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© Vladimir Kazakov - stock.adobe.com

Parité euro-dollar : tout comprendre en sept questions

Temps de lecture  9 minutes

Par : La Rédaction

L'euro est créé en 1999. Depuis, la monnaie unique est passée par une phase d'appréciation, puis de baisse, avant de se stabiliser entre 1,10 et 1,20 dollar pour 1 euro. La guerre en Ukraine a déclenché un nouvel affaiblissement de la monnaie européenne. Un euro plus faible implique un dollar plus fort. Décryptage des conséquences économiques.

Comment l'euro a-t-il évolué par rapport au dollar depuis sa création ? Comment expliquer l'actuelle faiblesse de l'euro ? Que signifie "parité" euro-dollar ? Qui profite d'un euro faible ? Quels sont les inconvénients d'un euro faible ? Que fait la Banque centrale européenne (BCE) pour limiter la baisse de la monnaie unique ? Qui peut bénéficier de la hausse des taux de la BCE et qui peut y perdre ? Alors que la BCE vient de relever ses taux, retour avec Vie-publique.fr sur les dernières évolutions de la monnaie européenne face au dollar américain.

 

Comment l'euro a-t-il évolué par rapport au dollar depuis sa création ?

Le 4 janvier 1999, la monnaie européenne est introduite à 1,1789 dollar pour 1 euro. Après des débuts hésitants (en octobre 2000, l'euro ne vaut plus que 0,85 dollar), la monnaie unique entame jusqu'à 2008 une solide phase de réévaluation. Le 15 juillet 2008, elle atteint son plus haut historique à 1,60 dollar.

Depuis, l'euro baisse en deux phases :

  • une première baisse jusqu'à 2015, qui l'amène à un niveau de 1,10 dollar environ. Celle-ci est suivie d'une phase de stabilisation autour de 1,15 dollar qui dure jusqu'à fin 2021 ;
  • 2022 marque un nouvel affaiblissement de la monnaie unique : l'euro atteint le 13 juillet 2022 la parité avec le dollar, une première depuis 2002. Si on compare le niveau d'introduction avec celui de l'été 2022, la dévaluation de l'euro par rapport au billet vert est d'environ 18%.
  • Pourquoi l’Union européenne a-t-elle adopté une monnaie unique ?

    Je crois que l'adoption d'une monnaie unique par l'Union européenne correspondait à la quintessence même du projet, puisque le projet d'emblée, dès le Traité de Rome, s'appuyait sur l'idée d'un marché unique, d'un marché commun et d'une concurrence généralisée et donc marché unique, concurrence, ça suppose une fixation des prix à la fois prédéterminés et relativement stables, et parmi les éléments qui perturbent les fixations de prix, il y a les évolutions du change.

    Donc, assez naturellement, les fondateurs de l'Union européenne et de ce qui était au départ le marché commun, s'étaient dit, on va faire en sorte qu'il y ait une monnaie, sinon au départ, une monnaie commune ou tout au moins un taux de change fixe entre les différentes devises de la zone européenne, de façon à éviter les à-coups liés aux heurts autour du change.
    Et puis, progressivement, le système s'est mis en place.
    Donc, il y a eu le SME en 1979, dans un contexte de change flottant dans l'ensemble de la planète.

    Et comme ça fonctionnait plus ou moins bien, les gens se sont dit on va aller un peu plus loin et donc on va faire la monnaie unique, l'euro, à partir du Traité de Maastricht.
    Ce qui est intéressant aussi, c'est deux choses complémentaires.

    La première, c'est qu'il y avait chez François Mitterrand et Helmut Kohl l'idée aussi que, avec une monnaie européenne, appuyée sur le primat politique français et le primat économique européen, on pourrait créer une sorte de rivale du dollar.

    Ce qui avait incité en particulier Margaret Thatcher à refuser le projet.
    Et la deuxième chose, c'est que dans la vie quotidienne des Européens, ça facilitait les voyages, le tourisme et les investissements.

    C'est-à-dire que quand vous êtes Allemand et que vous investissez en Europe du Sud, vous savez que vous retirerez une certaine somme en euros, quoi qu'il arrive, quelle que soit la politique qui est menée en Europe du Sud, alors qu'avant, vous étiez toujours sous la menace d'une dévaluation éventuelle, ruinant une partie de vos efforts.

