Déclaration de M. Jean-Pierre Delevoye, ministre de la fonction publique, de la réforme de l'État et de l'aménagement du territoire, sur les politiques gouvernementales en faveur de la réforme de l'Etat, la modernisation de l'administration et des services publics, la rémunération des fonctionnaires notamment sa position favorable à la reconnaissance du mérite, à l'Assemblée nationale le 18 novembre 2003.

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Circonstance : Débat sur les stratégies ministérielles de réforme à l'Assemblée nationale le 18 novembre 2003

Texte intégral

Monsieur le Président,
Monsieur le Président de la commission des finances,
Monsieur le Rapporteur général,
Mesdames et Messieurs les Députés,
Le débat auquel nous allons nous livrer ce matin est sans précédent. C'est la première fois, en effet, qu'un Gouvernement discute de la réforme de l'Etat avec les élus de la Nation en dehors des aspects qui peuvent être abordés dans le cadre du débat budgétaire. Je m'en réjouis, car je pense que l'information, la participation, l'implication forte du Parlement sont nécessaires pour enclencher le mouvement de la réforme dans les administrations.
Le Gouvernement désire clairement prendre appui sur les assemblées pour entretenir le rythme de la réforme. Vous avez un rôle éminent à tenir pour nous aider à maintenir le cap. Je souhaite que vous preniez toute votre part dans ce processus. Il n'y aura pas de grand soir de la réforme, avec un grand " R ", mais un mouvement continu, long, difficile, qu'il faudra ranimer périodiquement. Je crois à la réforme permanente comprise, partagée et portée par lés élus et les fonctionnaires qui doivent en être les premiers acteurs.
Vous devez en être les aiguillons, vous pouvez en être parfois les animateurs ou les initiateurs mais nous partagerons avec vous les évaluations et la surveillance du maintien des objectifs.
Si j'insiste autant sur la nécessité de travailler en commun à la réussite de la réforme, c'est que celle-ci entre maintenant dans une phase où elle commence à produire des premiers effets concrets, que nous devons fortifier et prolonger.
En effet, beaucoup a déjà été fait : la réforme des retraites, différée de gouvernements en gouvernements, est aujourd'hui votée ; pour la sécurité de nos concitoyens deux grandes administrations la police et la gendarmerie, deux cultures réputées si différentes se sont rapprochées , de grandes lois ont été ici même votées- la loi sur sécurité intérieure, la loi de programmation sur la justice, la clarification tant attendue des trois niveaux de SMIC, le débat sur l'Acte II de la décentralisation, la loi d'habilitation. Ces lois sont parmi d'autres autant de signes forts du changement en cours.
Ces initiatives gouvernementales ont pu prendre corps grâce à la volonté réformatrice du Président de la République et au courage politique de Jean-Pierre Raffarin pour qui gouverner est une responsabilité d'avenir.
Ce changement, nous allons le poursuivre avec le soutien résolu du Parlement, avec vous ! L'année 2004 sera notamment l'année du sauvetage de notre système de Sécurité sociale ; 2004 verra le vote de la loi sur le développement des responsabilités locales ; elle verra la conclusion du débat sur l'Ecole ; elle sera aussi l'année de la réforme effective de l'Etat.
En conduisant avec vous ces réformes, nous visons trois objectifs :
- un Etat plus réactif et plus en phase avec les attentes des français en allégeant et en clarifiant ses structures et ses méthodes de travail.
- un Etat plus efficace, mieux géré, modernisant ses services administratifs et réduisant ses coûts de fonctionnement.
- un Etat moderne respectueux du contribuable et de l'usager : pour ce faire, nous voulons changer la culture de l'administration et, tout en maintenant et en respectant la tradition française du service public, nous voulons introduire dans la fonction publique la notion d'objectifs, de performance, et de résultat.
Aucun secteur, aucun ministère n'est à l'écart de cet effort qui doit nous redonner rapidement les marges indispensables pour investir, pour stimuler la recherche, pour recréer de la richesse. Il n'y a pas de sanctuaire à l'abri de la réforme. Celle-ci doit s'appliquer de façon juste mais ferme dans toutes les composantes de l'Etat.
