Texte intégral
Le Républicain Lorrain - 13 février 1997
Le Républicain Lorrain : La France dispose déjà de tout un arsenal de mesures pour inciter les chefs d’entreprise à embaucher des jeunes. Comment expliquez-vous qu’il se révèle insuffisant en Lorraine où les moins de 25 ans représentent 26,2 % des chômeurs contre 22,1 % pour la France entière ?
Anne-Marie Couderc : Lors de la conférence nationale pour l’emploi des jeunes, l’accent a été mis sur la professionnalisation des études. En effet, l’ensemble des participants s’est accordé sur un double constat : le temps que passent les jeunes pour trouver leur premier emploi est trop long. Ce délai est plus court quand les jeunes ont un diplôme ou qu’ils ont suivi une formation professionnelle. C’est pourquoi, la mise en place des unités de première expérience professionnelle et le développement de l’alternance permettront aux jeunes, dans le cadre de leur formation, d’avoir un contact approfondi avec l’entreprise.
Ils seront ainsi mieux armés pour trouver un premier emploi. L’engagement des entreprises est réel. L’entreprise France Transfo, que je visiterai lors de mon déplacement en Lorraine, fait la preuve que les grandes entreprises peuvent faire plus pour la formation des jeunes. Cet exemple doit faire école. MM. Gandois et Pineau-Valenciennes s’y emploient. Grâce à cet engagement, 70 000 jeunes de plus de qu’en 1996 pourront choisir la voie de la formation en alternance.
Le Républicain Lorrain : Comment pensez-vous encourager l’esprit d’initiative chez les chômeurs dès lors que les pouvoirs publics réduisent sensiblement l’aide qui leur était apportée en cas de création d’entreprise ?
Anne-Marie Couderc : L’aide financière de l’État n’est pas nécessairement la clé de la réussite pour un chômeur qui veut créer une entreprise. Ce dont celui-ci a le plus besoin, c’est d’un conseil pour préciser son projet et d’un accès plus facile au financement. Dans ces deux domaines, l’État maintient son effort. L’aide au conseil est maintenue et une banque des PME a été créée. Je crois également que pour favoriser la création d’entreprise, il faut faire confiance à l’initiative locale. Des réseaux associatifs se sont développés pour accompagner les créateurs d’entreprise et ils affichent d’excellents résultats. C’est notamment pour encourager ce type de démarche que le Gouvernement a décidé de donner plus de liberté aux préfets. Un fonds départemental pour l’emploi des jeunes vient d’être créé pour encourager les initiatives locales. Par ailleurs, dans quelques régions, et notamment en Lorraine, le préfet dispose d’une enveloppe financière globale pour définir, avec les acteurs locaux, une véritable politique de l’emploi. L’État définit le cadre de l’action, mais c’est sur le terrain que la mise en œuvre peut s’adapter à la diversité des situations. C’est cet appel à l’initiative et à la responsabilité que je lancerai devant les élus, les missions locales, les organismes consulaires et tous les acteurs de terrain.
Le Républicain Lorrain : Avec le marché unique, le phénomène des travailleurs frontaliers – environ 54 000 personnes – a pris une ampleur sans précédent en Lorraine. Ne craignez-vous pas que les déclarations du Chancelier Helmut Kohl, partisan de la préférence nationale pour lutter contre le chômage, dégradent la situation de l’emploi en Lorraine ?
Anne-Marie Couderc : Le Chancelier Kohl s’est exprimé très clairement contre cette idée, qui ferait de l’immigration la cause du chômage. Si nous voulons parvenir à résoudre nos problèmes, nous devons nous garder de tout amalgamer. En ce qui concerne les travailleurs transfrontaliers, Jacques Chirac et Helmut Kohl, ont affirmé le 7 décembre 1995, leur volonté de promouvoir la mobilité transfrontalière de la main d’œuvre entre la France et l’Allemagne. Nous sommes attachés, dans le cadre de la construction européenne, à la libre circulation des biens et des personnes. Le développement du travail transfrontalier en Lorraine témoigne de la réalité de la construction européenne.
Paris-Normandie - 26 février 1997
Paris-Normandie : Avec un taux de chômage de 15,1 % et des villes pointées au-dessus de 17 %, notre région souffre terriblement. Quel regard portez-vous sur cette situation ?
Anne-Marie Couderc : Pour la population, de tels chiffres sont de nature à faire naître le doute, d’autant que je n’oublie jamais que derrière, il y a la vie quotidienne d’hommes et de femmes en recherche d’emplois, qui connaissent des moments difficiles et attendent une réponse à leurs problèmes. Je voudrais leur dire que nous faisons tous les efforts pour lutter contre le chômage.
Lors des plans sociaux, par exemple, nous cherchons à atténuer le plus possible le nombre de licenciements secs, notamment à travers les procédures d’aménagement du temps de travail, qui peuvent, parfois permettre de passer un cap difficile. Ce qui est intéressant, en Haute-Normandie, c’est que les initiatives locales ne sont pas de la poudre aux yeux, il s’agit de démarches réfléchies. Je pense aux campagnes de prospection auprès des PME-PMI ou le dispositif de groupement d’employeurs. Cette région est confrontée à de sérieux problèmes, c’est clair, mais nous avons à faire à une région très réactive, où les gens s’impliquent dans un travail en profondeur.
Paris-Normandie : Quelle est votre propre conviction en matière de lutte contre le chômage ?
Anne-Marie Couderc : C’est qu’il faut que nous allions délibérément vers de la création d’emplois supplémentaires en France !
Ceux qui prétendent qu’il n’y aura plus assez d’emplois dans ce pays et qu’il faut les partager m’agacent profondément ! Je ne suis pas du tout adepte du partage du travail ! Nous avons de quoi développer l’emploi. Peut-être pas l’emploi traditionnel, il y a des secteurs en déclin, c’est la vie, mais d’autres émergent. Il faut développer et reconnaître les nouvelles activités, leur permettre de se déployer, et aller vers leur professionnalisation.
