Déclaration de M. Lionel Jospin, Premier ministre, sur le bilan de l'action du gouvernement en faveur de la décentralisation, les propositions de la commission Mauroy et les grands axes de la réforme de la décentralisation notamment le renforcement de la démocratie citoyenne, la clarification des compétences, la refonte des finances locales, Paris le 21 novembre 2000.

Prononcé le

Intervenant(s) : 

Circonstance : 83ème Congrès de l'Association des maires de France au Parc des Expositions de la Porte de Versailles, à Paris le 21 novembre 2000

Texte intégral

Monsieur le Président,
Mesdames et Messieurs les ministres,
Mesdames et Messieurs les parlementaires,
Mesdames et Messieurs les maires,
Mesdames, Messieurs,
Je suis heureux de participer, pour la quatrième fois, au Congrès de l'Association des Maires de France. Je remercie votre président, M. Jean-Paul DELEVOYE, de son accueil. Votre association joue un rôle important dans notre vie publique. La commune est un point de repère essentiel pour nos concitoyens. Si les Français sont autant attachés à l'institution communale, c'est grâce à l'action que les élus municipaux mènent chaque jour, sans compter ni leur temps, ni leur peine. La République est riche de ses 36.000 communes, riche des quelque 500.000 élus locaux qui, par leur dévouement, font de la commune le socle de notre démocratie. A l'hommage que je veux vous rendre, j'associe les fonctionnaires territoriaux, qui accomplissent à vos côtés un travail considérable.
Ce 83ème Congrès est le dernier avant les élections municipales qui se tiendront au mois de mars 2001. Il est donc pour vous l'occasion de mesurer le chemin parcouru au cours du mandat qui s'achève. La grande majorité d'entre vous s'apprête à solliciter un nouveau mandat. D'autres choisiront de passer le relais. Parmi ces derniers, je sais que certains, à regret, rendront leur écharpe en raison d'une trop lourde charge. Je suis conscient des sacrifices que votre mandat exige. Le Gouvernement que je dirige se tient aux côtés des femmes et des hommes qui, comme vous, font vivre la démocratie locale. Vous aider à mieux servir encore l'intérêt général : c'est là le sens des mesures prises depuis 1997. Ce sera aussi un objectif de la nouvelle étape de la décentralisation que j'ai proposé, à Lille, le 27 octobre dernier, d'engager.
Depuis trois ans et demi, le Gouvernement s'est efforcé de conforter la place et les moyens des élus locaux.
Le lien entre élus et électeurs a été renforcé pour prendre davantage en compte les souhaits des Français. Nos concitoyens attendent que leurs élus se consacrent pleinement à leur mandat. Une première réforme a été engagée pour réduire le cumul des mandats. Une autre attente forte est l'accès d'un plus grand nombre de femmes aux responsabilités électives. Nous avons veillé à établir pour les élections municipales la parité entre hommes et femmes dans les communes de plus de 3.500 habitants. C'est là une innovation dont vous mesurez l'ampleur -et parfois la difficulté- au moment où beaucoup d'entre vous établissent des listes de candidats pour les prochaines élections municipales.
C'est un progrès majeur pour notre démocratie.
La qualité du lien qui vous unit aux Français m'invite ici à évoquer devant vous aujourd'hui une question d'actualité qui préoccupe beaucoup de nos concitoyens. Parce que vous avez leur confiance, les Français se sont adressés tout particulièrement à vous, au cours des dernières semaines, en manifestant leurs inquiétudes à propos de la " vache folle ". Certains d'entre vous ont alors décidé de retirer la viande bovine des cantines des établissements scolaires. Le dispositif sanitaire français est, vous le savez, l'un des plus rigoureux d'Europe. Il a été encore renforcé, le 13 novembre dernier, par le plan d'ensemble arrêté par le Gouvernement. Dans les établissements scolaires, la qualité sanitaire des aliments tient à l'ensemble des mesures de précaution prises par les pouvoirs publics, mais aussi à la démarche de qualité et de traçabilité que les gestionnaires de ces établissements savent exiger de leurs fournisseurs. Le ministre de l'Education nationale et ses collègues responsables de la sécurité alimentaire -Santé, Consommation, Agriculture- l'ont rappelé, le 15 novembre, par une instruction à l'ensemble des chefs d'établissements de l'enseignement secondaire. Il revient aujourd'hui à tous les responsables publics -Gouvernement et élus locaux- de restaurer la confiance des Français dans leur alimentation.
