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Q - Le congrès des maires de France va être l'occasion pour les élus d'exprimer une nouvelle fois leur inquiétude face au risque pénale pour des fautes non intentionnelles. Quelles sont, pour vous, les avancées possibles sur cette question de la responsabilité pénale des élus locaux ?
Le gouvernement sera très attentif aux propositions de la commission Massot, qui doit rendre ses conclusions à la fin décembre, ainsi qu'à celles de la commission Mauroy. Pour autant, sur cette question, nous devons tenir compte à la fois de l'existence d'un intérêt public, et d'autre part, du principe de l'égalité devant la loi pénale. Il nous faut trouver un chemin entre ces deux balises.
Un élu ou un décideur public, dans l'exercice de leur fonction, ont à prendre en compte un intérêt public qui n'était pas traité de la même manière puisqu'il y avait, en 1790, une sorte de privilège de juridiction devant les tribunaux administratifs. Chaque élu, chaque décideur public peut être aujourd'hui pénalement responsable, mais il doit l'être, selon moi, dans des conditions où les décisions du juge auront été autant que possible éclairées au préalable par la consultation d'une instance composée de magistrats de la cour administrative d'appel, peut-être de magistrats de la chambre régionales des comptes et de représentants des élus.
Q - Est-ce la voie dans laquelle le gouvernement compte s'engager ?
Je ne sais pas ce que le Premier ministre décidera, mais je reste persuadé qu'une instance de filtrage ou d'éclairage qui n'aurait aucune espèce d'automaticité, qui ne lierait pas le procureur de la République, me paraîtrait de nature à éviter les graves dérives par exemple au niveau des fonctionnaires d'autorité du ministère de l'Intérieur. Quand il arrive que ceux-ci soient mis en examen, nous avons constaté que, dans deux tiers des cas, ils finissaient par bénéficier d'un non-lieu, mais longtemps après. Cela est très déstabilisateur. Il en va de même pour beaucoup d'élus locaux, puisqu'on dit un peu partout, mais cela reste à vérifier, qu'ils seraient 800 à faire actuellement l'objet de procédures judiciaires. Il n'est pas anormal que la décision publique, qui tend à l'intérêt général, puisse être jugée à partir d'une bonne connaissance de ce que sont les mécanismes de la décision publique.
Q - Vous semble-t-il urgent que le gouvernement fasse un geste sur cette question avant les prochaines élections municipales, en mars 2001 ?
Il y a une question qui est posée, mais elle n'est pas la seule. Il y en a u ne autre qui touche à la procédure pénale elle-même, qui concerne tous les citoyens et mérite également réflexion. Nous sommes dans une démocratie, le problème des élections est une chose, le problème de la meilleure décision en est une autre.
Q - De nombreuses villes préparent la mise sur pied de communautés d'agglomération. Comment appréciez-vous ce mouvement ?
En matière d'intercommunalité, il y a une très bonne dynamique. Les chiffres que j'ai longtemps crus trop optimistes nous laissent entrevoir la possibilité de création d'une trentaine de communautés d'agglomération au début de l'an 2000. D'ores et déjà, quatre ont été constituées. C'est dire si cette loi a véritablement débloqué un problème qui nous paraissait définitivement enlisé, celui de la coopération entre communes en milieu urbain. Seulement cinq communautés de villes avaient été créées sur la base de la loi de février 1992.
Par ailleurs, nous observons déjà dans le tissu rural la création d'un très grand nombre de communautés de communes à taxe professionnelle unique et dotation globale de fonctionnement bonifiée.
Q - Ce succès n'est-il pas dû au seul coup de pouce financier ? Bref, les élus jouent-ils le jeu du projet ou de la subvention ?
S'il n'y avait pas de projet, le niveau de dotation globale de fonctionnement s'en ressentirait automatiquement à travers le mécanisme du coefficient d'intégration fiscale qui mesure la réalité des compétences effectivement exercées au niveau communautaire. Et le projet de loi en préparation sur l'urbanisme, l'habitat et les transports, mais aussi les contrats d'agglomération et les contrats de plan vont permettre aux élus de donner du contenu à leur pouvoir d'agglomération.
Q - Avec la recrudescence de la délinquance, de nombreux élus locaux demandent à nouveaux un renforcement du pouvoir des maires en matière de sécurité. Que leur répondez-vous ?
Il existe par la loi du 15 avril 1999 un cadre législatif adopté de façon consensuelle après accord en commission qui permet aux maires, s'ils le veulent, de créer des polices municipales. Et ce à condition qu'ils passent des conventions de coordination avec les préfets.
A propos de la délinquance, je voudrais souligner qu'elle est aujourd'hui contenue. Les derniers chiffres sont tout à fait significatifs. La police de proximité, bien qu'elle entraîne une augmentation du dépôt de plaintes, permet d'assurer une sécurité au quotidien beaucoup plus grande. Les éléments qui me reviennent par exemple de Lyon ou de Marseille sont déjà très positifs. Même à Paris, le dernier mois enregistre une baisse de la délinquance pour la première fois depuis le début de l'année.
Toute la mécanique n'est d'ailleurs pas encore mise en place. Il y a les contrats locaux de sécurité, 300 sont signés et 400 sont en cours d'élaboration. Sur la police de proximité, il y a 67 expérimentations en cours, dont le bilan sera livré dans les prochains mois. A la suite des assises de la police de proximité en mars 2000, la généralisation se fera en trois phases jusqu'en 2002.
Q - Jean Tiberi a souhaité mettre à l'étude la création d'une police municipale à Paris. Trouvez-vous l'idée opportune ?
Il y a beaucoup de problèmes à la municipalité de Paris et on comprend que Jean Tiberi soit obligé de faire quelques concessions, au moins verbales, à ses alliés de Démocratie libérale. Sur le fond, je rappelle seulement que cette idée d'une police municipale dans la capitale, Jacques Chirac l'avait nettement écartée en 1993 quand il avait dit que cela coûterait 1 milliard de francs de recruter 3 000 policiers municipaux et que, compte tenu du fait que les charges de la préfecture de police sont pour la ville obligatoires à 97 %, cette création ne pouvait se traduire que par une augmentation de la fiscalité locale à Paris. Je conseille donc à M. Tiberi de relire les oeuvres complètes du président de la République.
Q - A propos de la limitation du cumul des mandats, le projet de loi organique étant bloqué, le gouvernement va-t-il faire adopter le projet de loi simple, au risque d'instituer un régime d'incompatibilité à deux vitesses entre les parlementaires nationaux et les autres ?
Le Premier ministre a été très clair : il prend acte de la résistance obstinée du Sénat sur cette question. Pour autant, si le projet de loi organique est effectivement bloqué, le projet de loi simple ira jusqu'au bout du processus parlementaire. Et la modernisation de la vie politique comporte également des textes sur le scrutin sénatorial et sur la parité.
Q - Au sujet de la Corse, estimez-vous qu'il y a, parmi les propositions des commissions parlementaires, des suggestions que vous pourriez retenir ?
Ces rapport ont paradoxalement pour effet d'occulter le succès remarquable que constitue l'élucidation de l'assassinat du préfet Erignac et d'ignorer les progrès manifestes de la sécurité en Corse depuis 1993. Beaucoup de propositions faites sont sans lien avec la partie analytique des rapports. Certaines pourront être retenues.