Je crois sincèrement à notre capacité à générer des emplois nouveaux, et à faire en sorte que nos jeunes, notamment, disposent d’une formation adaptée au marché de l’emploi. Il faut savoir qu’aujourd’hui, parmi les jeunes demandeurs d’emploi, 63 % n’ont pas le niveau Bac ! Entendre dire parfois qu’il y a, en France, trop de diplômés, cela me déplaît. Car, ce n’est pas vrai ! Un bon niveau de formation est un atout pour le pays, tout comme le fait que chaque année, 160 000 personnes entrent sur le marché du travail. Certes, cela représente une difficulté en période de baisse de croissance, comme l’an passé, mais sur le fond des choses, c’est un véritable atout... »
Paris-Normandie : La légère baisse des chiffres du chômage en décembre n’est-elle pas, au fond, à mettre au compte d’une sorte de perfusion sociale plutôt qu’à celui de la création d’emploi ?
Anne-Marie Couderc : Un indicatif me parait intéressant dans ces chiffres : toutes les catégories de demandeurs d’emploi baissent. Ce qui veut dire que contrairement à ce que nous avons observé par le passé, aucune des mesures prises en faveur d’une population de demandeurs d’emplois ne se déploie au détriment d’une autre.
Autre point important : je crois que la modification de la politique en direction d’un traitement plus économique que social porte ses fruits. Sur les quatre derniers mois, 40 000 jeunes de plus, par rapport à l’année précédente, ont pu accéder à l’emploi grâce aux aides publiques en faveur de l’apprentissage et l’alternance. Cela veut dire que la politique, qui consiste, par exemple, à utiliser moins de contrats emploi solidarité, qui sont des réponses à court terme, au profit de contrats d’alternance pour les jeunes ou des contrats d’apprentissage, est encourageante !
Prenez l’apprentissage, par exemple, en réformant les modalités de financement, en organisant une campagne de mobilisation, nous avons déjà obtenu des résultats. Cela représente, en 1996, pour la région Haute-Normandie, 500 jeunes apprentis de plus, en entreprises, qu’en 1995. (7 408 contre 6 908).
Paris-Normandie : Quel regard portez-vous sur les entreprises qui licencient tout en enregistrant des bénéfices ?
Anne-Marie Couderc : Nous y sommes très attentifs... Et nous constatons, depuis quelques mois, une sensibilisation plus forte des industriels, dans certains bassins, sur les conséquences de leur altitude. De plus, les préfets ont pour mission d’exercer ce que j’appellerais une veille économique afin de déceler en amont les entreprises qui rencontrent des difficultés ou un besoin de se restructurer pour faire face à la concurrence, sans que leur situation ne provoque des licenciements. Cette démarche est nouvelle. »
Paris-Normandie : Quelles actions vous paraissent, aujourd’hui, les plus efficaces dans ce combat économique ?
Anne-Marie Couderc : Nous devons plutôt parler d’un éventail de mesures. Parmi celles-ci, il est clair que certaines, comme la baisse des charges amorcées sur les salaires des personnes peu qualifiées, donnent de bons résultats, et nous permettent de lutter contre des phénomènes de délocalisation, ou d’hémorragie d’emplois.
L’aménagement du temps de travail, contractualisé dans l’entreprise, est également efficace. Par ailleurs, on a misé sur le développement d’emplois nouveaux, des nouvelles technologies, mais aussi sur tout ce qui tourne autour des emplois de proximité.
La simplification du chèque emploi-service, que nous allons encore développer, a permis des créations d’emplois. Ce chèque emploi-service est riche d’enseignements qui pourront être transposés dans d’autres domaines. Notre démarche de simplification doit progressivement se développer dans le même temps où nous cherchons à rapprocher les décisions d’État des citoyens.
La Dépêche du Midi - Jeudi 27 février 1997
La Dépêche du Midi : Madame le ministre, pourquoi avez-vous choisi Toulouse pour venir, au contact du terrain, apprécier le degré de « mobilisation pour l’emploi ?
Anne-Marie Couderc : La visite que j’effectue aujourd’hui, à Toulouse, s’inscrit dans la continuité de la conférence nationale pour l’emploi des jeunes, qui s’est tenue sous la présidence du Premier ministre, le 10 février.
L’engagement partenarial volontaire du terrain conditionne, en effet, le succès de cette mobilisation pour l’emploi des jeunes voulue par le Président de la République.
Ma visite répond à deux objectifs :
- expliquer les décisions arrêtées et travailler sur les modalités de mise en œuvre. C’est pourquoi j’animerai une rencontre réunissant l’ensemble des administrations ayant une responsabilité pour l’emploi des jeunes dans votre région ;
- par ailleurs, au cours de ma visite, j’étudierai plusieurs initiatives locales. Elles illustrent le dynamisme, l’imagination et la volonté d’œuvrer pour l’emploi des jeunes. Je souhaiterais qu’elles initient un mouvement plus ample. Je voudrais à cet égard rappeler que l’une des décisions prises lors de la conférence du 10 février est la mise en place sur l’ensemble du territoire, d’un fonds d’un milliard pour soutenir ce type d’initiatives.
La Dépêche du Midi : La direction régionale de la Banque de France, qui vient de publier les résultats d’une enquête auprès de 2 901 firmes représentatives de l’industrie du Midi toulousain, prévoit une reprise… sans emploi. Que vous inspire cette perspective pessimiste ?
Anne-Marie Couderc : Je vous rappelle que la politique menée par le Gouvernement, grâce notamment à une réduction des charges sur les bas salaires, a conduit à enrichir la croissance en emplois. Les dernières études de l’INSEE montrent qu’avec 2 % de croissance, nous pourrions créer 180 000 emplois chaque année (100 000 de plus qu’il y a cinq ans !)
De plus, je ne partage pas votre pessimisme. Le fait même que les perspectives se soient éclaircies est un signe encourageant. Dans toutes les phases de reprise, les entreprises témoignent de prudence avant d’augmenter leurs effectifs, le rattrapage se fait ensuite ; il me semble important de souligner que l’effort souscrit par le patronat, au niveau national, qui se traduit à la fois par des engagements quantitatifs – 400 000 jeunes en alternance en 1997 – et par une mobilisation des grandes entreprises, qui augmentent le nombre de jeunes au sein de leurs effectifs, aura des répercussions auprès des groupes ou filiales installés dans votre région.
