Déclaration de M. Yves Cochet, ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement, sur la pêche de loisir, le projet de loi sur l'eau et les nouvelles missions du Conseil supérieur de la pêche, l'implantation de micro-centrales hydroélectriques et la régulation des populations de cormorans, Paris le 26 novembre 2001.

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Circonstance : Clôture du congrès national des présidents de fédérations de pêche et de protection du milieu aquatique, à Paris le 26 novembre 2001

Texte intégral

Monsieur le Président Solelhac,
Messieurs les Présidents,
Mesdames et Messieurs,
C'est avec beaucoup de plaisir que je viens aujourd'hui clôturer votre congrès annuel. Je sais que depuis de nombreuses années un travail, approfondi et de qualité, est accompli entre le ministère chargé de l'environnement et votre Union.
Il ne saurait en être autrement puisque que de toute évidence les intérêts des pêcheurs et ceux du ministère de l'aménagement du territoire et de l'environnement sont largement convergents. Nous sommes très attachés à préserver, voire restaurer, la qualité de l'eau, la qualité des milieux aquatiques, la diversité des populations de poissons. Nous souhaitons encourager la présence sur le terrain d'hommes et de femmes qui tout en exerçant une activité de loisirs contribuent à la préservation de l'environnement et à la vie associative locale. Vos 4200 associations agréées pour la pêche et la protection des milieux aquatiques sont le témoignage de votre dynamisme.
Ce dynamisme vous conduit à devoir vous adapter aux mutations importantes que connaît le monde de la pêche, liées à l'évolution de notre société.
Il apparaît en effet aujourd'hui de nouvelles catégories de pêcheurs dont les demandes s'éloignent de celles des pêcheurs plus traditionnels qui sont cependant les plus nombreux. Il s'agit en particulier de ceux qui pratiquent ce loisir uniquement pendant les périodes de vacances d'une part, et d'autre part des pêcheurs très mobiles et très spécialisés sur quelques espèces, qui recherchent des parcours de pêche très spécifiques.
Vos fédérations et vos associations ont su, avec le conseil supérieur de la pêche, mettre en place des produits nouveaux correspondant à cette demande : c'est la carte journalière et la carte vacances qui répondent à une réelle attente.
Au niveau local, vos associations ont su mettre en place des parcours de pêche diversifiés du plus artificiel au plus sauvage. Les collectivités locales (comité départementaux du tourisme) sont des partenaires qui ont bien compris l'importance de l'image positive de la pêche dans une vallée.
Nous sommes prêts à étudier avec vous la mise en place de " coupons-taxe " de pêche à la journée, à la quinzaine, au mois ou à l'année, à insérer sur une carte d'identité halieutique unique pour toute la France.
L'effort considérable fait par les fédérations et les associations de pêche, pour mettre en commun leurs parcours de pêche, va dans le sens de la simplification de la pratique de la pêche et du développement d'une offre de pêche plus diversifiée et plus étendue. Ce mouvement dit de réciprocité entre les grands clubs doit être poursuivi. Il doit s'accompagner d'une harmonisation et d'une simplification de la pratique de la pêche, nous sommes prêts à poursuivre avec vous cette démarche déjà entreprise.
Mais on ne peut pas concevoir, bien sûr, la pêche sans les pêcheurs. La diminution constante du nombre de pêcheurs dans le cadre associatif qui nous rassemble aujourd'hui, nous préoccupe pour des raisons financières et budgétaires que vous connaissez, mais aussi parce que la pêche en tant qu'activité à caractère social devrait occuper une place plus importante dans la palette des loisirs offerts, aujourd'hui, aux jeunes et aux adultes dans notre pays. Dans une cité de plus en plus urbanisée, l'initiation et l'accès à la pêche sont de plus en plus difficiles. La découverte et l'initiation de la pêche, transmise autrefois naturellement de génération en génération, risque aujourd'hui de disparaître. L'Union nationale consciente de ce problème a su mettre en place les " écoles de pêche ". Aujourd'hui, pour aller à la pêche, on va à l'école. Il n'y a pas longtemps c'était le contraire faire l'école buissonnière était l'occasion de découvrir la pêche !
Dans cette action importante, le ministère de l'environnement est votre partenaire et il continuera de l'être.
Je suis convaincu que la simplification et la diversification de la pratique de la pêche de loisir, le développement de la réciprocité pour la mise en commun de parcours de pêche et le développement de la promotion et de la formation à la pratique de la pêche, sont les moyens indispensables et nécessaires pour que la pêche de loisir retrouve sa place auprès du grand public.