Il faut rappeler l'avis récent de l'Agence française de sécurité sanitaire des aliments -qui confirme, je cite, que " chez le bovin, l'agent infectieux n'a été détecté ni dans le lait, ni dans le muscle. Il n'y a actuellement aucune donnée scientifique qui permette de suspecter un risque pour la santé de les consommer ". C'est sur cette base que le dialogue doit s'organiser avec les parents d'élèves et les enseignants dans chaque établissement. Les produits de qualité de notre filière bovine ont vocation à être de nouveau proposés et consommés sans crainte dans les cantines. Je voudrais aussi saluer l'importance du plan de soutien à la filière bovine, présenté ce matin même par le ministre de l'Agriculture, Jean GLAVANY. Je tiens à assurer ici aux maires des communes rurales que tous les acteurs de la filière bovine -éleveurs, abattoirs, entreprises et commerçants- peuvent compter sur la solidarité nationale. Forts du contact permanent avec vos administrés, vous pouvez être les relais de ce message de confiance et de solidarité.
Je reviens à mon propos général.
Le Gouvernement a clarifié les conditions juridiques dans lesquelles vous exercez votre mandat. Nous avons travaillé à la question de votre sécurité juridique. La loi du 10 juillet 2000 précisant la définition des délits non intentionnels, dont le sénateur FAUCHON a été l'initiateur, et la loi du 15 juin 2000 sur la présomption d'innocence clarifient le droit, conformément à votre souhait et aux engagements du Gouvernement. Les tribunaux judiciaires ont commencé à appliquer ces règles nouvelles. Il est encore trop tôt pour tirer l'ensemble des conclusions de cette évolution importante du droit, qui déconnecte la faute civile de la faute pénale et définit cette dernière de manière plus précise.
Vous êtes affrontés, dans l'exercice de votre fonction, à la complexité du droit. Le Gouvernement a décidé une réforme profonde du code des marchés publics dans le sens d'une nécessaire simplification. Le ministre de l'Economie, des Finances et de l'Industrie, Laurent FABIUS, mène une ultime concertation avec votre association et les autres associations d'élus, avant l'entrée en vigueur de cette nouvelle réglementation, prévue pour le 1er juillet prochain. Celle-ci aura pour objet de simplifier les règles de passation des marchés publics, de renforcer leur transparence et de faciliter l'accès des petites et moyennes entreprises à ces marchés.
Le Gouvernement a voulu donner aux communes les moyens financiers d'assumer pleinement leurs compétences. C'est d'abord grâce au retour de la croissance que ces moyens se sont accrus. Cette croissance a augmenté vos recettes fiscales et vous a permis d'alléger vos dépenses -notamment sociales- grâce à la diminution de trois points du taux de chômage. Les élections municipales de 2001 seront les premières, depuis 1971, à se dérouler dans un tel contexte de croissance durable et de recul massif du chômage.
Le Gouvernement a accompagné cette évolution positive d'une augmentation sans précédent des aides de l'État. En trois ans, le contrat de croissance et de solidarité conclu en 1998 aura permis aux collectivités locales de bénéficier de quatre milliards de francs de plus que ne leur aurait rapporté l'application de l'ancien pacte de stabilité -et encore ce chiffre ne prend-il pas en compte les abondements exceptionnels décidés depuis 1999, dont par exemple les 2 milliards 350 millions de francs au titre de la seule solidarité urbaine. La dotation globale de fonctionnement sera, elle, encore augmentée de 3,42 % en 2001.
Garant de la cohésion nationale, l'État veillera aussi à la progression des dotations assurant par la péréquation la solidarité nécessaire entre communes riches et communes moins favorisées.
