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Droits de douane et commerce mondial : le point en sept questions

Temps de lecture  8 minutes

Par : La Rédaction

Alors que les États-Unis et l'Union européenne (UE) sont parvenus, le 27 juillet 2025, à un accord sur les droits de douane prévoyant notamment une taxation de 15% des produits européens exportés aux États-Unis, Vie publique fait le point en sept questions sur les effets des droits de douane et le commerce international.

Les droits de douane sont un instrument de politique commerciale ou industrielle. Ils sont utilisés par pratiquement tous les pays. Ce sont des taxes sur "les marchandises à l'entrée ou à la sortie du territoire douanier. Il existe des droits ad valorem (taxations qui consistent à calculer une imposition en appliquant un pourcentage selon la valeur de la marchandise) et des droits spécifiques (droits dont l'assiette est la quantité de marchandises : poids, volume, nombre, et non pas la valeur)". Les droits de douane prennent donc la forme de taxes ou de quotas. 

Traditionnellement, les droits de douane servent à donner un avantage à la production nationale par rapport à la concurrence étrangère. L'objectif est de détourner la consommation vers les produits et services nationaux, pour que les entreprises nationales reconstituent des marges. 

Les droits de douane ne garantissent pas nécessairement de nouvelles recettes pour les finances publiques. L'application des droits de douane en renchérissant les produits et services importés entraîne une baisse de la demande qui peut même tomber à zéro. Dans ce cas, les droits de douane ne génèrent aucune recette. 

À court terme, les entreprises et le consommateur risquent de subir des effets négatifs :

  • les produits ou services deviennent plus chers sous l'effet des droits de douane, les marges des entreprises et le pouvoir d'achat reculent ;
  • l'accès aux produits ou services concernés devient plus contraint, le niveau de satisfaction des consommateurs recule. 

Le pays qui applique les droits de douane risque de se priver d'effets positifs sur l'innovation, car les droits de douane peuvent fonctionner comme une subvention en faveur d'une production nationale moins efficace. Cela pénalise également les entreprises nationales qui dépendent de biens importés pour les intégrer dans leur propre production (baisse des marges, des ventes…). Les fournisseurs étrangers, quant à eux, doivent chercher d'autres débouchés ce qui peut affecter la concurrence dans d'autres parties du monde. Tant qu'ils ne les ont pas trouvés, ils vendent moins. Le volume du commerce international risque de diminuer. 

Par ailleurs, la mise en oeuvre de droits de douane suscite une incertitude supplémentaire pour les entreprises (sur l’entrée en vigueur, les produits concernés, les dérogations, etc.) ce qui est néfaste pour les affaires. Par exemple, face aux annonces des États-Unis, le ministère de l'économie français a mis à la disposition des entreprises un site dédié.

Enfin, se pose la question du sens des droits de douane dans une économie mondiale avec des chaînes de valeur longues où de nombreux biens sont assemblés dans plusieurs pays ou font même des allers-retours entre pays. Imposer des droits de douane peut ainsi pénaliser les producteurs nationaux qui font fabriquer en partie à l'étranger.

Les pays qui appliquent des droits de douane espèrent relancer leur économie ou des secteurs de production. En pénalisant les importations, la production nationale redevient rentable. Les recettes issues des droits de douane peuvent être utilisés comme subvention. Taxer les biens produits ailleurs et produire davantage localement peut favoriser les circuits courts et avoir un effet positif sur l'environnement. Mais ceci prend du temps, tandis que l'effet à la hausse des prix est immédiat.

Au-delà du pur aspect commercial, les droits de douane peuvent aussi être un outil de pouvoir, pour manifester une forme d'hégémonie ou réimposer la puissance étatique face à une mondialisation jugée trop forte. Vis-à-vis des partenaires commerciaux, les droits de douane peuvent être une monnaie d'échange dans des négociations pour obtenir des concessions dans d'autres domaines, politique ou économique. 

Pour le Fonds monétaire international (FMI), les droits de douane sont globalement plus néfastes que bénéfiques pour les pays qui les appliquent.

Si un pays décide d'augmenter les droits de douane sur certaines ou toutes ses importations, plusieurs réactions sont possibles de la part des pays exportateurs :

  • si les pays concernés font partie de l'Organisation mondiale du commerce (OMC), une plainte auprès de l'organisation est possible. L'OMC a une règle stricte concernant les droits de douane : ses membres sont obligés d'appliquer le principe de la nation la plus favorisée : "cela signifie que, à quelques exceptions près, un membre de l'OMC doit appliquer le même droit d'importation à tous les autres partenaires commerciaux de l'OMC pour un produit donné". Les membres de l'OMC doivent définir le niveau maximal des droits qu'ils peuvent prélever sur les importations. Ces "droits consolidés" ont valeur d'engagement ;
  • les pays exportateurs peuvent ne rien faire, donc subir dans un premier temps le renchérissement de leurs produits dans le pays qui a instauré les droits, dans l'espoir que les entreprises exportatrices aient des marges suffisantes pour résister ou qu'elles trouvent de nouveaux débouchés ;
  • ils peuvent entamer des négociations avec le pays et proposer des concessions, par exemple faciliter les importations en destination du pays qui a instauré les droits, voire proposer un accord de libre-échange ;
  • ils peuvent riposter avec des droits de douane réciproques et ainsi entrer dans une guerre commerciale. C'est l'option la plus coûteuse : elle est susceptible de réduire les échanges et peser ainsi sur la croissance.

