Dans le rapport 2025 sur l'application des lois de financement de la sécurité sociale, la Cour des comptes alerte sur "une trajectoire des comptes sociaux hors de contrôle". Publié le 26 mai 2025, le rapport met en garde sur un risque de crise de liquidité pouvant mener à un défaut de paiement du système.
Dans ce contexte, le rapport relève notamment les 77,3 milliards d'euros (Md€) d'allègements de cotisations sociales patronales qui pèsent à la fois sur les comptes de la sécurité sociale et sur le maintien des salariés au SMIC.
Un financement non assuré à terme
La loi de financement initiale pour 2024 prévoyait une stabilisation du déficit des régimes obligatoires de base de la sécurité sociale et du fonds de solidarité vieillesse (FSV) après une période de réduction continue post-Covid-19. Le déficit s'est creusé de 4,8 Md€ par rapport à cette prévision. Le déficit atteint 15,3 Md€ en 2024, dont 13,8 Md€ pour la seule branche maladie. Cette aggravation tient principalement au moindre rendement des recettes (-3,7 Md€).
La Cour des comptes alerte sur le fait que le financement des déficits nouveaux n'est plus assuré depuis 2024 par la Caisse d'amortissement de la dette sociale (Cades). La dette sociale est désormais supportée par l'Agence centrale des organismes de sécurité sociale (Acoss), qui gère la trésorerie des branches. La taille du marché des capitaux à court terme sur lequel l'Acoss se finance pourrait ne pas pouvoir absorber un volume d'emprunt aussi important. Ce qui pourrait conduire à une crise de liquidité. La dette sociale pourrait, en l'absence de réformes, atteindre 115 Md€ en 2028. La Cour des comptes préconise, afin d'éviter une crise de liquidité, de prolonger par une loi organique la durée de vie de la Cades au-delà de 2033.
Des "dérives continues" dans l'exécution de l'objectif national de dépenses d'assurance maladie (Ondam) expliquent que les dépenses passent de 200 Md€ en 2019 à 256 Md€ en 2024. Le rapport relève une aggravation du déficit des hôpitaux publics (passant de 1,9 Md€ en 2023 à près de 3 Md€ en 2024).
Des allègements de cotisations sociales patronales à mieux maîtriser
En 2024, le taux de cotisations patronales représente 4,3% du salaire brut au niveau du SMIC et 43,5% à 3,5 SMIC. Leur objet est de réduire le coût du travail pour les employeurs. De 2014 à 2024, le montant des allègements généraux de cotisations sociales patronales a quadruplé, pour atteindre 77,3 Md€.
Ces allègements sont constitués d'une réduction générale dégressive de l'ensemble des cotisations sociales patronales jusqu'à 1,6 SMIC, d'une baisse proportionnelle de 6 points des cotisations d'assurance maladie jusqu'à 2,5 SMIC et d'une baisse proportionnelle de 1,8 point des cotisations d'allocations familiales jusqu'à 3,5 SMIC.
Or, entre 2021 et 2024, le SMIC a crû plus rapidement que les salaires, ce qui a conduit à une "hausse mécanique du nombre de salariés rémunérés entre 1 et 1,6 SMIC", soit une augmentation de 18 Md€ des allégements de cotisations patronales.
Face à ce manque de maîtrise et afin d'économiser 2 Md€, les lois de financement pour 2024 et 2025 ont figé et réduit les plafonds d'éligibilité maladie à :
- 2,25 SMIC pour l'assurance maladie ;
- 3,3 SMIC pour les allocations familiales.
En 2026, les trois dispositifs seront fusionnés en un seul avec un plafond fixé à 3 SMIC.
Comment compenser la perte de recettes liée aux allègements de cotisations patronales ?
Ce dispositif a deux conséquences lourdes, puisque ces allégements de cotisations patronales :
- pèsent sur les comptes de la sécurité sociale ;
- maintiennent des salariés au SMIC, car les employeurs ne sont pas incités à revaloriser les salaires au-delà de 1,6 SMIC.
En France, le coût du travail au SMIC rapporté à celui du salaire médian est à 44%, parmi les plus faibles de l'Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) où il s'établit à 51,2% en moyenne.
La Cour des comptes souligne que le dispositif "désinciterait à la revalorisation des salaires, le coût pour l'employeur étant très supérieur au gain perçu par les salariés".
Dans ce dispositif, la sécurité sociale doit compenser à l'euro près l'Unédic et l'Agirc-Arrco pour les allégements. En contrepartie, elle est compensée par l'État une fois pour toutes par une fraction de taxe sur la valeur ajoutée (TVA). Or, la progression de la TVA a été moins dynamique que celle des allégements. S'ajoutent d'autres effets pour un montant de sous-compensation total estimé par la Cour des comptes à 18,3 Md€ depuis 2019.
Face à ce problème, la Cour fait deux recommandations dans l'objectif de contribuer au retour à l'équilibre financier de la sécurité sociale :
- calibrer dans le cadre de la réduction générale dégressive mise en place en 2026 :
- son plafond d'éligibilité ;
- son assiette de calcul ;
- son profil ;
- "faire assumer directement et intégralement par l'État la compensation des allégements de cotisations patronales à l'Unédic et à l'Agirc-Arrco".