La Dépêche du Midi : Pensez-vous que la réduction du temps de travail permette d’apporter une réponse à la relance de l’emploi des jeunes ?
Anne-Marie Couderc : Concernant l’aménagement et la réduction du temps de travail, je crois qu’il faut d’abord lutter contre la fausse idée qui consisterait à croire que cette mesure est destinée à répartir la pénurie. Nous devons aller délibérément vers la création d’emplois supplémentaires en France. Les chiffres records que vient d’enregistrer notre balance commerciale confirment la vitalité de notre économie et que cette perspective est possible (il faut d’ailleurs saluer la part active que prend votre région à ce résultat au travers des exportations de technologie de pointe).
L’aménagement et la réduction du temps de travail, adaptés aux besoins de chaque entreprise dans le respect de la vie de chaque salarié, peuvent être les moyens efficaces de création d’emploi. Ils participent à la boîte à outils dont nous disposons désormais pour favoriser l’accès à l’emploi. Et, ils doivent, bien entendu, être prioritairement utilisés au profit des jeunes. Il a été ainsi décidé d’imposer le respect d’une proportion de deux jeunes sur trois embauches compensant une baisse du temps de travail dans le cadre de l’application de la loi Robien et de la mise en place des préretraites progressives. J’ajoute enfin que les partenaires sociaux examinent la possibilité de porter à un sur deux le nombre d’embauches de jeunes dans le régime de « préretraite contre-embauche » qu’ils ont institué à l’Unedic.
Institut d’études politiques - 26 février 1997
Mesdames, Messieurs,
C’est avec un vrai plaisir que je me retrouve devant vous. Vous êtes jeunes et êtes donc notre principale préoccupation puisque vous représentez notre avenir.
En outre, vos études vous tournent vers la chose publique et vers le bien commun. La politique est l’art le plus noble à la condition qu’il ait pour ambition de se préoccuper de nos concitoyens, c’est-à-dire, d’avoir en permanence présente à l’esprit la question suivante : comment pouvons-nous améliorer leur vie quotidienne et comment être le plus possible à leur écoute ?
La question la plus angoissante qui se pose à nous concerne l’emploi et tout particulièrement l’emploi des jeunes. Je vais donc essayer de vous expliquer notre politique en la matière.
1. Le problème de l’emploi des jeunes, c’est d’abord le problème de l’emploi dans son ensemble. Le Gouvernement a fait le choix d’une politique claire en faveur de l’emploi. Redonner aux entreprises les moyens d’entreprendre, de se développer, de conquérir de nouveaux marchés, et ainsi de créer des emplois.
En ce début d’année 1997, les résultats sont visibles. Les perspectives des chefs d’entreprises se sont éclaircies grâce à la baisse conjuguée des taux d’intérêt et des charges sociales.
Cette dernière, combinée avec le développement du temps partiel et des emplois de service, conduit à une croissance aujourd’hui plus riche en emplois : les dernières études de l’INSEE montrent qu’avec 2 % de croissance, nous devrions pouvoir créer 180 000 emplois chaque année d’ici 2005. Entre 85 et 95 l’économie française n’avait pu générer que 80 000 emplois par an. À l’horizon 2005 c’est près d’1 000 000 d’emplois supplémentaires qui seront obtenus au-delà de la simple projection des tendances passées.
Cette politique nous conduit à réduire progressivement le traitement social du chômage. Il ne s’agit pas d’y renoncer, parce que c’est la cohésion de notre société qui est en jeu. Il faut cependant remettre ces actions à leur juste place, au bénéfice de ceux qui en ont vraiment besoin. Au sein de l’OCDE, la France est le seul pays qui n’ait créé sur les 15 dernières années que de l’emploi non marchand, avec l’exclusion comme conséquence sociale et le déficit au plan financier.
Ce rééquilibrage au profit d’un traitement dynamique de l’emploi trouve sa traduction dans le budget de l’emploi pour 1997 : les mesures générales, comme la baisse des charges sociales sur les bas salaires progressent de 15 % alors que l’augmentation des moyens consacrés pour aider l’accès à l’emploi des publics en difficulté est contenue à 3,5 %.
2. L’emploi des jeunes c’est aussi d’abord le développement de l’économie et de l’emploi. Il ne faut cependant pas en rester là.
Nous devons aussi nous demander si nous leur donnons tous les atouts pour la recherche d’un premier emploi. Le chômage des jeunes, c’est, en effet, aussi un problème de délai dans l’accès à l’emploi.
Si nous voulons réduire ce délai d’accès à un premier emploi, qui atteint 8 mois en moyenne, il ne faut pas attendre que les jeunes soient au chômage. Il faut se donner les moyens pour que, avant la fin de leur formation, ils soient prêts à trouver leur place dans le monde du travail.
2.1. Un constat s’impose : les formations professionnelles permettent aux jeunes d’accéder plus rapidement à un emploi. Mieux vaut avoir un CAP qu’un bac général pour trouver rapidement un premier emploi.
Il faut donc professionnaliser les études. Cela ne pouvait se faire sans les entreprises : elles ont affirmé leur volonté de participer activement à la formation des jeunes. Cela ne pouvait se faire sans l’éducation nationale, qui en a fait l’un de ses objectifs.
Cette volonté d’avancer nous a permis de fixer des objectifs ambitieux :
2.1.1. En 1997, 400 000 jeunes pourront s’engager dans une formation en alternance, soit 70 000 de plus qu’en 1996
Nous nous sommes donnés les moyens de nos objectifs. Une conférence nationale pour l’emploi des jeunes s’est tenue lundi 10 février sous la présidence du Premier ministre, pour que tous les responsables s’engagent sur un même objectif : État, régions, élus locaux, partenaires sociaux. Par ailleurs, les grandes entreprises, qui accueillent moins de jeunes en alternance que les autres, se sont déclarées prêtes à s’engager. Beaucoup d’exemples témoignent qu’il est possible pour les plus grandes d’accueillir 2 %, voire 4 % ou 5 % de ses effectifs en contrat d’apprentissage ou de qualification. Ces entreprises doivent servir d’exemple.