Je souhaite maintenant dire quelques mots du projet de loi sur l'eau. Comme vous le savez, une grande partie des forces de travail de la Direction de l'Eau s'est mobilisée depuis plus de deux ans sur l'élaboration de ce texte. Après une très large concertation, à laquelle vous avez été associés, ce projet a été arrêté par le gouvernement au conseil des ministres du 27 juin 2001 et déposé le même jour sur le bureau de l'assemblée nationale. Il doit faire l'objet d'un examen en première lecture devant cette assemblée dès le mois de janvier 2002.
Dominique Voynet avait eu l'occasion, ces deux dernières années, lors de ses interventions devant vous, de vous en présenter les grandes lignes. Je ne me livrerai donc pas à une présentation exhaustive de ce texte devant vous. Je tiens toutefois à souligner quelques points qui vous concernent de près.
Il s'agit tout d'abord de l'un des grands objectifs du projet de loi : rendre plus efficace la politique des agences de l'eau, dans le domaine de l'amélioration de la qualité de l'eau, à travers une meilleure application du principe pollueur-payeur. Ainsi les redevances des agences de l'eau devront être plus incitatives à la réduction des rejets polluants, que ce soit pour les collectivités locales, les industriels ou les agriculteurs. Pour ces derniers, une nouvelle redevance sur les excédents d'azote sera mise en place.
Ces redevances feront l'objet d'une modulation géographique. Ainsi les redevances seront plus élevées dans les secteurs où les enjeux pour la protection, la restauration de la qualité de l'eau nécessiteront des efforts de dépollution plus importants. Dans le domaine de la gestion quantitative de l'eau, qui là encore vous intéresse très largement, des redevances de prélèvements incitatives à la gestion collective économe de l'eau seront mises en place.
Enfin, une redevance sur la modification du régime des eaux sera instituée : elle concernera les nouvelles surfaces imperméabilisées au delà d'une certaine taille, les remblais dans les zones inondables, ainsi que les ouvrages modifiant les conditions d'écoulement de l'eau dans les rivières. D'autres dispositions concernant l'amélioration des conditions d'exercice de la police de l'eau figurent également dans ce projet et répondent, je crois, en particulier, à des demandes exprimées par les pêcheurs. Je souhaite bien entendu que le débat parlementaire permette d'enrichir encore ce texte.
A cette occasion, je sais que certains parlementaires envisagent de proposer un amendement visant à donner une reconnaissance officielle législative à l'union nationale des pêcheurs. C'est une proposition qui vous est chère, Monsieur le Président. Sachez que je suis personnellement tout à fait ouvert à la prise en compte d'un tel amendement.
Cette loi sera donc une loi importante pour la politique française de l'eau qui complétera les lois de 1964 et de 1992. Elle s'inscrit dans un nouveau cadre européen, puisqu'elle sera également l'occasion de transposer la directive-cadre pour l'eau, adoptée le 23 octobre 2000. Cette directive est très ambitieuse puisqu'elle fixe des objectifs pour la préservation et la restauration d'un bon état écologique des milieux aquatiques à l'horizon 2015. Sa mise en uvre ne manquera donc pas de mobiliser de nombreuses énergies dans les mois et les années qui viennent.
A l'occasion des débats nombreux qui ont eu lieu lors de l'élaboration du projet de loi, de nombreuses voix se sont élevées pour souligner la nécessité d'un renforcement des moyens de la police des eaux. Le renforcement de l'efficacité de la police de l'eau fait partie de mes priorités, cela passe notamment par des crédits de fonctionnement suffisants. Les crédits consacrés à cette mission, essentielle pour une bonne mise en uvre de la politique de l'environnement, ont ainsi été multipliés par quatre depuis 1998. Je vous accorde toutefois que les moyens humains affectés à la police de l'eau qui représentent environ 800 agents éparpillés dans de trop nombreux services (DDAF, DDE, DDAS, services de navigation, services maritimes) restent à mon sens insuffisants, même si des progrès réels ont été accomplis à travers la mise en place généralisée de missions d'inter services de l'eau et parfois de délégations inter services. Le travail interministériel se poursuit pour permettre d'améliorer cette situation.
Je tiens à cette occasion à souligner l'importance grandissante du rôle joué par le Conseil Supérieur de la Pêche dans le domaine de la police de l'eau, qui vient compléter les dispositions de la police de la pêche qui vous sont familières. Cela constitue un exemple de l'évolution des activités et des missions de cet établissement public depuis sa création il y a presque 50 ans.
