Déclaration de M. Jean-Pierre Raffarin, Premier ministre, sur les grandes orientations du projet de réforme de la décentralisation et sur la répartition des compétences prévue en faveur des différentes collectivités territoriales, Saint-Denis de la Réunion le 21 février 2003.

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Circonstance : Assises des libertés locales à Saint-Denis de la Réunion le 21 février 2003

Texte intégral

Vous donnez une formidable image de la République, de la démocratie française qui veut débattre de son avenir avec ses expressions différentes, ce métissage politique et culturel, social et cet appel à la mobilisation et à la cohérence. Je crois qu'il n'y a pas forcément beaucoup de régions au monde qui soit capable d'avoir des débats ouverts et de donner un si beau visage de l'idéal républicain, chacun pouvant s'exprimer dans le respect de l'autre. Je crois que c'est très important - et je vous le dis comme je le ressens - c'est même émouvant. Je suis venu ici parce que je sais que vous avez des choses à dire et comme le disait certaines banderoles ce matin : " écoutes-nous ". Alors je suis venu écouter. J'ai entendu le message des jeunes "tuez pas not'espoir". Je viens ici justement parce que je sais qu'il y a, à la Réunion, une forme de concentration des problèmes et des chances de la France. On voit bien la concentration des problèmes : la difficulté de l'emploi et la difficulté sociale d'une population aujourd'hui marginalisée - je pense notamment à tous ceux qui sont en dehors du système de santé, pour lequel nous allons apporter des réponses ; je pense à tous ceux qui souffrent dans les difficultés et puis tous ceux qui sont en dehors de l'économie -. Par cette dynamique qui est la vôtre, cette double dynamique, une dynamique économique réelle, mais qui va moins vite que la dynamique démographique. Mais ne faisons pas de la dynamique démographique un problème, car le problème de la France aujourd'hui c'est d'avoir une véritable dynamique démographique. Et donc vous avez ici des difficultés à surmonter et l'Etat est là pour travailler avec vous. Et je suis venu vous proposer un certain nombre de pistes nouvelles dans le cadre de la décentralisation ; je suis venu avec B. Girardin qui travaille quotidiennement avec vous ; je suis aussi venu avec P. Devedjian qui mène cette grande réforme de la décentralisation. Et je suis aussi venu avec quatre parlementaires d'autres régions de France qui sont venus aussi vous écouter ; je voudrais que vous les saluiez ; il s'agit de R. Du Luart qui nous vient de la Sarthe, de D. Quentin qui nous vient de Charente-Maritime, de C. Peyou de Loire Atlantique et de A. de Montesquiou du Gers.
Ces Assises - qui sont les dernières d'une série d'assises régionales avant que P. Devedjian, N. Sarkozy et moi-même, nous nous retrouvions tous les trois à Rouen le 28 février, pour tirer les conclusions de toutes ces assises et faire au pays les propositions de réforme de la décentralisation, sur lesquelles nous travaillons déjà depuis plusieurs mois - donc la Réunion est pour moi l'occasion de faire le point et de voir combien il est nécessaire aujourd'hui d'avoir de la simplicité dans nos procédures. J'ai bien entendu la complexité dont vous parliez tout à l'heure, j'ai bien entendu aussi combien il était important d'articuler les collectivités, les uns les autres, et combien il était important que l'Etat définisse aussi ce qu'il veut faire, parce que si l'Etat n'est pas précis dans ce qu'il veut faire, on a du mal à définir les articulations des autres partenaires. J'ai bien entendu, dans plusieurs interventions, les appels à l'Etat. Je dis à la personne qui a fait une très belle démonstration sur la nécessité de créer des chambres des associations : c'est vrai qu'on a les chambres d'agriculture, les chambres de métier, les chambres de commerce et d'industrie, et pourquoi pas des chambres des associations. C'est vrai que le mouvement associatif est très important, et qu'il faut le structurer régionalement ; avec les conseils économiques et sociaux, avec les conseils culturels, il y a différentes formules. On peut étudier les formules, je ne suis pas du tout hostile à cette idée.
Mais la dernière phrase c'était : "il faudrait un secrétaire d'Etat à la vie associative". Comme si en France, pour qu'un problème devienne important, il faudrait un membre du gouvernement. Ce n'est pas obligatoire. Il y a des choses qui peuvent fonctionner autrement. Il ne faut pas se dire que systématiquement, dès qu'il y a un problème, il faut qu'il y ait un ministre. Parce que quelquefois les administrations, les structures, ça peut résoudre des problèmes, mais il arrive que ça en crée. Quand on veut une démocratie plus simple, plus rapide, il faut que l'Etat soit fort là où on l'attend, comme les jeunes qui nous attendent sur l'emploi. Qu'on soit fort sur la sécurité, contre la délinquance, qu'on soit fort aujourd'hui dans le monde face aux menaces de guerre, qu'on soit fort là où on a besoin de l'Etat. Mais il y a tellement de sujets sur lesquels les citoyens sont capables de s'organiser, que l'Etat peut déléguer des moyens, organiser la prise de parole des citoyens, trouver le moyen que le citoyen ait des structures. Mais il n'est pas nécessaire systématiquement d'ajouter à la liste des 40 ministres, encore une bonne dizaine d'autres pour traiter tous les problèmes qui ont été évoqués aujourd'hui.
