Déclaration de M. Christian Paul, secrétaire d'Etat à l'outre-mer, sur l'action du gouvernement en faveur de l'outre-mer dans le cadre de la loi d'orientation, notamment sur le plan des institutions, du développement économique, de la sécurité et de la prévention des risques naturels, Paris le 19 novembre 2001.

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Circonstance : Congrès de l'Association des maires de France à Paris du 20 au 22 novembre 2001-journée des maires d'outre-mer le 19 novembre

Texte intégral

Monsieur le président de l'association des maires de France,
Mesdames et Messieurs les maires et présidents de communautés,
Mesdames, Messieurs,
Je suis très sincèrement heureux d'ouvrir avec vous la journée outre-mer du 84ème congrès des maires et présidents de communauté. Je le suis parce que, comme vous tous, je sais qu'il est passionnant d'exercer des fonctions locales. Comme vous tous également je sais que cet exercice est confronté à des défis nombreux et aux attentes de plus en plus fortes de nos concitoyens. Notre ambition est de vous donner les moyens d'y répondre.
Depuis 1997, le gouvernement a mis en uvre une politique globale pour l'outre-mer. Une politique globale, qui ne sépare pas le développement économique, l'évolution institutionnelle, l'égalité sociale et l'identité culturelle, une politique qui n'a de sens que dans un dialogue étroit avec les élus, une politique ambitieuse, qui se donne les moyens pour atteindre les objectifs qu'elle se fixe.
Cette action déployée, avec et pour tous les outres-mers, c'est une autre politique, c'est aussi une autre manière de faire de la politique.
Plus qu'une autre politique, c'est ainsi une autre manière de faire de la politique, qui ne traite pas les problèmes séparément, en déployant des solutions toutes faites, mais qui donne aux acteurs sur place les outils concrets pour soutenir la croissance, lutter contre le chômage, garantir l'égalité des droits, assurer la sécurité des biens et des personnes, organiser à l'école la transmission des savoirs, dans le respect des différences et de ce qui nous est commun.
Une autre manière de faire, parce qu'il ne s'agit plus de considérer les outre-mers comme des régions périphériques, où se conjugueraient problèmes institutionnels et insuffisances économiques, mais des ensembles complexes qui ont des ressources propres et qui contribuent à la richesse de notre République.
Vous, maires et présidents de communautés de communes, vous êtes acteurs de cette politique, et c'est à travers vous que la République associe l'ensemble des citoyens aux décisions que nous devons prendre.
I. Ainsi, des avancées législatives considérables nationales et spécifiques ont donné aux communes davantage de responsabilités et les moyens, financiers et humains, de les exercer.
Des réformes institutionnelles d'abord, avec le développement de l'intercommunalité. C'est une réelle opportunité à saisir et dont vous vous êtes emparés. J'observe avec satisfaction que douze communautés de communes existent aujourd'hui dans les DOM, et que plusieurs autres sont prévues, à la Réunion et en Guadeloupe. En Martinique désormais, toutes les communes appartiennent à une structure intercommunale.
Il faut bien sûr aux communes des moyens financiers sans lesquels les politiques que nous définissons ensemble restent lettre morte. Le gouvernement a souhaité une autre logique pour les dotations de l'Etat. Auparavant, elles étaient stables, parfois stagnantes. Leur montant ne suivait pas l'évolution de notre économie. Le contrat de croissance et de solidarité permet désormais aux collectivités locales de bénéficier des fruits de la croissance retrouvée ; son enveloppe des dotations est indexée sur l'évolution des prix et sur une fraction croissante du PIB. Il sera prolongé d'un an en 2002. Mesure à la fois juste, puisque toutes les collectivités doivent profiter de la croissance et mesure efficace, puisqu'elle permet d'une année sur l'autre une augmentation significative de la Dotation Globale de Fonctionnement.
La situation financière de certaines communes outre-mer m'a conduit à renforcer leurs moyens. La loi d'orientation pour l'outre-mer, dont je détaillerai plus loin les résultats économiques, attribue aux communes 40 MF dès 2001, auxquels s'ajoute la possibilité de bénéficier du fonds d'investissement pour les routes et les transports publics, et du fonds régional pour le développement et pour l'emploi.
Je tiens, enfin, à rassurer ceux qui seraient préoccupés par l'avenir de l'octroi de mer, dont bénéficie les communes outre-mer. Il ne sera pas remis en cause par l'évaluation que doivent effectuer au cours de l'année 2002 les autorités européennes et qui concerne le seul régime des exonérations en faveur de la production locale.
Les moyens restent inefficaces si, sur le terrain, vous ne pouvez compter sur des fonctionnaires formés et compétents. En matière de fonction publique territoriale, la loi du 3 janvier 2001 relative à la résorption de l'emploi précaire et son décret d'application paru il y a quelques semaines permettent notamment aux agents d'accéder à la titularisation par des procédures simplifiées.
