Déclaration de M. Christian Paul, secrétaire d'Etat à l'outre-mer, sur l'intercommunalité appliquée aux départements et territoires d'outre-mer, la péréquation des dotations de l'Etat aux collectivités locales et sur les dossiers spécifiques aux collectivités territoriales des DOM, Mamoudzou le 25 octobre 2001.

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Circonstance : Xème congrès de l'association des communes de l'outre-mer (AC'DOM) à Mayotte le 25 octobre 2001

Texte intégral

Monsieur le président de l'association des maires de France,
Monsieur le Président de l'Association des communes d'outre-mer,
Monsieur le Président du conseil général,
Mesdames et Messieurs les maires,
Mesdames, Messieurs,
Je suis heureux d'être avec vous, à Mamoudzou, pour ouvrir les travaux de votre association. Je vois dans votre choix de l'archipel de Mayotte pour accueillir ce congrès le double signe de la reconnaissance du chemin parcouru pour Mayotte dans la République, et de son entrée dans un processus qui permet aux collectivités locales, aux communes comme au conseil général, de rejoindre la décentralisation initiée en 1982. Cette réponse, par la loi, aux attentes d'évolution exprimées par la population et ses élus, le gouvernement l'a apporté ailleurs, dans les DOM par la loi d'orientation, par l'accord de Nouméa et en Polynésie.
Mon propos abordera successivement les points suivants :
- d'abord, j'évoquerai les grands chantiers que les avancées législatives ont ouvert depuis 1997 pour vos communes.
- ensuite, j'aborderai plus particulièrement les grands dossiers qui concernent les communes de l'outre-mer aujourd'hui.
I- Les avancées législatives récentes.
Permettez-moi d'évoquer en premier lieu un sujet d'importance pour les communes, à l'aube du XXIème siècle : je veux parler de l'intercommunalité.
Avec la loi sur l'intercommunalité adoptée en 1999, les communes des DOM comme celles de métropole disposent aujourd'hui d'un outil juridique et financier de grande ampleur.
Les nouvelles communautés d'agglomération créées par cette loi sont dotées de la taxe professionnelle unique, qui a pour effet d'éviter les disparités et les concurrences fiscales au sein d'une même agglomération, et reçoivent une DGF bonifiée de 250 francs par habitant en moyenne depuis 2000.
Les communautés de communes sont elles recentrées sur leur vocation première, l'intercommunalité en milieu rural. Il convient de noter que les communautés de communes qui optent pour la taxe professionnelle unique, et qui répondent à un certain nombre de conditions, peuvent bénéficier d'une DGF bonifiée de 175 francs en moyenne par habitant.
J'observe que les communes d'outre-mer ont compris qu'il s'agissait d'une réelle opportunité : en Martinique et à la Réunion, deux communautés d'agglomération se sont créées, venant rejoindre les 10 communautés de communes existant dans les quatre DOM. Certaines de ces dernières pourraient se transformer en communautés d'agglomération : des projets sont en cours d'élaboration, à la Réunion notamment. Un DOM, la Martinique, a le premier abouti à un fait politique majeur : toutes ses communes appartiennent soit à une communauté d'agglomération, soit à des communautés de communes.
Grâce à la future ordonnance communale, les communes mahoraises ne resteront pas à l'écart de cette grande évolution de la vie communale vers le choix de l'exercice conjugué des compétences.
Avec l'intercommunalité, les communes peuvent entreprendre ensemble des projets d'importance, qui parlent à chaque habitant parce qu'ils s'inscrivent dans leur vie quotidienne.
Par exemple, à Fort-de-France et à Saint-Denis, deux grands projets de villes sont lancés. Le Gouvernement est conscient que les communes d'outre-mer doivent pleinement bénéficier des mesures prises dans le cadre de la politique de la ville, car leurs difficultés sont encore souvent bien plus sérieuses que celles que connaissent certaines communes de métropole.
Ce pari de la responsabilité n'est viable que si les collectivités locales d'outre-mer ont des ressources financières leur permettant de faire face à leurs missions.
S'agissant des communes, l'une de leurs principales caractéristiques est la faiblesse des quatre taxes dans les DOM.
Cette faiblesse est certes compensée par l'existence de l'octroi de mer, mais les communes n'ont pas de pouvoir sur le niveau de celui-ci, qui reste fixé par les régions. Et s'agissant des taux de la fiscalité directe locale, beaucoup de villes ont déjà des taux élevés qui leur laissent peu de marges de manuvre.