Je pense que dans ces assises, les débats ont été riches et les sujets variés. La table ronde "Adaptation de la décentralisation au contexte local" était particulièrement bienvenue, parce que je crois que nous avons, avec notre réforme constitutionnelle, créé ce principe que l'Outre-mer a droit à l'adaptation selon son avis, selon ses méthodes, comme l'a dit le président de la République, avec cette vision qu'on doit pouvoir choisir sa forme d'organisation. La Constitution va permettre ce choix de l'organisation, et de faire en sorte qu'on puisse déterminer, dans chacun des territoires, un avenir partagé. Notre ambition, c'est de réussir l'articulation du local, du national et de l'international. Au fond, nous voyons bien que la France d'aujourd'hui - j'y reviendrai -, de plus en plus dans le monde, doit articuler ces trois dimensions, sa place dans le monde international, sa place dans son monde national et sa place dans le monde régional. Cette articulation signifie un certain nombre de défis à la métropole, mais pose un certain nombre de sujets spécifiques à l'Outre-mer. Je pense que le président Vergès avait raison, tout à l'heure, quand il parlait des possibilités d'ouverture quant à l'action internationale, puisque vous, vous pouvez prétendre, plus que d'autres régions, à être à la fois le représentant du niveau national, être naturellement le niveau régional, mais aussi participer à une action internationale. C'est ce qui nous paraît très important ; et notamment dans votre environnement indo-océanique, il y a des initiatives qui sont à prendre pour conjuguer, et votre appartenance à l'Europe Ça il va bien falloir se battre après 2006 sur la politique régionale - j'ai regardé les chiffres, l'Europe, elle est généreuse ! En 2006, une nouvelle donne va exister, on va accueillir de nouveaux pays. Donc là, il y a une évolution. Je pense - B. Girardin est très mobilisée sur ce sujet, notre commissaire M. Barnier aussi - que pour les régions ultra-périphériques, il y a une certaine protection qui est envisagée. Le combat doit être quotidien, parce qu'on voit les nouveaux pays assez demandeurs d'interventions, même s'ils n'achètent pas toujours nos avions.
Notre dynamique c'est celle donc d'un dispositif qui sera plus lisible pour le citoyen et plus efficace. Je crois en l'implication locale de tous les acteurs, et vous l'avez montré, ici. Je partage ce lien. Les territoires divisés sont des territoires condamnés ; l'union ne résout pas tous les problèmes, mais c'est un préalable à tout espoir. Et ça, je crois que c'est très important. Au niveau local vous devez organiser vos partenariats, et parmi vos partenaires l'Etat doit avoir un jeu, un rôle défini clairement qui permette à chacun d'assumer sa place, y compris les collectivités territoriales. Monsieur le président des maires - Votre message était fort, et même si vous l'avez répété deux fois, je l'avais déjà entendu dès le premier coup.
Pour relever les grands défis de La Réunion - je pense à l'accompagnement de la transition démographique, à l'aménagement de son territoire, au développement durable, au logement, sujet majeur, - à l'insertion, je pense aussi à ce que disait le président de l'université Tolra ,à toutes les potentialités de la société de l'information, de la société de la recherche, toutes ces innovations - il faut des collectivités fortes et des élus ayant des responsabilités élargies. Si je prends l'objectif que vous vouliez, tout à l'heure, développer, Monsieur le président, sur la recherche, il va de soi que vous avez besoin nationalement des instituts, l'INSERM, l'INRA, pour valider des projets. Mais il va de soi que, une fois que vous avez ce dialogue de validation, vous avez le potentiel, ici, pour mener les recherches, construire les démarches, faire en sorte que la prospective puisse être développée, à condition que les collectivités territoriales aient les capacités de vous accompagner dans de tels défis.
Notre pays a besoin de la décentralisation, je crois vraiment que c'est un point très important pour la France. Nous sommes un des pays les plus centralisés du monde, un des pays les plus congestionnés par le haut de ses responsabilités. Il faut ouvrir les responsabilités et faire en sorte qu'on puisse, par la proximité, apporter de meilleures réponses aux citoyens, pour mieux identifier les attentes et les besoins des citoyens, apporter des réponses conformes à l'intérêt général, clarifier les responsabilités. La décentralisation, c'est d'abord ça : clarifier des responsabilités, savoir qui fait quoi. Quand les choses sont opaques, les responsabilités ne sont pas claires ; et quand les responsabilités ne sont pas claires, on ne peut pas évaluer les politiques et c'est là où on est dans des objectifs qui sont, soit trop coûteux, soit inefficaces. Il est clair que la décentralisation, c'est d'abord et avant tout, non pas un partage de pouvoirs, mais une clarification des responsabilités. Qui fait quoi ? Quand un problème est posé, où est le lieu de la responsabilité ? C'est, je crois, un point très important de notre vision, ce qui impose un renforcement des moyens d'action des élus, ceux qui sont, par le suffrage universel, désignés pour diriger les activités des citoyens, et partager notre "vivre-ensemble". Comme le disait le président de la République, J. Chirac, il y a peu de temps à Troyes, nous romprons, avec la décentralisation, la longue tradition du centralisme administratif qui retarde encore l'entrée de notre pays dans le 21ème siècle. Tout le problème - et ça a été clair dans notre débat, cet après-midi - c'est de trouver le bon niveau d'exercice des compétences - c'est-à-dire le principe de subsidiarité -, à quel niveau fixer la responsabilité, le niveau pertinent pour une responsabilité claire.
C'est le principe de subsidiarité qui entre dans la Constitution avec notre réforme. C'est en fait pour nous l'occasion de bien définir ce que nous attendons, au fond, des responsabilités des uns et des autres. Nous avons voulu le mettre dans la Constitution parce que c'est un texte fondateur, et qu'il faut faire vivre notre texte fondateur avec le temps, avec le 21ème siècle, l'adapter pour nous donner les possibilités d'ouverture. Avec la Constitution, nous pourrons faire des expérimentations, et confier des missions cadrées. On ne peut pas faire n'importe quoi, mais dans le cadre de responsabilités claires, des délégations données à des élus, c'est cela que nous permettra l'expérimentation.
