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© Mike Fouque / Stock-adobe.com

Les prélèvements obligatoires en huit questions

Temps de lecture  10 minutes

Par : La Rédaction

Les prélèvements obligatoires sont les impôts et cotisations sociales prélevés par les administrations publiques et les institutions européennes. Cet indicateur est très utilisé, mais que dit-il vraiment ? Comment a-t-il évolué ? Quelles sont les conventions nécessaires pour rendre les données comparables entre pays ? Le point en huit questions.

Selon l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE), l'expression "prélèvements obligatoires" désigne des versements effectifs opérés par tous les agents économiques au secteur des administrations publiques (au sens de la comptabilité nationale) quand ils respectent deux conditions :

  • ils résultent non pas d’une décision de l’agent économique qui les acquitte mais d’une décision collective qui fixe les modalités et le montant des versements ;
  • ils ne comportent pas de contrepartie directe.

Cette définition repose sur trois éléments : la nature des flux (versements réellement opérés), les destinataires (les administrations publiques) et leur caractère non volontaire (absence de choix quant aux conditions et au montant des versements et absence d’une contrepartie). 

Les cotisations sociales, bien que comptabilisées dans les prélèvements obligatoires, dérogent en partie au principe d'absence de contrepartie puisqu'elles donnent droit à des prestations plus ou moins en lien avec les versements. 

Les prélèvements obligatoires sont donc un sous-ensemble des recettes publiques totales d’un pays. Composés des impôts, des cotisations sociales et des taxes fiscales (perçues à l’occasion de la fourniture d’un service), ils ont représenté 88% des recettes totales des administrations publiques en 2023.

Les statisticiens et les comptables nationaux se sont mis d'accord sur un certain nombre de conventions pour rendre opérationnelle la définition globale des prélèvements obligatoires et permettre les comparaisons internationales :

  • les versements pris en compte sont à destination de l'ensemble des administrations publiques au sens large, c'est-à-dire à l'État et aux divers organismes d'administrations centrales (ODAC), aux administrations publiques locales (APUL), aux administrations de sécurité sociale (y compris les régimes complémentaires obligatoires de retraite tels l'Agirc-Arrco et l'assurance chômage) et, enfin, à l'Union européenne ;
  • le caractère obligatoire et sans contrepartie exclut les recettes suivantes : la redevance télévisuelle (supprimée en France en 2022), les amendes et timbres fiscaux (pour papiers d'identité, permis de conduite...), certaines taxes comme la taxe d'enlèvement des ordures ménagères (elle est considérée comme une rémunération d'un service précis), les ressources publiques tels les dons, les produits des ventes de certains biens ou les revenus de prêts et participations. Cela explique en partie pourquoi les dépenses publiques sont assez largement supérieures au volume de prélèvements obligatoires ;
  • la définition exclut les prestations directement versées par certains employeurs à leurs salariés, ex-salariés et autres ayants droit sans qu'un organisme tiers de sécurité sociale soit impliqué. On parle de prestations sociales "fictives" ou "imputées". Elles représentent jusqu'à 10% des ressources de la protection sociale en France ;
  • les "dépenses fiscales" (ou niches fiscales) viennent en déduction des prélèvements obligatoires : cette fiscalité dérogatoire (exonérations, crédits d'impôts...) a pour conséquence de réduire l'impôt acquitté par le contribuable ou l'entreprise. Elle peut même donner lieu à un versement du Trésor public. La Cour des comptes évalue, pour 2023, le montant des niches fiscales à 3,3% du PIB ;
  • certains prélèvements émanent des administrations publiques elles-mêmes et ne sont pas opérés sur l'activité économique marchande : ces prélèvements sont financés directement ou indirectement par d'autres prélèvements. Le financement est direct lorsqu'une administration, par exemple, fait des achats et supporte la TVA. Le financement est indirect dans le cas de certains prélèvements qui ne sont que, comme le note le Conseil des prélèvements obligatoires, "la reprise par les administrations publiques de sommes qu'elles ont précédemment versées à d'autres agents économiques : en font ainsi partie les traitements des fonctionnaires, financés par le produit général des prélèvements obligatoires, qui donnent eux-mêmes prise à de nouveaux flux de prélèvements". Dans ces cas, des doubles comptabilisations peuvent fausser, parfois de manière considérable, l'appréciation de cet agrégat.

En 2023, les recettes de prélèvements obligatoires s'élèvent à 1 218,4 milliards d'euros. Depuis 2000, ils ont doublé en volume, mais le rapport au PIB est resté stable. Pour dix de ces prélèvements, le montant des recettes s'élève à plus de 15 milliards d'euros. Ils représentent 89% du montant total des prélèvements obligatoires.

Répartition des prélèvements obligatoires (PO) par grand type de recette en 2023
Type de prélèvement Recette en 2023 (milliards d'euros)Part dans le total des PO en %
(chiffres arrondis)
Cotisations sociales462,338
Taxe sur la valeur ajoutée205,017
Contribution sociale généralisée (CSG)147,312
Impôt sur le revenu net des crédits d'impôts88,77
Impôt sur les sociétés net des crédits d'impôts56,65
Taxe foncière41,33
Accises sur les produits énergétiques30,32
Droits de mutation à titre gratuit20,82
Droits de mutation à titre onéreux19,12
Taxe sur les salaires16,71
Part dans le total des PO1 087,989
Total des prélèvements obligatoires1 218,4100

Source: Inspection générale des finances (2024), Les prévisions de recettes des prélèvements obligatoires, 24 juillet (d'après Insee, base 2020).