Osons le dire dès maintenant : l'objectif du Gouvernement, à travers les politiques qui concourent à la réforme de l'Etat, est de dégager des gains de productivité substantiels dans les administrations.
Je suis venu vous dire la ferme détermination du Premier ministre : tous les ministères, sans exception, doivent se donner comme objectif de parvenir à dégager des gains de productivité comparables à ceux que réalisent toutes les grandes organisations du secteur tertiaire.
Ces gains de productivité, je vous invite à vérifier chaque année que les ministères les font, puisque c'est le seul moyen pour nous de concilier nos deux objectifs primordiaux pour la législature :
- En premier lieu, nous voulons stabiliser les dépenses de l'Etat en volume jusqu'en 2007, afin notamment de ramener le niveau des déficits publics sous la barre des 3% du PIB dès 2005.
- En second lieu, nous voulons améliorer la qualité du service rendu à l'usager, pour répondre aux nouvelles demandes des français.
Cet impératif de productivité, nous ne le visons pas pour satisfaire une préoccupation idéologique, mais parce que nous avons une vision précise de ce que doit être l'action publique dans les années à venir:
Cette vision est fondée sur la conviction que, dans une société responsable, le service public et le secteur privé doivent fonctionner en totale harmonie dans le respect mutuel et en se soutenant au lieu de s'ignorer et de s'opposer.
Nous sommes face à de grands enjeux qui dépassent très largement nos clivages politiques : humaniser la mondialisation, concilier l'économique et le social, l'économique et l'environnement. Cela nécessite des outils de régulation publics qui confortent les objectifs que nous nous assignons.
1° - ainsi, la non maîtrise de notre dette (15 % du PIB en 1981, + de 60 % en 2003) alourdit le poids du passé et affecte une part de plus en plus importante de nos ressources à rembourser plutôt qu'à investir. Sans inversion de cette tendance, nous fragilisons notre avenir. Notre pays ne peut plus vivre à crédit.
2° - De même pour préserver nos outils de régulation sociale, pour surmonter une crise économique, pour conforter le pouvoir d'achat des ménages, nous devons impérativement apprendre à maîtriser la dépense publique.
Notre action humaniste, notre performance économique seront directement liées à notre capacité à dégager les moyens de nos ambitions.
Mesdames et Messieurs les Députés entendons nous bien ; il ne s'agit de " privatiser ", " brader ", ou " affaiblir " le service public. Il s'agit au contraire pour garantir son avenir de lui apporter un surcroît de performance, de qualité et d'efficacité.
Un pays comme la France a besoin d'un service public efficace et performant au service d'une économie performante et de politiques sociales qui marchent. Pour y parvenir, nous devons répondre au défi de l'attractivité de la fonction publique, et moderniser en permanence nos administrations, mais aussi, et en priorité pour les deux années à venir, nous devons nous attaquer à la réduction de nos déficits publics. Il est illusoire de prétendre vouloir à la fois répondre aux nombreux problèmes de notre société, de vouloir garantir la cohésion sociale, de vouloir assurer le développement durable de notre territoire et maintenir la compétitivité de nos entreprises, si nous ne sommes pas capables de contenir et de diminuer nos déficits dans un délai très court.
Aujourd'hui, ce qui compte, ce n'est pas de faire de l'idéologie au détriment du service public c'est de mettre en place les conditions pour que celui-ci soit réactif et en permanente adaptation.
Nous ne pouvons accepter, nous républicains, le clivage entre la bonne ou la mauvaise école, le bon ou le mauvais hôpital. Ce clivage transforme les usagers du service public en consommateurs et ceci est source d'inégalités profondes entre nos concitoyens. Il nous faut intégrer cette évolution et nous devons, donc, permettre à nos administrations de libérer leur énergie en gommant les procédures superflues, les structures inutiles, les habitudes routinières.
Les plus dynamiques d'entre nos administrations ont déjà amorcé depuis quelques années ce virage, mais il est clair qu'il faut franchir une nouvelle étape pour que les résultats soient rapidement visibles.
Notre volonté est forte, nos objectifs clairs, notre calendrier précis, notre méthode arrêtée. Elle s'articule autour de quatre chantiers interministériels :
- Un chantier structurel : la décentralisation et la réforme de l'administration territoriale.
- Un chantier budgétaire : la nouvelle " constitution financière " issue de la loi organique sur les lois de finances.