Et je crois qu'il faudra aussi, évidemment, développer les transferts de compétences - j'y reviendrai tout à l'heure -. Dans les départements d'Outre-mer, il nous faut évidemment cette stabilité institutionnelle qui -en tenant compte des avis, pourra évoluer - a permis un formidable rattrapage économique et social. Car je sais bien qu'il reste beaucoup de problèmes, mais il faut comparer avec l'environnement de chacun de nos départements et territoires d'Outre-mer pour voir combien la départementalisation a eu un rôle majeur, notamment pour le développement économique, l'égalité sociale et aussi l'appartenance à l'Europe. Je vois bien votre attachement à l'idée de départementalisation, je le comprends. Parce que dans notre histoire républicaine, le département c'est l'égalité républicaine, c'était l'espace républicain, et que quand on est département, on est sûr qu'on est dans la République. Et donc, le département est un lieu qui est, par excellence, républicain, né avec elle. Il est le lieu du partage des responsabilités de la République. Et c'est vrai que la région, collectivité beaucoup plus jeune, a d'autres orientations, d'autres innovations ; elle aura des statuts qui vont évoluer. Et donc, on aura, d'une manière générale si on prend les choses sur vingt ou trente ans, des régions qui auront des responsabilités différentes, mais des départements qui, eux, auront une proximité avec l'Etat plus grande encore, parce qu'ils seront l'échelon de proximité de l'action publique. C'est pour cela que je comprends votre souci, c'est pour cela que nous l'acceptons tout à fait. Et je crois bien que la vision qu'a le chef de l'Etat est la vision juste : c'est en fonction de ce que souhaitent les territoires qu'il faut construire le statut de l'avenir.
Il faut répartir donc, de manière nouvelle, les règles constitutionnelles de notre pays quant à l'organisation et dire clairement que nous sommes pour une République décentralisée, c'est-à-dire que le principe d'organisation, c'est de faire en sorte que les responsabilités se définissent sur le terrain et montent de bas en haut, plutôt qu'elles descendent de haut en bas. Outre-mer, les éventuelles évolutions statutaires devront d'abord recueillir - on l'a dit - le consentement explicite de la population ; la population d'une collectivité pourra également être consultée. Vous allez en avoir la possibilité avec le référendum ; vous avez un certain nombre de dispositifs qui sont entre vos mains. Nous connaissons l'attachement des Réunionnais à leur statut, et à leur statut départemental, nous respectons ce choix. La Constitution vous permet de respecter cette orientation maintenant, et elle vous permet, au fur et à mesure du temps, à la fois de consulter la population si vous le souhaitez, et [vous offre] la possibilité, avec les procédures qui seront mises en place - je pense au référendum ou au droit de pétition -, de faire en sorte que la population puisse adhérer aux choix qui sont ainsi proposés. L'idée de base, c'est de pouvoir faire évoluer les territoires en tenant compte de ce que souhaitent les populations. On a trop vu des systèmes décidés par en haut, avec une organisation qui apparaîtrait comme une organisation rationnelle au niveau national, mais qui, comme quelqu'un le disait tout à l'heure, ne correspondrait pas au vécu culturel de nos territoires. Il est évident que la culture est un élément structurant du territoire, et quand je dis la culture, je devrais dire les cultures et les civilisations auxquelles appartiennent ces cultures. Il est clair qu'on doit faire en sorte que, dans le territoire, on puisse faire émerger cette soif, cet appétit de culture, et qu'on les respecte, qu'on ne les blesse pas. Mais qu'on le fasse, je dirais, à la française, et à la réunionnaise : vous, vous avez donné une leçon à toute la France, la France qui, quelquefois, a du mal à vraiment faire partager, comme on le voudrait tous, la tolérance, de faire en sorte qu'on est attaché à sa culture, mais non pas pour s'y enfermer, non pas pour avoir une vision féodale de la culture, mais pour aller au devant de la culture de l'autre. La culture est une ouverture, la culture ce n'est pas le sujet sur lequel on se renferme pour valoriser son identité et [qui fait] dire qu'à l'intérieur de la frontière, le bien est là, et qu'à l'extérieur de la frontière c'est le mal. Au contraire, c'est l'envie de sauter les frontières, c'est l'envie d'aller au devant des autres, c'est aller chercher la différence parce qu'on a conscience de notre identité. C'est parce qu'on a conscience de notre différence qu'on va chercher chez l'autre l'identité. Et ça, ça ne se dessine pas dans des bureaux, ça ne s'invente pas dans les hautes administrations, ça se vit par les peuples et le cur des peuples. C'est pour cela que nous tenons beaucoup à cette expression dans la méthode d'organisation des populations et du choix des différents interlocuteurs.
La méthode que nous avons choisie avec les débats, c'est une méthode de dialogue, d'écoute, et je crois qu'il est très important qu'on puisse ainsi conjuguer, au niveau national, les 26 régions. Ce que vous avez posé comme questions, pour un certain nombre de sujets, n'avaient été posées dans aucune autre région, et cet appétit, que je comprends bien, de relations internationales, finalement il est principalement posé par vous. On voit d'autres régions poser des questions d'ordre frontalier mais vous, vous avez dépassé le frontalier, vous avez même dépassé votre région de l'Océan indien, vous êtes avec une vraie stratégie internationale. Comment est-ce qu'on pourra progresser grâce à la décentralisation ? On pourra progresser avec des transferts purs et simples de compétences. C'est ce que nous préparons avec P. Devedjian pour le printemps prochain. Nous pourrons donc aussi - au-delà du transfert, j'y reviendrai - faire des délégations de compétences, et pour l'action internationale c'est une délégation de compétences. Comme le maire quand le maire marie, il est l'Etat, il est officier d'état civil, comme il peut être officier de police judiciaire, c'est-à-dire qu'il est l'Etat. Moi, je souhaite que les collectivités territoriales puissent être l'Etat sur une partie déléguée définie, contrôlée, avec une norme nationale qui est la norme qui vient du Parlement, pas une norme qui est inventée dans le territoire, une norme nationale, une évaluation nationale. Mais sur des missions ponctuelles, [il faut] qu'on puisse assumer au nom de l'Etat un certain nombre d'opérations. Ce ne sera jamais que faire ce que vous avez fait quand vous avez accueilli le Premier ministre chinois chez vous : vous l'avez fait au nom de l'Etat, sans véritable autorisation ; mais maintenant, ce sera autorisé. Je débute un peu en politique, mais j'ai déjà appris deux ou trois trucs, et déjà notamment, je sais qu'il vaut mieux accepter ce qu'on ne peut pas empêcher. Transfert, délégation de compétences, expérimentation qui permettra de réformer sans bloquer et d'associer les différents acteurs au dispositif de réforme - j'y reviendrai-. C'est un point clé pour faire en sorte, Monsieur le directeur de l'Equipement, que les personnels participent à ces expérimentations, et qu'on n'ait pas peur de l'expérimentation, qu'au contraire on la bâtisse et qu'on en tire les conclusions telles qu'elles peuvent être présentées par les faits, et non par l'idéologie. Outre-mer, des adaptations pourront être prévues pour tenir compte des transferts de compétences déjà intervenus, car l'Outre-mer est en avance en matière de décentralisation. C'est le cas pour la maîtrise d'ouvrage des routes nationales, par exemple, les actions d'insertion, les bénéficiaires du RMI - on en a parlé tout à l'heure avec Madame la présidente de la CAF -.
