Déclaration de M. Benoist Apparu, secrétaire d'Etat chargé du logement et de l'urbanisme, sur le bilan de l'application de la loi sur le droit au logement opposable (DALO), deux ans après sa promulgation, Paris le 2 décembre 2009.

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Intervenant(s) : 
  • Benoist Apparu - Secrétaire d'Etat chargé du logement et de l'urbanisme

Texte intégral

Mesdames, Messieurs,
Monsieur le député (E. Pinte),
Messieurs les parlementaires,

Voulue par notre majorité politique, votée à l'unanimité des parlementaires, toutes tendances confondues, la loi du 25 mars 2007 instaurant le droit au logement opposable (DALO) a mis la France à la pointe des nations soucieuses des droits des personnes les plus fragiles.
Près de deux ans après son entrée en vigueur, le 1er janvier 2008, ce nouveau droit fait partie de notre paysage politique et social.
Contrairement à ce que disent certains, la loi s'applique et s'applique pleinement, même si on doit reconnaître que sur un nombre limité de territoires cette application n'est pas pleinement satisfaisante du point de vue des personnes qui en sont bénéficiaires.
La mise en oeuvre du DALO, réalisée depuis le 1er décembre 2008 sous le contrôle du juge qui participe ainsi à la définition des contours de ce nouveau droit, créé une onde de choc dans les territoires qui connaissent une crise du logement.
C'était précisément l'objectif recherché par le législateur et il nous appartient -Etat, collectivités locales, bailleurs sociaux et associations - d'en tirer très concrètement les conséquences.
Le bilan de deux ans de mise en oeuvre du DALO a été abondement commenté au
cours de cette journée.

J'en tirerais, pour ma part, quatre enseignements.
Le premier enseignement, c'est la confirmation que nous avons bien deux types de territoires.
Dans la grande majorité des départements, le DALO se traduit par un nombre limité de recours devant les commissions de médiation.
Il joue alors un rôle de « filet de sécurité » qui permet de prendre en compte des situations qui n'avaient pas été identifiées par les services sociaux ou non résolues dans le cadre des dispositifs d'accès prioritaire au logement.
Dans une douzaine de départements, en revanche, le DALO est d'abord le révélateur du déséquilibre persistant entre l'offre et la demandede logement.
Les chiffres ont été rappelés : 43 % des personnes reconnues prioritaires ont été effectivement relogées ou hébergées depuis la miseen place du DALO ; mais ce taux est de 25 % seulement en Ile-de-France.

Le deuxième enseignement, qui vaut cette fois-ci pour tous les territoires, c'est que le DALO met en lumière des blocages importants pour l'accès au logement de certains de nos concitoyens.
Arrivent ainsi devant les commissions de médiation des familles reconnues prioritaires au titre du plan départemental pour le logement des plus défavorisés - les PDALPD - et qui malgré cela sont en attente de logement social depuis de 6 ou 7 ans !
Ce n'est pas acceptable et cela, quelle que soit la situation du marché du logement.
Une priorité est reconnue par loi, elle doit s'appliquer. J'y reviendrai.

Le troisième enseignement, c'est l'émergence, à travers le DALO, d'une demande sociale qui doit être effectivement prise en compte par les politiques locales de l'habitat.
Le DALO met en lumière non seulement un déficit quantitatif de l'offre sur certains territoires - ce que nous savions déjà - mais aussi une inadaptation qualitative, déjà identifiée auparavant par les acteurs qui participent au relogement des familles en difficulté, mais objectivée en quelque sorte par le DALO.
Les présidents des commissions de médiation des départements les plus concernés, que j'ai longuement rencontrés il y a quelques semaines, ont souligné que le DALO questionne la mise en oeuvre de nos politiques publiques, au-delà même de la politique du logement.
L'insuffisante articulation entre la programmation de l'offre et les besoins sociaux tels qu'ils s'expriment en est un exemple.

