Déclarations de M. Emile Zuccarelli, ministre de la fonction publique de la réforme de l'Etat et de la décentralisation, sur le développement de l'intercommunalité, notamment la simplification de la coopération intercommunale, la taxe professionnelle et le mode de désignation des délégués intercommunaux, ainsi que la clarification des compétences locales, Paris les 2 et 12 octobre 1997.

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Circonstance : 8 ème Convention nationale de l'Assemblée des districts et des communautés de France (ADCF), Paris le 2 octobre 1997. Etats généraux des communautés rurales de la FNESR sur l'intercommunalité le 12 octobre 1997.

Texte intégral


Je souhaiterais tout d'abord vivement vous remercier de m'avoir convié à cette huitième convention nationale de l'Assemblée des districts et des communautés de France.
Je ne pourrai, à mon grand regret, assister à la suite de vos travaux car je dois participer, à partir de 11 heures, à une réunion des membres du Gouvernement. Je devrai donc vous quitter après mon intervention et je vous prie de bien vouloir m'en excuser.
Depuis sa création, votre association a joué un rôle moteur en faveur du développement de l'intercommunalité et s'est affirmée comme un interlocuteur écouté des pouvoirs publics.
Elle le doit d'abord à sa représentativité : vos adhérents, issus de toutes nos régions, représentent aussi bien des agglomérations urbaines que le monde rural ; l'ADCF a su capitaliser leurs expériences d'hommes et de femmes de terrain au service du développement local.
Mais l'audience de l'ADCF bénéficie également de la qualité des travaux qu'elle a menés et de son souci constant d'être une force de proposition dans le débat public sur l'avenir de l'intercommunalité.
Je suis élu d'une commune qui, de longue date, fait partie d'un district, membre de votre association. L'intercommunalité à fiscalité propre m'est donc familière et je peux en apprécier les réalisations concrètes ainsi que leurs retombées positives sur la vie locale.
Dans l'exercice de mes attributions ministérielles relatives à la décentralisation, le développement de la coopération intercommunale s'inscrit parmi mes principales priorités.
Dans ces conditions, vous comprendrez aisément que le titre choisi pour votre débat de ce matin : " Intercommunalité : la réforme introuvable ? " ne peut me laisser indifférent. S'il exprime une interrogation quant à la volonté du Gouvernement de mener à bien cette réforme, je puis tout à fait vous rassurer. La réforme de l'intercommunalité est délicate compte tenu de ses enjeux, mais elle n'est pas " introuvable ".
La réflexion menée, sous l'égide de mon prédécesseur Dominique PERBEN, par la Direction générale des collectivités locales a conduit, vous le savez, à l'élaboration d'un projet de loi. Le changement politique que notre pays a connu au printemps dernier ne remet pas en cause cette démarche.
Avec mon collègue Jean-Pierre CHEVENEMENT, nous entendons bien tenir le cap de la réforme. Il n'est pas dans nos intentions - c'est évident - de faire table rase du travail d'ores et déjà accompli. Nous faisons nôtres les principales orientations du projet de loi auquel je viens de faire référence même si nous nous réservons naturellement un droit d'inventaire des dispositions contenues dans ce texte. Mais nous entendons surtout faire oeuvre d'initiative pour les enrichir.
Le ministre de l'intérieur et moi-même, avons fait le choix de ne pas travailler dans la précipitation et de prendre le temps de la réflexion et de la concertation. Le réalisme nous oblige d'ailleurs à constater que le calendrier de la prochaine session ordinaire du Parlement, déjà très chargé, n'aurait certainement pas permis l'examen d'un projet de loi sur l'intercommunalité. Autant, dans ces conditions, mettre à profit les mois qui viennent pour préparer un texte qui réponde au mieux aux attentes des élus locaux qui, vous l'avez rappelé Monsieur le Président, sont fortes.
Depuis ma prise de fonctions, j'ai rencontré les responsables de toutes les grandes associations d'élus afin de procéder avec eux à un tour d'horizon des dossiers relatifs à la décentralisation.
J'ai eu, ainsi, l'occasion de rencontrer le Président CENSI et une délégation de l'ADCF pour un échange approfondi sur ces questions. J'ai pris alors bonne note de leurs préoccupations et des idées qu'ils développent pour rendre notre coopération intercommunale encore plus performante.
Au terme de cette discussion, j'ai eu le sentiment que nos positions respectives étaient globalement assez proches. Je m'en félicite et puis vous assurer de mon souhait de poursuivre ce dialogue fécond au cours des prochain mois.
Je limiterai mon propos devant vous ce matin à plusieurs observations sur les axes essentiels de la réforme à venir.
