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Collectivités territoriales : quelle situation financière réelle et quel avenir ?

Temps de lecture  18 minutes

Par : Marie Caussimont - Maîtresse de conférences, université Toulouse Capitole, TSM Research - UMR CNRS 5303

Suppression de la taxe d’habitation sur les résidences principales, modification à la baisse d’autres impôts comme la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises... La structure de financement des collectivités territoriales a subi de nombreuses modifications récentes. Quels sont les effets de ces réformes sur les différentes collectivités ?

L'existence d'une organisation décentralisée est inscrite à l'article 1er de la Constitution. Les collectivités territoriales assurent un grand nombre de services du quotidien, aussi divers que la mise à disposition et l'entretien des écoles, collèges et lycées, des aides à la personne comme le revenu de solidarité active (RSA), la prise en charge de la dépendance des personnes âgées et handicapées, des équipements tels que des stades et le soutien aux pratiques culturelles et sportives, la police municipale, l'urbanisme, le pilotage du développement économique ou l'entretien de l'essentiel de la voirie, par exemple.

Les différents échelons de collectivités territoriales actuels, leurs découpages et leurs compétences résultent de trois actes de décentralisation, 1982, 2003 puis le dernier en 2014. Les transferts de compétences successifs de l'État vers les collectivités et des collectivités entre elles se sont accompagnés de transferts de budgets, de dépenses, mais aussi de risques. 

Dans un contexte de tensions financières pesant sur les finances publiques dans leur ensemble, les situations des différentes administrations publiques apparaissent contrastées. Les administrations centrales réalisent l'essentiel du déficit public. Les administrations locales ne portent que 8,25% de la dette publique nette. Pourtant, elles procèdent à plus de 50% des investissements de la sphère publique.

Cette situation apparemment meilleure des collectivités territoriales masque plusieurs éléments. D'abord, la situation des collectivités territoriales se dégrade globalement. Ensuite, au sein de cette sphère locale, les situations apparaissent hétérogènes. Enfin, il existe de complexes vases communicants entre les comptes des collectivités territoriales et de l'État, ce dernier contribuant massivement aux finances de certaines d'entre elles à la suite d'un certain nombre de réformes de la fiscalité locale. 

En effet, des recettes ont été affectées aux différents types de collectivités, notamment pour compenser des décisions à l'échelle nationale comme la suppression de la taxe d'habitation sur les résidences principales ou la modification à la baisse d'autres impôts (comme la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises). En 2023, c'est le reversement de plus de 25% de la TVA par l'État qui a constitué la première source de financement des collectivités territoriales (52,1 milliards d'euros, soit près d'un quart de leurs recettes). Pour la Cour des comptes, "les réformes sont à l'origine d'un tiers de la hausse du déficit public intervenue entre 2018 et 2023". Au demeurant, les collectivités territoriales n'ont pas la main sur nombre de ces recettes. D'ailleurs, ces montants et leurs évolutions ne correspondent pas nécessairement à la hausse des dépenses qui leur incombent, que ce soit en raison d'une augmentation de leur population ou, en raison de l'évolution des points d'indice des fonctionnaires et des prestations sociales (RSA, etc.) décidées par l'État dans un contexte d'inflation. 

Une situation globalement saine avec une hausse des dépenses de fonctionnement financées, sauf en 2023

Les données analysées ci-dessous proviennent de la Cour des comptes, d'après des données de la Direction générale des finances publiques (DGFiP). Depuis 2017, les produits de fonctionnement ont globalement augmenté de 16,50%, un rythme proche de l'inflation (17,13%) et au même rythme que les charges de fonctionnement (16,49%). Toutefois, l'année 2023 s'est avérée moins favorable pour les finances locales.

Bloc communal : bonne santé financière globale malgré quelques inquiétudes 

Le bloc communal comprend notamment :

  • les communes ;
  • leurs établissements publics de coopération intercommunale (EPCI) tels que les communautés de communes, d'agglomérations, les métropoles, etc.