Le Gouvernement a voulu, par des dotations financières, encourager l'intercommunalité. Par la loi du 12 juillet 1999, il a donné un nouvel élan à l'intercommunalité volontaire en simplifiant ses structures. En 2001, les communautés de communes, d'agglomération et les communautés urbaines auront plus de moyens pour assurer des services publics de qualité et de préparer leur avenir commun. Nous devrions alors compter plus de 80 communautés d'agglomération financées par l'État au titre de la DGF à hauteur d'1,2 milliard de francs.
Depuis 1997, le Gouvernement a conçu de nouveaux instruments pour aider les élus à accomplir leurs missions.
D'abord, le Gouvernement a souhaité soutenir les initiatives locales pour le développement des territoires. C'est l'objet de la loi d'orientation pour l'aménagement et le développement durable du territoire du 25 juin 1999, dont le décret d'application sur les pays a été publié en septembre 2000. Les deux derniers décrets sur les communautés d'agglomération et sur l'implantation territoriale des services publics le seront prochainement à leur tour.
Grâce à cette loi, vous pourrez, en liaison avec les acteurs sociaux et économiques locaux, bâtir une coopération fondée sur des projets de territoire. Cette coopération sera soutenue par l'État et les régions dans le cadre des volets territoriaux des contrats de plan. Dans ces contrats, 25 % des crédits de l'État seront orientés vers les chartes de pays et les contrats d'agglomération. Ils pourront être complétés par des crédits non contractualisés. Les 104 pays déjà reconnus, auxquels s'ajouteront une centaine d'autres en cours de constitution, bénéficieront de ce dispositif. Les premiers contrats d'agglomération seront conclus dans les prochaines semaines.
Le développement local suppose que les habitants et les entreprises puissent disposer de services publics accessibles et de qualité. La nécessaire présence de ces services dans les communes, en particulier en milieu rural, doit donc être prise en compte par les réformes. La loi relative aux droits des citoyens dans leurs relations avec l'administration va dans ce sens en promouvant les maisons de services publics. Le décret d'application de cette loi sera prochainement publié.
Il est indispensable que toute évolution dans l'implantation des administrations, des entreprises ou des organismes concourant à l'exécution du service public se fasse en concertation avec les élus et la population. Dans ce but, la loi du 25 juin 1999 et les décrets d'octobre 1999 mettent en place, sous l'égide des préfets, un dispositif qui permettra de programmer dans le temps ces évolutions en tenant compte des contextes locaux. Dans le cadre de la réforme de l'État, le Gouvernement est prêt à examiner avec les collectivités locales les conditions dans lesquelles, par un engagement commun, la présence des services publics sur les territoires pourra faire l'objet d'une programmation dans la durée.
Au premier rang de ces services vient le service public de la sécurité. Les contrats locaux de sécurité ont été lancés en 1997. Leur nombre s'élève maintenant à 447. Ce nombre élevé marque la volonté des maires de s'engager, dans le cadre d'un partenariat avec l'Etat, dans la lutte contre l'insécurité. Une action de concertation, menée au cas par cas selon la situation locale, est le gage de la réussite de cette démarche. Un suivi régulier et une adaptation constante aux besoins locaux, garantis par un dialogue permanent avec les habitants des communes, sont également nécessaires.
Pour concevoir le développement local d'une manière plus large, le Gouvernement prépare en outre la programmation à long terme des services publics. Après la signature des contrats de plan, neuf projets de schémas de services collectifs seront également soumis pour consultation aux régions d'ici le 15 avril 2001. Ces schémas s'inscrivent dans une politique de développement durable. Ils doivent permettre de satisfaire les besoins de la population, notamment en infrastructures de transport, dans les domaines de l'enseignement supérieur et de la recherche, de la santé, de la culture. Les préfets ont reçu instruction d'y associer le plus étroitement possible les associations départementales des maires et les conseils généraux qui sont compétents dans nombre des domaines évoqués. Ceux-ci ont d'ailleurs pu, dans une première phase de consultation, avancer leurs propositions.
