À l'occasion de l'examen au Parlement du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2026 (PLFSS 2026), la Cour des comptes a remis à l'Assemblée nationale, le 3 novembre 2025, une analyse sur les enjeux financiers liés à la sécurité sociale, concernant :
- la situation des régimes obligatoires de base de la sécurité sociale (ROBSS) ;
- le fonds de solidarité vieillesse (FSV).
Le rapport ne couvre ni l'assurance chômage ni les régimes complémentaires de retraite. Principale information, le déficit de la sécurité sociale s'est fortement dégradé en 2025 et a doublé en deux ans.
En deux ans, un déficit des comptes sociaux multiplié par deux
La Cour des comptes signale une dégradation de la situation financière de la sécurité sociale en 2025. Cette dégradation est due en partie à un affaissement conjoncturel des recettes, lié :
- au ralentissement économique ;
- à une composition de la croissance défavorable aux recettes sociales.
Les mesures prises en cours d'année face au constat d'un risque de dérapage devraient permettre de rapprocher l'objectif national de dépenses d'assurance maladie (Ondam) de la cible votée avec la LFSS 2025. Une dégradation de 1 milliard d'euros (Md€) par rapport à l'objectif voté est due à des prévisions de recettes trop optimistes pour la troisième année consécutive.
En 2025, le déficit de la sécurité sociale (ROBSS et FSV) devrait atteindre 23 Md€ (+7,7 Md€ par rapport à 2024). Déjà passé de 10,8 Md€ à 15,3 Md€ en 2024, ce déficit a plus que doublé en l'espace de deux ans. Excepté la branche famille les autres branches de la sécurité sociale sont en déficit :
- branche maladie, déficit de 17,2 Md€ (+3,4 Md€), du fait du dynamisme des prestations ;
- branche vieillesse et FSV, déficit de 5,8 Md€ (+1,3 Md€) ;
- branche accidents du travail-maladies professionnelles (AT-MP), déficit pour la première fois depuis 2012 en raison de :
- transferts de cotisations vers la branche vieillesse en 2024, en lien avec la réforme des retraites ;
- l'augmentation de 0,4 Md€ en 2025 du transfert à l'assurance maladie, au titre de la sous-déclaration des AT-MP ;
- branche autonomie, déficitaire car la dynamique de dépenses excède largement celle des ressources (en 2024, l'excédent de 1,3 Md€ avait été permis par l'affectation de 0,15 point de contribution sociale généralisée [CSG], attribué auparavant à la caisse d'amortissement de la dette sociale [Cades]).
Une perspective de "redressement fragile" pour 2026
En 2026, le déficit des régimes obligatoires de base de la sécurité sociale devrait se creuser mécaniquement pour atteindre 28,7 Md€ (+5,7 Md€), en raison de la progression tendancielle des dépenses. Les dépenses prévues par le PLFSS 2026 seraient de 676,9 Md€, soit +10,8 Md€ par rapport à 2025. Les recettes de la sécurité sociale progresseraient de 16,3 Md€, soit +2,5%, sur un total de 659,4 Md€. Les recettes nouvelles, nettes des transferts aux administrations publiques (2,1 Md€), seraient un apport modéré.
Afin de contenir cette aggravation du déficit, le PLFSS 2026 prévoit un effort de 11,2 Md€ composé de :
- 9 Md€ d'économies nettes en dépenses ;
- 2,1 Md€ nets de mesures en recettes, nettes des transferts de l'État (-3 Md€ de transferts liés à la réforme des allégements généraux).
Ce redressement est exposé à de fortes incertitudes :
- les prévisions de recettes reposent sur un scénario macro-économique volontariste et des hypothèses optimistes ;
- l'effort en dépenses (9,1 Md€) est important mais concentré sur un petit nombre de mesures (80% de l'effort) :
- gel des prestations (2,5 Md€) ;
- doublement des franchises et participations (2,3 Md€) ;
- baisses de prix et bon usage des produits de santé (2,3 Md€) ;
- la suspension de la réforme des retraites de 2023 intégrée au PLFSS 2026 par une lettre rectificative est soumise à l'examen du Parlement.
Le portage par l'Agence centrale des organismes de sécurité sociale (Acoss) de déficits récurrents, chaque année fait peser des risques sur le financement des prestations de la sécurité sociale.
La dérive annoncée de la dette sociale et la reprise des déficits accumulés par la Cades supposerait :
- la définition préalable des conditions et des moyens d'un retour des comptes sociaux à l'équilibre ;
- l'adoption d'une loi organique.
La Cour des comptes conclut que "le doublement du déficit de la sécurité sociale entre 2023 et 2025 atteste une perte de contrôle de la trajectoire des finances sociales dans une période qui n'est pas caractérisée par une crise économique ou financière aiguë".