Je sais combien vous êtes attachés à cet établissement public qui a, depuis sa création, accompagné l'évolution de la pêche en France. Je sais que certains d'entre vous sont inquiets des évolutions en cours et ont l'impression que le CSP n'est plus la maison des pêcheurs.
Je suis, comme ma prédécesseure, très attaché à la poursuite du partenariat étroit qui associe l'union des pêcheurs, le ministère de l'aménagement du territoire et de l'environnement et le CSP. Le ministère a demandé au directeur général du CSP d'élaborer un contrat d'objectifs, pour les cinq années à venir. Celui-ci a été adopté par le conseil d'administration du 18 mai 2001.
Les 5 objectifs de ce contrat peuvent se résumer autour des trois missions principales suivantes :
o la connaissance des milieux aquatiques et des ressources vivantes associées ;
o la mise en uvre d'une police de l'eau et de la pêche en eau douce ;
o l'assistance et l'appui technique aux collectivités piscicoles.
Ces trois missions prioritaires constituent une chaîne continue d'actions qui doivent concourir à une meilleure protection des milieux aquatiques. Elles prennent en compte les missions qui sont confiées aux fédérations de pêche dans le cadre de leur statut d'établissement à caractère d'utilité publique.
Pour accompagner l'évolution des missions du CSP, en particulier le renforcement de celles réalisées pour le ministère de l'aménagement du territoire et de l'environnement, l'Etat a, depuis 1999, renforcé de manière très importante sa contribution au budget de cet établissement public.
Mon ministère a en effet apporté une contribution de 57 MF en 1999 et en 2000, portée à 64 MF en 2001. Le projet de budget 2002 porte cette participation à 82 MF. De votre côté, vous avez consenti un effort important en acceptant une augmentation de la taxe piscicole pour 2002. Je tiens à vous en remercier. Pour les années suivantes, un travail approfondi doit être conduit avec l'ensemble des acteurs concernés pour assurer un équilibre budgétaire durable du CSP en adéquation avec ses missions. Le président de cet établissement public, André Grammont, a d'ores et déjà mis en place un groupe de travail à cette fin. Je souhaite que des pistes claires puissent être dégagées dans les mois qui viennent.
J'en viens maintenant aux quelques dossiers sur lesquels vous m'avez interpellé de manière un peu plus incisive. Tout d'abord, les micro-centrales.
Comme vous le savez, le développement des énergies renouvelables fait partie de mes priorités en complément d'une politique volontariste d'économie d'énergie. L'énergie éolienne présente un potentiel de développement important. Dans une moindre mesure, j'ai évoqué, dans le rapport sur les énergies renouvelables que j'ai rédigé alors que j'étais député, la possibilité d'augmenter la production hydroélectrique, en particulier par les micro-centrales. Il est bien entendu hors de question pour moi d'encourager un développement massif de micro-centrales nouvelles qui perturberaient considérablement l'écosystème des rivières. Je crois qu'il faut en priorité améliorer à la fois l'efficacité énergétique et l'insertion environnementale des ouvrages existants. L'implantation de nouvelles micro-centrales ne peut s'envisager qu'en respectant un cahier des charges extrêmement rigoureux et après une analyse approfondie des impacts environnementaux.
Afin de déterminer les règles qui devront permettre d'appuyer les décisions au cas par cas, mes services ont mis en place un groupe de travail spécifique sur ce sujet qui associe bien évidemment l'Union Nationale des Pêcheurs, le Conseil Supérieur de la Pêche et les associations de protection de l'environnement. Ce groupe de travail a véritablement vocation à mettre cartes sur table pour analyser ensemble de manière objective l'ensemble des questions environnementales que posent les micro-centrales. J'ai compris que vous aviez décidé de ne pas participer aux dernières réunions de ce groupe, je le regrette profondément. Je puis vous assurer que ce groupe de travail ne constitue pas un piège par lequel nous chercherions à vous faire cautionner une quelconque décision, mais bien le lieu d'une mise à plat de l'ensemble de enjeux. Si vous estimez que les conditions ne sont pas réunies pour atteindre cet objectif, moi-même, mon cabinet sommes à votre disposition, Monsieur le Président, pour débattre des conditions qui seraient nécessaires pour corriger cette situation.
Je tiens enfin à vous rassurer sur la question des rivières réservées au titre de la loi du 16 octobre 1919. Je n'ai aucunement l'intention d'engager une politique de déclassement des rivières réservées. La préservation des écosystèmes aquatiques reste évidemment une de mes préoccupations majeures. Je souhaite vraiment que nous avancions de manière pragmatique et concertée sur ce dossier, sans procès d'intention, et en mettant clairement la priorité sur l'amélioration des ouvrages existants.