- Un chantier managérial : la modernisation de la gestion des ressources humaines.
- Un chantier qualitatif : la simplification des procédures et les politiques en faveur des usagers.
La décentralisation est le premier pilier, avec la déconcentration qui en est le complément indispensable.
Comme l'a indiqué le Premier ministre Jean-Pierre RAFFARIN dans son discours prononcé à Rouen en conclusion des Assises des libertés locales, la décentralisation, ce n'est pas l'affaiblissement de l'Etat. C'est le renforcement de l'Etat, allégé des missions qui peuvent être exercées plus efficacement au plus près du terrain, et recentré sur les tâches qui ne peuvent être assumées que par lui.
La stratégie du Gouvernement est bien évidemment d'exploiter le choc de la décentralisation pour faire bouger l'Etat.
Ce changement doit d'abord s'appliquer aux administrations centrales. Le transfert de certaines des missions qu'elles assumaient, ainsi que les simplifications qui sont menées par ailleurs sous l'impulsion d'Henri PLAGNOL, doivent entraîner une réduction du format des administrations centrales prises dans leur ensemble. Naturellement, il faut affiner l'analyse : certains ministères sont plutôt sous-administrés au niveau central, tandis que d'autres ont une centrale hypertrophiéeLa question est donc à la fois de réduire la voilure, mais aussi de mieux répartir les moyens . L'Etat central doit être moins paperassier et gestionnaire. Il doit s'attacher à produire de bonnes normes, à simplifier, et à gérer au plus près du terrain.
La réforme de l'Etat territorial est la deuxième conséquence de la décentralisation dont elle est le complément naturel. Le Gouvernement se prononcera très prochainement, dans les toutes prochaines semaines sur la recomposition des services déconcentrés du niveau régional autour de quelques grandes directions - sans doute pas plus de 8, alors qu'il y en a actuellement 24 - sous l'autorité du Préfet de région. Dans le même temps, la mutualisation des moyens sera organisée pour dégager les gains de productivité qui sont aujourd'hui perdus du fait de l'éparpillement des services de l'Etat.
Territorialiser les politiques publiques est aussi une exigence pour la pertinence et l'efficacité de l'action publique.
La Cour des comptes vient de publier un rapport particulier sur le rôle de la déconcentration des administrations dans la réforme de l'Etat. La Cour, sans nier les progrès indéniables de la déconcentration dans notre pays conclut cependant à la nécessité d'aller plus loin, en particulier s'agissant de la gestion déconcentrée des ressources humaines et de l'action interministérielle au plan local. Le Gouvernement, a souhaité répondre à ces enjeux en mettant en chantier une réforme de l'administration territoriale en profondeur :
D'une part, il adapte son organisation territoriale au nouveau cadre de la loi organique relative aux lois de finances, qui va se traduire par une responsabilisation de chaque service sur la base d'objectifs de coût et de performance précis et quantifiés. D'autre part, tout en réaffirmant son attachement au principe de l'unité de l'Etat territorial, le Gouvernement entend moderniser ses services territoriaux, en simplifiant leur organisation et en les rendant plus opérationnels, autour du préfet dont l'unité de commandement, doit désormais s'accompagner d'une plus grande collégialité dans la prise de décision.
Les préfets seront dotés de véritables moyens d'action interministériels grâce à un programme des interventions territoriales de l'Etat (PITE), qui sera l'un des programmes ministériels prévus par la LOLF, destiné à regrouper tous les crédits, quelle que soit leur origine, concourant au même but , sur un territoire donné, dès lors que l'action revêt un intérêt majeur de nature interministérielle, comme par exemple, l'eau en Bretagne, la réindustrialisation de la Lorraine, ou le Programme exceptionnel d'investissements en Corse.
Nous avons également retenu la méthode expérimentale pour traiter la délicate question de la présence territoriale des services publics : j'ai engagé des expériences dans quatre départements- Savoie, Charente, Corrèze, et Dordogne - permettant de redéfinir les modalités de l'offre de services publics dans les territoires. Nous avons voulu éviter deux écueils : le moratoire, solution commode à court terme, mais intenable ensuite, et la réorganisation sectorielle par chaque administration de ses prestations de service public sans coordination avec les autres services publics.