  • Qu’est-ce que l’euro a changé pour les Européens ?

    Alors, je crois que pour les citoyens, ça leur a apporté, d'une part, une lisibilité assez grande sur l'avenir.

    La deuxième chose c'est que pour avoir la même monnaie, il faut avoir le même taux d'inflation.
    Et le plus simple, quand on décide d'avoir le même taux d'inflation, c'est de ne pas voir d'inflation.

    Donc ça a apporté notamment aux pays d'Europe du Sud une nouvelle vision de l'économie et une rupture avec la longue période d'inflation qui avait été celle de l'Après-guerre, ce que des ministres de l'Économie et des Finances français appelaient le dirigisme inflationniste.
    Il y a moins d'inflation.

    Et puis, la troisième chose, c'est que je crois que ça a apporté aussi une forme d'identification physique du projet européen.

    On a la même monnaie quand on va depuis les pays baltes jusqu'à Athènes, en passant par Madrid ou Amsterdam.
    L'Europe, ça existe.
    Il y a une formation concrète de ça, il y a une formulation concrète de cette existence qui est le fait qu'on a la même monnaie.

    Comme les Américains, du Texas à la Californie, ont la même monnaie.
    Dans les rapports qu'ont les Français à l'euro, ce qui me frappe, c'est deux choses :  la première chose, c'est que, ils ont été longtemps convaincus que le passage à l'euro avait augmenté l'inflation et avait constitué une perte de pouvoir d'achat assez sensible pour eux.
    Il y avait une espèce de slogan qui disait les prix ont été maintenus en euros.
    Les prix sont passés du montant affiché en francs au montant équivalent en euros.
    En revanche, les salaires ont été divisés par 6,5.

    Et donc il y a eu au départ un doute.
    Un doute qui traduisait d'ailleurs les résultats du référendum de Maastricht.

    C'est-à-dire que le oui l'avait emporté d'une courte tête.
    Mais je pense que maintenant les Français sont très attachés à l'euro pour deux raisons :
    la première raison, c'est que c'est assez pratique quand on fait du tourisme que d'aller dans les pays voisins sans avoir à changer de la monnaie et à prendre des risques.
    Parce que si la monnaie change, on ne sait pas très bien combien ça va coûter à la fin des fins.
    Et puis, je pense que fondamentalement, ils se sont aperçus que c'était quand même, malgré ce qu'ils avaient pensé initialement, une sauvegarde sur leur pouvoir d'achat.

    Même si les Français estiment que le pouvoir d'achat est devenu un véritable enjeu, ils attribuent à l'euro plutôt un élément de sauvegarde de ce pouvoir d'achat, que ça a été plutôt un élément positif pour eux.

    Et je pense que les partis qui, à un moment donné, faisaient campagne pour la sortie de la zone euro, ont compris que ce n'était pas un bon angle d'attaque dans la vie politique actuelle.

  • Quel avenir pour l’euro dans l’économie mondiale ?

    Je crois qu'il y avait d'abord l'enthousiasme au départ, c'était l'enthousiasme de H. Kohl et de F. Mitterrand au sommet d’Évian, donc de refaire une monnaie qui serait en capacité de rivaliser avec le dollar puisque le dollar était devenu sans contrôle, sans rival, que l'or avait disparu pour essayer de contraindre la politique américaine, on allait faire de l'euro le moyen de contraindre les Américains à avoir une politique un peu plus sage.
    Ça, ça reste un espoir.

    Et de temps en temps, il y a un certain nombre de pays qui disent mais si, pour embêter les États-Unis, on va choisir une autre monnaie de référence et après tout, pourquoi pas l'euro ?

    Je pense que ça, la crise grecque en particulier, a éloigné cet horizon.
    Mais la crise grecque aussi a montré un autre chose.
    C'est l'attachement des pays qui sont membres de la zone euro à l'avenir de la zone euro et au maintien de la zone euro.

    En juillet 2012, les dirigeants européens se sont trouvés face à la question fondamentale est ce qu'on continue ou est ce qu'on divorce ?
    Et ils ont décidé de continuer en demandant à Monsieur Draghi de faire en sorte que l'euro survive.

    À partir de ce moment-là, c'était le « Whatever it takes ».
    Et donc, ça a apporté à l'euro une sorte de vision de long terme, c'est-à-dire que « Whatever it takes », on sauvera l'euro.