Si nous voulons développer l’apprentissage et l’alternance, nous devons, par ailleurs, avoir un discours clair. L’apprentissage, ce n’est pas de l’emploi précaire ; ce n’est pas du traitement social du chômage.
L’apprentissage, c’est une véritable voie de formation. C’est une façon comme une autre de préparer un diplôme, même pour les diplômes de l’enseignement supérieur.
2.1.2. Les formations professionnelles se sont également développées dans le cadre de l’éducation nationale. Mais, jusqu’à présent, les formations générales étaient restées à l’écart de cette évolution.
Le projet de première expérience professionnelle également présenté le 10 février permet de combler cette lacune. À la rentrée 1997, certaines filières permettront aux étudiants en deuxième cycle de choisir ces unités de première expérience professionnelle afin de confronter le savoir acquis à l’université avec la réalité de l’entreprise.
Grâce à ces deux décisions, les jeunes seront mieux armés pour préciser leur orientation et pour chercher leur premier emploi. Ils attendront moins la fin de leur formation pour se demander ce qu’ils pourront faire après.
2.2. Un deuxième constat a été partagé par tous les participants à la conférence nationale. Il n’y a pas de réponse unique au problème du chômage des jeunes. Il n’y a que des solutions adaptées à chaque situation.
S’il revient à l’État de définir les instruments de la politique de l’emploi afin qu’ils soient lisibles pour les employeurs et les personnes, leur adaptation à la diversité des situations ne peut se faire que localement.
2.2.1. Cette démarche n’est pas nouvelle. Elle nous a conduit à mettre en place, dès 1995, des chartes initiative-emploi puis des programmes régionaux pour l’emploi des jeunes. Cette démarche a fait la preuve de son efficacité.
Depuis la signature des programmes régionaux, à l’été 1996, le nombre de jeunes qui sont entrés dans des formations en alternance a repris une croissance rapide de près de 15 %.
Au total, ce sont près de 10 000 jeunes supplémentaires qui ont accédés chaque mois à l’emploi grâce aux dispositifs publics d’intervention. Ainsi, sur l’ensemble de l’année 1996, dans un contexte économique défavorable, le chômage des jeunes a pu être stabilisé.
Je me souviens pourtant des critiques qui avait été faites lorsque ces programmes ont été lancés. Dans un pays encore très centralisé, marqué par des visions trop macro-économiques et théoriques, ils étaient apparus comme de pure opportunité politique. Pourtant, quelle entreprise ignore aujourd’hui que son développement dépend avant tout de la mobilisation de ses vendeurs... Eh bien, il en va de même de la politique de l’emploi : il a fallu vendre l’emploi aux employeurs !
2.2.2. Le succès de cette démarche a conduit le Premier ministre à décider de consacrer 1 milliard de francs pour que les préfets puissent soutenir des initiatives locales en faveur de l’emploi des jeunes.
Ces fonds départementaux seront mis en place sur l’ensemble du territoire. Mais, dans 6 régions, nous avons voulu aller plus loin. Le préfet disposera désormais d’une enveloppe globale, regroupant tous les instruments de la politique de l’emploi, pour mener des actions en faveur des chômeurs en difficulté.
Les mesures restent définies au niveau central, mais le choix des objectifs et des moyens à mettre en œuvre est désormais de la responsabilité des acteurs locaux. C’est sur le terrain que l’on connaît les demandeurs d’emploi, c’est sur le terrain que les moyens doivent être définis pour apporter une réponse adaptée.
Au total, l’emploi des jeunes se développera si l’on combine un contexte économique porteur et créateur d’emploi, un rapprochement de l’emploi et de la formation et une mobilisation de tous sur le terrain. J’ajoute pour conclure que les jeunes eux-mêmes portent leur part de responsabilité dans la relation qu’ils établissent avec l’emploi et qui se traduit notamment dans leur choix d’orientation.
C’est pourquoi, je crois que nous pouvons être raisonnablement optimiste. Les choix faits en matière de politique d’emploi sont réellement structurels et non circonstanciels. Ils doivent nous assurer d’optimiser l’emploi en France compte tenu de l’environnement économique dont nous disposons.
Jeudi 27 février 1997
Réunion interrégionale de Toulouse
Allocution de clôture
Monsieur le préfet,
Messieurs les préfets,
Monsieur le commissaire interministériel pour l’Emploi,
Mesdames et Messieurs les commissaires et les commissaires adjoints pour l’Emploi,
Mesdames et Messieurs les directeurs et les délégués,
Mesdames, Messieurs les présidents, Mesdames, Messieurs,
Permettez-moi tout d’abord, Monsieur le préfet de vous féliciter, vous et vos collaborateurs, pour le soin que vous avez pris pour organiser cette réunion inter-régionale à la demande du commissaire interministériel pour l’Emploi.
Je me réjouis de pouvoir y participer et je voudrais à présent vous dire pourquoi.
Nous sommes au lendemain de la conférence nationale sur l’emploi des jeunes qui s’est tenue à Matignon et de la réunion des préfets à Tours.
Au terme de ces réunions, il apparaît que la mobilisation locale pour l’emploi est plus que jamais d’actualité.
Nous avons beaucoup travaillé sur ces sujets, au travers, notamment, de la négociation et de la conclusion des chartes départementales et régionales pour l’emploi puis des programmes régionaux pour l’emploi des jeunes.
Les engagements qui ont pu être enregistrés lors du sommet de Matignon du 10 février vont amplifier ce mouvement.
Il était donc particulièrement opportun que nous puissions, ensembles, faire le bilan de nos initiatives, et aussi les inscrire dans les nouvelles perspectives arrêtées par le Premier ministre.
1. La politique de l’emploi du gouvernement
Je voudrais nous replacer dans le contexte plus large de l’action du gouvernement pour le développement de l’économie, et par conséquent de l’emploi.
Le Gouvernement, tirant les leçons des 20 dernières années de l’expérience tant française qu’internationale, a fait le choix d’une politique claire en faveur de l’emploi : rétablir les conditions économiques permettant de redonner aux entreprises les moyens d’entreprendre, de se développer, de conquérir de nouveaux marchés, et ainsi créer des emplois.