Le deuxième sujet de tension est celui de la régulation des populations de cormoran.
Vous le savez, j'ai pris mes fonctions ministérielles le 11 juillet. J'ai eu le plaisir de vous rencontrer, Monsieur le Président, dès le 25 juillet, et on m'a expliqué qu'il fallait absolument avant fin juillet fixer pour l'année qui vient les règles applicables à la régulation des cormorans. J'ai signé le 6 août 2001 les textes correspondants. Reconnaissez que vous ne m'avez pas laissé beaucoup de temps pour réaliser un examen exhaustif de cette question. J'ai toutefois eu le sentiment de faire un pas très significatif dans le sens des demandes que vous m'avez exprimées pour permettre de renforcer l'efficacité de la régulation des cormorans.
Je suis en effet très attaché à ce que l'objectif qui avait été fixé par ma prédécesseure après une large concertation, d'une limitation de la population à 73.000 oiseaux, soit respecté, et que tous les moyens soient mis en uvre pour l'atteindre. Constatant que les règles fixées pour les années précédentes n'ont pas permis d'enrayer totalement l'augmentation des populations de cormorans, même si la croissance des effectifs a été notablement freinée, j'ai décidé à la suite de notre entretien d'augmenter de manière notable les quotas de tir autorisés, en particulier sur les eaux libres. J'ai donné instruction aux préfets de réunir très tôt, avant fin septembre les commissions départementales de suivi pour permettre une mise en uvre opérationnelle des tirs sans retard. J'ai clarifié l'instruction, de manière à ce que tout détenteur de permis de chasse puisse réaliser des tirs en eaux libres dès lors qu'il est encadré par un agent assermenté.
J'ai supprimé les contraintes qui alourdissaient la mise en uvre des tirs, comme l'examen obligatoire de contenus stomacaux.
Mes services viennent, en complément de la circulaire du 6 août, de préciser aux préfets la définition des agents assermentés habilités à encadrer les opérations de tir pour éviter les disparités qui existaient ça et là et assurer que la définition la plus large soit appliquée partout.
J'ai donc eu l'impression, je vous l'avoue, de vous donner largement satisfaction.
Vous me dites aujourd'hui que c'est insuffisant. Je suis évidemment tout à fait disposé à approfondir avec vous, et les autres partenaires concernés, les conditions pour améliorer encore les choses. Je souhaite que mon cabinet organise prochainement, courant décembre, une réunion de travail avec deux objectifs :
o le premier sera de dresser un état des lieux précis des conditions dans lesquelles les opérations de tir se déroulent cette année. Nous pourrons ainsi identifier les départements où des problèmes pourraient se poser et travailler à les régler ;
o le second sera de travailler ensemble sur les améliorations qui pourraient encore être apportées au dispositif pour les années à venir.
Mais je crois que la régulation par le tir a ses limites. Vous le dites vous-même.
C'est pourquoi j'ai décidé de conduire une action déterminée au niveau européen pour avancer sur une gestion des populations de cormorans à cette échelle.
J'ai demandé à mes services, la semaine dernière, de relancer auprès du Comité ORNIS la demande faite par mon ministère il y a quelques années, à savoir l'inscription dans les priorités de ce groupe, du problème de la gestion du cormoran à l'échelon européen. Je veillerai personnellement à ce que cette demande puisse déboucher rapidement sur du concret.
De même, j'ai demandé à mes services et au CSP d'organiser un colloque européen sur ce sujet afin que la France soit un véritable moteur dans l'élaboration d'un plan de gestion du cormoran à l'échelle européenne. Il aura lieu à Strasbourg, la première quinzaine du mois de février, pendant trois jours. Il rassemblera outre vos représentants et vos collègues d'une vingtaine de pays, les pisciculteurs, les gestionnaires de milieux naturels et bien sûr les instances européennes concernées. Ce colloque devra permettre d'établir les bases et un calendrier d'un plan de gestion européen de l'espèce.
Vous le voyez, j'ai décidé de prendre à bras le corps cette question.
Voilà Monsieur le Président, Mesdames et Messieurs, les points essentiels que je souhaitais aborder aujourd'hui devant vous. Je souhaite vivement que le partenariat historique de ce ministère avec votre union se poursuive de manière constructive, même si tous les sujets ne font pas l'objet de consensus. Je sais pouvoir compter sur vous, Monsieur le Président, ainsi que sur tous les présidents de fédérations pour continuer cette collaboration au service des rivières, des poissons et des pêcheurs.
Je vous remercie de votre attention.
(source http://www.unpf.fr, le 18 janvier 2002)