Avec ces expériences, nous affirmons notre volonté de voir émerger une vision politique locale, au niveau des établissements publics de coopération intercommunale et des pays. Je rappelle que mon ministère a considérablement simplifié le fonctionnement des pays, en harmonie avec les initiatives de votre assemblée. Je voudrais notamment saluer la contribution très active du Président OLLIER et de votre commission des affaires économiques dans ce débat.
La LOLF constitue le deuxième pilier de la réforme de l'Etat ; elle assure la cohérence d'ensemble de la réforme de l'Etat et elle lui fournit l'outil indispensable en mettant de la lumière là où il y a opacité et en faisant apparaître une gestion orientée vers l'idée de résultat.
La loi organique doit nous permettre de mettre en place de nouveaux outils concernant notamment le contrôle de gestion et la politique immobilière des administrations. Elle doit aussi permettre de gérer dans un cadre pluri-annuel. Ce sont là des avancées importantes, mais il importe de ne pas inverser les priorités. La lecture, le suivi, le contrôle de l'argent public ne doivent pas neutraliser la nécessaire vision politique, mais au contraire l'alimenter. De même, il est nécessaire de posséder des statistiques fiables, des données précises et rapidement fournies pour avoir des débats pertinents. Je crois qu'il serait par exemple utile de disposer d'informations sur l'action de l'Etat rapportée à un territoire donné.
La capacité d'analyse et d'expertise, la crédibilité des données fournies, la fiabilité des sources, la transparence des informations sont des éléments déterminants pour la réussite d'une réforme car les objectifs ne peuvent être pleinement partagés que si les diagnostics sont partagés. Au-delà de la réforme, il y a l'esprit de la réforme basé sur la confiance.
Ce chantier, co-piloté par le ministère du budget et de la réforme budgétaire et par le ministère de la réforme de l'Etat, est un chantier vital.
Le calendrier est parfaitement clair : les futurs programmes seront arrêtés cet hiver, dans les prochaines semaines; les objectifs et les indicateurs qui leur donneront un contenu politique seront validés au printemps de 2004.
Ce calendrier nous oblige. Il va mobiliser l'ensemble des ministères en 2004. L'administration sait ce qu'elle peut en attendre. Pendant des années, elle s'est - à juste titre - plainte du fait que les responsables politiques ne définissaient pas leurs objectifs, ne savaient pas reconnaître les résultats. Les responsables politiques ont fait leur travail, dans un esprit de consensus qui doit beaucoup aux efforts de M. Migaud et de M. Lambert. Je suis persuadé que les ministères sauront saisir cette opportunité.
Et cette réforme née au Parlement, il va de soi que le Parlement est appelé à en contrôler la mise en uvre. Avant les échéances de 2005, vous serez appelés à vous prononcer sur les programmes et sur les indicateurs, selon les modalités qui vous conviendront. Je vous l'ai dit en introduction : le Gouvernement tout entier considère que le Parlement doit être l'aiguillon de la réforme.
De la même façon, puisque la LOLF introduit une culture du résultat, je vous propose que nous mettions ensemble en place une procédure de suivi des observations de la Cour des comptes, de façon à ce que nos concitoyens n'aient plus l'impression que les gaspillages sont tolérés dans notre pays. L'Etat ne peut donner des leçons que s'il se les applique à lui-même.
(Source http://www.fonction-publique.gouv.fr, le 19 novembre 2003)
Le troisième pilier de la réforme est constitué par le vaste chantier de conduite du changement dans la gestion des ressources humaines que nous avons engagé :
Le puissant chantier de transformation que nous avons initié vise à garantir l'attractivité, la réactivité, la capacité à s'adapter de la fonction publique.
Nous avons ouvert un premier chapitre sur les recrutements, qui devront faire une plus grande place aux recrutements professionnels, et permettre l'entrée de profils plus variés dans l'administration. Des avancées en matière de formation initiale et continue seront réalisées pour accroître le niveau des agents. Je viens de présenter le 22 octobre au Conseil des ministres une communication qui porte sur l'encadrement supérieur et qui va dans ce sens. La réforme de l'ENA qui s'inscrit dans cette démarche est une illustration parfaite de nos ambitions pour la fonction publique : professionnalisation, ouverture, orientation de la formation vers les préoccupations concrètes des citoyens et des entreprises, simplification des structures de l'école, sont autant de marques de notre volonté d'avancer sur la voie du changement.