Un de ces schémas est consacré aux nouvelles technologies de l'information et de la communication que vous avez évoquées, Monsieur le Président. Depuis plus de trois ans, ce domaine est une des priorités du Gouvernement. Je sais que les communes partagent cette volonté. En témoigne le programme de rattrapage des équipements scolaires, que l'État accompagne fortement. En réponse à l'attente des collectivités locales, l'assouplissement des possibilités d'intervention pour l'édification de réseaux à haut débit sera accentué dans le futur projet de loi sur la société de l'information. La couverture de l'ensemble de la population et des entreprises par les réseaux de communication sans fil est presque achevée. De nouveaux réseaux apparaissent déjà, avec la boucle locale radio. Grâce aux satellites, de nouveaux services proposés par les opérateurs seront rendus accessibles dans les prochaines années sur tout le territoire. Par ailleurs, le Gouvernement a décidé, lors du dernier Comité Interministériel pour la Société de l'Information, d'affecter trois milliards de francs supplémentaires à la lutte contre le fossé numérique. Cette somme sera consacrée à la généralisation de la formation à la micro-informatique et aux multimédias ainsi qu'au déploiement de 7.000 points d'accès publics à Internet dont 2.500 espaces publics numériques où une formation sera proposée au grand public. Les communes seront associées à ce programme.
Mesdames et Messieurs,
Depuis le mois de juin 1997, l'ensemble des mesures prises au profit des collectivités locales l'ont été dans le cadre établi par la grande réforme de décentralisation conduite, il y a près de vingt ans, par le ministre de l'Intérieur de l'époque, Gaston DEFFERRE, au nom du Gouvernement de Pierre MAUROY. Ces lois sont aujourd'hui reconnues par tous comme ayant permis une profonde modernisation de notre pays. Nous devons désormais aller plus loin afin que la République, dans l'unité, réponde mieux encore aux souhaits des élus et aux attentes des citoyens.
Nous devons engager une nouvelle étape de la décentralisation.
Elle sera citoyenne. Les maires seront parmi ses principaux acteurs. Les Français souhaitent être davantage associés à la préparation des choix qui les concernent. Ils veulent pouvoir clairement identifier les responsables publics, mieux comprendre l'utilisation qui est faite de leurs impôts et exercer un réel contrôle démocratique. Nous devons aussi répondre à leur attente d'un développement équilibré et solidaire du territoire national.
Le Gouvernement a demandé à une commission présidée par M. Pierre MAUROY, maire de Lille et ancien Premier ministre, de conduire une réflexion sur une nouvelle étape de la décentralisation. Au sein de cette commission, votre association était représentée par MM. Daniel HOEFFEL et Bernard POIGNANT. L'Association des maires des grandes villes, la Fédération des villes moyennes, l'Association des petites villes, l'Association des districts et communautés et la Fédération des maires ruraux y étaient également représentées par leurs présidents respectifs. De très grande qualité, le rapport de cette commission a été le fruit d'un travail largement consensuel. Il couvre tout le champ de l'action des collectivités locales. D'autres études ont également été produites. Je veux citer les réflexions de l'Institut de la Décentralisation, le rapport du Conseil Économique et Social rédigé par Madame BRUNET-LÉCHENAULT, et le rapport de la mission sénatoriale élaboré sous la direction de M. Jean-Paul DELEVOYE, votre président. Ces documents vont alimenter le travail de votre Congrès dont la décentralisation est le thème. Le Gouvernement sera attentif à vos propositions.
Cette nouvelle étape de la décentralisation sera en effet menée en concertation étroite avec l'ensemble des acteurs de la vie locale. Il ne peut y avoir de réforme viable de nos institutions locales sans l'engagement des élus qui la mettront en application, sans l'adhésion des fonctionnaires chargés d'exécuter leurs décisions et sans celle, bien sûr, de nos concitoyens. Chaque catégorie de collectivités territoriales -les communes, les départements et les régions- peut se prévaloir de son utilité. Leur légitimité est profondément enracinée dans la confiance des Français. Pour se pérenniser, cet enracinement suppose cependant plus de souplesse, de transparence et de coopération, plus de place laissée à l'initiative locale et à la diversité des situations.
C'est pourquoi le Gouvernement choisit la voie du réformisme institutionnel pour approfondir la démocratie citoyenne, clarifier les compétences de chacun et rénover l'ensemble des finances locales.