1. La simplification du cadre institutionnel de la coopération intercommunale.
Un consensus se dégage aujourd'hui pour reconnaître que la multiplication au fil des ans des types de groupements de communes (sept en prenant en compte les syndicats d'agglomération nouvelle) a sans doute nui à la lisibilité de l'intercommunalité en générant une complexité parfois inutile.
Les communautés de communes, les communautés de villes et les districts présentent ainsi de nombreuses similitudes qui pourraient justifier leur regroupement en une seule catégorie d'EPCI, moyennant une harmonisation des règles régissant leur création, leur fonctionnement et leurs compétences.
Il convient, à mon sens, de conserver dans la gamme des Etablissements Publics de Coopération Intercommunale les SIVU et SIVOM qui demeurent des formules très adaptées pour répondre à certains types de besoins, notamment la gestion de services publics nécessitant une aire assez étendue, par exemple la collecte et le traitement des ordures ménagères.
De même, ne me semble-t-il pas opportun de fondre l'ensemble des EPCI à fiscalité propre en un seul statut ; Dominique PERBEN n'avait pas souhaité mettre en cause le régime particulier des communautés urbaines : ce choix m'apparaît sage, compte tenu des fortes spécificités de cette forme de coopération intercommunale. Ne soyons pas maximalistes : en aboutissant à seulement deux catégories d'EPCI à fiscalité propre (en dehors des syndicats d'agglomération nouvelle), un important progrès serait déjà réalisé par rapport à la situation actuelle.
2. Une deuxième question sera au coeur de votre débat de cette matinée : comment parvenir à un meilleur partage de la taxe professionnelle ?
La mise en commun de la taxe professionnelle était, il y a quelques années, au nombre des sujets tabous sur lesquels il était difficile d'espérer un consensus.
Il n'en est plus de même aujourd'hui et beaucoup d'élus locaux, quelles que soient leur sensibilité et la taille de leur commune ou agglomération, se rejoignent pour considérer que l'époque de l'individualisme fiscal exacerbé est désormais révolue.
Nous ne pouvons durablement laisser perdurer les fortes distorsions de concurrence ni les choix parfois irrationnels de localisation d'activités qu'entraînent actuellement les écarts de taux de taxe professionnelle au sein d'une même agglomération. Il nous faut aussi remédier aux iniquités qui en découlent dans la répartition des richesses, souvent au détriment des villes ou bourgs centre qui assument l'essentiel de la charge des équipements collectifs.
L'unification des taux et la mise en commun des ressources de la taxe professionnelle dans le cadre de l'intercommunalité à fiscalité propre apparaissent aujourd'hui comme deux conditions indispensables de la réussite de politiques cohérentes de développement local tant en milieu urbain que rural.
Toutes les associations d'élus que j'ai consultées sont d'accord pour considérer que nous devons aller vers une plus forte intégration fiscale de nos groupements. Les avis divergent cependant sur la méthode à mettre en oeuvre pour y parvenir.
Les uns défendent une démarche très volontariste qui consisterait à rendre obligatoire la taxe professionnelle unique dans toute agglomération au delà d'un certain seuil démographique.
D'autres, marquent leur préférence pour une démarche plus souple consistant à adapter le cadre juridique actuel de l'intercommunalité à fiscalité propre afin de faire disparaître plusieurs obstacles à la mise en commun de la taxe professionnelle.
Les propositions formulées par l'ADCF s'inscrivent plutôt dans cette seconde perspective. Je pense, en particulier, à la possibilité pour un EPCI de pratiquer une fiscalité mixte conjuguant taxe professionnelle unique et fiscalité additionnelle aux impôts ménages ; c'est le cas également de la suggestion visant à apporter certains assouplissements à la règle du lien entre le taux de la taxe professionnelle intercommunale et le taux des impôts ménages des communes membres.
L'objectif est clair : éviter une trop forte dépendance des ressources des établissements publics de coopération intercommunale à l'égard d'une part, des variations de la conjoncture économique et d'autre part, des décisions fiscales des communes, afin de faire reculer la circonspection à l'égard de la taxe professionnelle d'agglomération (je vous rappelle qu'à ce jour seuls 65 des 1.500 groupements à fiscalité propre ont choisi cette solution).
La Direction générale des collectivités locales a beaucoup travaillé au cours des derniers mois sur ces propositions ; celles-ci seront prises en considération par le projet de loi.