Enfin, quatrième enseignement, le DALO met également en lumière la nécessité de réformer notre politique de prise en charge des personnes à la rue.
Face à ces constats, comment améliorer la mise en oe uvre effective du droit au logement opposable, notamment là où les besoins son t les plus importants ?
Le premier levier est bien sûr la production de logements dans les territoires où le déficit reste important.
Cette production vise, au premier chef, les logements sociaux, et en particulier, ceux qui sont le plus accessibles aux personnes les plus modestes.
De ce point de vue, malgré un contexte économique morose, l'année 2009 sera une année historique. 125 à 130 000 logements seront financés c'est-à-dire trois fois plus qu'en 2000, le plus haut niveau depuis 30 ans. Un record sera vraisemblablement dépassé en Ile-de-France avec près de 29 000 logements financés.
Ces résultats, obtenus grâce à une forte mobilisati on des bailleurs sociaux, se traduisent surtout par un accroissement significatif de la production de logements très sociaux : près de
24 500 PLA-I seront financés cette année, soit 5 fois plus qu'en 2000 ! Pour la première fois, le chiffre des 20 000 PLA-I inscrit dans la loi DALO est atteint.
Cet effort sera bien sûr poursuivi en 2010. Nous pr évoyons le financement de 140 000 logements sociaux dont 27 500 PLAI, et pour y parvenir je serai inflexible sur la mise en oeuvre de l'article 55 de la loi SRU.
Financer c'est bien, mais un logement programmé n'est pas un logement livré.
Depuis deux mois, j'effectue un tour de France pour mobiliser l'ensemble des acteurs du logement sur l'ensemble de mes priorités. A cette occasion j'insiste notamment sur le respect indispensable des échéanciers de réalisation.
Le recours accru à la VEFA, qui a été un succès san le cadre du Plan de relance voulu par le Président de la République, doit nous permettrede réduire les délais. L'autre levier est un pilotage plus opérationnel, de la part de l'Etat, des délégations de compétence aux collectivités territoriales qui regroupent, je le rappelle, la moitié des aides à la pierre. Sur le modèle des projets de rénovation urbaine, je souhaite que des revues de projets régulières soient réalisées pour garantir le respect des délais. Ce principe sera inclus dans les nouvelles conventions pour 2010.
Au-delà, il nous faut repenser la répartition de nos financements.
Quelle est l'utilité de financer du logement social là où le marché est saturé comme le montrent les difficultés de commercialisation de certains programmes ?
Dès 2010, l'aide de l'Etat sera réorientée vers leszones les plus tendues, c'est-à-dire celles qui souffrent d'un décalage important entre les loyers du parc privé et les moyens financiers des familles modestes ; celles qui concentrent aussi de fait le plus grand nombre de demandeurs au titre du DALO.
Dans ces territoires, nous devons nous employer par tous les moyens à rééquilibrer le marché et n'exclure aucun segment de l'offre tant publique que privé à travers le locatif comme l'accession. Tous les demandeurs de logement, parmi lesquels les demandeurs DALO, ont à gagner d'un tel rééquilibrage.
Plutôt que produire plus, il nous faut produire mie ux : c'est-à-dire produire là où sont les besoins, mais aussi produire en fonction de ces besoins.
Comme je l'évoquais le 17 septembre dernier au congrès Hlm, la personne doit être replacée au coeur de notre politique du logement social. Le D ALO nous y invite.
Il faut adapter la production de logements sociaux, trop souvent orientée vers le logement « standard » (T3 ou T4), et mieux prendre en compte les besoins des personnes isolées et des grandes familles. Il faut aussi développer une offre de logement adaptée aux personnes peu solvables ou en voie d'insertion, y compris en recourant au parc privé.
Le programme d'intermédiation locative, lancé fin 2008, s'inscrit dans cette logique. Il a déjà permis de reloger en Ile-de-France 730 personnes et il poursuivra sa montée en charge en 2010.
Pour inciter davantage les propriétaires à s'engager, nous devons nous maintenant valoriser la déduction fiscale de 70 % de leurs revenus fonciers, instaurée par la loi de mars 2009.
Il appartient aux Elus locaux et aux préfets, que la loi Boutin dote d'un droit de regard accru sur les PLH, de définir des politiques locales de l'habitat intégrant tous ces enjeux. C'est dans le même esprit que je souhaite que les préfets se réinvestissent dans le pilotage des PDALPD.
Je n'ignore pas les difficultés de certains publics à bénéficier de l'offre nouvelle et j'ai missionné sur ce sujet le conseil général du développement durable afin qu'il nous éclaire sur ces freins.
Le second levier concerne la gestion de la demande et des attributions.
Le DALO met en effet en lumière, comme je l'ai déjà souligné, la difficulté de certaines
personnes, pourtant prioritaires, à accéder au logement social, indépendamment du stock de logements existants.
Je ne nie pas les besoins particuliers de certains ménages pour qui un accompagnement social est nécessaire pour accéder au logement autonome. Cet accompagnement, qui va parfois au-delà des solutions apportées dans le cadre des fonds de solidarité pour le logement, est la clef du relogement.