Il peut y avoir aussi matière à opérer certaines clarifications dans la répartition des compétences, à l'intérieur d'une région mono-départementale - c'est ce que vous souhaitiez, tout à l'heure -, c'est-à-dire définir la ligne de partage entre les deux collectivités. Vous demandiez, Monsieur le président des industriels, qu'on puisse faire cela dans les deux mois. Moi je suis prêt, avec P. Devedjian ; pour ce qui est de l'Etat, nous serons prêts dans les deux mois à vous dire comment nous voyons les choses pour l'Etat ; on a déjà beaucoup travaillé sur ces compétences, nous serons prêts.
Au point où nous en sommes actuellement des différentes assises, qu'est-ce qu'on peut dire clairement ? Ce qui apparaît clairement, c'est qu'il y a un couple, qui est un couple important Etat-Régions qui est, pour être simple, le couple de la cohérence, de la stratégie, de la vision, le couple LAO-TSEU, le couple qui pense loin. C'est-à-dire que c'est un couple qui est là pour mettre en oeuvre la démarche républicaine. Monsieur le président du département - que je n'oublie pas, cher ami - le couple département-communes, lui c'est le couple de la proximité, c'est le couple de la maîtrise d'ouvrage, du terrain ; c'est le couple qui assure, avec le citoyen, la fonction vraiment de services au citoyen, au plus près. Je crois que nous avons besoin et de cohérence et de proximité. Si nous ne faisons que de la proximité, on va oublier la cohérence et on va faire beaucoup de gaspillages. Si on ne fait que de la cohérence, on fera du jacobinisme et de la centralisation, et on sera loin du citoyen. Donc, il faut toujours équilibrer, et la cohérence et la proximité. On ne peut pas faire la victoire de l'un contre l'autre, parce que, un pays ne vit que s'il est capable d'avoir une certaine cohérence pour définir des stratégies et faire des économies, mais en même temps assumer la proximité, pour que le citoyen puisse avoir accès aux véritables valeurs de la République. Donc on voit bien qu'il y a un couple Etat-régions qui est en charge plutôt de la cohérence, et un couple département-communes et intercommunalité qui, lui, est en charge plus particulièrement de ce qui relève de la proximité. La région doit être confortée donc dans son rôle d'orientation, de programmation avec l'Etat. La région est l'échelon de la cohérence. Son histoire, son mode d'élection lui permettent de se consacrer à des politiques de moyen terme et donc, l'objectif est de construire une véritable vision. C'est une orientation très renforcée par la place dans la Constitution, mais par aussi ses compétences en matière de gestion. On parlait tout à l'heure de Recherche : il faut du temps pour construire des programmes de recherches, il faut pouvoir avoir une capacité stratégique pour pouvoir investir durablement. Les opérations lourdes de cette nature ne se font pas, comme ça, de manière superficielle ; il faut intégrer tout cela à une vision, et cette vision nous paraît être une vision qui est du niveau de la région. Je ne veux pas dire que je mets l'université - je vous rassure tout de suite - sous la tutelle de la région, mais le partenariat Recherche, c'est ensemble. Quant aux universités, si les présidents d'université veulent aller à l'autonomie des universités, il y a une motion de la conférence des présidents d'université que je suis prêt à reprendre directement, je n'ai rien à changer, La conférence des présidents d'université, la CPU, fait une proposition pour l'autonomie des universités qui pourrait tout à fait permettre le contrat avec la région, qui permettrait en tant qu'élément de stratégie, à la région, de pouvoir bâtir avec l'université des programmes de long terme.
Ainsi la région doit être une administration de mission, tournée vers l'avenir, la programmation et la stratégie ; non pas une énorme machine supérieure aux autres machines, mais une capacité stratégique. C'est ce que nous avons entendu dans l'ensemble des différentes Assises. Nous voyons bien que les compétences qu'il faut décentraliser à la région s'articulent autour de plusieurs blocs. Je dirais qu'il y a un bloc qui nous paraît important. Mais comme nous sommes encore dans le débat, je le lance dans le débat ; nous verrons d'ici Rouen comment conclure. Pour préparer l'avenir, la région pourrait d'abord se consacrer aux jeunes adultes ; elle a déjà beaucoup d'interventions sur ce type de public, mais la région doit se consacrer aux jeunes adultes ; il faut achever les transferts de responsabilités en matière de formation professionnelle et voir comment les compétences de la région doivent être étendues aux formations artistiques, paramédicales, et sportives, Quand on voit les difficultés que nous avons à trouver des infirmières, que nous avons à trouver un certain nombre de populations professionnelles dont nous avons besoin, il faut ouvrir à la région cette capacité-là de formation pour faire en sorte qu'on puisse obtenir les formés que nous souhaitons avoir au niveau des territoires. L'orientation vers les formations professionnalisantes, ainsi que l'animation des missions locales pourraient être confiées aux régions. C'est en fait toute la partie du public jeunes adultes, principalement, disons, jusqu'à 16 ans - j'y reviendrai -, les moins de 16 ans étant plutôt dans la sphère départementale, aujourd'hui, en fonction des compétences telles qu'elles existent.