Si les droits de douane ont parfois été très élevés – à la période du mercantilisme sous Louis XIV ou durant les années 1930 – à partir des années 1950, une longue phase de libéralisation du commerce mondial a réduit voire éliminé les droits de douane. Les accords du GATT de 1947, le Cycle d'Uruguay (1986-1994), le Protocole de Marrakech (1995) et la création de l'OMC en 1995 ont favorisé ce mouvement de libéralisation.

L'OMC compte aujourd'hui 166 membres mais elle semble dans une impasse. Depuis plusieurs années, les États-Unis bloquent le fonctionnement de son organe d'appel, chargé d'examiner en appel les différends commerciaux entre États. Les États-Unis reprochent à cet organe une forme d'"activisme judiciaire", c'est-à-dire d'interpréter la loi au lieu de l'appliquer uniquement, au point de remplacer le législateur et de créer une jurisprudence. Par ailleurs, le principe de multilatéralisme (mécanisme de régulation des relations interétatiques à l'intersection de la coopération et du "chacun pour soi") est contesté et les accords régionaux se développent. Le commerce mondial semble se diriger vers une régionalisation avec quatre grandes zones : l'Europe, l'Asie, Amérique du Nord et Amérique du Sud.

La décision des États-Unis du printemps 2025 d'une augmentation des droits de douane est donc à la fois en rupture avec les principes de libéralisation de l'après-guerre et en même temps une prolongation des tendances qui bloquent l'OMC depuis des années. En revanche, en termes de niveau des droits, la rupture est nette : durant la période de libéralisation, les droits étaient très bas, à 4% maximum. Aujourd'hui, les États-Unis menacent d'imposer des droits de douane supplémentaires pouvant même, pour certains pays, excéder 100%. Il faut remonter aux années 1930 pour retrouver des taux similaires. 

  • 19e siècle : l'invention du bateau à vapeur révolutionne le commerce international.
  • Des navires plus gros et plus fiables que les bateaux à voile ; De plus grandes distances parcourues ; Moins de temps pour les traversées ; Plus de marchandises transportées.
  • Le trafic maritime prend la première place dans les échanges commerciaux.
  • Contourner par bateau les différentes régions du monde prend du temps.
  • Comment réduire les délais de transport ?
  • En trouvant des passages pour relier deux espaces maritimes !
  • Avec les détroits, points de passage naturels entre deux terres et les canaux, points de passage artificiels creusés par l’homme.
  • Ces routes ont historiquement dessiné le trafic maritime mondial.
  • Canal de Panama ; Détroit de Gibraltar ; Détroit du Danemark ; Canal de Suez ; Détroit de Bab el-Mandeb ; Détroit d'Ormuz ; Détroit de Malacca.
  • 90% du commerce mondial transite par les routes maritimes : pétrole ; gaz naturel ; biens de consommation.
  • Ces routes se trouvent au coeur d’enjeux géopolitiques : tension avec les pays riverains ; convoitise des grandes puissances économiques.
  • D'autres risques pèsent sur ces voies : piraterie maritime ; pollution maritime, sécheresse ; congestion des zones de passage ; naufrage de pétroliers.
  • Quelles alternatives ?
  • Trouver des nouvelles routes maritimes Asie - Europe qui s'ouvrent avec la fonte des glaces (Arctique - Détroit de Béring).
  • Relancer les routes de la soie, projet chinois : développer le transport maritime, routier et ferroviaire vers l'Europe, le Proche-Orient, l'Afrique.

Dans l'histoire économique, les guerres commerciales sur les droits de douane ont toujours été néfastes pour le commerce et pour la croissance. Les marges des entreprises reculent tout comme le pouvoir d'achat des consommateurs, les prix augmentent, les bourses anticipent la baisse de la rentabilité des entreprises et reculent. La hausse des prix peut conduire à celle de l'inflation et ainsi éroder le niveau de vie notamment des plus pauvres. 

Si l'escalade commerciale se poursuit et que toute l'économie ralentit durablement, cela risque de conduire à la stagflation (croissance économique faible ou nulle avec en même temps une forte inflation) ou à la récession (chute du PIB avec un taux de croissance négatif).

Si un pays applique des droits de douane, il arrive souvent que l'autre pays réponde de la même manière. Une généralisation des droits de douane freine le commerce mondial. Dans les années 1930, quand une vague générale de droits de douane a frappé l'économie mondiale, le commerce mondial a reculé d'un tiers environ. 

Aujourd'hui, un tel effet massif est peu probable. De plus en plus de produits sont fabriqués dans plusieurs pays plutôt que dans une seule économie. Si certains flux de produits peuvent diminuer, la politique des États-Unis peut également entraîner une réorientation commerciale. Les producteurs européens de voitures peuvent par exemple essayer de vendre davantage en Asie ou en Afrique. L'Union européenne peut essayer de conclure de nouveaux accords de libre-échange.

Ces dernières années, le commerce mondial s'est régionalisé avec la constitution de zones régionales de libre-échange, en Asie, en Amérique du Sud, entre l'UE et certains pays ou régions. Le commerce mondial peut se développer dans plusieurs sous-ensembles de libre-échange. Au lieu d'une démondialisation, ce serait alors davantage une nouvelle mondialisation.