En ce début d’année 1997, les conditions d’une croissance forte et durable sont enfin réunies. Les perspectives des chefs d’entreprises se sont éclaircies grâce à la baisse conjuguée des charges sociales et des taux d’intérêt.
Il nous reste maintenant à transformer l’essai.
Cette politique nous conduit à réduire progressivement le traitement social du chômage. Il ne s’agit pas d’y renoncer, parce que c’est la cohésion de notre société qui est en jeu.
Vous savez bien, vous qui êtes au contact des demandeurs d’emploi, que l’accès direct à l’emploi n’est pas toujours possible. Il faut cependant remettre ces actions à leur juste place, au bénéfice de ceux qui en ont vraiment besoin.
Ce rééquilibrage trouve sa traduction dans le budget de l’emploi pour 1997 : les mesures générales, comme la baisse des charges sociales sur les bas salaires progressent de 15 % alors que l’augmentation des moyens consacrés pour aider l’accès à l’emploi des publics en difficulté est contenue à 3,5 %.
2. Bilan de 18 mois de mobilisation locale et perspective
2.1. Au terme de cette mobilisation locale, que constatons-nous ?
Le guichet initiative emploi offre 300 points d’accueil et d’information pour les entreprises et particulièrement les petites entreprises ; ce service est présent dans tous les départements.
On compte 750 clubs de chercheurs d’emploi fin 1996 ; ils ont permis à près de 10 000 jeunes de trouver un emploi.
Dans la moitié des départements, des plates-formes emplois de service ont été mises en place. Des formations professionnalisent ces emplois, dont le développement est facilité par le chèque emploi service et le ticket emploi service.
Le développement des espaces jeunes et leur labellisation en niveau 3 se sont accélérés : 300 espaces-jeunes offrent aujourd’hui une gamme de prestations élargie en partenariat avec l’ANPE.
On compte près de 130 réseaux de parrainage mobilisant 2 000 parrains bénévoles au profit de 3 500 jeunes.
Pour l’accompagnement des jeunes et particulièrement des jeunes en difficultés, on constate, presque partout, la mise en place de dispositifs relevant de différents niveaux de compétence : entreprises, organismes consulaires, collectivités locales et particulièrement régions, l’État enfin qu’il s’agisse des compétences « éducation », « jeunesse et sport » ou « travail ».
Ces actions ont porté leur fruit. C’est notamment grâce à elles que la situation des formations en alternance s’est redressée en 1996 (12 % de plus depuis octobre 1996) ; grâce aussi à vos efforts, malgré une conjoncture défavorable et une croissance insuffisante, nous avons pu en maîtriser les effets en termes d’emploi. Au total, chaque mois, 10 000 jeunes de plus accèdent à l’emploi grâce à l’intervention publique.
Positif au plan quantitatif, le bilan l’est aussi au plan qualitatif.
Nous constatons le développement, chez les acteurs de l’État local, d’une véritable culture de service où le service public devient le service au public, dans laquelle on privilégie les approches par objectifs plutôt que par structure, et on abaisse les barrières protégeant et stérilisant les compétences.
Au seuil de cette nouvelle étape de la mobilisation locale pour l’emploi vous aurez à cœur, j’en suis sûre, de tirer le meilleur profit de votre expérience et trouver des solutions aux problèmes que vous avez rencontrés.
2.2. Les perspectives de la mobilisation locale
a) L’interministérialité
Nous devons amplifier et approfondir les approches partenariales et contractuelles qui, sur le terrain, utilisent les compétences et les moyens des différents acteurs pouvant apporter une réponse au chômage et en particulier au chômage des jeunes.
Dans ce processus l’État local, ses représentants, les préfets et auprès d’eux les commissaires pour l’emploi, ont, bien sûr, un rôle déterminant.
Ce rôle doit être moteur chaque fois que c’est nécessaire, mais aussi, chaque fois que c’est possible, il doit être accompagnateur, facilitateur des initiatives d’autres acteurs de la vie locale qu’il s’agisse, des collectivités locales, des organismes consulaires, des partenaires sociaux et, naturellement, des entreprises.
Ce processus d’amplification et d’approfondissement de la mobilisation locale doit conduire le service public de l’emploi, au sens large, à développer une approche véritablement interministérielle faisant converger, pour le développement de l’offre d’emploi et pour le traitement de la demande, non seulement les différents outils relevant du ministère en charge du travail, de l’emploi et de la formation professionnelle, mais aussi l’ensemble des autres moyens d’intervention de l’État au plan local.
J’encouragerai fortement toutes les initiatives pouvant s’inscrire dans cette démarche interministérielle et j’invite les commissaires pour l’emploi et les commissaires adjoints à garder toujours à l’esprit cette dimension de leur mission.
Je compte d’ailleurs développer le travail interministériel : par exemple, avec le ministère de l’Industrie, tant pour ce qui concerne les réseaux de développeurs que pour une meilleure articulation des moyens d’intervention.
b) Diffuser les initiatives
Le choix de rassembler tous les partenaires dans un module inter régional, à partir de l’expérience très fructueuse qui a été conduite, dans ce format, avec les départements du Grand-Est, me paraît particulièrement heureux.
En effet, la grande diversité des actions que vous menez nécessite un continuel mouvement d’échanges à la fois horizontal entre vous-mêmes et vertical, entre le niveau local et le niveau central.
L’échange horizontal est essentiel pour tirer, les uns les autres, le meilleur parti des outils, des initiatives et des expérimentations mises en œuvre ici ou là.
C’est ce que le Premier ministre, à Tours, a appelé l’effet de diffusion.
Je suis convaincue que la journée d’aujourd’hui a constitué pour vous, au travers de vos échanges, une mine d’enseignements qui vous permettront d’améliorer encore vos performances.
Le développement de l’initiative locale nécessite aussi une restitution au niveau central, celui du commissaire interministériel, le mien, celui de Jacques Barrot, du Premier ministre et du Président de la République lui-même, étant donné son implication dont vous venez d’avoir un nouveau signe, à Gleizé, puis à Meaux, il y a quelques jours.