    Donc l'avenir de l'euro est assez garanti, à mon avis.
    Le dernier élément, c'est que la question qui se pose c'est est-ce que la zone euro va s'étendre et est-ce que la zone euro va devenir véritablement l'Union européenne ou est ce qu'il va y avoir une Europe à deux vitesses ?

    Ceux qui sont dans la zone euro et ceux qui sont à l'écart ?
    Je pense que la zone euro va progressivement s'étendre, même si le candidat actuel le plus entreprenant, c'est la Bulgarie et que un certain nombre de pays disent qu'il faut peut-être un peu avant de récupérer la Bulgarie, digérer la Grèce et préparer la digestion de l'Italie.

Comment expliquer l'actuelle faiblesse de l'euro ?

La faiblesse de la monnaie unique a commencé en 2008 avec la crise financière qui s'est transformée, dans l'Union européenne, en crise de la dette de la zone euro. Cette crise a pénalisé la monnaie unique car elle a mis des doutes sur la stabilité de la zone et la pérennité de l'euro. Grâce à la politique monétaire conduite par la Banque centrale européenne (BCE) et les efforts budgétaires des États membres, l'euro a pu être stabilisé.

L'affaiblissement récent de l'euro, quant à lui, a des raisons plus diverses :

En automne 2021, la crise sanitaire reprend en Europe et pèse sur les perspectives de croissance. L'inflation, qui progresse depuis 2021, s'accélère en 2022, d'abord à cause de problèmes d'approvisionnement liés à la crise sanitaire et la fermeture de sites de production en Chine, puis encore plus nettement à cause de l'intervention militaire russe en Ukraine. Cette dernière fait non seulement flamber les prix des matières premières, mais fait surtout planer le risque d'une crise énergétique sur l'Europe avec le spectre d'une rupture de l'approvisionnement de gaz venant de Russie. L'ensemble de ces facteurs, auxquels on peut ajouter les sanctions prises par les pays européens à l'encontre de la Russie, pèsent sur la confiance et freinent la croissance en zone euro. L'euro est alors moins recherché sur le marché monétaire.

À ces facteurs conjoncturels et géopolitiques s'ajoutent des facteurs monétaires. Le dollar est une traditionnelle valeur de refuge en temps de crise. L'attractivité du billet vert est renforcée par le différentiel de taux en défaveur de l'euro : la Banque centrale américaine (la Fed), pour lutter contre l'inflation, a commencé en mai 2022 un cycle assez vigoureux de hausses des taux directeurs, la Banque centrale européenne, quant à elle, est encore au début de ce mouvement. Le 21 juillet, elle a annoncé une hausse de 50 points de base des trois taux directeurs. Les taux d’intérêt des opérations principales de refinancement, de la facilité de prêt marginal et de la facilité de dépôt passent à respectivement 0,50%, 0,75% et 0,00% à compter du 27 juillet 2022. Aux États-Unis, en revanche, les taux directeurs évoluent depuis le 27 juillet 2022 entre 2,25% et 2,50%.

Que signifie "parité" euro-dollar ?

La parité euro-dollar veut dire que, pour un euro, on ne peut plus acheter qu'un dollar. C'est une première depuis 2002. En 2008 par exemple, on pouvait acheter, pour 1 euro, 1,60 dollar. La dépréciation de la monnaie unique s'est accélérée depuis début 2022.

Un euro plus faible veut dire un dollar plus fort : tout ce qui est importé des États-Unis ou ce qui est facturé en dollar devient plus cher. Il faut donc dépenser plus d'euros. Voyager en zone dollar devient plus coûteux pour les Européens. En revanche, pour les Américains, les vacances sur le Vieux Continent sont plus attractives financièrement : ils bénéficieront d'un meilleur pouvoir d'achat en Europe.

Qui profite d'un euro faible ?

Outre le tourisme européen qui peut espérer attirer davantage de vacanciers d'outre-Atlantique, ce sont les entreprises exportatrices de la zone euro qui profitent d'un euro plus faible : le prix à l'exportation baisse ce qui rend les produits facturés en euro plus attractifs sur les marchés mondiaux. Ce sont d'abord les traditionnels pays exportateurs qui en profitent, comme l'Allemagne ou les Pays-Bas avec leur grand secteur industriel, puis les secteurs tournés vers l'étranger et notamment vers les États-Unis comme le secteur du vin, du luxe, de l'aéronautique ou de l'agroalimentaire pour la France.

