquement. Ils en seront informés lors de l'achat de leur titre de transport.
En approuvant cela, vous permettrez de lutter contre l'action des filières criminelles d'immigration clandestine qui, vous le savez, ont déjà été à la source de trop nombreuses victimes à la frontière.
Telles sont les grandes lignes du projet de loi que j'ai l'honneur de soumettre, au nom du Gouvernement, à l'Assemblée Nationale, en souhaitant que celle-ci partage les solutions proposées pour améliorer la sécurité quotidienne de nos concitoyens.
Je tiens à rendre hommage au travail accompli par la commission des lois et Bruno LE ROUX, rapporteur du projet de loi. Le travail réalisé par Jean-Pierre BRARD au nom de la commission des finances doit également être souligné.
Le gouvernement est, bien entendu, ouvert aux amendements qui pourraient enrichir ce texte. Je veux toutefois en indiquer les limites, pour éclairer la suite du débat.
Je m'opposerai, au nom du gouvernement, à tout amendement qui remettrait en cause l'équilibre des textes applicables aux mineurs ; de la même façon, ce texte ne saurait avoir pour vocation de modifier la répartition des compétences entre l'Etat et les collectivités locales.
Je souhaite que ce texte contribue à améliorer la qualité de vie de nos concitoyens, parce que c'est cette demande qui se manifeste au travers de l'exigence de sécurité et de tranquillité publiques. Il y a des impatiences légitimes.
Chacun doit être conscient de ses responsabilités dans le combat contre la violence et le refus de toute impunité.
C'est pour le ministre de l'intérieur la priorité absolue. Je mènerai à son terme la réforme en profondeur que constitue la police de proximité, qui doit transformer les conditions d'intervention de tous les services de police. Je continuerai à prescrire à la police de travailler de concert avec la justice, parce que ce mode d'organisation est indispensable à la continuité et à l'efficacité de la chaîne pénale.
Sans reculer en quoi que ce soit sur le caractère régalien de certaines compétences, je m'engage à poursuivre dans la voie du partenariat et de la coproduction de sécurité.
Le Gouvernement, sous l'autorité de Lionel JOSPIN, a pris et prendra ses responsabilités, mais il faut aussi une mobilisation collective de toutes les forces de la Nation pour assurer partout la sécurité. C'est le gage de la tranquillité pour tous.
Mesdames et messieurs les députés, nous ne devons pas nous épuiser dans des discussions stériles où les arrières pensées prennent le pas sur l'intérêt général. Il en va de la liberté, qui ne peut s'épanouir là où règne la loi du plus fort ; il en va de la cohésion nationale.
Un pacte comme notre pacte républicain ne peut être bâti que sur la confiance. C'est cette confiance des citoyens dans leur société, dans leurs institutions, dans la capacité de leurs responsables politiques à apporter des réponses concrètes aux difficultés concrètes, qu'il nous faut, ensemble, restaurer.
(source http://www.interieur.gouv.fr, le 30 avril 2001)