Déclaration de M. Jean-Jack Queyranne, ministre des relations avec le Parlement, sur le bilan de la session parlementaire, Paris le 28 juin 2001.

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Circonstance : Conférence de presse de M. Jean-Jack Queyranne, ministre des relations avec le Parlement, à Paris le 28 juin 2001

Texte intégral

La session parlementaire qui s'achève officiellement demain 29 juin ne ressemble pas tout à fait aux trois sessions qui l'ont précédée depuis l'été 1997.
Interrompue entre le 8 février et le 27 mars 2001 en raison des élections municipales et cantonales, la session 2000 - 2001 aura été la plus courte depuis le début de la législature en 1997 : 96 jours à l'Assemblée nationale, 95 au Sénat, soit en deçà du plafond constitutionnel de 120 jours.
Plus resserrée que les précédentes, cette session n'en aura pas moins été porteuse de grandes réformes tant dans les domaines social et économique que dans des questions de société, qui concernent la vie quotidienne des femmes et des hommes de ce pays, ou encore dans le champ institutionnel.
En quatre années d'exercice ininterrompu du pouvoir, ce qui dans l'histoire de la République représente une performance inédite en matière de longévité gouvernementale, la majorité plurielle, sous l'autorité du Premier ministre, Lionel JOSPIN, a apporté la démonstration qu'elle pouvait gouverner dans la durée en continuant à réformer avec méthode et régularité, réalisme, mais aussi audace, la vie économique, politique et institutionnelle de notre pays.
Le gouvernement de la gauche plurielle a su maintenir au cours de cette session le cap suivi depuis 1997 en faveur d'une politique de l'emploi, de la lutte contre les exclusions, de l'égalité entre les sexes, de tolérance dans le domaine des moeurs, de modernisation des institutions et de régulation des structures économiques.
Le dialogue entre le gouvernement et sa majorité dans ses différentes composantes est la clé de cette réussite.
Ces quatre années de gouvernement ont démontré que les convergences politiques entre les différents groupes de la majorité plurielle sont plus fortes que leurs différences et que l'écoute et le respect des partenaires étaient les bons viatiques pour surmonter des fragilités épisodiques. En cela, la majorité s'est montrée fidèle à la méthode de travail qu'incarne le Premier ministre.
A l'approche des échéances électorales de 2002, chacune des familles de la majorité peut avoir le souhait d'affirmer davantage son identité, ses options et de peser sur les décisions gouvernementales et parlementaires.
Mais l'expérience récente, confirmant celles des quatre premières années de la législature, montre que les différents acteurs de la majorité plurielle ont un véritable intérêt à une démarche commune. Au terme de cette législature, les formations de la gauche plurielle seront jugées sur un bilan d'action dont elles partageront les résultats.
Le concept de la gauche plurielle implique une concertation dynamique dont le Parlement est le coeur. C'est notamment l'objet des rencontres régulières qui se tiennent à mon initiative avec les chefs de file des différentes composantes de la majorité.
Cette concertation que j'organise au Parlement est inséparable de celle que le Premier ministre a instituée au sein du gouvernement depuis 1997. Rien ne sert de nier les difficultés, lorsque celles-ci se présentent. Dans ce cas, il convient, comme nous le faisons régulièrement, de mener les négociations nécessaires pour les surmonter, dans la clarté des positions respectives et avec le souci de trouver des solutions.
Conformément aux engagements pris en 1997, le gouvernement n'a pas utilisé les instruments de contrainte du parlementarisme rationalisé qui sont à sa disposition, comme la question de confiance ou le vote bloqué. Le récent débat à l'Assemblée nationale sur le projet de modernisation sociale vient une nouvelle fois d'illustrer cette attitude constante depuis quatre ans.
La gauche assume sa pluralité, ses divergences, dés lors que sur l'essentiel il y a convergence. Et c'est bien parce que le Parlement est redevenu le lieu central du débat politique que les discussions au sein de la majorité plurielle font l'actualité.
Voilà pour les enseignements politiques de la session. En termes quantitatifs, quel bilan peut-on tirer ?
Depuis le 1er octobre 2000, le Parlement a adopté définitivement 25 projets de loi et 16 propositions de loi, soit un total de 41, hors ratification des conventions internationales. Le total des textes de loi adoptés depuis 1997 s'élève à 188, dont un tiers vient de l'initiative parlementaire.
La plupart des engagements de nature législative pris par le Premier ministre, le 19 juin 1997, dans sa déclaration de politique générale ont été tenus. Ceux qui n'ont pas encore été réalisées sont au programme de la prochaine session.
Je veux aussi souligner que le Gouvernement, en dépit d'une session raccourcie, a eu le souci de respecter le rythme de travail du Parlement. Ainsi le Sénat, tenté un temps par le démon de l'obstruction, a-t-il pris près de quatre semaines pour discuter en première lecture la proposition de loi organique modifiant la date d'expiration des pouvoirs de l'Assemblée nationale. En définitive, le texte a été adopté en avril et n'a encouru aucune censure du Conseil constitutionnel malgré les foudres promises à longueur de séances par l'opposition.