En second lieu, toujours pour la région : la région devrait être plus responsable du développement de son territoire. C'est d'abord vrai pour le développement économique : les transferts en la matière doivent conforter son rôle, accroître ses moyens, et surtout mettre fin aux procédures longues, qui remontent inévitablement par Paris. Là il y a beaucoup de procédures : je pense au FISAC, je pense à beaucoup de procédures qui vous obligent à faire monter les papiers pour aller chercher 10.000 euros à Paris. Au fond, la paperasse et le temps passé coûtent plus cher que la subvention. Donc là, il y a un certain nombre de choses à simplifier, et je pense qu'il faut pouvoir mettre fin aux procédures de cette manière-là. Développement économique, politique de formation professionnelle, politique de l'emploi. En matière de formation professionnelle, la région doit être l'interlocuteur, non seulement des jeunes adultes, mais de ceux qui souhaitent se réorienter toute leur vie professionnelle. C'est un élément très important. A la personne qui, tout à l'heure, disait, " Il faut un droit à l'emploi local ", je dirais, en prenant la pensée du président de la République comme message, que ce qu'il faut c'est l'assurance emploi, pas forcément sur son territoire - mais si on le souhaite, sur son territoire - parce que je crois beaucoup à la vertu de la mobilité, et l'idéal d'ailleurs, au fond, pour les présidents qui sont ici unis, c'est qu'il y ait beaucoup de petits Ulysse qui aillent faire leur formation, qui aillent, ici ou là, circuler, et qui viennent recréer à La Réunion, quand ils sont bien murs et prêts à créer des emplois et des entreprises de développement. Mais au fond, la mobilité n'est pas un obstacle. Ce qu'il faut faire, c'est faire en sorte qu'il y ait, naturellement sur le territoire, des possibilités d'emploi. C'est ce sur quoi nous travaillons et ce qui nous paraît très important. C'est, sur le plan social, sans doute une des grandes réformes du quinquennat - c'est difficile mais c'est très important -, c'est l'assurance emploi. C'est ce crédit de formation qu'on peut gagner tout au long de sa vie, [qui permet] de faire en sorte que, quand on est en train de changer d'emploi, ou quand on a une difficulté d'emploi, on a le crédit de formation, et qu'on peut avoir des périodes alternées emploi-formation, et au lieu d'être alternativement emploi-chômage, emploi-chômage, d'être emploi-formation, emploi-formation. Et tout au long de la vie, [on pourra] avoir cette garantie que, quand on n'est pas en emploi, on est en formation grâce à ce crédit formation : c'est tout l'enjeu de la formation tout au long de la vie. C'est ça, à mon avis, le vrai droit qu'on peut espérer aujourd'hui donner : c'est faire en sorte que chaque citoyen, tout au long de sa vie, doit pouvoir avoir droit, soit à une formation, soit à un emploi et qu'on puisse structurer le dispositif. Ça, c'est quelque chose qui est difficile, mais qui est accessible.
Enfin pour la région, nous voulons renforcer l'aménagement du territoire : on l'a dit tout à l'heure, la maîtrise des réseaux structurant au niveau régional, on l'a vu pour ce qui était des grandes infrastructures. Et j'ai bien entendu, tout à l'heure, le message sur le haut débit, de Monsieur Jarnac ; je crois que c'est, en effet, très important - et je n'ai pas oublié son nom parce qu'il a fait des compliments de ma ministre, mais il faut dire qu'elle a beaucoup de compliments - et donc, nous sommes tout à fait ouvert. Il y a le DATAR qui est là, le délégué à l'aménagement du territoire qui est avec nous, N. Jacquet ; il peut parler avec vous, dès maintenant, du nombre de pylônes dont La Réunion a besoin pour augmenter le haut débit, il est venu, il a un stock dans sa poche, et ça peut se négocier sur place.
En troisième lieu, donc nous pourrions lancer un certain nombre d'expérimentations au niveau régional ; en ce qui concerne l'éducation et la santé ; là ce sont des sujets très importants. Je sais que sur les différents sujets, et notamment sur la santé, il y a, ici avec vos deux grands hôpitaux, des projets sur le travail hôpital 2007 - nous aurons l'occasion d'en reparler - mais je crois qu'il peut y avoir, dans le domaine de l'expérimentation, aussi bien en matière de santé qu'en matière d'éducation, des possibilités d'associer les personnels à des responsabilités, qui soient des responsabilités renforcées. Moi, je crois qu'on peut aller aujourd'hui vers des établissements publics régionaux d'éducation, c'est-à-dire que c'est toujours l'Etat qui conduit les choses, mais avec une organisation plus responsabilisante et sans aller chercher tous les jours des instructions Rue de Grenelle, mais en travaillant avec le département quand il s'agit des collèges, la région quand il s'agit des lycées, mais naturellement avec l'Etat pour les statuts des professeurs, pour les statuts des concours, pour l'ensemble des dispositifs qui sont ceux de la République, puisque je ne veux pas une Education régionale, je veux garder une Education nationale, mais qui puisse être dans sa gestion très déconcentrée, de manière à ce qu'on puisse être au plus près du terrain, et être vraiment adapté à la nécessité du territoire. L'identité des régions les prédispose donc à être, avec l'Etat, garantes de cette responsabilité, avec la formation, avec les publics adultes, avec donc un certain nombre de sujets importants comme les innovations dans l'éducation et la santé, l'aménagement du territoire, et le développement économique.