Les niveaux des dépenses d'équipement sont relativement proches de ceux que l'on constate en métropole. Mais cette comparaison n'est que partiellement satisfaisante car les conditions démographiques ne sont pas équivalentes.
La Guadeloupe a vu sa population augmenter de 9 % par rapport au recensement de 1990, la Martinique de 6 %, la Guyane de 37 % et la Réunion de 18 %. A Mayotte, le recensement qui sera effectué l'année prochaine mettra certainement en évidence une progression tout aussi forte. La croissance démographique des départements d'outre-mer, entre 1990 et 1999, est en moyenne de 14 % ( 1,55 % par an), rythme quatre fois supérieur à celui de la métropole.
Certes, cet accroissement de population aura des effets sur la part forfaitaire de la dotation globale de fonctionnement des communes des DOM. La plupart d'entre vous avez déjà pu le constater dans la croissance récente des montants qui ont été versés aux communes au titre de la DGF.
La loi d'orientation pour l'outre-mer (LOOM) a en effet permis une majoration de 40 millions de francs en 2001 de la part forfaitaire de la DGF des communes des départements d'outre-mer, pour accélérer la prise en compte des effets du recensement.
Au plan national, s'agissant des dotations de l'Etat aux collectivités locales, les communes d'outre-mer ont bénéficié du contrat de croissance et de solidarité qui sera prolongé d'un an en 2002 : institué en 1999 après une concertation approfondie entre l'Etat et les collectivités locales, à la différence du pacte de stabilité qui l'avait précédé, il permet aux collectivités locales de bénéficier des fruits de la croissance puisque l'enveloppe des dotations est indexée sur l'évolution des prix et une fraction croissante du PIB : 33 % en 2002, contre 20 % en 1999, rompant avec la logique antérieure de stabilité des dotations de l'Etat.
La péréquation dans le cadre de ce contrat est accrue : en 2002, les abondements exceptionnels de la dotation de solidarité urbaine (DSU) (800 MF) et de la dotation de solidarité rurale (DSR) (159,8 MF) seront ainsi reconduits.
En termes de perspectives, mes collègues de l'intérieur et du budget ont annoncé cet été l'ouverture d'un vaste chantier de réforme, qui permettra de moderniser le régime souvent complexe des dotations de l'Etat aux collectivités locales.
Vous pouvez compter sur mes services pour faire reconnaître par les ministères de l'intérieur et du budget les besoins particuliers des collectivités d'outre-mer, notamment en matière de calcul des dotations de l'Etat. Un premier pas a été fait dans la loi d'orientation pour l'outre-mer, où la spécificité des communes guyanaises a pu justifier un mode de calcul de la DGF qui prend en compte la superficie, et non l'unique critère de la population.
Je vous invite à suivre de près le travail que l'Etat va entreprendre sur ce dossier avec les représentants des élus, que ce soit au comité des finances locales, où l'outre-mer est représenté, ou lors de séances informelles avec l'AMF, l'ADF ou l'ARF : je ne verrais que des avantages à ce que la voix des élus d'outre-mer se fasse aussi entendre dans des discussions où les enjeux sont importants.
Je ne veux pas terminer cette première partie de mon discours concernant les chantiers nationaux intéressant les communes sans aborder un autre sujet dont vous connaissez bien l'importance, notamment chez nos concitoyens : la sécurité.
En 1997, le Gouvernement a présenté un nouveau concept à l'occasion du colloque de Villepinte, la coproduction de sécurité, et il a mis en place un outil, le contrat local de sécurité, qui exprime la traduction d'une volonté de vivre ensemble, en citoyens libres, dans des villes sûres.
Mesdames et messieurs les maires, vous êtes au cur de la coproduction de sécurité avec l'Etat. Par votre compétence de police, mais également votre action quotidienne en matière d'amélioration du cadre de vie ou de soutien aux associations, vous avez les moyens d'agir, directement ou indirectement. C'est l'objet de l'une des dispositions du projet de loi relatif à la sécurité quotidienne, qui associe les maires à l'ensemble des actions de lutte contre la délinquance et l'insécurité, plutôt que de les cantonner à un rôle de prévention.
Le contrat local de sécurité doit être l'outil privilégié pour systématiser ces échanges. Il y a quelques jours, à la ville du Port à la Réunion, j'ai pu voir fonctionner avec efficacité un CLS associant tous les acteurs de la sécurité. Je me réjouis de constater que les communes d'outre-mer se sont engagées avec les différents services de l'Etat dans l'élaboration concertée, puis la mise en uvre des contrats locaux de sécurité : 15 contrats ont été signés, 14 sont en cours d'élaboration. Je vous engage à continuer dans cette direction.