Le Gouvernement a davantage recouru à l'urgence au cours de cette session qu'au cours des précédentes : elle a été déclarée sur 21 textes contre dix fois lors de la session 1999 - 2000. Mais tous les gouvernements recourent plus fréquemment à la déclaration d'urgence à l'approche de la fin d'une législature. Ce taux demeure encore inférieur à celui des précédentes législatures.
Au cours de cette session, les réformes se sont poursuivies. Cette volonté réformatrice s'est fortement manifestée dans le domaine économique et social.
Sans vouloir être exhaustif, je rappellerai quelques-uns des textes marquants adoptés : la loi sur la solidarité et le renouvellement urbains qui vise à favoriser une plus grande mixité sociale dans nos villes, la loi sur les nouvelles régulations économiques, la création de la prime pour l'emploi qui bénéficiera dès le mois de septembre à plusieurs millions de personnes, la loi relative à l'épargne salariale.
Le projet de loi sur la modernisation sociale, adopté par l'Assemblée nationale en deuxième lecture le 13 juin dernier avec les voix socialistes et communistes, a été examiné cette semaine par le Sénat qui en achèvera la discussion dès la reprise de la prochaine session.
Il importe que les nombreuses avancées sociales que comporte ce texte dans les domaines de la formation professionnelle, de la santé et du droit du travail puissent entrer en vigueur dès la fin de cette année.
Dans le domaine de l'environnement, le Parlement a aussi beaucoup légiféré : adoption définitive de la loi d'orientation sur la forêt en vue de développer une politique de gestion durable de la richesse forestière française, création d'une Agence de sécurité sanitaire et environnementale, lutte contre la pollution des navires, adoption de la loi, à l'initiative du sénateur de La Réunion, Paul VERGES, qui confère à la lutte contre l'effet de serre la qualité de priorité nationale.
Alors que le gouvernement du président Bush remet en cause les acquis de la conférence de Kyoto, l'importance de cette initiative apparaît pleinement.
La dimension écologique de la politique du Gouvernement se traduit aussi dans le projet de loi portant réforme de la politique de l'eau présenté hier en Conseil des Ministres par Dominique VOYNET et qui vise à mieux faire respecter le principe pollueur-payeur tout en renforçant les droits des consommateurs dans la tarification du service de l'eau.
La politique de réformes s'est aussi traduite dans d'autres textes qui prennent en compte l'évolution de notre société.
Je pense tout d'abord aux droits des femmes avec la nouvelle loi relative à l'interruption volontaire de grossesse et à la contraception et la proposition de loi sur la contraception d'urgence. Je pense aussi à la loi d'origine parlementaire relative à l'égalité professionnelle entre les femmes et les hommes.
La création d'une commission nationale pour l'autonomie des jeunes à l'initiative d'Alain BOCQUET et du groupe communiste de l'Assemblée nationale va permettre d'approfondir le diagnostic de la situation matérielle des jeunes et de mieux cibler les moyens nécessaires à leur accession à l'autonomie. De même, le renforcement du contrôle des fonds publics accordés aux entreprises à l'initiative de Robert HUE et du groupe communiste apparaît particulièrement opportune.
Très attendu, le texte créant une allocation personnalisée d'autonomie pour les personnes âgées dépendantes, voté au cours de cette session, entrera en vigueur le 1er janvier 2002 au bénéfice de quelque 800 000 personnes.
La modernisation de la vie politique s'est poursuivie. Après l'adoption du quinquennat par référendum en septembre 2000, le Parlement a établi un calendrier électoral plus conforme à la logique des institutions en renvoyant les élections législatives du printemps prochain après la consultation majeure que constitue dans la Vème République l'élection présidentielle.
Le Sénat sera saisi en octobre de la proposition de loi constitutionnelle que l'Assemblée vient d'adopter réformant l'article 68 de la Constitution sur le statut pénal du chef de l'Etat.
Je veux aussi souligner la coopération fructueuse qui s'est établie, au cours de cette session, en plusieurs occasions entre les deux assemblées. La décision parlementaire se doit parfois, en effet, de rechercher le consensus.
Je salue ainsi le travail conjoint mené par le sénateur ABOUT et la députée Catherine PICARD qui a permis de faire adopter la proposition en faveur de la prévention et de la répression des groupements sectaires. Ce texte permettra d'éviter des excès graves à l'encontre du principe même de la liberté de pensée.
Dans un champ d'idées complètement différent, l'excellent travail mené par les présidents des commissions des finances de l'Assemblée et du Sénat avec le rapporteur général du budget à l'Assemblée nationale, Didier MIGAUD, va permettre de réformer en profondeur l'ordonnance de 1959 considérée comme la Constitution budgétaire de la République. Ce succès doit être salué à sa juste mesure après trente sept tentatives infructueuses de réforme.