Nous avons encore beaucoup de progrès à faire et à faire ensemble dans ce domaine, essentiel mais difficile.
Je demande donc au commissaire interministériel de continuer à s’investir de manière à améliorer, avec votre aide, les échanges d’expériences et de bonnes pratiques sur le terrain, et leur restitution au niveau central.
c) Déconcentration
Pour amplifier la mobilisation locale, le Gouvernement a décidé d’expérimenter, dans 6 régions, un nouveau mode d’intervention des préfets. Chaque région avait des titres particuliers à être retenue pour cette expérimentation. Il a fallu faire un choix ; il s’est porté sur les régions de Lorraine, Nord-Pas-de-Calais, Auvergne, Limousin, Bretagne et Poitou-Charentes.
Dans les départements de ces régions, le préfet disposera désormais d’une enveloppe globale pour mener les actions en faveur des chômeurs en difficulté ; elle concerne :
- les contrats aidés dans le secteur non-marchand (CES, CEC, emploi de ville) ;
- le programme chômeurs de longue durée (SIFE, SAE, CIE).
Concrètement, cela signifie par exemple que pour favoriser l’implantation d’entreprises, le préfet pourra décider d’augmenter le nombre de CIE et de réduire en proportion le nombre de CES.
Les résultats de l’expérimentation seront évalués à la fin de l’année. S’ils sont positifs, cette réforme sera étendue à tout le territoire.
3. La mobilisation pour l’emploi des jeunes
Dès à présent, pour amplifier la mobilisation locale, notamment au profit des jeunes, le Premier ministre a, vous le savez, réuni un certain nombre de partenaires lors de la conférence à Matignon, le 10 février, et je me réjouis que plusieurs engagements importants aient été pris.
Il nous faut donner à notre jeunesse tous les atouts pour accéder à l’emploi : car le problème est bien là : le délai pour accéder à un premier emploi, 8 mois en moyenne, est trop long.
Si nous voulons réduire ce délai, il ne faut pas attendre que les jeunes soient au chômage. Il faut donc se donner les moyens pour que, avant la fin de leur formation initiale, les jeunes soient prêts à trouver leur place dans le monde du travail.
Un constat s’impose : les formations professionnelles permettent aux jeunes d’accéder plus rapidement à un emploi. Mieux vaut avoir un CAP qu’un bac général pour trouver rapidement un premier emploi : 85 % des apprentis trouvent un emploi à l’issue de leur formation.
3.1. L’alternance
En 1997, 400 000 jeunes pourront s’engager dans une formation en alternance, soit 70 000 de plus qu’en 1996.
Le Gouvernement a dégagé 70 millions de francs pour aider à financer des places supplémentaires dans les centres de formation d’apprentis.
Le Ministère de l’Education nationale ouvrira dès la rentrée prochaine des sections d’apprentissage dans les lycées d’établissement professionnel.
Les primes à l’apprentissage sont étendues au secteur public de façon que 10 000 apprentis puissent être recrutés par des collectivités locales.
Enfin concernant les contrats de qualification, le Gouvernement a décidé de rétablir la prime avec un financement de 750 millions de francs.
C’est la première fois que tous les responsables s’engagent sur un même objectif : État, régions, élus locaux, partenaires sociaux.
Les grandes entreprises, notamment, qui accueillent moins de jeunes en alternance que les autres, sont prêtes à s’ouvrir plus largement aux jeunes et, d’ici à quelques semaines, elles pourront fixer leurs objectifs quantitatifs. Il vous appartiendra de relayer cette action en demandant aux grandes entreprises de vos départements de suivre ces exemples.
Si nous voulons développer l’apprentissage et l’alternance, nous devons, par ailleurs, avoir un discours clair.
L’apprentissage, ce n’est pas de l’emploi précaire ; ce n’est pas du traitement social du chômage.
L’apprentissage, c’est une façon différente de préparer un diplôme, y compris un diplôme de l’enseignement supérieur.
3.2. Stages de première expérience professionnelle
Les formations professionnelles se sont également développées dans le cadre de l’éducation nationale.
Mais, jusqu’à présent, les formations générales étaient restées à l’écart de cette évolution.
Le projet de première expérience professionnelle permet de combler cette lacune.
À la rentrée 1997, certaines filières permettront aux étudiants en deuxième cycle de choisir ces unités de première expérience professionnelle afin de confronter le savoir acquis à l’université avec la réalité de l’entreprise.
Il reste encore à préciser les conditions de cette expérience. Elle concernera dans un premier temps les seconds cycles universitaires de l’enseignement général et pourra avoir lieu dans l’entreprise et dans le secteur public, dans le cadre du semestre universitaire.
Une charte nationale des stages sera élaborée pour le mois d’avril.
3.3. Les fonds départementaux
Un deuxième constat a été partagé par tous les participants à la conférence nationale. Il n’y a pas de réponse unique au problème du chômage des jeunes. Il n’y a que des solutions adaptées à chaque situation.
Le Premier ministre a donc décidé de consolider la démarche que nous avons engagée ensemble et de donner aux préfets de nouveaux moyens d’action. Il a décidé de consacrer 1 milliard de francs pour que les préfets puissent soutenir des initiatives locales en faveur de l’emploi des jeunes.
Pour cela, des fonds départementaux seront mis en place sur l’ensemble du territoire. Des projets devront être arrêtés avant le 1er juillet 1997 ; ils bénéficieront d’un label opération jeunes.
Ils s’inscriront dans les P.R.E.J. qui seront actualisés en tenant compte des nouveaux objectifs de développement des formations en alternance. Une circulaire vous sera adressée dans les prochains jours pour préciser leurs conditions d’utilisation.