Nous visons également l'adaptation des règles de gestion, allant dans le sens de la plus grande souplesse : un nouvel élan sera donné à la déconcentration de la gestion des personnels afin de favoriser les effets de proximité.
J'ai aussi engagé les travaux conduisant à une plus grande mobilité fonctionnelle et géographique des agents, y compris entre les trois fonctions publiques.
Plus généralement, et c'est le fil conducteur de notre politique, l'introduction d'une culture de la performance est une priorité :
La modernisation de notre service public passe par la définition d'objectifs d'amélioration de la qualité, et par l'association des personnels à leur mise en uvre.
- J'ai l'intention de mieux reconnaître le mérite des bons agents à travers les rythmes d'avancement, qui seront plus différenciés.
- s'agissant du lien entre la performance et le salaire, je suis en faveur de la création d'outils permettant la reconnaissance au niveau du service des résultats obtenus. Il pourrait s'agir soit de mécanismes d'intéressement, soit de retours financiers vers le service, permettant par exemple d'améliorer les conditions de travail.
En cohérence avec ce mouvement, je souhaite faire évoluer l'approche salariale pour être cohérent avec les réalités économiques :
- il me paraît impossible de raisonner en matière salariale comme par le passé, en ne retenant que la valeur du point en niveau et en glissement. Je considère que la politique salariale doit également intégrer les effets des mesures catégorielles et indemnitaires, et qu'elle pourrait être mieux mise en relation avec la croissance.
- je verrai dans quelques jours les organisations syndicales de fonctionnaires ; je vais leur proposer de se joindre à une conférence destinée à repenser l'approche de la politique salariale et des rémunérations :
Je préconise que se tiennent à l'avenir des négociations annuelles, qui pourraient être obligatoires, à partir des travaux d'un observatoire des salaires de la fonction publique ouvert aux syndicats.
Par-delà l'aspect salarial, je considère que c'est tout le système de la gestion des ressources humaines qui doit être repensé. Les agents sont le plus souvent motivés, attachés au service public, pleinement désireux de faire sérieusement et efficacement leur travail au service des usagers. Mais le système dans lequel ils évoluent est paralysant. Les initiatives y sont fréquemment bridées, les initiatives découragées.
Je m'insurge contre une pratique qui veut que celui qui économise ne soit pas mieux vu que celui qui dépense, une pratique dans laquelle la prise de risque est pénalisée par rapport à la gestion sans imagination, une pratique qui récompense la carrière tranquille et sans vagues par rapport à la carrière où l'on s'investit à fond dans le changement.
Les fonctionnaires doivent être les acteurs de ce changement. La réforme ne se fera pas contre les fonctionnaires, mais avec les fonctionnaires. Ils doivent y trouver toute leur place, pour être le moteur de la modernisation.
Je voudrais que ce changement fasse appel à la responsabilisation des fonctionnaires, à leur motivation, et qu'il repose sur la justice pour que les bons agents se sentent portés vers l'avant et non pas bloqués dans leur élan. Responsabilisation et confiance dans les femmes et les hommes qui font vivre le service public sont les deux forces sur lesquelles je veux m'appuyer.
Je veux faire émerger les " talents dormants " qui existent dans les services. Il y a une quantité nombreuse de fonctionnaires de tous grades qui sont à la recherche d'un engagement, qui souhaitent se mobiliser pour la cause du service public, et qui sont sous-employés ou mal employés. Je vais contacter tous mes collègues pour les inciter à repérer les agents en question et leur demander de les réaffecter dans des missions utiles pour la collectivité. L'accès à un poste de responsabilité doit être la reconnaissance d'une compétence et non d'une ancienneté ou de l'appartenance à un corps.
Nous sommes en train d'évaluer les plans de gestion prévisionnelle des effectifs et des compétences que m'a remis chacun des ministres. Ces plans sont l'un des outils sur lesquels nous allons nous appuyer pour gérer sur une base pluriannuelle les flux de recrutement et les besoins en personnels des administrations. La formule doit être améliorée, mais les premières réunions tenues ces jours-ci sont prometteuses.