Le cycle de fonctionnement des collectivités est composé des dépenses qui correspondent aux consommations sur l'année, comme le chauffage, l'entretien, les salaires, et aux recettes correspondantes. Entre 2017 et 2023, le bloc communal connaît une évolution financière de son cycle de fonctionnement globalement favorable. Cela lui permet de dégager de l'épargne brute : celle-ci enregistre une hausse de 27,9%, passant de 20,8 milliards d'euros en 2017 à 26,6 milliards sur 2023. L'augmentation de l'épargne sur cette période s'explique par une progression des produits (recettes déjà encaissées ou à encaisser concernant l'année) globalement plus rapide que celles des charges (dépenses payées ou à payer au titre de l'année), même si ces dernières ont connu une forte croissance :

  • les charges de fonctionnement (charges de personnel, achat de biens et services) ont connu une augmentation de 18,3% entre 2017 et 2023, un peu plus rapide que l'inflation, de 17,1% sur la même période, passant de 104,7 milliards d'euros en 2017 à 123,9 milliards en 2023. Sur cette période, cette hausse recouvre surtout une augmentation des charges de personnel, de 16,8%, et des achats de biens et services, de 31,4%, liée notamment au coût de l'énergie et des aliments ;
  • les produits de fonctionnement ont augmenté plus vite que les charges entre 2017 et 2023, de 25 milliards soit 19,9% (contre 18,3% pour les charges correspondantes). En six ans, ils sont passés de 125,5 milliards à 150,5 milliards et ont connu une augmentation de 5,8% sur la seule année 2023 (contre 6,0% pour les charges). Concernant les communes, certes, les recettes de la taxe d'habitation, supprimée pour les résidences principales, ont reculé de plus de 80% en six ans (12,6 milliards). Mais, dans le même temps, la part des taxes foncières revenant aux communes a augmenté de 20,4 milliards (les communes ont récupéré une part des taxes foncières revenant jusque-là aux départements, et elles aussi bénéficié d'augmentations de bases et de taux). Concernant les EPCI, subissant la réforme de la taxe d'habitation et celle de la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises, d'un impact de -7,4 milliards en six ans, ils ont bénéficié d'un reversement par l'État d'une part de la TVA. En 2023, elle s'élève à 12,8 milliards, contre 0 en 2017.

En ce qui concerne les investissements, autrement dit les achats de biens appelés à être utilisés sur plusieurs années, le bloc communal représente plus d'un tiers des investissements publics en France, avec un total de 45,8 milliards en 2023. L'investissement du bloc est très dynamique, avec une hausse de 10 milliards depuis 2017, soit 27,9%. Malgré cela, l'encours de la dette demeure maîtrisé. Fin 2023, s'il y consacrait toute son épargne brute, il faudrait au bloc communal 4,5 ans pour rembourser sa dette, une durée considérée comme soutenable. Le compte au Trésor (la "banque" des collectivités) présente fin 2023 un solde positif rassurant de 44,8 milliards.

Dans l'ensemble, le bloc communal apparaît en bonne santé financière fin 2023, même si la hausse des charges de fonctionnement interroge pour l'avenir et que nombre de communes d'outre-mer connaissent des difficultés importantes, avec des retards de paiement et des budgets en déséquilibre.

Départements : une situation récemment dégradée

En 2023, en ce qui concerne leur fonctionnement, les départements ont été pris en tenaille, avec une hausse de dépenses de 5,9% surtout liée à leurs missions à caractère social comme le RSA ou l'aide sociale à l'enfance, qu'ils ne peuvent pas moduler ou restreindre (les tarifs sont souvent indexés), et des produits qui, eux, ont enregistré une baisse sur l'année (-1,1%). Ces dépenses concernent pour un peu plus de la moitié les aides à la personne et les frais d'hébergement, sur lesquelles les départements n'ont pas ou peu de prise. Les charges de personnel, bien qu'en hausse (7,0% en 2023 et 18,3% depuis 2017), représentent moins d'un quart des dépenses de fonctionnement. Certes, depuis 2017, leurs charges de fonctionnement ont augmenté légèrement plus vite que les produits correspondants, avec 14,1% en six ans (7,9 milliards) pour les premières contre 11,25% pour les seconds (7,2 milliards). Surtout, c'est la trajectoire récente des dépenses de fonctionnement, pas totalement financée par les produits alloués par l'État, qui est alarmante.

Le financement des départements a connu plusieurs évolutions de fonds depuis 2020, mais depuis 2023, c'est surtout le retournement du marché immobilier qui a marqué leurs finances : après deux années record, le nombre de ventes immobilières a baissé de 19%. Or, les droits de mutation dits "DMTO" constituaient une ressource essentielle pour les départements. La loi de finances pour 2025 autorise les départements à relever le plafond des droits de mutation à titre onéreux (DMTO) de 4,5% à 5% pendant trois ans.