Ces projets devront respecter certaines règles :
a) Il faut d’abord que les différents échelons territoriaux trouvent leur place :
- c’est au niveau du bassin d’emploi de la commune ou du groupement de communes que les partenariats pourront se nouer avec la plus grande efficacité ;
- au département d’assurer la mobilisation de tous les réseaux et l’appui méthodologique ;
- à la région d’assurer la cohérence par la labellisation des projets et l’évaluation.
b) Il faut aussi veiller à la nature du projet :
- l’objectif est d’abord de mettre plus de fluidité là où les mesures peuvent apparaître trop rigides ou lorsque le lien entre les interventions des différents acteurs se fait mal ;
- les fonds doivent favoriser l’émergence de projets partenariaux, dans le respect des compétences de l’État et des collectivités locales.
c) Enfin, les projets devront préciser leurs objectifs et définir les indicateurs de suivi.
Quelques exemples :
- pour des jeunes en difficulté, l’accès à l’emploi nécessite le chaînage de plusieurs mesures relevant de l’État, des régions, des OPCA. Il faut en assurer le suivi ;
- pour les jeunes diplômés, des clubs de développeurs de projets peuvent être mis en place pour soutenir des projets de développement des PME, en partenariat avec des collectivités locales ou des grandes entreprises.
Ces mesures constituent une réforme profonde du fonctionnement de l’État ; elles transforment les relations entre les administrations centrales et les services déconcentrés qui auront ainsi :
- plus de liberté ;
- plus de responsabilité ;
- l’obligation de rendre compte sur l’atteinte de leurs objectifs, et non sur l’utilisation de leurs moyens.
Cette réforme est nécessaire, car, c’est au plus près du terrain que se jugent et se décident les opportunités d’actions. Elle est aussi le signe de la confiance qui doit s’instaurer entre les différents échelons de l’État et les différents partenaires au niveau local.
4 mars 1997
Signature du 50 000e apprenti dans la région Île-de-France
Je suis particulièrement sensible, Monsieur le Président à votre invitation pour cette manifestation centrée sur l’apprentissage et son développement ceci au titre de ministre délégué pour l’Emploi, mais aussi au titre du droit des femmes.
Je voudrais à présent vous dire pourquoi : Vous le savez tous, des décisions importantes ont été posés ces dernières semaines concernant l’emploi des jeunes.
La Conférence nationale sur l’emploi des jeunes qui s’est tenue le 10 février 1997 a défini un programme d’actions concrètes visant au développement de l’emploi des jeunes.
Au terme de cette rencontre, il apparaît que la mobilisation locale pour l’emploi est plus que jamais d’actualité.
Elle est le fruit d’un travail important de l’ensemble des acteurs de terrain au premier rang desquels figurent les conseils régionaux.
Je voudrais dire ici ma gratitude à l’assemblée des Présidents de conseils régionaux et aux collectivités régionales qui, l’an dernier, au mois de mai, ont immédiatement « répondu présent » lorsque nous leur avons proposé de nous mobiliser ensemble pour l’emploi des jeunes.
Michel Giraud, vous le savez mieux que quiconque, décentraliser est un exercice difficile qui laisse souvent des blessures. Eh bien, malgré cela, tous les programmes régionaux pour l’emploi des jeunes étaient signés en juillet.
Le chômage des jeunes a été stabilisé en 1996 malgré un contexte économique difficile ; 10 000 jeunes de plus qu’en 1995 sont entrés chaque mois dans des emplois aidés à partir de septembre. Ce résultat n’aurait pas été obtenu sans la mobilisation de tous.
Les engagements qui ont pu être enregistrés lors du sommet du 10 février vont amplifier ce mouvement.
Il est donc particulièrement opportun que nous puissions aujourd’hui, ensemble, montrer ce qui marche.
1. La politique de l’emploi
Je voudrai nous replacer tout d’abord dans le contexte plus large de l’action du gouvernement pour le développement de l’économie, et par conséquent de l’emploi.
L’emploi des jeunes c’est en effet d’abord « l’emploi tout court » : sur 100 embauches, 45 concernent les moins de 26 ans.
Le Gouvernement, a fait le choix d’une politique claire en faveur la création d’emploi en rétablissant les conditions économiques permettant de redonner aux entreprises les moyens d’entreprendre, de se développer, de conquérir de nouveaux marché, et ainsi de créer des emplois.
En ce début d’année 1997, les conditions d’une croissance forte et durable sont enfin réunies. Les perspectives des chefs d’entreprises se sont éclaircies grâce à la baisse conjuguée des charges sociales et des taux d’intérêt.
Il nous reste maintenant à transformer l’essai.
Cette politique nous conduit à réduire progressivement le traitement social du chômage. Il ne s’agit pas d’y renoncer, parce que c’est la cohésion de notre société qui est en jeu. Vous le savez bien, l’accès direct à l’emploi n’est pas toujours possible. Il faut cependant remettre ces actions à leur juste place, au bénéfice de ceux qui en ont vraiment besoin.
Il ne faut pas céder à la tentation d’offrir aux jeunes des activités qui ne leur garantiront ni formation, ni perspective d’emploi durable.
Il ne faut pas céder à la tentation de l’atelier national : la France est le seul pays qui en 20 ans n’ait créé que de l’emploi public avec le résultat que l’on sait en terme de chômage.
2. La mobilisation pour l’emploi des jeunes
Privilégier une politique de création d’emploi ne suffira cependant pas à résoudre le problème de l’insertion des jeunes dans la vie professionnelle.
Il nous faut donner à notre jeunesse tous les atouts pour accéder à l’emploi : car le problème est bien là : le délai pour accéder à un premier emploi, 8 mois en moyenne, est trop long.
Si nous voulons réduire ce délai, il ne faut pas attendre que les jeunes soient au chômage. Il faut donc se donner les moyens pour que, avant la fin de leur formation initiale, les jeunes soient prêts à trouver leur place dans le monde du travail.
Un constat s’impose : les formations professionnelles permettent aux jeunes d’accéder plus rapidement à un emploi. Mieux vaut avoir un CAP qu’un bac général pour trouver rapidement un premier emploi : 85 % des apprentis trouvent un emploi à l’issue de leur formation.
C’est sur la base de ce constat que le Premier ministre vous le savez, a réuni un certain nombre de partenaires lors de la Conférence nationale pour l’emploi des jeunes, à Matignon, le 10 février.
Les grands thèmes de la conférence mettent au premier plan l’alternance et l’initiative locale.