C'est la raison pour laquelle, j'ai souhaité reconduire en 2010, après évaluation et à titre exceptionnel, les mesures d'accompagnement social financées cette année dans le cadre du Plan de relance et qui ont souvent été mobilisées au bénéfice de bénéficiaires du DALO.
Il n'en reste pas moins que certaines pratiques d'attribution vont aujourd'hui à l'encontre de la priorité d'accès au logement social reconnue par la loi, même si ce ne sont pas des pratiques généralisées. De plus, les dispositifs mis en place pour rendre effective cette priorité - accord collectif ou contingent préfectoral - ne sont pas à la hauteur des enjeux.
Il nous faut d'abord être volontariste pour simplifier la demande de logement social.
Le parcours du demandeur est actuellement un parcours du combattant. La mise en place début 2010 d'un formulaire unique de demande de logement sera une avancée importante. Il nous faut parallèlement engager sur tout le territoire la généralisation des fichiers partagés de la demande locative.
C'est notamment une priorité en Ile-de-France.
C'est de là que viendra la vraie simplification, en même temps qu'une véritable transparence des attributions. Ce sera également un moyen d'évaluer l'efficacité de nos dispositifs pour l'accès au logement des personnes les plus défavorisées.
Là aussi nous devons être plus volontaristes. Des o utils ont été mis en place depuis la loi de lutte contre les exclusions. Le DALO nous impose de les réactiver, de les rendre plus efficaces.
Dans les zones les plus tendues, les accords collectifs départementaux doivent être plus ambitieux. Un des moyens d'y parvenir est d'associer les collectivités territoriales comme le permet la loi de mars 2009.
N'oublions pas que le DALO a été pensé par le législateur comme un dispositif d'ultime recours. La loi laisse ainsi en vigueur des catégories prioritaires, qui recoupent largement celles du DALO, mais pas uniquement.
Optimiser les accords collectifs départementaux, c'est un moyen d'accélérer le relogement de personnes potentiellement prioritaires au DALO. Ce principe vaut notamment pour les personnes accueillies dans le dispositif d'hébergement et qu'il est souhaitable, dès lors que leur situation le permet, d'orienter le plus vite vers le logement.
J'évoquais l'implication des collectivités territoriales : je souhaite que la discussion puisse s'engager avec elles sur la base des besoins de relogement identifiés sur leur territoire au titre du DALO.
Mais avant de s'engager dans cette voie, l'Etat doit d'abord assumer ses responsabilités.
Avec le contingent préfectoral, il a un outil à sa main pour apporter des réponses immédiates aux personnes en attente de relogement.
Depuis la mise en oeuvre du DALO, les préfectures se sont engagées dans une reconstitution de leur contingent. Cet effort a eu des résultats importants mais il faut aller plus loin et plus vite.
Comme le permettent les textes et comme le propose le rapport Boucher sur la mise en oeuvre du DALO en Ile-de-France, je souhaite que dan s les départements les plus concernés, 25% des logements libérés chaque année soient effectivement proposés pour des ménages présentées par le préfet au titre de son contingent.
Plus de 5000 logements supplémentaires pourraient ê tre ainsi dégagés pour le DALO en Ile-de-France.
J'ai réuni les préfets d'Ile-de-France sur ce sujet et j'ai présenté cette orientation le 10 novembre dernier lors du comité régional de l'habitat d'Ile-de-France. En Ile-de-France, comme l'a évoqué tout à l'heure Pierre CARLI, un travail doit s'engager avec l'ensemble des bailleurs.
Sans attendre, nous allons commencer à expérimenter les choses avec les grands bailleurs sociaux que je verrai demain.
Au-delà des opportunités nouvelles de relogements, c'est un nouveau mode de gestion du contingent préfectoral qu'il s'agit de promouvoir.
En laissant la main au bailleur sur le choix du relogement, il permettra de mieux concilier la mise en oeuvre du DALO avec les exigences de mixité sociale dans le cadre des programmes de rénovation urbaine.
Je souhaite rappeler à ce stade que la mise en oeuvr e du DALO se traduit par une désignation d'un candidat aux bailleurs. Les textes sont clairs et sans ambigüité. Le préfet a le droit de désigner un candidat et d'attribuer lui même le logement.
Les refus des commissions d'attribution sont bien moins nombreux que ceux des personnes déclarées prioritaires, mais certains de ces refusne sont pas justifiés et je n'exclue pas dans ce cas la mise en oeuvre de sanctions y compris fina ncières.
J'ai, par ailleurs, lancé une mission fin octobre pour analyser plus globalement les refus des commissions d'attribution, notamment au motif de l'insuffisance de ressources. Cette mission devra proposer, en concertation avec les bailleurs sociaux, des règles de référence pouvant servir de base à un rapprochement des pratiques en matière d'attribution, dont on sait aujourd'hui qu'elles sont très diverses.