En ce qui concerne les investissements, les départements ont maitrisé leurs dépenses en 2023 (12,8 milliards), en revanche, celles-ci ont fortement progressé sur un temps plus long (+3,9 milliards soit 43,8% depuis 2017). 

Au total, les départements mettraient en moyenne 4,4 ans à se désendetter, ce qui demeure très raisonnable. Pour beaucoup, ils ont fait face aux difficultés de cette année 2023 grâce à l'épargne cumulée sur la dernière décennie, plus favorable. Toutefois, l'inadéquation de leurs recettes, en baisse, en face de dépenses sociales en augmentation, est inquiétante. Les situations sont très variables selon les territoires, avec des contextes divers de pauvreté et d'âges, et des tarifs de l'immobilier dont dépend une part significative de leurs produits eux-mêmes très hétérogènes.

Régions : un niveau d'endettement soutenable, bien que le plus élevé parmi les collectivités territoriales

Les produits de fonctionnement des régions ont augmenté de 2,6 milliards entre 2017 et 2022, permettant de supporter l'augmentation des charges de fonctionnement (1,8 milliards). Mais la situation s'est dégradée en 2023, avec une hausse des charges de fonctionnement de 5,2%, plus rapide que celle de 2,9% des produits correspondants. 

Les régions ont dû faire face, en particulier, à une forte évolution des achats de biens et services : outre la hausse des dépenses d'eau, d'énergie et de chauffage, notamment pour les lycées, les coûts des contrats de prestations de transports ont augmenté de 27,7% en 2023 et de 48,5% depuis 2019.

Ces évolutions ont provoqué une baisse de 5,8% de l'épargne brute des régions en 2023, qui s'élève à la fin de l'année à 5,9 milliards. Cependant, ce chiffre ne représente pas une dégradation alarmante, dans la mesure où cette épargne est très proche de son niveau moyen depuis 2017 (5,8 milliards).

En ce qui concerne les recettes de fonctionnement, le produit le plus significatif est la fraction de TVA qui est versée en compensation de la suppression de la CVAE (contribution sur la valeur ajoutée payée par les entreprises), que les régions percevaient jusqu'en 2020. Ainsi, ce type de produit est passé de 8,8 milliards en 2017 à 10,9 milliards en 2023.

Enfin, les régions ont maintenu leur politique d'investissement. Leurs dépenses d'investissement connaissent une hausse constante depuis 2017, tout comme les recettes qu'elles perçoivent à ce titre. Toutefois, les recettes reçues correspondantes étant d'un niveau très inférieur (6,4 milliards en 2023) à leurs dépenses (14,2 milliards en 2023), la différence est trouvée via l'endettement et en puisant dans la trésorerie pour la 2e année consécutive.

En résumé, après une amélioration pendant deux ans, la situation financière des régions est en repli : leur ratio de désendettement se dégrade, passant à 6,1 ans fin 2023, contre 4,7 ans en moyenne pour l'ensemble des collectivités. Les régions constituent de manière durable le type de collectivités territoriales le plus endetté et deux d'entre elles sont au-delà du seuil d'alerte fixé à 9 ans. 

Perte d'autonomie des collectivités et inflation des dépenses financée par l'assèchement des finances de l'État

De nombreuses dispositions juridiques s'appliquent aux collectivités territoriales et jouent un rôle dans la structuration de leurs finances. Certains de ces textes sont regroupés dans un code spécifique, le Code général des collectivités territoriales. Nous allons tenter de faire le point sur la manière dont les collectivités territoriales sont financées et les problématiques que cela soulève, suite à des réformes qui ont modifié des impôts héritiers de la révolution.

Le financement du fonctionnement des collectivités territoriales, un mille-feuille historique

Les collectivités territoriales ont connu trois profondes réformes entre 2018 et 2023 touchant aux bases mêmes de leur financement : 

  • l'élimination progressive de la taxe d'habitation sur les résidences principales ;
  • la diminution de 50% appliquée en 2021 aux bases des locaux industriels soumis à la cotisation foncière des entreprises et à la taxe foncière sur les propriétés bâties ;
  • la réduction de moitié de la valeur ajoutée des entreprises en 2023, en cours d'abrogation progressive. 