Pour traduire en actes les transformations liées à la gestion des ressources humaines dans les fonctions publiques, un projet de loi est en préparation. Il portera sur les aspects indispensables de la modernisation des règles statutaires : ouverture à l'Europe, déontologie des circulations avec le secteur privé,adaptation des règles relatives aux contrats des non-titulaires, facilités pour la mobilité entre les fonctions publiques. Le projet portera aussi sur les modifications que la décentralisation rend indispensables dans la fonction publique territoriale.
J'entamerai dans quelques jours les consultations tant des associations d'élus que des syndicats de fonctionnaires. Mon intention est de présenter ce projet à un Conseil des ministres dès le début de 2004.
Les aspects qui relèvent du règlement - fusion de corps, déconcentration de la gestion, allègement et simplification des règles de gestion- seront pris en parallèle, dans des délais rapprochés.
Le quatrième domaine que je voudrais évoquer porte sur les simplifications et les relations avec les usagers.
Tout d'abord, la simplification des démarches et des procédures.
Une première loi portant simplification du droit, promulguée le 2 juillet 2003, va donner lieu à 45 ordonnances, dont les deux tiers seront publiées d'ici février. De très nombreuses mesures intéressant directement la vie des Français et des élus locaux vont y figurer. Un second projet de loi est en cours d'élaboration. Il contiendra plus de 160 mesures, dont certaines très significatives comme la simplification du permis de construire, le rescrit social ou la simplification du droit du travail.
Ce que j'appellerai " la révolution de la qualité dans les services " est l'autre axe de notre politique tournée vers l'usager.
La qualité est aujourd'hui une exigence incontournable pour nos concitoyens mais aussi pour une large majorité de fonctionnaires. Les Trophées de la Qualité, récompensant les meilleurs initiatives de modernisation de l'administration, que nous avons lancé avec Henri PLAGNOL, ont permis de mesurer le formidable potentiel de volonté de changement de l'administration, guidée par des démarches qualité. Le 15 novembre, le secrétaire d'Etat à la réforme de l'Etat a lancé la mise en place des chartes d'accueil dans les services déconcentrés. Ces chartes, à qui nous avons donné le beau nom de " Chartes Marianne ", tiendront compte pour la première fois des suggestions du public, et donneront lieu à de véritables actions de formation à l'accueil. Une réflexion est par ailleurs en cours sur les processus de certification au sein de l'administration, en particulier par la définition d'un référentiel commun de qualité.
Le développement de l'administration électronique est la troisième priorité de cette politique de l'accueil.
Ce que l'on appelle " l'e-administration " correspond à une demande croissante des Français qui lui font de plus en plus confiance ainsi qu'en témoignent des enquêtes convergentes. L'offre se renforce considérablement :on compte aujourd'hui 5500 sites publics, soit une augmentation de 20% en un an. Je voudrais signaler que 85% des formulaires administratifs sont en ligne, ce qui est un bon indicateur de la percée de l'administration électronique.
Les progrès récents de notre pays sont d'ailleurs reconnus au niveau international : la France vient de se hisser à la 7ème place mondiale dans un classement que vient de publier l'ONU sur le développement de l'e-administration.
Des orientations stratégiques pour les 4 années à venir vont être fixées prochainement à l'occasion d'un prochain comité interministériel pour la réforme de l'Etat consacré à ce sujet. De nombreux projets sont d'ores et déjà lancés : la mutualisation des grands projets et services, par le biais de plates forme techniques d'interopérabilité, qui permettent des gains de productivité et financiers considérables. A titre d'exemple : - le service de changement d'adresse, la dématérialisation d'un dossier unique de demande de subvention et de son instruction.
Après avoir remis en perspective les grands chantiers interministériels des réformes que nous mène le Gouvernement pour conduire le changement dans l'Etat, j'en viens maintenant aux stratégies ministérielles de réforme qui sont la matière de notre débat.
Nous pensons qu'il revient aux ministres d'être les premiers acteurs de la réforme en s'impliquant dans la gestion de leurs départements ministériels et en les engageant sur la voie du changement. C'est pourquoi , en application des orientations tracées par le Président de la République Jacques CHIRAC, j'ai proposé avec Henri PLAGNOL au Premier ministre Jean-Pierre RAFFARIN que chacun des ministres élabore une stratégie de réforme servant de cadre aux transformations de son ministère sur une base pluri-annuelle.