En ce qui concerne donc les départements, ils ont vocation, de mon point de vue, à gérer les équipements de proximité, les politiques de solidarité où les élus sont souvent plus efficaces. Dans le domaine des politiques de solidarité, il y a déjà beaucoup de choses qui ont été faites, il y a beaucoup de choses et ici - quelqu'un le disait tout à l'heure, mais je crois que c'était Monsieur le président de l'association des maires - c'est vrai que les communes assument un lien social très important. Les communes et leur partenaire, souvent numéro un, qu'est le département, sur ce sujet, avec les structures comme la CAF, qui organisent, pour le RMI, par exemple, ce tissu social de cohérence qui est très important. Nous voulons aider avec le département à la transformation du RMI en RMA, c'est-à-dire une petite allocation supplémentaire pour celui qui entrera dans l'activité professionnelle, qui aura une possibilité ainsi, sous l'autorité départementale, de pouvoir avoir accès à un véritable emploi, entrer dans une logique marchande, pour essayer d'obtenir un contrat véritable. C'est, je crois, un élément très important de la réforme du RMI et c'est pour ça que nous voulons décentraliser le RMI et le faire évoluer, en partie, pour ceux qui le peuvent vers le revenu minimum d'activité, ce qui est un élément très important. C'est une affaire très compliquée, parce que nous voulons aussi qu'il y ait une petite différence, quand même, entre le revenu du travail et le revenu de l'assistance. Donc, il ne faut pas que le revenu de l'assistance soit supérieur au revenu du travail ; donc il nous faut créer, là, une échelle entre le RMI, le RMA et le salaire minimum, de manière à ce qu'il y ait intérêt à travailler, et qu'on incite naturellement les gens à travailler, plutôt qu'à s'enfermer dans un statut exclusivement de l'assistance. Je crois qu'il y a des sujets très importants, Monsieur le président du département, sur lesquels vous avez déjà fait dans votre département beaucoup de choses ; je pense à tout ce qui concerne le handicap : et là, il faudra beaucoup de moyens de l'Etat, évidemment, mais il y a un certain nombre de choses que l'on peut faire avec une meilleure proximité, avec un accompagnement médical plus soigné. Quand je vois le système de double ou triple tarification aujourd'hui, on se rend compte qu'on est dans un système qui n'est pas très simple, et je pense qu'une responsabilité plus clairement identifiée serait très importante là aussi. Je pense que dans les équipements de proximité, le département pourra bénéficier d'un certain nombre de transferts, notamment - on l'a dit tout à l'heure - dans la politique de logements, avec ses partenaires, communes et communauté de communes, [il faudra] faire en sorte que l'on puisse avoir une proximité et que le département soit le lieu de la cohérence en matière de logements, en association avec les agglomérations, avec un certain nombre d'initiatives qui, au niveau national, présenteront des règles générales, pour lesquelles on est prêt à s'adapter au statut particulier de La Réunion. Vous avez donné la preuve, tout à l'heure, en parlant de l'exemple du touriste, que vous étiez capable de bâtir des structures mixtes ; donc là où il peut y avoir structures mixtes. Je demanderai l'avis de B. Girardin, parce qu'elle a des avis sur ces sujets ; il vaut mieux l'écouter parce que tout le monde a pu voir qu'elle était assez têtue, et je peux vous dire que vous avez un bon ministre pour les débats financiers : je ne connais pas pire qu'elle pour s'accrocher du matin jusqu'au soir, pour être sûre que les moyens financiers soient bien engagés comme elle s'est engagée à ce qu'ils le soient. Nous tiendrons compte des structures mixtes que vous pourriez souhaiter, il est clair que nationalement, par exemple, les départements se verront renforcés dans un certain nombre d'outils touristiques, sur le classement des hôtels, sur un certain nombre de sujets. Dans l'inventaire culturel par exemple, là ce sont des choses qu'on peut discuter, compte tenu de l'originalité de La Réunion, et faire en sorte que vous puissiez vous adapter ainsi. Je pense que le département, là, verra ses compétences renforcées, surtout sur ce qu'est le 0 à 16 ans, la région étant plus sur le public jeunes adultes après 16 ans. Je pense notamment à tout ce qui concerne le parascolaire, à tout ce qui est, en effet, la protection maternelle et infantile, l'aide sociale à l'enfance, un certain nombre de sujets qui sont liés aux populations inférieures à 16 ans, et qui ont besoin, elles aussi, d'un accompagnement social et de santé très important. Il y a là un pôle de compétences que je voudrais renforcer.