Ajoutons à ces mesures nationales les textes spécifiques qui donnent aux communes une dimension nouvelle : la loi d'orientation pour l'outre-mer dans les DOM, mais aussi la publication du code des communes en Nouvelle-Calédonie au mois de juin. Le calendrier parlementaire et surtout la perspective d'un changement constitutionnel du statut de la Polynésie n'ont pas permis d'examiner les projets sur le statut des communes, mais certaines avancées ont été réalisées : la pérennisation de la contribution de l'Etat au Fonds Intercommunal de Péréquation, l'alignement du régime électoral des communes de plus de 3 500 habitants. Enfin, à Mayotte, la loi publiée au mois de juillet, sur laquelle je me suis largement exprimé au congrès de l'ACDOM, il y a quelques jours, prévoit des transferts de compétence qui renforce considérablement la décentralisation.
II. Des responsabilités étendues et des moyens augmentés vous associent plus étroitement qu'auparavant à la politique du gouvernement. Sa priorité constante, outre-mer comme dans l'hexagone, a été et reste la lutte contre le chômage. Dans les DOM, les mesures nationales de relance de la consommation, de réduction du temps de travail, de soutien à l'activité par la baisse de la TVA sur certains travaux ont porté leurs fruits. Mais il fallait aussi outre-mer des mesures spécifiques pour soutenir la croissance et créer des emplois.
Conformément à l'engagement de Lionel Jospin, le dispositif de soutien fiscal à l'investissement a été reconduit par la LFI de 2001 mais surtout il a été rendu plus juste et davantage orienté en faveur des entreprises ultra-marines.
En outre, le fonds pour l'emploi dans les DOM (FEDOM) a été doublé pendant cette législature : 3,3 milliards de francs financeront en 2002 la mise en place de 100 000 mesures d'insertion professionnelle. Ainsi, vos communes disposeront l'an prochain du même nombre d'emplois aidés (contrats emploi solidarité et contrats emploi consolidé) que cette année. J'ai obtenu en outre du gouvernement mille emplois-jeunes supplémentaires pour 2002, c'est-à-dire 10 % de l'enveloppe nationale.
Les résultats sont là : 10 % de chômeurs en moins depuis deux ans, et surtout 20 % de moins chez les jeunes.
Mais c'est encore insuffisant : nous voulons un développement économique durable et une réduction massive du nombre des demandeurs d'emploi, comparable aux chiffres de l'hexagone. C'est l'objet de la loi d'orientation pour l'outre-mer, mise en uvre dans des délais records. Ainsi, les exonérations de charges sociales (plus de 3,5 milliards de francs) sont en vigueur depuis le 1er janvier 2001. Toutes les autres dispositions de la loi le sont maintenant aussi. Les résultats du Projet Initiative Jeune sont encourageants, avec maintenant plus de 500 créations d'entreprise. Le congé solidarité, (c'est l'embauche durable d'un jeune contre un départ en pré-retraite) doit permettre, grâce à un fort engagement financier de l'Etat, de dégager plusieurs milliers d'emplois. C'est une opportunité que les partenaires locaux, qui doivent signer une convention cadre d'ici la fin de l'année, ne peuvent laisser passer.
La loi d'orientation favorise la croissance et crée des emplois. Elle réalise également l'égalité sociale : dans quelques semaines, dans l'hexagone comme outre-mer, le niveau du RMI sera identique, et déjà le revenu de solidarité et l'allocation de retour à l'activité sont en vigueur.
J'ajoute qu'à Mayotte, les ordonnances (emploi et social) publiées dans les deux mois qui viennent amélioreront la protection sociale et favoriseront le développement de l'emploi.
Dans tous ces domaines, le gouvernement a tenu ses engagements. Les décrets d'application des lois adoptées au Parlement sortent rapidement, les effets sur le terrain font l'objet d'un suivi attentif auquel doivent être associés tous les partenaires. Il s'agit bien d'une autre manière de faire, au service d'une autre politique.
III. Cette rencontre est l'occasion d'une réflexion commune sur les sujets qui préoccupent nos concitoyens : vous allez travailler aujourd'hui sur la sécurité, la prévention et la gestion des risques naturels, le tourisme. Permettez-moi d'en dire quelques mots.
La demande de sécurité de nos concitoyens, outre-mer comme dans l'hexagone, est légitime. Le gouvernement entend répondre à cette inquiétude, conscient que c'est là la mission de l'Etat : c'est pourquoi les dotations budgétaires qui y sont consacrées augmentent de 4,5 %, et vous savez que des crédits considérables vont être débloqués pour améliorer les moyens d'action de la police. Les outre-mers vont également bénéficier de l'augmentation des effectifs. Au cours des quatre dernières années, le nombre des policiers outre-mer a déjà augmenté de 18 %, celui des gendarmes de plus de 20 %. D'autres augmentations suivront, nécessaires à la mise en place de la police de proximité, essentielle pour lutter contre la petite et moyenne délinquance. Dès le début de l'année 2002, elle sera déployée outre-mer dans les principales circonscriptions de police.
Mais la sécurité n'est pas seulement une affaire de police ; nous y sommes tous engagés. Le gouvernement a mis en place une démarche partenariale, dont les élus locaux sont les premiers acteurs. Les contrats locaux de sécurité permettent de mobiliser et de coordonner les énergies et les compétences, en associant étroitement les services de l'Etat, les élus et les associations. 16 ont été signés outre-mer, et une quinzaine sont en cours d'élaboration. Cette démarche globale et attentive à la délinquance quotidienne, je ne doute pas qu'avec votre concours elle porte ses fruits.