Les stages de première expérience professionnelle.
Les formations professionnelles fondées sur le principe de l’alternance se sont développées dans le cadre de l’éducation nationale.
Mais, jusqu’à présent, les formations générales étaient restées à l’écart de cette évolution.
Le projet de première expérience professionnelle permet de combler cette lacune.
L’alternance
Les organisations professionnelles se sont accordées sur un objectif de 400 000 jeunes qui pourront s’engager, en 1997, dans une formation en alternance, soit 70 000 de plus qu’en 1996. Pour atteindre cet objectif, tous les partenaires se sont mobilisés :
Le gouvernement qui a dégagé 70 millions de francs pour aider à financer des places supplémentaires dans les centres de formation d’apprentis, et qui a rétabli les primes à l’apprentissage dans le secteur public ainsi que la prime au contrat de qualification avec un financement de 750 millions de francs.
Les grandes entreprises qui devraient accueillir au minimum 2 % de leur effectif en alternance en 1997 ; les régions bien sûr, qui se sont engagées à augmenter de 15 % le nombre de places dans les contrats de formation en alternance.
Tous les responsables se sont ainsi engagés sur un même objectif : État, régions, élus locaux, partenaires sociaux, reconnaissant ainsi que l’apprentissage, ce n’est pas de l’emploi précaire ; ce n’est pas du traitement social du chômage, mais, c’est une façon différente de préparer un diplôme, y compris un diplôme de l’enseignement supérieur.
3. L’implication des régions
Un deuxième constat a été partagé par tous les participants à la conférence nationale. Il n’y a pas de réponse unique au problème du chômage des jeunes. Il n’y a que des solutions adaptées à chaque situation.
Le Premier ministre a donc décidé de consolider la démarche de partenariat initiée dans les programmes régionaux pour l’emploi des jeunes et de donner aux préfets de nouveaux moyens d’action. Il a décidé de consacrer 1 milliard de francs pour que les préfets puissent soutenir des initiatives locales en faveur de l’emploi des jeunes. Ces initiatives, mises en œuvre au sein des bassins d’emploi s’inscriront dans les programmes régionaux pour l’emploi des jeunes, qui seront actualisés en tenant compte des nouveaux objectifs de développement des formations en alternance.
La manifestation qui nous réunit aujourd’hui nous montre bien le poids de cette implication.
Une implication qui se traduit, et vous l’avez souligné, aussi bien dans un développement quantitatif que qualitatif de l’apprentissage.
Nous assistons globalement à un changement de l’image de l’apprentissage aux yeux des jeunes et des familles.
Comme l’année dernière, et j’en suis convaincue avec le même succès, les régions seront directement impliquées dans la mobilisation locale.
Vos nombreuses campagnes de communication portent leurs fruits.
Je suis persuadée que la méthode que vous avez utilisée :
- de développement de la qualité des apprentissages dans leur contenu mais aussi dans un meilleur environnement ;
- de développement du tutorat ;
- de développement de la palette des métiers offerts en lien avec les besoins économiques ;
- de développement de l’information et de la prospection des entreprises,
sont des clefs essentielles à votre réussite.
4. Les jeunes filles et l’apprentissage
Mais, nous approchons du 8 mars qui est, vous le savez, la journée de la femme. La 50 000e apprentie de la région est une apprentie, mais une très grande vigilance s’impose car il s’agit d’aller à l’encontre d’une tendance préoccupante constatée ces dernières années : un phénomène de masculinisation de l’apprentissage. En effet, fin 1995 près de 300 000 jeunes préparaient un diplôme dans le cadre de l’apprentissage contre 220 000 trois ans plus tôt, mais les jeunes filles ne représentaient que 28 % des nouveaux apprentis alors qu’elles en constituaient près du tiers au début de la décennie.
Ce phénomène s’explique par la concentration des jeunes filles dans certaines spécialités du secteur tertiaire, or, certaines d’entre elles, traditionnellement utilisatrices de l’apprentissage, perdent du terrain commerce et distribution (75 % de jeunes filles), coiffure et soins personnels (plus de 86 % de jeunes filles) en outre, l’apprentissage se développe dans des spécialités où les jeunes filles sont peu présentes hôtellerie, tourisme (32 %) industries autres qu’alimentaire (22 %) .
Des actions d’information auprès des familles, des jeunes filles, des enseignants et des employeurs sont indispensables pour lutter contre une image stéréotypée des métiers et permettre l’élargissement des choix professionnels des jeunes filles qui est une des conditions de leur accès plus large à l’apprentissage.
Le Conseil supérieur de l’égalité professionnelle, que je préside, a mis en place en un groupe de travail consacré à l’insertion professionnelle des jeunes filles qui traitera de la question de leur place dans les contrats d’insertion en alternance et formation. Un diagnostic sur l’égalité des chances dans le système français de formation par apprentissage est également en cours d’élaboration.
Cette étude doit permettre d’analyser la place des jeunes filles dans l’apprentissage et d’élaborer des préconisations visant à réaliser l’égalité des chances dans ce domaine.
Ces approches, qui nous permettent de mieux comprendre le phénomène et les moyens de l’enrayer, n’auront de sens qu’autant qu’elles seront relayées au quotidien par une amélioration des mécanismes d’orientation par la mise en place de filières professionnelles équilibrées. Nous sommes là au cœur des responsabilités des régions.
5. Conclusions
Je suis persuadée, Monsieur le président, que les efforts réalisés par la région Île-de-France pour développer l’apprentissage permettront encore d’ouvrir l’accès à l’emploi des jeunes filles et garçons, car, nous le savons tous, l’un ne va pas sans l’autre, jeunes filles et garçons hommes et femmes, c’est ensemble que nous gagnerons le pari d’une société plus humaine à l’aube du troisième millénaire.
Je voudrai terminer en rendant à mon tour, hommage aux cinq jeunes qui se sont présentés à nous tout à l’heure.
Un hommage pour leur dynamisme, leur volonté, ils doivent être des exemples pour nous les adultes qui avons trop souvent tendance à déclarer forfait, avant d’avoir même terminé, la première manche du match !