Les recettes fiscales territorialisées ont connu une forte baisse à compter de 2021, qui s'est poursuivie en 2023. Elles représentent 39.4% du total en 2023 alors qu'elles en représentaient 55.4% en 2017. En particulier : 

  • Les produits de la fiscalité directe locale (56.2 milliards) baissent globalement en 2023, de 3.5 milliards (5.9%). Notamment, la disparition progressive de la contribution sur la valeur ajoutée des entreprises (CVAE) a provoqué la perte de 8.9 milliards de produits sur 2023 (-95.7%). La hausse des taxes foncières de 5.4 milliards n'a pas suffi à compenser cette perte. En parallèle, la taxe d'habitation, provenant principalement des résidences secondaires, enregistre une hausse particulièrement forte (+36% sur un an), générant des produits de 3.6 milliards sur l'année ;
  • Les produits de la fiscalité "transférée" historiquement par l'État (38.1 milliards) ont aussi connu une baisse en 2023, de 3.7 milliards, soit 9%. Ce type de produits correspond à des transferts d'impôts par l'État aux collectivités, afin de compenser la suppression de la taxe professionnelle (2010), ainsi que de nombreuses strates de transferts de compétences effectués depuis 1983. Cette accumulation de compensations a abouti à un complexe millefeuille de produits toujours existants, tels que : la compensation concernant la taxe sur l'immatriculation depuis 1983, etc. En 2023, l'évolution la plus notable a été celle des droits de mutation dits DMTO qui, en passant à 15.7 milliards, ont chuté de 4.5 milliards (22.3%) par rapport à 2022.

Désormais, les impôts nationaux constituent un produit essentiel au fonctionnement des collectivités. Ils représentent 28.1% de leurs produits en 2023, donc 3 fois leur niveau de 2017 où ils s'élevaient à 8.5% des produits. Cette augmentation correspond surtout à la compensation par l'État de la baisse de la CVAE et de la suppression de la taxe d'habitation sur les résidences principales. En effet, désormais, le produit le plus significatif perçu par les collectivités territoriales est constitué par le reversement d’une partie de la TVA par l’État : en 2023, il leur a versé 25.5% de cette taxe, soient 52.1 milliards. D'ailleurs, l'État conserve désormais moins de la moitié des recettes de TVA (44.7% en 2023 contre 93% en 2017), une part importante étant aussi versée à la protection sociale (28%).

 

Enfin, les dotations de l'État représentent 12,6% des recettes de fonctionnement des collectivités en 2023 (12,7% en 2022). Toutefois, leur part dans les produits baisse progressivement depuis 2017, car certaines des composantes de ces dotations qui compensent des transferts de compétences anciens ont été gelées, et d'autres progressent moins vite que l'inflation.

 

Des problématiques structurelles au cœur du financement des collectivités territoriales

Les réformes récentes ont marqué une véritable "rupture" : certaines taxes supprimées (taxe d'habitation sur les résidences principales, cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises) étaient les héritières d'impôts datant de la révolution française. Bien que l'État ait globalement compensé les pertes de produits des collectivités, et que les entreprises et les ménages aient bénéficié de ces réformes, il en ressort néanmoins les problématiques suivantes :