Cet avantage compétitif peut cependant se réduire, voire même disparaître, si les biens exportés sont facturés en dollars ou si leur production nécessite beaucoup de biens intermédiaires importés ou devenus plus chers à cause de la hausse des prix de l'énergie. En 2021, les États-Unis, avec 36 milliards d'euros, ne sont arrivés qu'à la cinquième place dans des exportations françaises en volume, derrière l'Allemagne (69 milliards d'euros), l'Italie, la Belgique et l'Espagne.

Quels sont les inconvénients d'un euro faible ?

La monnaie unique est en baisse non seulement par rapport au dollar, mais également vis-à-vis du dollar canadien et du franc suisse. Cette faiblesse renchérit les importations de l'extérieur de la zone euro. Le premier touché est le consommateur français, traditionnellement plutôt intéressé par des produits importés.

La majorité des entreprises françaises sont également concernées : les artisans, les commerçants et les petites entreprises qui n'exportent pas ou très peu, mais qui subissent la hausse des produits importés et celle des prix de l'énergie, y compris de l'électricité. Pétrole et gaz étant facturés en dollar, consommateurs et entreprises doivent supporter un budget plus élevé pour le transport et le chauffage. Afin de limiter cette charge, le Gouvernement a mis en place un bouclier tarifaire sur l'énergie et d'autres mesures en faveur du pouvoir d'achat.

Que fait la Banque centrale européenne (BCE) pour limiter la baisse de la monnaie unique ?

La BCE ne poursuit ni une politique de ciblage du taux de change, ni une politique axée sur la croissance économique. Son seul objectif est la stabilité de l'euro (ce qui englobe aussi sa pérennité) que le Conseil des gouverneurs juge compatible avec une inflation à hauteur de 2% à moyen terme. Afin de contrer la généralisation des tensions inflationnistes, le Conseil des gouverneurs a décidé, en juin 2022, d'adopter de "nouvelles mesures de normalisation de sa politique monétaire". D'abord, la BCE a annoncé de mettre un terme aux achats nets dans le cadre de son programme d'achats d'actifs (asset purchase programme, APP) à compter du 1er juillet 2022. Puis, par décision prise le 21 juillet 2022, elle a choisi de relever, à compter du 27 juillet 2002, ses trois taux directeurs de 50 points de base, une première depuis plus de onze ans. Ce tournant majeur de sa politique monétaire portera ses trois principaux taux à respectivement 0,50%, 0,75% et 0,00%. Le différentiel avec les taux américains sera ainsi réduit. À moyen terme, la BCE prévoit un tassement des coûts de l'énergie, ainsi qu'une atténuation des perturbations de l'offre liées à la pandémie. Elle table sur un taux annuel d'inflation de 6,8% en 2022, puis une décrue à 3,5% en 2023 et à 2,1% en 2024. Mais le Conseil des gouverneurs ne veut pas en rester là. Lors des prochaines réunions du Conseil des gouverneurs, il conviendra de poursuivre la normalisation des taux.

La trajectoire future des taux directeurs du Conseil des gouverneurs dépendra des données et contribuera à assurer que son objectif d'inflation de 2% à moyen terme soit atteint.

Hausse des taux de la BCE : qui peut en bénéficier, qui peut y perdre ?

La hausse des taux de refinancement de la BCE renchérit l'accès au crédit en zone euro, d'abord pour les banques, ensuite pour les consommateurs et les entreprises. Les crédits à la consommation et crédits immobiliers vont ainsi devenir plus chers. Les entreprises seront touchées de la même manière, tout comme les États endettés dont la charge de la dette s'alourdira.

En revanche, les épargnants vont sortir de la phase de taux d'épargne très bas, voire négatifs. Le ministère de l'économie a annoncé que le taux d'intérêt annuel du livret A, fixé à 1% depuis le 1er février 2022, sera revalorisé à 2% à compter du 1er août 2022. Les autres taux d'épargne vont suivre cette tendance, mais la hausse ne sera probablement pas suffisante pour compenser le niveau d'inflation. Les taux réels resteront donc temporairement négatifs. Les bourses mondiales traduisent déjà ces changements : les cours des actions se tassent, voire baissent, tandis que les obligations retrouvent la faveur des investisseurs.