Le renforcement de la démocratie citoyenne sera notre priorité. Dès 2001, le Gouvernement soumettra au Parlement un projet de loi sur la démocratie locale. Son ambition sera de renforcer encore davantage le lien entre élus et citoyens. L'introduction dans les villes de plus de 20.000 habitants de conseils de quartier y concourra, conformément à ce que propose la Commission MAUROY. Le Gouvernement proposera aussi un ensemble de dispositions vous permettant de mieux associer la population à la préparation et à l'exécution des grandes décisions d'investissement dans les communes.
Ce projet de loi aura également pour but de faciliter l'accès des citoyens aux mandats locaux et la conciliation de la vie professionnelle et personnelle avec l'exercice d'un mandat. Nos élus doivent pouvoir bénéficier de davantage de crédits d'heures pour assurer les missions qui leur sont confiées et retrouver plus facilement un emploi à l'issue d'un mandat auquel ils se seront consacrés à plein temps. Il est également nécessaire de mieux prendre en compte dans le déroulement de leur carrière, au regard de leur protection sociale et de leur retraite future, l'activité qu'ils auront pu déployer dans le cadre de leur mandat. Les propositions que vos associations font en ce sens et qui rejoignent pour partie celles de la Commission MAUROY seront prises en compte.
L'élection au suffrage universel des conseils d'établissements publics de coopération intercommunale à fiscalité propre est maintenant reconnue comme juste et nécessaire par la plupart, au nom du principe de consentement à l'impôt. Cette mesure, ne pouvant entrer en vigueur dès 2001, devra être mise en oeuvre pour le renouvellement suivant. Elle ne nécessite donc pas un texte de loi immédiat. Elle se conjuguera avec une réforme plus vaste du scrutin départemental qui devra être soigneusement préparée avec les associations d'élus, loin de la contrainte des prochaines échéances électorales.
L'avenir des départements, la reconnaissance de leur rôle au service des habitants et dans la coordination des intercommunalités supposent en effet que les conseillers généraux, les futurs conseillers départementaux, représentent plus équitablement l'ensemble des populations.
Il faut clarifier les compétences de chaque collectivité. Les citoyens doivent savoir précisément qui -de l'Etat, des régions, des départements ou des communes- fait quoi, qui pilote tel projet. Le retour au principe des blocs de compétence est nécessaire. Il ne doit pas exclure la possibilité de délégation, dans la clarté, de compétences entre collectivités. Dans le cas de projets associant plusieurs collectivités, la désignation d'une collectivité chef de file est opportune. De même, il faudra organiser une conférence régionale des exécutifs, afin de coordonner la programmation des investissements.
De nouveaux transferts de compétences devront intervenir à partir des propositions de la Commission MAUROY. Dans certains cas, il s'agira de compléter les lois existantes. Dans d'autres, il nous faudra tenir compte du coût et de l'impact de ces nouveaux transferts sur le statut des agents. Le recours à l'expérimentation, grâce aux collectivités qui se porteront candidates, permettra de mesurer l'ensemble des conséquences d'un transfert avant de le généraliser. Cette méthode expérimentale sera largement utilisée.
En ce qui concerne les services d'incendie et de secours, la loi de 1996 n'a pas atteint ses objectifs ; elle est source de confusions et de litiges. Elle doit être révisée dès l'année prochaine, notamment en matière de financement, afin d'approfondir la départementalisation et de donner aux conseils généraux une place pleine et entière.
Je tiens toutefois à rappeler que le Gouvernement n'est pas favorable à une décentralisation des compétences en matière de sécurité. Même si l'engagement des élus dans ce domaine est bienvenu, on ne saurait accepter que le caractère national de la police et de la gendarmerie soit remis en cause.
Dès 2001, le Gouvernement travaillera également à un projet de loi sur l'action économique des collectivités locales. Celui-ci permettra de favoriser l'emploi, notamment dans les secteurs ruraux, en proposant des outils simples et clairs de soutien aux entreprises. De nouveaux décrets seront publiés dans les prochaines semaines sur le régime des aides à finalité régionale. Ils mettront en conformité notre droit avec la réglementation communautaire et faciliteront l'intervention des collectivités locales, dont les communes, dans la création et le développement de petites et moyennes entreprises sur leur territoire.
Une refonte d'ensemble de notre système de financement des collectivités locales est également nécessaire. Il faut clarifier ce système pour atteindre trois objectifs.