Enfin, la loi de 1999 sur les polices municipales a clarifié les rôles respectifs de l'Etat et des communes, et elle a défini les missions et les moyens confiés aux policiers municipaux.
2. Les grands dossiers spécifiques des collectivités locales de l'outre-mer aujourd'hui.
Le Gouvernement a entrepris depuis 1997 un effort continu pour renforcer la décentralisation, en métropole comme en outre-mer.
Pour ne pas être trop long, je me limiterai à quelques exemples : la loi d'orientation pour l'outre-mer, les projets relatifs aux communes de Polynésie française, et bien sûr la loi relative à Mayotte.
La loi d'orientation pour l'outre-mer n'a pas encore un an, et pourtant, elle constitue déjà une réalité passée dans les faits.
L'esprit qui a présidé à l'élaboration de ce texte est profondément décentralisateur : l'éloignement géographique des départements d'outre-mer rend indispensable que soit rapprochée la décision publique du citoyen, encore davantage qu'en métropole. Il est donc nécessaire, plus encore qu'en métropole, d'y accroître la décentralisation des pouvoirs et de renforcer les responsabilités confiées à leurs élus. Le gouvernement a ainsi proposé une nouvelle étape de la décentralisation outre-mer, l'étape de la responsabilité.
Le Gouvernement n'est pas en reste dans la mise en uvre de la LOOM : la très grande majorité de ses décrets d'application sont d'ores et déjà publiés, et ses effets financiers se sont fait sentir dès cette année.
La loi a également élargi pour les communes les possibilités de recourir au fonds régional pour le développement et l'emploi. Le fonds est alimenté par le solde de l'octroi de mer, une fois les recettes de celui-ci réparties entre les communes et les établissements publics de coopération intercommunale ou, en Guyane, entre les communes et le département. Il peut dorénavant intervenir pour soutenir les investissements que les communes consacrent à l'installation des entreprises, mais aussi à la réalisation des infrastructures qui attirent ces dernières. De plus, les attributions au titre du FRDE sont devenues cumulables avec les autres aides financières publiques, y compris celles du FEDER.
Préparée avec les élus de l'outre-mer, la LOOM a constitué un grand chantier législatif qui abordait les aspects économiques, sociaux, culturels et politiques de la vie des collectivités de l'outre-mer : elle est devenue l'outil de multiples chantiers locaux qui font progresser la démocratie locale en impliquant les citoyens dans leur devenir, avec l'aide de leurs élus. Vous pouvez compter sur mon appui, et sur celui du secrétariat d'Etat à l'outre-mer, pour vous accompagner dans ce travail.
Dans le même esprit, le Gouvernement a été attentif à la situation des communes de la Nouvelle-Calédonie : les lois de mars 1999 ont permis de réaménager le régime du fonds intercommunal de péréquation afin d'augmenter les ressources propres des communes, et le décret relatif au code des communes calédonien a été publié en juin dernier.
Les projets de loi relatifs au régime communal en Polynésie française constituent la prochaine échéance majeure pour les communes françaises du Pacifique, après la publication en juin dernier du code des communes de la Nouvelle-Calédonie.
Le Gouvernement souhaite que de nouvelles dispositions relatives aux compétences et aux finances des communes donnent à celles-ci le statut de collectivité locale de plein exercice qui est celui des communes de métropole ou des DOM. Il s'agira ainsi pour les communes de Polynésie d'une véritable " décentralisation " au sens qui a été donné à ce terme en métropole avec la grande loi Defferre de 1982.
Le calendrier parlementaire et surtout la perspective d'un changement constitutionnel du statut de la Polynésie française n'ont pas permis d'examiner les projets de loi que, sur la proposition de Jean-Jack Queyranne, le Gouvernement avait déposé dès1998. Je regrette comme vous ce retard et j'espère qu'il pourra être rapidement rattrapé. Mais le Gouvernement n'est pas resté inerte pour autant, s'agissant du statut juridique et financier des communes de Polynésie.
Ainsi, le Gouvernement a donné son plein accord à une initiative prise à l'Assemblée nationale, qui a introduit dans le projet de loi relatif à la démocratie de proximité une disposition modifiant le régime électoral des communes de 3500 habitants et plus de Polynésie qui ne sont pas composées de communes associées. Une fois adoptée, cette disposition permettra d'instaurer une dose de proportionnelle lors des élections municipales, comme c'est le cas dans la totalité des communes françaises de cette importance.