Je n'oublie pas, Monsieur le maire, les communes et leurs groupements, qui doivent rester les premiers lieux de l'exercice démocratique - ça c'est très important -. Je crois qu'il est très important de bien mesurer que le maire est l'interlocuteur républicain de la première ligne, celui qui explique aux citoyens combien les choses que nous avons à faire sont compliquées. Toute la difficulté de la société moderne, c'est que nous sommes, disons, plus républicains que démocrates. La démocratie, c'est finalement assez simple, c'est la règle de la majorité sur la minorité ; une fois qu'on est la majorité, on peut appliquer les règles de la majorité. La République, c'est qu'il y a le principe démocratique, mais en plus, chaque citoyen est égal à l'autre citoyen, et qu'on soit majorité ou pas majorité, on doit être reconnu pour ce qu'on est, avec nos différences. Et donc la République met chacun en situation d'avoir le droit de s'exprimer. Comme nous sommes tous différents, nous avons chacun notre avis sur quelque chose. Ce qui veut dire qu'il n'y a pas de République qui soit simple, ce sont les dictatures qui sont simples. A partir du moment où on veut une République, il faut tenir compte d'un certain nombre de systèmes, d'un certain nombre d'associations qui veulent s'organiser, qui veulent prendre la parole, et puis il y a des différences. Il faut tenir compte de tout cela. Et ça, ça veut dire quoi ? Ça veut dire que quand on fait de l'action publique, on fait plus de la dentelle que de la grande chaîne à production. Parce que la personne humaine veut être respectée dans sa différence. Donc méfions-nous de tout ce qui pourrait conclure à ce qu'on irait vers des systèmes qui seraient très simples. Ça ne veut pas dire qu'il ne faut pas simplifier. Je suis bien d'accord pour simplifier, mais je me méfie de certains discours simplistes, qui laisseraient croire que l'action publique sera toujours très simple. Quand on veut monter des contrats et quand on veut montrer un certain nombre de partenariats, on arrivera à des choses qui ne sont pas si simples que ça. Et d'ailleurs quand il faut faire des allègements fiscaux pour les aides à l'emploi, pour un certain nombre de sujets comme ça, tout ça est assez difficile. Et donc je pense que le citoyen, lui, n'a pas besoin de connaître forcément toute cette ingénierie administrative, comme quand on se sert d'un ordinateur ou d'un Minitel, on se sert du clavier, mais ce n'est pas pour ça qu'on sait comment ça marche à l'intérieur. La décentralisation, c'est un peu comme ça : il faut que ça soit clair pour l'usager, et que ça soit efficace dans l'ingénierie. Il faut que ce soit clair pour l'usager, qu'on appuie sur les bons boutons, mais c'est le maire et la commune qui est en fait le Minitel, c'est lui qui est le médiateur, c'est lui qui est bilingue, qui parle le langage de la gestion publique, et le langage du citoyen, parce que c'est vers lui qu'on vient voir et qu'on va demander des explications : "Pourquoi ce n'est pas fait ? Pourquoi cela prend du retard ? Et pourquoi là il y a tel papier qui n'a pas été bien rempli ?". C'est lui qui est le républicain de première ligne, et c'est pour ça qu'il faut protéger les maires, et il ne faut surtout pas, je crois, fragiliser la commune parce que c'est là où le citoyen sait ce qu'il se passe, il sait qui il faut engueuler quand ça ne marche pas ; d'ailleurs ce n'est pas plus mal pour le président de département ou pour le président de région, parce qu'ils vont voir le maire Globalement, c'est un élément très important de notre organisation. Et c'est pour ça que nous voulons renforcer la commune. Nous lui avons donné dans la Constitution, là, un dispositif très important : c'est la possibilité d'être chef de file de politiques, ou contractuelles ou avec financements croisés. On peut être sur un projet d'une commune - une salle des fêtes, une piscine, un centre culturel -, avoir plusieurs financements - de l'Europe, de l'Etat, de la région, du département, de la commune -, mais on peut faire en sorte qu'il y ait un chef de file. Et donc c'est lui qui est responsable de la bonne fin du dispositif. Et la Constitution va permettre d'organiser ce chef de file là, qui fait que pour le citoyen il y aura, non pas un dispositif qui sera collectif et sans véritable responsabilité, mais avec un responsable devant le citoyen de la bonne fin. Et ça, je pense que c'est un élément très important, qu'il y a deux choses qui sont très importantes.
Cela permet au département, voire à la région de déléguer à la commune l'exercice d'une responsabilité, tout comme l'Etat peut déléguer au président de la région une délégation républicaine ; on peut très bien imaginer que le président du département délègue à l'agglomération une part de sa politique Logement, dans le cas d'une politique qui aura été définie par l'assemblée départementale. Mais dans ce cadre-là, il pourra y avoir des délégations et ainsi permettre un développement très rapide d'un certain nombre de projets.
En ce qui concerne notre démarche, je voudrais simplement vous dire deux mots sur l'Etat. Parce que ce qui est très important, c'est que dans cette décentralisation, nous engagions, en même temps, la réforme de l'Etat, et que l'Etat se modernise, que l'Etat accepte de recentrer ses activités, et que l'Etat puisse clairement dire ce que sont ses ambitions. L'Etat est d'abord en charge des missions régaliennes. Sécurité, justice, impôts, défense, santé, sécurité sanitaire, inspections : ce sont les missions régaliennes de l'Etat, nous les assumerons. Et d'ailleurs, vous avez pu voir que malgré toutes les difficultés budgétaires, nous avons augmenté les budgets de la Défense, de la Sécurité, de la Justice qui nous paraissent être les priorités, car il faut pouvoir faire respecter l'autorité républicaine et c'est d'abord en faisant respecter l'autorité républicaine qu'on fait respecter l'Etat, et qu'on peut redonner à notre République sa cohérence. Donc d'abord assumer les responsabilités régaliennes. Les éléments de la cohésion sociale [ensuite]. Là, vous êtes au cur du sujet, parce que l'Etat est responsable du "vivre-ensemble". Je vous parlais de la République : l'Etat est garant de la République, donc il est garant du fait que l'éducation respecte l'équilibre républicain, et qu'on ait le bac à Saint-Denis ou qu'on ait le bac à Poitiers, ça doit pouvoir être le même bac. Les jeunes doivent se trouver à égalité, et donc la République doit veiller à ce que, même s'il y a des responsabilités et si c'est le conseil régional qui construit les bâtiments, il n'empêche que le prof doit avoir le même programme, le même diplôme et faire en sorte que, quel que soit le lycée de France où on reçoit son diplôme, on a droit partout à la même reconnaissance. Ça, c'est la charge de l'Etat, c'est son rôle aussi en matière d'intégration, en matière d'aménagement du territoire, de respect d'un certain nombre de grands équilibres.
Je pense aussi que l'Etat doit être stratège. Ça c'est un point très important. Je pense que, dans ces dernières années, l'Etat n'a pas été suffisamment stratège, l'Etat ne s'est pas suffisamment occupé du long terme. Ni les collectivités territoriales, ni le marché, ne peuvent penser à 15 ans, à 20 ans. Il y a un certain nombre de grands sujets, aujourd'hui, sur lesquels il faut penser à 15 ans, à 20 ans. On parlait de Recherche, tout à l'heure : il y a de grands sujets sur lesquels on est en train de poser la candidature de la France, sur un grand projet en ce qui concerne l'énergie nucléaire, qui s'appelle le projet ITER, qui est un projet pour 2050, 2060, un projet mondial et qui est un grand projet de recherches. Il faut avoir cette vision là, et l'Etat doit préparer ces échéances. Là aussi, parce que ce n'est pas simplement en s'occupant de demain matin qu'on pense vraiment et qu'on construit l'avenir. Donc l'Etat a un rôle stratégique pour un certain nombre de grands sujets, notamment pour expertiser les grands choix scientifiques qu'il est nécessaire de faire.
