Les grandes dates de la coopération intercommunale
L’intercommunalité consiste pour des communes à transférer une ou plusieurs de leurs compétences et services à un établissement public de coopération intercommunale (EPCI). Ce dispositif permet, pour la construction d’un équipement ou la fourniture d’un service public par exemple, de mutualiser les moyens. L'intercommunalité se veut une réponse aux problèmes posés par l’émiettement communal (34 875 communes en France au 1er janvier 2025).
De nombreuses formes de coopération intercommunale ont été créées depuis la fin du 19e siècle, notamment les syndicats de communes (loi de 1884), à vocation unique (SIVU, en 1890) ou multiple (SIVOM, en 1959) syndicats intercommunaux, districts urbains, communautés urbaines (1966)...
À partir des années 1990, le législateur cherche à clarifier les structures de coopération intercommunale face à leur multiplication :
- la loi du 6 février 1992 sur l'administration territoriale de la République (ATR) crée les communautés de communes (compétences et fiscalité propres) ;
- la loi du 12 juillet 1999, dite "loi Chevènement" simplifie la coopération intercommunale et instaure les communautés d'agglomération et les communautés urbaines.
Face à un bilan mesuré de la politique de promotion de l'intercommunalité, les pouvoirs publics ont adopté une logique d'injonction à la coopération intercommunale.
La loi du 16 décembre 2010 consacre l’intercommunalité en imposant sa généralisation. Les communes ont l'obligation d'adhérer à une structure intercommunale. L’objectif de la loi est de parvenir à un maillage intercommunal du territoire. Le préfet, aidé par la commission départementale de la coopération intercommunale (CDCI) doit élaborer les schémas départementaux de coopération intercommunale (SDCI). Pour cela, le préfet est doté de pouvoirs dérogatoires lui permettant de définir un SDCI même en cas de désaccord avec les communes concernées.
En 2015, la loi NOTRe (nouvelle organisation territoriale de la République) renforce l'intercommunalité. Les services communs peuvent désormais effectuer des missions en dehors des compétences transférées. La gestion d'un service commun par l’EPCI devient la règle générale (l'exception devient la gestion par une commune). La loi entraîne une révision des SDCI vers des EPCI de plus en plus grands : les fusions d’EPCI se multiplient. Au 1er janvier 2025, on compte 1 254 EPCI à fiscalité propre, contre 2 601 au 1er janvier 2009.
La création de métropoles a été encouragée par la loi MAPTAM (modernisation de l'action publique territoriale et d'affirmation des métropoles) du 27 janvier 2014. La loi du 28 février 2017 relative au statut de Paris et à l’aménagement métropolitain a encore assoupli les critères d’accès au statut de métropole (EPCI de plus de 250 000 habitants). Au 1er janvier 2025, la France compte 21 métropoles de droit commun (Bordeaux, Brest, Clermont-Ferrand, Dijon, Grenoble, Lille, Metz, Montpellier, Toulon, Nancy, Nantes, Nice, Orléans, Val de Loire, Rennes, Rouen, Saint-Étienne, Strasbourg, Toulouse et Tours), 2 métropoles à statut particulier (Aix-Marseille et Paris) et la métropole de Lyon.
La loi du 21 février 2022 relative à la différenciation, la décentralisation, la déconcentration et portant diverses mesures de simplification de l'action publique locale (loi 3DS) vise à donner plus de pouvoir aux collectivités locales pour fixer localement la réglementation dans leur domaine de compétence. Plus de souplesse est introduite dans le fonctionnement des communes et des intercommunalités. Les communes peuvent transférer des compétences "à la carte" à leur intercommunalité.
Globalement, le renforcement des intercommunalités s'est opéré via l’agrandissement des périmètres (relèvement du seuil démographique minimum de constitution des EPCI à fiscalité propre) et l’accroissement des compétences des EPCI.
Cependant, la multiplication des structures s’est accompagnée d’une grande complexité du régime juridique et financier, chaque catégorie étant dotée de règles spécifiques.
En 2022, la Cour des comptes dresse un bilan globalement positif de l'intercommunalité, notamment le rôle "majeur" des EPCI dans le développement des territoires et des services aux usagers. Le rapport souligne toutefois les insuffisances du système de financement, notamment un fonctionnement "complexe" et "peu lisible" du processus de décision et de la répartition des ressources. Pour y remédier, elle propose de renforcer la place de l'EPCI à fiscalité propre pour en faire une véritable "locomotive du bloc communal" et "l'interlocuteur privilégié des autres niveaux". L'année suivante, son rapport annuel 2023 intitulé "La décentralisation 40 ans après", insiste sur la nécessité de renforcer l'intercommunalité face à "la persistance d’un trop grand nombre de trop petites communes" et la création de grandes régions plus éloignées des citoyens brouillent les rapports entre échelons décentralisés.