3. Troisième question au menu de vos discussions de ce matin : comment mettre fin à l'intercommunalité dite d'aubaine ?
Nul ne peut contester que certains groupements à fiscalité propre ont été constitués, depuis l'entrée en vigueur de la loi du 6 février 1992, afin de pouvoir bénéficier de la dotation globale de fonctionnement et des autres incitations financières mises en place par l'Etat. De même qu'il est clair que certains établissements publics de coopération intercommunale n'ont pas résisté à la tentation - si vous me permettez l'expression - de " charger la barque " en prenant à leur compte des dépenses de transferts (contingent d'incendie et de secours, ordures ménagères...) afin d'accroître ainsi quelque peu artificiellement leur coefficient d'intégration fiscale et, de ce fait, leurs attributions de DGF.
Il serait à la fois logique et équitable que l'effort financier de l'Etat soit prioritairement consenti en faveur des groupements qui ont fait le choix d'une réelle intégration et qui se consacrent à la mise en oeuvre effective de projets de développement.
Je veillerai à ce que des dispositions en ce sens figurent dans le futur projet de loi.
4. Un autre sujet ne manquera pas, je pense, d'être évoqué dans vos débats : le mode de désignation des délégués intercommunaux.
Il est clair que l'intercommunalité souffre actuellement d'un déficit de lisibilité et qu'elle est, de ce fait, mal identifiée par beaucoup de nos compatriotes qui, bien souvent, n'en appréhendent clairement qu'une seule dimension : celle d'une colonne supplémentaire sur leurs feuilles d'impôts locaux !
Au delà de ce constat communément admis, les avis divergent sur les moyens à mettre en oeuvre pour impliquer davantage les citoyens.
Certains - et leur préoccupation est légitime - s'étonnent que l'assemblée délibérante d'une structure qui lève l'impôt soit élue au deuxième degré. Ils considèrent que les compétences croissantes exercées par les groupements rendent indispensable une responsabilité directe des élus intercommunaux devant les électeurs.
D'autres récusent une telle évolution en soulignant les risques, d'une part, de politisation des instances de décision intercommunales et, d'autre part, d'affaiblissement et de perte progressive d'identité de l'entité communale. Ils craignent que l'élection au suffrage universel ne dissuade beaucoup de communes de s'engager dans l'intercommunalité à fiscalité propre.
L'ensemble de ces arguments sont à prendre en compte et nécessitent une réflexion approfondie et conjointe du Gouvernement et des associations d'élus locaux.
Ce débat devra, le moment venu, être tranché et pas nécessairement d'ailleurs avec une réponse uniforme. Si le choix de l'élection au suffrage universel était jugé prématuré, je suis convaincu qu'il ne serait pas pour autant souhaitable d'en rester au statu quo. Il y a place pour des mesures qui permettent de renforcer l'enracinement démocratique des structures intercommunales, notamment en assurant une meilleure information des citoyens mais aussi, et surtout, des conseils municipaux des communes membres sur les décisions prises par les EPCI.
5. Quelques mots enfin sur la nécessaire clarification des compétences locales.
Quinze ans après l'entrée en vigueur des lois de décentralisation, force est de reconnaître que l'environnement institutionnel, économique et social de l'action des collectivités territoriales a profondément évolué. Avec le temps, les blocs de compétences ont le plus souvent cédé la place à des partenariats qui associent l'Etat et les différents niveaux de collectivités. La répartition des responsabilités entre ces derniers y a incontestablement perdu en clarté.
Ainsi que l'a récemment déclaré le Premier ministre devant les présidents des conseils généraux, une remise en ordre s'impose et il y a certainement matière à ajustements entre l'Etat et les collectivités territoriales d'une part, entre ces dernières d'autre part. Le Gouvernement entend engager bientôt une concertation active à ce propos avec les associations d'élus locaux.
Sans rigidifier le système en créant des cloisonnements étanches entre les interventions respectives de chaque niveau de collectivités, nous allons nous efforcer d'introduire plus de cohérence dans le système actuel. Cette démarche connaîtra une première étape avec la refonte des dispositions régissant l'action économique des collectivités locales, qui fera l'objet d'un projet de loi au printemps prochain.
L'intercommunalité, compte tenu de sa place croissante dans notre vie locale, ne saurait être absente de cette réflexion. Peut-être serait-il opportun d'aller vers une reconnaissance plus explicite du rôle des structures de coopération dans les domaines du soutien à la vie économique et de la coordination des politiques locales de l'emploi. C'est une piste que nous explorons actuellement.
Telles sont les observations dont je souhaitais vous faire part en ouverture de vos travaux. Les relations étroites de concertation que j'entends entretenir avec l'Assemblée des districts et des communautés de France nous conduiront à nous revoir bientôt.
Dans l'immédiat, je forme des voeux de pleine réussite pour cette huitième convention nationale et je vous remercie de votre attention.
(source http://sig.premier-ministre.gouv.fr, le 11 septembre 2001)