Le premier est de permettre aux collectivités de disposer de ressources stables et d'une marge de manuvre suffisante en matière fiscale pour qu'elles aient les moyens d'assumer leurs responsabilités face aux contribuables, tout en menant à bien leurs politiques locales. Afficher un pourcentage théorique de recettes fiscales défavoriserait les collectivités plus modestes. Il faut veiller à l'assiette des ressources des collectivités locales, afin qu'elles soient plus justes et plus favorables à l'emploi, donc mieux comprises et mieux acceptées par les contribuables. Il ne faut pas que le débat sur l'autonomie fiscale devienne un faux débat. Il est clair que les recettes issues de l'augmentation des dotations de l'État ont crû plus vite que celles issues de relèvements des taux d'imposition locaux.
Vous avez raison de vous féliciter, pour la plupart d'entre vous, de votre modération fiscale. C'est bien cet objectif d'une baisse des impôts qui a motivé les réformes récemment intervenues en matière de finances locales. Suppression de la part salariale de la taxe professionnelle, suppression de la part régionale de la taxe d'habitation, suppression de la vignette ou baisse des droits de mutation en matière immobilière : ces décisions ont été bien accueillies par les contribuables, de même que les allégements de la CSG, de la TVA, de l'impôt sur le revenu et de la fiscalité pétrolière.
Le deuxième objectif de la réforme des finances locales est d'accentuer la péréquation. Nous devons en effet veiller à réduire l'écart entre collectivités riches et pauvres. Cet écart risque de conduire à l'inégalité des citoyens devant le service public. Il faut organiser la solidarité entre les territoires. L'État jouera son rôle de garant de la cohésion nationale en redéfinissant les critères de répartition des dotations.
Troisième objectif, la part réservée aux regroupements de communes dans la dotation globale de fonctionnement devra être accrue pour poursuivre la coopération institutionnelle déjà engagée. Cette coopération devra d'ailleurs s'étendre aux départements et aux régions.
La mise en uvre d'une réforme d'ensemble des finances locales suppose un travail approfondi. Il mettra en uvre des simulations sur les transferts de charge et l'impact financier des mesures prévues. Il permettra de vérifier leur équité et leur efficacité dans le temps. Ainsi, par exemple, la spécialisation des impôts proposée par la Commission MAUROY ne doit pas aboutir à des transferts de charges insupportables entre contribuables et entre collectivités. C'est pourquoi il faut explorer toutes les pistes, comme la refonte totale des assiettes des impôts locaux en vue de leur spécialisation, ou l'attribution d'une part d'un impôt national. Un premier rapport d'orientation sur cette réforme des finances locales sera remis au Parlement avant la fin de l'année prochaine par le ministre de l'Intérieur, Daniel VAILLANT, et le ministre de l'Économie, des Finances et de l'Industrie, Laurent FABIUS. Daniel VAILLANT vous associera à ces travaux. Dans l'attente de la réforme, le contrat de croissance et de solidarité sera reconduit pour une année supplémentaire.
Mesdames et Messieurs,
Ces trois lignes directrices - renforcement de la démocratie citoyenne, clarification des compétences, refonte des finances locales - structureront le débat d'orientation générale que le Gouvernement proposera au Parlement en janvier 2001. Elles seront également discutées lors de la concertation avec l'ensemble des acteurs locaux que le ministre de l'Intérieur, Daniel VAILLANT, conduira ensuite à propos des différentes mesures envisagées.
Cette nouvelle étape de la décentralisation s'inscrit dans la continuité de la grande réforme de 1982. Elle renforcera les liens entre élus et citoyens. Elle vous permettra de mieux assurer encore vos missions. Le Gouvernement sait qu'il peut compter sur vous pour contribuer à la réflexion nationale sur l'approfondissement de la démocratie locale. La qualité de votre Congrès en témoigne. Il sait également qu'il peut avoir confiance en vous pour mettre en uvre les réformes adoptées. C'est ensemble que nous allons engager cette nouvelle étape de la décentralisation. C'est ensemble, ainsi, que nous renforcerons la République.
(Source http://www.premier-ministre.gouv.fr, le 22 novembre 2000)