Gestion de l'eau et assainissement : un transfert de compétences mouvementé
La loi NOTRe de 2015 a instauré un calendrier progressif pour le transfert obligatoire de la compétence "eau" et "assainissement". Face à l'opposition des élus locaux, plusieurs lois ont été adoptées pour aménager ce transfert : loi du 3 août 2018 (prolongation du délai jusqu'au 1er janvier 2026), loi Engagement et proximité de 2019 et loi 3DS de 2022 (maintien des syndicats infra-communautaires existants notamment). Ce processus d'aménagement se termine avec la loi du 11 avril 2025 qui prévoit que le transfert des compétences "eau" et "assainissement" aux communautés de communes n'est plus obligatoire. La loi ne revient pas sur les transferts déjà opérés.
L'inquiétude des maires : quel avenir pour la commune ?
Pris en tenaille entre le renforcement des structures intercommunales et la diminution de leur autonomie financière, les communes et leurs élus s’inquiètent pour l’avenir du périmètre communal. Si l’intercommunalité parvient à remédier à certains inconvénients du morcellement communal, elle pose cependant le problème de la gouvernance et de la légitimité démocratique des nouvelles instances exécutives.
L’enchevêtrement des compétences des nouvelles intercommunalités "XXL" va à l’encontre d'une logique de clarification. L'empilement des structures est source de confusion des responsabilités et peut être à l’origine d’un affaiblissement de la démocratie locale. Il présente le risque d’éloigner les élus municipaux, surtout ceux des petites communes, des centres de décision politique et rend encore moins lisible l’organisation territoriale.
L'intercommunalité, en s’ajoutant au "mille-feuille territorial", peut générer des doublons et des hausses du personnel. Dans un contexte de restriction budgétaire et depuis la suppression de la taxe d’habitation, certains estiment que seule une forte réduction du nombre des communes et intercommunalités permettrait de réaliser de substantielles économies en masse salariale et en frais de gestion.
La politique en faveur des métropoles inquiète les territoires qui n’appartiennent pas à l'une d'entre elles. Selon une étude de France Stratégie de février 2017, "les territoires dans la périphérie des métropoles apparaissent nettement moins dynamiques, en matière d’emplois, que les couronnes périurbaines".
Les intercommunalités couvrent des territoires de plus en plus vastes, ce qui peut créer des obstacles à une gestion au plus près du terrain. Un rapport du Sénat intitulé "Laisser respirer les territoires" note que "les élus communaux regrettent que le renforcement de l’intercommunalité s’accompagne du transfert de compétences communales, transformant les communes en coquilles vides. Ce constat renforce chez certains élus municipaux le sentiment d’une subordination des communes envers l’intercommunalité mais également, notamment en milieu rural, d’une perte d’identité des communes et de leurs habitants, la peur d’un déclassement, en raison de leur éloignement aux services publics. Cette perte de proximité est d’autant plus mal vécue dans un contexte d’agrandissement des régions et des intercommunalités".
Un autre rapport du Sénat, rendu public en septembre 2025, rédigé par une mission d'information "Bilan de l'intercommunalité", met en évidence un "sentiment de dépossession très présent chez les maires et les élus municipaux". Pour la mission, ce ressenti est provoqué par un "réel dysfonctionnement dans le couple intercommunalité - communes". Pour y remédier, la mission recommande une gouvernance intercommunale qui implique davantage les maires et les élus municipaux. La mission considère également que le rétablissement de la confiance entre les communes et les intercommunalités passe par un assouplissement de la répartition des compétences (éviter tout nouveau transfert) et par son adaptation à la diversité des territoires.
Les sondages montrent par ailleurs que les Français restent très attachés à leur commune, considérée comme un pilier de la démocratie et du vivre-ensemble. La figure du maire, qui demeure très populaire auprès des citoyens, reste ancrée dans la culture nationale. Le tissu communal très dense, avec plus de 500 000 élus municipaux présente des avantages tant sur le plan de la démocratie locale que pour le maintien de services publics de proximité.
Les communes nouvelles : quel bilan ?
La loi du 16 décembre 2010, complétée par la loi du 16 mars 2015 relative à l’amélioration du régime de la commune nouvelle, crée les communes nouvelles par fusion de communes. Objectif : réduire le nombre de communes.
Entre 2010 et 2022, 2 536 communes se sont regroupées pour créer 787 communes nouvelles (soit 2,25% des communes françaises). Le nombre total des communes en France est passé en dessous du seuil symbolique des 35 000 : au 1er janvier 2025, la direction générale des collectivités locales du ministère de l'intérieur recense 34 875 communes.
Toutefois, les communes nouvelles sont pour la plupart de trop petite taille et leur constitution n'est pas homogène sur le territoire (36% des communes fusionnantes sont concentrées sur cinq départements du nord-ouest de la France), souligne un bilan de l'Inspection générale de l'administration (IGA) en 2022.