L'outre-mer a été aussi à l'ordre du jour. Deux lois fort attendues et que j'avais moi-même initiées en ma précédente qualité de Secrétaire d'Etat à l'outre-mer ont été votées : la loi d'orientation pour les départements d'outre-mer, qui comporte un important volet de mesures sociales et d'aide à l'activité économique et ouvre la possibilité d'évolutions institutionnelles ; et la loi dotant Mayotte, pour la première fois depuis l'intégration de l'île dans la République, d'un véritable statut.
L'adoption à l'unanimité de la proposition de loi de la députée de Guyane Christiane TAUBIRA-DELANNON sur la reconnaissance de l'esclavage comme crime contre l'humanité a eu un grand écho outre-mer, tout particulièrement aux Antilles.
L'importance croissante de la construction européenne nécessite une intégration accélérée du droit communautaire dans notre droit interne. La France, à cet égard, n'est pas un bon élève, puisqu'elle se situe à l'avant-dernière place parmi les pays membres en matière de transposition de directives.
Afin de réduire ce retard, le gouvernement, en accord avec le Président de la République, a soumis au Parlement au cours de cette session un projet de loi lui donnant habilitation à transposer par ordonnances une cinquantaine de directives communautaires. Tout en accordant leur habilitation, des voix se sont élevées tant à l'Assemblée nationale qu'au Sénat pour critiquer la méthode.
Afin de réserver toute sa place à la délibération législative, le gouvernement s'est engagé à déposer des projets de loi de ratification des ordonnances prises sur le fondement de la loi d'habilitation du 3 janvier 2001 et il a d'ailleurs commencé à le faire.
Il convient de réfléchir, avec les deux assemblées, à la mise au point pour l'avenir d'un système plus satisfaisant permettant à la France de respecter ses obligations vis-à-vis de la Communauté tout en respectant pleinement les droits du Parlement.
Au cours de la présente session, le Parlement a engagé la discussion d'un certain nombre de textes dont l'examen sera poursuivi en vu de leur adoption avant la fin de la législature. Je citerai en particulier les projets de loi sur la modernisation sociale, sur la sécurité quotidienne, sur la démocratie de proximité, sur la Corse, et aussi sur la justice commerciale. Plusieurs propositions de loi devraient également aboutir à l'automne ou au début de 2002 avant la fin de la session, le 21 mars : je pense notamment à celles relatives aux accidents du travail des salariés agricoles, à la lutte contre les discriminations au travail, à l'amélioration des droits du conjoint survivant, à l'autorité parentale et à la création d'établissements publics culturels locaux.
La prochaine session sera resserrée compte tenu des échéances électorales et du caractère chronophage des débats sur la loi de finances et la loi de financement de la sécurité sociale. Le gouvernement n'en inscrira pas moins à l'ordre du jour la discussion de nouvelles réformes : je veux notamment mentionner le projet de loi sur l'eau et celui sur la bioéthique déjà examinés par le Conseil des ministres et celui qui concerne la modernisation du système de santé.
Si la fonction première du Parlement consiste à légiférer, les autres missions qu'il exerce
- fonction d'interrogation du gouvernement et fonction de contrôle - occupent depuis quelques années une place accrue dans la vie parlementaire. La participation assidue des ministres, et en particulier du premier d'entre eux, aux questions d'actualité de l'Assemblée nationale et du Sénat témoigne de la volonté du gouvernement de redonner au Parlement la place qui doit être la sienne dans le débat politique mené devant les Français.
Au cours de la présente session le Parlement a assumé sa mission de contrôle en créant tant à l'Assemblée nationale qu'au Sénat deux commissions d'enquête, l'une sur les conditions d'utilisation des farines animales dans l'alimentation des animaux d'élevage, l'autre sur les inondations de la Somme. Pour sa part, le Sénat a chargé sa commission des finances d'une mission dotée des prérogatives attribuées aux commissions d'enquêtes en vu de recueillir les éléments d'information sur le fonctionnement de l'Etat dans l'élaboration du projet de loi de finance et l'exécution des lois de finances.
Les travaux conduits par ces commissions se révèlent utiles dès lors qu'ils servent à remédier aux dysfonctionnements administratifs et excluent tout dénigrement ou polémique. Le récent rapport de l'Assemblée nationale sur les farines animales en est un bon exemple. Adopté à l'unanimité, il contient vingt-sept recommandations que le Ministre de l'agriculture a entrepris de satisfaire.
Cette session a donc été intense et productive. Le Parlement a pris toute sa place dans la vie démocratique de notre pays. La prochaine session, la dernière de cette législature, s'ouvrira le 1er octobre. Comme j'ai pu le souligner, elle aura un programme fourni.
(Source http://www.premier-ministre.gouv.fr, le 9 juillet 2001)