Le Premier ministre s'implique personnellement dans ce processus : il a donné ses instructions aux ministres ; il a entrepris de simplifier l'organisation de ses propres services ; il reçoit lui-même les ministres pour examiner leurs projets de réformes structurelles.
J'ai moi-même prévu dans la SMR de mon ministère d'alléger les structures de la DATAR pour qu'elle se consacre plus efficacement à sa double mission de boîte à idées pour le compte du Gouvernement et d'interlocuteur des territoires.
Les SMR se traduisent par plusieurs innovations importantes :
Leur principe repose sur un examen critique préalable et exhaustif des missions ministérielles. Toutes les réformes ministérielles ambitieuses qui ont abouti dans les grands Etats à l'étranger ont donné lieu à une revue générale des missions et des moyens. C'est pourquoi le choix a été fait de coupler l'exercice des SMR avec la préparation du budget 2004, mais aussi avec la mise en uvre de la gestion prévisionnelle des emplois, des effectifs et des compétences.
Deuxième constatation, c'est la première fois qu'il est demandé aux ministres, avec les SMR, de fournir des engagements précis, concrets, mesurables sur plusieurs années. Cette volonté du Premier ministre de mener un dialogue approfondi avec ses ministres s'est traduite, en particulier, par les entretiens bilatéraux qu'il a eus avec chaque ministre durant les mois de mars et avril derniers sur le thème de la réforme de l'Etat, durant lesquels les grandes orientations pour l'établissement de chacune des SMR ont pu être fixées.
Leur principe repose sur un examen critique préalable et exhaustif des missions ministérielles. Notre administration a tendance à empiler les structures. Les missions évoluent, parce que les besoins du service public changent. Cela doit se traduire par des redéploiements, ou par le recours à de nouveaux modes de gestion, certainement pas par la superposition des structures.
C'est pourquoi, nous avons posé à chaque ministre ces questions simples, qui ne doivent pas être des questions taboues :
" Avez-vous identifié une mission ou un organisme qui ne présente plus un caractère stratégique pour le service public et qu'il faut supprimer ? "
" Quelles sont les missions éloignées de votre cur de métier que vous comptez externaliser ? "
" Quelles sont les missions qu'il est prévu de décentraliser aux collectivités territoriales ou de déléguer au secteur associatif, aux fédérations ou aux organismes publics ou para-publics ? "
L'exercice ainsi mené a vocation à être complété et suivi, et d'abord par vous, mesdames et messieurs les parlementaires, année après année. Car c'est là la dernière innovation majeure, c'est la première fois qu'un travail prospectif concernant les structures et le fonctionnement de l'exécutif dans une perspective pluriannuelle, est soumis à l'examen critique du Parlement.
C'est la signification de notre débat aujourd'hui. Après plusieurs mois de préparation, les SMR ont été présentées devant les différents comités techniques ministériels puis elles ont été transmises en septembre au Premier ministre.
Elles ont été ensuite adressées aux deux assemblées parlementaires, dont les commissions des finances ont procédé à l'audition d'une dizaine de ministres en tout.
Quel bilan peut-on tirer de ce premier exercice qui s'est tenu dans des délais tendus mais qui ont été pourtant respectés par l'ensemble des ministères ?
Les auditions effectuées par votre commission des finances se sont révélées particulièrement propices à un débat de fond sur les objectifs et la stratégie de modernisation de chacune de ces administrations entre les ministres et les parlementaires. Elles ont permis, notamment, d'éclairer les options budgétaires à la lumière des orientations choisies en matière de réformes structurelles et dans la perspective des choix de leurs futurs missions et programmes dans le cadre de la mise en uvre de la LOLF.
Bien sûr, les résultats sont variables selon les ministères. Certains ministères, je pense en particulier au ministère de l'Equipement, au ministère de l'Economie et des finances, au ministère de l'Intérieur ou à celui de l'agriculture, ont profité de cet exercice pour définir une véritable stratégie de réforme, ambitieuse et déterminée. D'autres ministères doivent encore compléter leur approche du sujet. La réforme de l'Etat, ce ne sera jamais 15 ministères sur la même ligne de départ, mais tous ceux que vous avez examinés vous ont présenté des pistes de réforme prometteuses.