Pour comparer les prélèvements obligatoires, on a l'habitude de ne pas se référer aux prélèvements en valeur absolue, mais de les rapporter au PIB. Ce taux de prélèvements obligatoires, souvent repris par les médias, rend compte de la part de la richesse produite par un pays qui est prélevée par les administrations publiques sous forme d'impôts et de cotisations. Selon l'OCDE, ce taux peut être considéré comme un indicateur du contrôle exercé par l'État sur les ressources produites par l'économie.

Le taux de prélèvements obligatoires figure parmi les principaux indicateurs économiques utilisés pour comparer des économies – comme le taux de chômage, le niveau de l'endettement public, le taux de croissance du PIB ou le solde commercial.

Il est cependant difficile d'obtenir une mesure standardisée. La mesure du PIB souffre elle-même d'imprécisions, une partie de l'activité échappant aux outils officiels de mesure (travail domestique, travail souterrain...). En outre, le PIB ne rend pas compte de l'aspect qualitatif de la production.

Selon Eurostat, le taux de prélèvements obligatoires, pour l'année 2023, s'élève en France à 45,6% du PIB, soit au premier rang des pays de l’Union européenne devant la Belgique (44,8%) et le Danemark (44,1%). Selon l'Insee, le taux français s'établit à 43,2%.

L’évolution des prélèvements obligatoires depuis le début des années 1970 se décompose en plusieurs phases de croissance :

  • au cours des années 1970 et dans la première moitié des années 1980, le taux de prélèvements obligatoires a fortement augmenté passant de 34% en 1972 à 42% en 1985 ;
  • au début des années 1990, le taux reprend sa progression pour atteindre 44,3% en 1999 ;
  • pendant dix ans, le taux est sur une tendance à la baisse (41,2% en 2009) ;
  • après la crise financière de 2008, il repart à la hausse et atteint 45,3% du PIB en 2017.

Parmi les États de l’Union européenne, les taux de prélèvements obligatoires peuvent varier de manière significative. Selon les statistiques établies par Eurostat, l’Allemagne affiche un taux de 40,3% alors que celui de l’Italie atteint 41,7% du PIB. L’Espagne est à 37%. Le taux le moins élevé se trouve en Irlande avec 22,7% du PIB. La moyenne de l’UE est quant à elle de 40%. 

Les taux de prélèvements obligatoires diffèrent très largement entre les pays. Pour comparer les taux, il est essentiel de considérer les dépenses qu'ils permettent de financer.

Selon le Conseil des prélèvements obligatoires, le facteur de loin le plus important pour comprendre les différences dans le niveau des taux de prélèvements obligatoires est le choix de protection sociale, et surtout celui du degré de son financement public. Ces choix diffèrent sensiblement entre pays. Ils sont susceptibles d'expliquer la très grande majorité de l'écart entre les taux de deux pays donnés. Pour donner quelques exemples : le risque santé ou le risque de dépendance doivent-ils être pris en charge individuellement ou par un système collectif public et obligatoire ? Et sous quelles formes ? Dans les pays qui font le choix de couvrir certains risques par des structures privées, les taux de prélèvements obligatoires sont plus bas.

Ces choix ont également des implications sur la mesure des agrégats (prélèvements obligatoires et PIB) et peuvent générer des écarts allant jusqu'à deux points de pourcentage selon le Conseil des prélèvements obligatoires. À titre d'exemple, on peut citer les prestations directes d'employeur (cotisations imputées) dans les régimes de protection sociale (notamment maladie, retraite). Plus leur niveau est élevé, plus le taux de prélèvements obligatoires est faible car ces contributions ne sont pas prises en compte dans la définition des prélèvements obligatoires. Aux États-Unis, où les régimes d'entreprise couvrent fréquemment le risque santé, ces cotisations ne sont pas comptabilisées comme des prélèvements obligatoires. Le taux de prélèvements obligatoires américain se trouve ainsi mécaniquement minoré et fausse la comparaison.

Un autre facteur introduisant un biais potentiel est le caractère obligatoire de la cotisation, critère pour la caractériser comme un prélèvement obligatoire. Par exemple, les cotisations de retraite complémentaire Agirc-Arrco sont intégrées, en France, dans les prélèvements obligatoires car les salariés du secteur privé y cotisent obligatoirement sans choisir leur caisse de retraite complémentaire. Dans d'autres pays, ces retraites complémentaires sont aussi obligatoires mais la caisse de retraite complémentaire peut être choisie par les salariés ou par leur entreprise. Dans ce cas, ces cotisations ne sont pas considérées comme des prélèvements obligatoires. De la même façon, en France, les cotisations pour les complémentaires santé ne sont pas considérées comme des prélèvements obligatoires car la complémentaire est choisie par l'entreprise ou directement par les salariés. 

Le Conseil des prélèvements obligatoires (CPO), créé par la loi du 20 avril 2005, est placé auprès de la Cour des comptes. Il est chargé d'apprécier l'évolution et l'impact économique, social et budgétaire de l'ensemble des prélèvements obligatoires. Il formule aussi des recommandations sur toute question relative aux prélèvements obligatoires.