S'agissant de la fonction publique territoriale dans les DOM, j'appelle votre attention sur la publication en 2001 de deux textes importants : la loi du 3 janvier relative à la résorption de l'emploi précaire, et son décret d'application, publié il y a quelques jours. Les mesures prévues permettent en particulier aux agents non titulaires qui n'ont pu entrer dans les dispositifs antérieurs, tel celui de la loi de 1996, de bénéficier de procédures simplifiées pour accéder à la titularisation.
Les services de l'Etat sont prêts à vous aider, comme ils l'ont fait à la Réunion, pour définir les mesures que vous pourriez proposer aux organisations représentatives des personnels, car je crois que la bonne voie, c'est de compléter la loi par des accords entre partenaires sociaux, à l'initiative de l'association départementale des maires.
J'en viens au dernier point de mon intervention : la loi relative à Mayotte, publiée le 13 juillet dernier au Journal officiel de la République française, symbolise à mon sens l'esprit dans lequel ce Gouvernement travaille depuis 1997 à la décentralisation, et l'attention toute particulière qu'il porte aux spécificités de chacune des collectivités d'outre-mer. Cette loi a été préparée et adoptée dans des conditions que je veux souligner de dialogue et de concertation, dans le cadre du comité de suivi de l'accord du 27 janvier 2000, et après un travail parlementaire remarquable.
Le processus de mise en place de la réforme est progressif : jusqu'en 2007, la collectivité départementale et les communes se verront transférer des compétences supplémentaires, qui leur permettront de disposer librement de leurs ressources. La loi prévoit qu'une ordonnance viendra moderniser le régime communal et intercommunal à Mayotte. Ce texte est prévu pour 2002 ; il permettra aux communes de Mayotte de bénéficier des mêmes outils juridiques que les communes des départements d'outre-mer.
Les communes de Mayotte se verront attribuer dès 2002 une dotation de rattrapage et de premier équipement. En 2002, les fonds attribués à cette dotation devraient atteindre 6,5 millions de francs en fonctionnement, et 55 millions de francs en investissement (en autorisations de programme). Cette dotation sera répartie entre les communes au sein d'un fonds intercommunal de péréquation, qui sera supervisé par un comité de suivi où siégeront vos représentants.
Cette mesure financière n'est pas la seule : les communes et la collectivité départementale de Mayotte bénéficieront dès l'année prochaine du FCTVA. Enfin, l'Etat abondera dès 2002 le Fonds mahorais de développement créé par la loi du 11 juillet dernier, pour un montant qui devrait atteindre 8,5 millions de francs, dont 5 en autorisations de programme.
S'agissant de la réforme de la fonction publique territoriale à Mayotte, qui a, je le reconnais, un peu tardé jusqu'ici, il fallait que la loi relative à Mayotte modifie d'abord l'ordonnance imparfaite de 1996. Les projets de décret pour la création des CTP et du centre de gestion sont en cours de concertation interministérielle. La filière administrative verra bientôt le jour.
Cette réforme de la fonction publique à Mayotte est d'ores et déjà engagée, par l'effort de formation professionnelle des cadres de la fonction publique territoriale, dont le financement sera assuré par le contrat de plan.
A cet égard, je veux saluer le partenariat du conseil général de Mayotte avec le Centre national de la fonction publique territoriale, mis en place grâce à l'action conjuguée de ces organismes, du préfet et du secrétariat d'Etat à l'outre-mer. Plusieurs dizaines de cadres mahorais ont déjà commencé un premier cycle de formation.
En conclusion, vous le voyez, le Gouvernement maintient un cap depuis 1997 : renforcer les moyens dont les élus disposent, afin de favoriser l'émergence de projets locaux conduits par des collectivités sûres de leurs capacités, en métropole comme en outre-mer.
Au-delà des engagements financiers, les grands textes de l'outre-mer qui ont été publiés en cinq ans ont posé les bases d'une décentralisation réellement vécue, laissant aux élus la liberté de l'administration locale, en partenariat avec un Etat soucieux de leur succès.
Premiers magistrats de vos communes, vous incarnez pour vos administrés le niveau le plus proche de la responsabilité publique. Connaissant leurs difficultés, vous les mesurez mieux que personne. Partageant leurs aspirations, vous êtes la cheville ouvrière du développement de vos communes.
Vous pouvez compter sur mon soutien, et sur celui du Gouvernement, pour vous aider à mener à bien la belle mission qui est la vôtre.
(source http://www.outre-mer.gouv.fr, le 13 novembre 2001)