Je laisserai à Henri PLAGNOL le soin de détailler plus avant les enseignements à tirer de ces SMR ainsi que les propositions de modernisation faites par les différents ministères. Je prendrais simplement quelques exemples.
L'Education nationale s'est engagée très concrètement à améliorer le taux d'emploi de ses professeurs remplaçants, dont la faiblesse était justement critiqué par la Cour des comptes ; elle s'est engagée à rationaliser ses différents niveaux d'administration, entre l'administration centrale, le rectorat, l'inspection académique et l'établissement ; elle a pris des engagements pour contenir le coût croissant de l'organisation des concours.
Le ministère des affaires sociales a pris des engagements pour simplifier le droit du travail, rénover le service public de l'emploi et tirer toutes les conséquences de la décentralisation au niveau central et déconcentré.
Voilà des engagements concrets de réforme ! Ces engagements, Mesdames et Messieurs les députés, seront tenus par le Gouvernement. Vous en serez les garants.
Car ce qui compte, au-delà d'un palmarès des ministres auquel il ne m'appartient pas de procéder, c'est que le mouvement soit lancé. Vous pouvez compter sur les efforts du Premier ministre, sur les efforts du ministre du budget, sur les miens et ceux d'Henri Plagnol, et sur les efforts de chacun des ministres, pour qu'il ne s'arrête pas. Mais, si vous pouvez compter sur nos efforts, nous, nous souhaitons compter sur votre implication. Encore une fois, au nom du Président de la République et au nom du Gouvernement, je vous redis notre souhait commun que le Parlement soit l'aiguillon de la réforme de l'Etat.
Le Gouvernement veut passer avec le Parlement un contrat de confiance sur la réforme de l'Etat. C'est pourquoi il me semble important en conclusion de prendre quelques engagements de méthode et de calendrier :
1/ Les engagements pris par chaque ministre devant la Commission des finances seront - je pense que la commission des finances sera d'accord - solennisés dans un document conjointement validé par le Parlement et par le ministre concerné. Le Parlement définira librement la façon dont il entend veiller au suivi de ces engagements. Je ne verrai pour ma part que des avantages à ce que des députés soient individuellement chargés de missions en ce sens. Il me paraîtrait notamment utile que des députés et des sénateurs puissent actionner des audits externes pour vérifier l'application des SMR et recommander des nouvelles évolutions.
2/ Une évaluation des engagements pris dans les SMR 2003 sera réalisée au printemps 2004 et permettra ainsi de mesurer la portée des engagements pris, au moment où les ministères seront convoqués chez le Premier ministre pour une deuxième réunion de suivi de leurs réformes internes.
3/ Au-delà des engagements des ministres, et pour vous montrer que les projets sont bien lancés et pourront éclore en 2004, je prends les engagements suivants pour l'ensemble du Gouvernement :
- en janvier, à l'occasion du débat à l' Assemblée Nationale sur le projet de loi de décentralisation, le Gouvernement vous fera part de ses choix en matière de réforme de l'administration territoriale ;
- en février, un deuxième projet de loi d'habilitation à simplifier le droit par ordonnances sera délibéré en Conseil des ministres pour être voté avant la fin de la session ; à cette occasion, un bilan sera fait du premier projet de loi et j'espère pouvoir vous annoncer la publication de plus des 2/3 des ordonnances prévues ;
- avant mars 2004, un projet de loi sur les évolutions des fonctions publiques, sera déposé au Parlement ; en juin, je dresserai un premier bilan de l'important programme de fusion de corps et de déconcentration engagé ;
- enfin, je vous ai dit que le Parlement sera amené à délibérer des programmes et des objectifs de la LOLF avant l'été 2004.
Je vous remercie par avance, Mesdames et Messieurs les Députés, de vos remarques et de vos suggestions pour nous aider à faire avancer ce vaste chantier de la réforme. Henri PLAGNOL et moi sommes à votre disposition pour préciser des points particuliers après les interventions des orateurs.
Je vous remercie de votre attention.
(Source http://www.fonction-publique.gouv.fr, le 19 novembre 2003)