Les partenaires sociaux doivent aussi assumer leur responsabilité pour augmenter concrètement les solutions de relogement. La loi fait obligation aux collecteurs du 1% Logement d'orienter le quart de leurs attributions en faveur des bénéficiaires DALO, salariés ou demandeurs d'emploi.
Cela représente 5000 relogements supplémentaires en Ile-de-France. Ce dispositif est enclenché depuis mi-octobre : plus de 600 propositions de relogement ont été faites en Ile-de-France.
Il faut maintenant les transformer en relogements effectifs. C'est le message que j'ai délivré ce matin devant l'ensemble des collecteurs de France.
Pour améliorer la mise en oeuvre effective du DALO, j'évoquerai enfin trois autres leviers qui sont pour moi essentiels.
Le premier, c'est la lutte contre l'habitat indigne.
Les présidents de commission DALO me l'ont tous dit : malgré la mise en place d'outils juridiques et opérationnels qui ont renforcé considérablement les moyens d'action de l'Etat et des communes en matière d'habitat insalubre et dangereux, les commissions ont à connaître de situations identifiées mais non réglées depuis parfois plusieurs années.
C'est inacceptable.
J'ai souhaité que la lutte contre l'habitat indigne soit érigée comme première priorité de l'ANAH pour les années à venir. 257 millions d'euros, soit près de la moitié du budget d'intervention de l'agence, seront affectés à cet objectif l'an prochain.
Mais il nous faut trouver les moyens d'agir plus vite pour ne pas laisser s'installer ces situations de mal-logement, indignes de notre société. C'est pourquoi, je suis favorable à la mise en place d'astreintes financières pour obliger les propriétaires de logements insalubres à réaliser des travaux.
Une telle mesure permettrait de traiter plus rapidement les logements qu'avec la procédure de travaux d'office, plus lourde, plus longue et plus onéreuse, mais qui continuerait néanmoins d'exister.
Le second levier, c'est la prévention des expulsions locatives.
Je ne suis pas personnellement favorable à un moratoire des expulsions. Je ne souhaite pas opposer propriétaires et locataires, mais je souhaite rétablir la confiance entre les deux. C'est l'objectif de la nouvelle garantie des risques locatifs qui entrera en vigueur début 2010.
Je suis par contre convaincu que nous devons revenir à l'esprit de la loi de 1998 de lutte contre les exclusions et mettre en place tous les moyens pour repérer les premiers impayés et les traiter en amont du recours contentieux.
J'ai demandé à Bernard WORMS, président de l'ANIL, de conduire une expertise sur ce sujet.
Je souhaite enfin évoquer l'évolution indispensablede notre dispositif de prise en charge des personnes sans abris.
C'est un enjeu essentiel pour la mise en oeuvre du D ALO et du chantier national prioritaire du Premier ministre pour l'hébergement et l'accès au logement.
En effet, le DALO est aussi un droit à l'hébergement.
Il révèle les limites de notre dispositif d'accueil et d'accompagnement des personnes à la rue : personnes sans abri non prises en charge, personnes non accompagnées et mal orientées, absence de transparence des admissions, insuffisance des sorties vers le logement ...
C'est la raison pour laquelle j'ai souhaité engager avec les associations, qui interviennent dans ce secteur, une refonte du système. Les bailleurs sociaux, à travers l'USH, ont également été associés à ces travaux.
La réforme, que j'ai présentée le 10 novembre dernier, repose sur deux principes.
Le premier principe est la mise en place d'un service public de l'hébergement et de l'accès au logement des personnes sans abri.
Il reposera sur un système d'accueil et d'orientation unique dans chaque département, la désignation d'un référent pour chaque personne, une vraie planification de l'offre, une harmonisation des prestations et de leurs coûts, et un nouveau cadre de partenariat avec les opérateurs.
Le second principe, c'est la logique du « logement d'abord ». L'accès au logement qu'il soit accompagné ou autonome, doit être notre priorité absolue. C'est la condition d'une meilleure insertion.
En conclusion, le DALO nous oblige tous - Etat, collectivités territoriales, bailleurs sociaux, associations - à nous dépasser avec une obligation de résultat.
Deux ans après sa mise en place, nous pouvons nous réjouir que ce nouveau droit ait permis de trouver une solution de relogement à 16 220 de nos concitoyens.
Au sein des commissions de médiation, des situations individuelles sont examinées, dont certaines étaient sans solutions.
Je tiens à rendre hommage aux présidents de ces commissions qui donnent de leur temps et de leur énergie pour rendre ce droit effectif, et au-delà, à tous ceux qui participent à leur fonctionnement.
Je n'ignore pas les difficultés que vous pouvez rencontrer.
Sachez que ce travail n'est pas vain. Il vise à répondre à l'espoir de nos concitoyens les plus fragiles de trouver une solution de logement.
Et nous devons mettre toute notre énergie pour leur apporter une réponse.
Je tiens enfin à souligner l'engagement d'Etienne Pinte, à qui nous devons cette rencontre. Il est un promoteur infatigable de l'amélioration des droits de nos concitoyens les plus démunis.
Je vous remercie.

Source : http://www.developpement-durable.gouv.fr le 16 décembre 2009