  • Limitation du pouvoir fiscal des collectivités qui interroge : nombre de collectivités ont vu restreindre leur pouvoir fiscal au cours des dernières années. Certes, les communes et intercommunalités continuent d'en disposer, dans une certaine mesure : il est désormais réduit sur la taxe d'habitation mais existe toujours via la taxe foncière, dont les taux moyens augmentent chaque année. En revanche, le pouvoir fiscal des départements est jugé presque inexistant avec la fin de part de taxe foncière en 2021. Ils ne peuvent plus fixer que le taux des droits de mutation ("DMTO") mais tous - sauf trois - ont déjà atteint le plafond. Quant aux régions, les réformes récentes n'ont pas changé la situation : elles n'ont la main que sur de rares taxes (immatriculation, accise sur l'énergie) pour lesquelles, atteignant progressivement les plafonds légaux, elles n'ont presque plus de marges de manœuvre;
  • Des bases des impôts fonciers déconnectées des réalités économiques : généralement, les valeurs locatives des habitations n'ont pas été révisées depuis 1970 et celles des locaux professionnels non industriels se fondent sur des données de 2011. Pour compenser cela, les collectivités augmentent leurs taux, mais en réalité ce sont les bases des impôts qui seraient à revoir;
  • Rupture du lien fiscal entre un certain nombre de citoyens et leurs collectivités : la Cour met en évidence une "déterritorialisation", une forme de rupture du lien fiscal entre un certain nombre de citoyens et leurs collectivités, qui peut être lourde de conséquences. Le financement par les impôts locaux reste prépondérant pour le bloc communal (54%), mais très réduit pour les régions (12.1%) et les départements (20.1%). Dans les villes, contrairement aux communes rurales, les locataires sont majoritaires ; or, avec la suppression de la taxe d'habitation, ils ne contribuent plus aux services dont ils bénéficient. Par conséquent, les municipalités ont moins d'incitations à accepter de constructions, dans la mesure où de nouveaux habitants supposent un accroissement des dépenses non nécessairement compensé par la seule taxe foncière. Pour des raisons fiscales similaires, elles sont moins encouragées à accepter les développements d'entreprises ou l'arrivée de nouvelles;
  • Des recettes de compensation héritées du passé, sources d'inégalités : une part conséquente des recettes de compensation de l'État, suite à des suppressions de taxes sur les 40 dernières années, n'est pas calculée en fonction de données contemporaines (76% pour les régions, 62% pour les départements, 39% pour les intercommunalités et 22% pour les communes). Par exemple, la taxe locale sur les ventes remplacée en 1979, continue de donner lieu à une dotation forfaitaire. Si certaines collectivités se retrouvent avantagées, cette situation a de graves conséquences pour les finances d'autres collectivités, notamment celles qui ont connu au cours des dernières décennies une forte croissance démographique globale, du nombre de personnes dépendantes ou un appauvrissement de leur population, et qui se retrouvent sous-dotées de manière chronique.

Au total, l'État est le premier contributeur au fonctionnement des collectivités territoriales. En bref, 28.1% de leurs produits de fonctionnement proviennent en 2023 des impôts nationaux reversés par l'État, auxquels s'ajoutent 15.1% d'autres produits provenant de la fiscalité transférée par l'État et, enfin, 12.1% correspondant à dotations de l'État à proprement parler. Autrement dit, en moyenne 55.3% de leur fonctionnement est financé par l'État.

Dans ce contexte, la Cour met en évidence un coût très lourd des récentes réformes, pour les finances de l'État. L'effet de ces réformes sur les déficits publics est jugé majeur et ce sont des emprunts qui ont permis de supporter ces sommes. Dans les mots de la Cour, "les réformes sont à l'origine d'un tiers de la hausse du déficit public intervenue entre 2018 et 2023". 

Quelles pistes d'évolution ?

Il est illusoire de penser que les collectivités territoriales sont autonomes au plan financier. Un statu quo du mode de financement actuel des collectivités paraît difficilement soutenable. La Cour des comptes propose plusieurs pistes d'évolution : 

  • une modernisation des impôts fonciers locaux vue comme indispensable : une révision des bases aboutirait à des transferts de charges significatifs entre contribuables dans un souci d'équité. Pour les habitations, la révision est prévue pour 2029, mais la Cour appelle à y procéder sans attendre. Elle préconise des mesures similaires pour les locaux professionnels ;
  • une répartition plus équitable des ressources et dotations transférées par l'État : les financements versés par l'État sont calculés selon des données souvent anciennes. La Cour appelle à une profonde réforme de la répartition de ces financements, sur la base de données contemporaines, notamment de population. Elle préconise aussi de répartir les 25% de la TVA désormais transférés aux collectivités en fonction du niveau de richesse des habitants ;
  • des possibilités de maîtrise accrue des dépenses : des propositions d'économies diverses ont été répertoriées par les sages de la rue Cambon, telles que ramener graduellement les effectifs à leur niveau des années 2010, la généralisation de bonnes pratiques d'achats, comme la mutualisation des circuits d'achats entre collectivités afin de générer des économies d'échelle, imposer de nouveau un schéma de mutualisation interne dans chaque intercommunalité et prendre en compte le degré de mutualisation des services dans chacune d'entre elles pour l'octroi des financements.