Les outre-mers français sont des régions exposées aux risques naturels. L'action publique cependant les prévient et, le cas échéant, permet d'y faire face. L'Etat, ainsi, a su mobiliser des renforts en matière de sécurité civile et des aides exceptionnelles, notamment pour reconstruire habitations ou exploitations après le passage de cyclones. Les contrats de plan et de développement consacrent également des sommes importantes au problème des écoulements d'eau lors des périodes cycloniques. J'insiste également pour que soient mis en place des plans de prévention dans les communes exposées.
Les risques sismiques sont également importants aux Antilles. La Martinique, vous vous en souvenez, a connu en juin 1999 un séisme de magnitude 5,4. Mieux connaître la nature des risques, sensibiliser les populations, former les professionnels de la construction aux normes parasismiques, tels sont les objectifs de l'action de l'Etat en ce domaine. Il faut aussi que les bâtiments, et d'abord ceux qui sont nécessaires à l'organisation des secours, soient mis aux normes. L'Etat s'est engagé dans cette démarche. Les collectivités doivent le faire également, notamment pour les bâtiments des services départementaux d'incendie et de secours.
L'activité touristique est un élément essentiel du développement économique : il est créateur d'emplois, mais il est fragile. Il dépend des transports aériens et du climat international : depuis les événements du 11 septembre, certaines destinations touristiques connaissent l'inquiétude, notamment en Polynésie. Les professionnels du tourisme et les élus des Antilles m'ont également fait part de leur inquiétude. Je prête à ces questions la plus grande importance. Rappelons d'abord que les entreprises de tourisme bénéficient de l'exonération des charges sociales patronales et du soutien fiscal à l'investissement. Rappelons également à titre d'exemple que les dotations affectées aux investissement touristiques dans les DOCUP et les contrats de plan s'élèvent à 689 MF pour la Guadeloupe, 652 MF pour la Martinique. En outre, le Secrétaire d'Etat au tourisme, M. Brunhes, et moi-même avons demandé aux préfets des Antilles de rencontrer les élus et les opérateurs privés afin de définir avec eux les mesures d'accompagnement et de relance nécessaires. Leurs conclusions sont attendues fin décembre, je les évoquerai lors de mon prochain voyage aux Antilles.
Dans tous ces domaines, vos réflexions nous importent. Le gouvernement sait les missions qui lui appartiennent et il entend les remplir, comme il a l'a fait jusqu'à présent. Il sait aussi que notre République ne saurait s'accommoder d'un fossé entre les citoyens qui ne les reconnaissent plus tout-à-fait et les institutions, trop éloignées de leurs préoccupations quotidiennes. Outre-mer particulièrement, les attentes ont trop longtemps été déçues. Ce temps est révolu : nous voulons davantage de démocratie dans notre République, nous voulons rapprocher les populations de leurs élus pour les impliquer davantage dans la décision politique. Cette proximité, vous, maires et présidents des communautés de communes, en êtes les premiers maillons. Pour remplir cette mission essentielle, je pense qu'il est nécessaire d'ouvrir de nouvelles pistes et de nouveaux chantiers pour les années à venir. Il faut notamment réfléchir ensemble à une plus grande adaptation de l'intercommunalité aux spécificités de l'outre-mer, qui tienne compte du petit nombre de communes (pour une même population, il y a en effet cent fois moins de communes que dans l'hexagone), en particulier dans la perspective de l'élection au suffrage universel des intercommunalités à finalité propre.
Par ailleurs, je suis de ceux qui considèrent que les finances des communes ultra-marines méritent une approche nouvelle et originale. Le gouvernement, par la voix du ministre de l'Intérieur et de la secrétaire d'Etat au budget, a annoncé cet été l'ouverture d'un vaste chantier de réforme, qui doit permettre la modernisation du régime souvent complexe des dotations de l'Etat aux collectivités. Dans ce travail que l'Etat va entreprendre avec les représentants des élus, notamment au comité des finances locales, je crois nécessaire que la voix de l'outre-mer se fasse aussi entendre. Certaines de vos particularités ont déjà été intégrées ; mais ce n'est pas suffisant. Vous le savez mieux que quiconque, le rendement des impôts locaux traditionnels (taxe d'habitation, taxe professionnelle taxe sur le foncier bâti) est nettement plus faible outre-mer. Toute réforme devra tenir compte de ces différences et définir pour les communes d'outre-mer quelques critères propres : la superficie par exemple -dont la LOOM a pour la première fois tenu compte- et une meilleure prise en compte du dynamisme démographique.
Le travail a certes bien avancé, mais nous avons ensemble des voies nouvelles à explorer. Je sais pouvoir compter sur votre volonté, vous pouvez compter sur ma détermination à faire vivre à vos côtés et avec vous, la démocratie municipale dans l'ensemble de l'outre-mer.
(Source http://www.outre-mer.gouv.fr, le 21 novembre 2001)