Je dirais - mais ça me paraît très important -, que l'Etat a aussi une responsabilité très importante qui est l'évaluation. Les élus auront plus de responsabilités, mais auront plus d'évaluations. Et donc les choses marcheront en même temps : quand on exerce une responsabilité, il faut accepter l'évaluation, c'est une règle de bonne gestion, de bonne gouvernance, et donc c'est un des éléments très importants que nous voulons développer. Je voudrais rassurer les personnels qui seront concernés par ces différents sujets, ils auront la possibilité de rejoindre, soit les services de l'Etat, soit les services qui seront ainsi transférés, voire expérimentés. Je crois qu'il est très important que vous soyez rassurés en ce qui concerne les transferts, nous mettrons les financements en face, on l'a même mis dans la Constitution. Donc ce qui s'est passé sur l'APA, c'est-à-dire qu'on a confié une responsabilité sans envoyer les sous avec, là ça ne sera plus possible, parce que là le Conseil constitutionnel dira, " la loi n'est pas constitutionnelle, car il est dit maintenant dans la Constitution - quand elle sera votée - il sera dit dans la Constitution que quand l'Etat transfère une compétence, il doit transférer les financements qui correspondent à cette compétence. Donc l'Etat ne peut pas se décharger sur les collectivités d'une responsabilité, il devra mettre en face le financement nécessaire ; c'est un des éléments importants de notre dynamique générale. Je pense qu'il est également essentiel que dans cette recherche-là, nous ayons la péréquation - c'est aussi dans la Constitution - pour faire en sorte que l'argent soit réparti, la richesse soit la mieux répartie possible sur l'ensemble du territoire national, de manière à ce qu'il y ait un soutien aux territoires les plus en difficultés et qu'on puisse apporter ainsi notre capacité à faire respecter l'esprit républicain jusque dans l'équité des territoires. Voilà quelques grandes lignes des réformes que nous voulons engager en ce qui concerne la décentralisation. C'est pour ça que je crois que ce que vous avez envisagé à l'occasion du débat peut tout à fait s'y inscrire, même ce que disait la présidente de l'URIOPSS tout à l'heure, même ce qu'a été dit en ce qui concerne la culture, même ce qui a été dit en ce qui concerne la vie associative. Je crois que l'ensemble des propositions qui seront faites, permettront aux forces vives des territoires de pouvoir exister et prendre leurs responsabilités, mais toujours avec cette conscience de la République.
Je voudrais, en terminant, vous dire que nous vivons une période particulièrement difficile, dans le monde aujourd'hui. Il n'échappe à personne combien les bruits de guerre sont préoccupants partout, aujourd'hui, dans le monde, et nous avons un ennemi aujourd'hui qui est pour la France, comme pour toutes les autres démocraties, un ennemi particulièrement dangereux : le terrorisme. Et c'est notre ennemi numéro 1, il nous faut être particulièrement vigilant face à cette nouveauté du 21ème siècle, qui peut se disperser partout, parce que les techniques, les armes, sont de plus en plus faciles à acquérir, et de plus en plus faciles à utiliser. Donc nous ne sommes plus seulement face à un terrorisme qui aurait été un terrorisme d'Etat dans le passé. Aujourd'hui, nous sommes dans une situation où vraiment il faut penser les forces danse le monde aujourd'hui quand on est un pays qui veut penser à son avenir. Je crois que le combat qui est engagé aujourd'hui par la France pour essayer de faire en sorte qu'on trouve une autre solution que la guerre au problème irakien, c'est un message très important qui est aujourd'hui envoyé au monde entier par la France. Ce message, c'est celui de l'ONU, celui de la communauté internationale qui veut respecter une unité internationale, qui veut faire en sorte que le droit puisse s'imposer aux uns et aux autres. Nous cherchons des règles de droit. Quand le président de la République propose l'organisation mondiale de l'environnement pour le développement durable, comme il l'a fait à Johannesburg, quand il propose que l'OMC puisse davantage servir le développement des pays du Sud, quand, pour le G7 à Evian, il a fait en sorte que les pays d'Afrique soient présents autour de la table, quand nous nous engageons aujourd'hui au Conseil de sécurité pour être ceux qui défendent toutes les autres solutions avant d'envisager l'option finale de la guerre, nous sommes en train de construire un message pour le monde aujourd'hui. C'est un message de développement multipolaire. La France, aujourd'hui, est en train d'être entendue dans le monde, et c'est pour ça que, plus que jamais, nous avons besoin de tous les territoires de France qui sont dans le monde, La Réunion a besoin de la France, mais la France a besoin de La Réunion. La France, aujourd'hui, envoie un message qui est en train d'être écouté partout dans le monde ; des millions de gens ont défilé derrière les thèses françaises. Mais la France ne doit pas, aujourd'hui, se recroqueviller sur sa métropole ; elle doit sentir son drapeau flotter sur l'ensemble des océans du monde. C'est cette France-là qui se fera entendre, et c'est pour ça qu'on a besoin de La Réunion, et c'est pour ça, aujourd'hui, que tous les territoires d'Outre-mer doivent se sentir bien, car nous avons des choses à dire au monde ; les principes d'humanité qui sont ceux de la France, les principes d'universalité doivent être entendus partout, et tous les territoires de France doivent participer à cette mobilisation, aujourd'hui, qui est de faire entendre, comme le fait J. Chirac, la France dans le monde. Merci à vous.
(Source http://www.premier-ministre.gouv.fr, le 3 mars 2003)