Allocution de M. Philippe Douste-Blazy, ministre des affaires étrangères, sur l'action du ministère des affaires étrangères pour la sécurité des personnes, la prévention et la gestion des crises, ainsi qu'en direction des Français à l'étranger et sur les réformes engagées pour asseoir une diplomatie d'influence dans le monde.

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Circonstance : Troisième session de l'Assemblée des Français de l'étranger à Paris le 5 septembre 2005

Texte intégral

Mesdames et Messieurs les Sénateurs,
Mesdames et Messieurs les Conseillers,
Mesdames et Messieurs les Présidents, les Directeurs,
Mesdames et Messieurs,
Chers Amis,
Madame la Députée,
Je voudrais tout d'abord vous dire tout le plaisir que j'ai à vous recevoir au Palais des Affaires étrangères et à ouvrir les travaux de votre assemblée. Cette Maison est un peu aussi la vôtre, puisque à l'image de l'administration que j'ai l'honneur de diriger, vous contribuez, chacun d'entre vous, sur le terrain de vos circonscriptions, à ce que la France et son action soient mieux comprises, mieux mises en valeur, mieux relayées auprès des opinions publiques et surtout auprès des responsables à l'étranger.
Plus de deux millions de nos concitoyens vivent et travaillent actuellement hors de France. Tout autant que notre art de vivre ou nos grandes réalisations technologiques, ces hommes et ces femmes font vivre au quotidien, par la richesse de leurs talents et leur dynamisme, la stratégie d'influence que j'appelle de mes vux pour notre pays. Nous avions, il y a quelques semaines ici, une grande discussion avec les 42 plus grands chefs d'entreprise français dans la région Asie-Océanie et je leur exprimais mon souhait de passer d'une diplomatie de rayonnement, et dieu sait si elle est importante surtout pour la France, à une diplomatie d'influence dans un monde globalisé. Je dirais que ces Françaises et ces Français qui vivent en dehors de nos frontières donnent le vrai visage de la France, comme l'a fort bien montré cet été la série du Figaro.
Vous êtes les mieux placés pour le savoir, le ministère des Affaires étrangères se mobilise chaque jour pour accompagner, soutenir et assister la communauté de nos compatriotes à l'étranger. Il est d'ailleurs révélateur que, pour la première fois, son rapport d'activité s'ouvre cette année sur les Français à l'étranger et les étrangers en France. C'est la première fois, je crois, Monsieur le Directeur.
Avant d'aller plus loin, je voudrais bien sûr saluer la mémoire des anciens membres de cette Assemblée qui nous ont quittés au cours de ces douze derniers mois. Je souhaite enfin la bienvenue aux nouveaux conseillers qui nous ont rejoints depuis l'an dernier.
Je commencerai en tout premier lieu par évoquer les questions liées à la sécurité qui sont, hélas, devenues un sujet de préoccupation prioritaire et constant.
Reconnaissons-le : peu d'années auront été aussi éprouvantes sur le front de la sécurité que celle qui vient de s'écouler.
La recrudescence de la menace terroriste, qui a frappé au Caire, à Charm el-Cheikh, à Madrid, à Londres, nous impose de relever de nouveaux défis. Les catastrophes liées à l'environnement se multiplient, entraînant de nouveaux drames humains et humanitaires, comme l'ont montré le raz-de-marée dans l'océan Indien, qui a emporté 95 de nos compatriotes, ou actuellement la tragédie que traversent la Nouvelle-Orléans et tout le Sud des Etats-Unis. Et puis la situation en Côte d'Ivoire a forcé au départ un grand nombre de nos compatriotes, sans oublier la catastrophe aérienne de Maracaibo, où plus de 150 Français de la Martinique ont péri. Mesdames et Messieurs, beaucoup de signes laissent donc percevoir une certaine montée de la violence de toutes natures auxquels sont confrontés nos compatriotes vivant ou se déplaçant à l'étranger. Le monde dans lequel nous vivons est donc devenu moins sûr, c'est un fait objectif qu'il nous faut reconnaître. Il est donc légitime que nos ressortissants à l'étranger manifestent leur souhait de voir toujours mieux pris en compte l'impératif de sécurité.
Tous, nous avons aussi naturellement en mémoire les prises d'otage longues et éprouvantes de Christian Chesnot, Georges Malbrunot et Florence Aubenas, ainsi que l'enlèvement de Mohamed Ouathi à Gaza, le preneur de son de France 3, le 14 août dernier, qui a été heureusement libéré huit jours plus tard. Et je pense bien sûr, au moment où je vous parle, à Ingrid Betancourt.
Le bilan de l'année écoulée est terrible, puisque l'on recense à ce jour 420 Français décédés de mort violente à l'étranger, dont 8 victimes d'attentats, 25 d'actes de violence, 140 d'accidents de circulation et 152 de catastrophe aérienne.
Prévenir, assister, secourir nos compatriotes partout dans le monde est plus que jamais une priorité de notre action. Pour être médecin et pour avoir été ministre de la Santé, je sais ce que signifie une mission humanitaire ou une gestion de crise. Cela a été ma vie pendant quinze ans.
Aussi, je voudrais saisir cette occasion pour rappeler et saluer le rôle joué par la direction des Français à l'étranger et des étrangers en France, son engagement efficace et permanent pour faire face à ces événements.
Je voudrais remercier celles et ceux d'entre vous qui, chaque fois que la situation l'exige, n'hésitent pas à se rendre disponibles pour rejoindre ici, au premier étage, la cellule de crise du quai d'Orsay et venir au secours des familles, ou pour aller accueillir des compatriotes aux aéroports. J'ai été frappé à trois reprises, en l'espace d'une heure et demie, de voir des centaines de personnes téléphoner pour dire "je suis là". Et, tant qu'on ne sait pas ce qu'est le coup de téléphone d'une mère ici à la cellule de crise, qui sait que son enfant est dans un vol, qui veut savoir s'il est ou pas dans ce vol, qu'on ne peut pas le lui dire parce qu'on n'a pas les listes, la manière de répondre est une manière importante. Il ne faut pas sous-estimer, dans cette Maison, le caractère psychologique de l'accueil des personnes en détresse lorsqu'elles se posent des questions, lorsque tout bascule en une minute, une seconde ; nos vies basculent parce que la vie de ceux que nous aimons bascule. Nous avons des progrès à faire. D'ailleurs, nous sommes en train de regarder à la loupe ce qui s'est passé dans cette Maison durant le tsunami, comment nous avons réagi, ce que nous avons fait de bien, ce que nous avons fait de mal, ce que nous n'avons pas su faire, pour améliorer la réceptivité et la réactivité à ces catastrophes.
Et donc, Mesdames et Messieurs, face à ces risques, face à ces menaces multiples et durables, trois maîtres-mots doivent inspirer et guider notre action : la vigilance, la mobilisation et, bien sûr, notre sens, notre volonté, notre détermination de réformer.
Vigilance : elle doit être de chaque instant et dans tous les domaines où la sécurité de nos ressortissants peut être affectée. Je veux en particulier qu'une attention accrue soit portée à la prévention du risque sanitaire, en liaison avec tous les services de l'Etat concernés comme les opérateurs privés. Je travaille actuellement de très près dans la Maison, personnellement, sur la grippe aviaire. Je crois qu'il est important que les Français qui sont en l'étranger, en particulier dans les zones les plus touchées, je pense bien sûr à l'Asie, puissent être les premiers à obtenir du tamiflue, les premiers à être vaccinés, les premiers à avoir une administration qui s'occupe d'eux.
Mobilisation : vous pouvez compter, vous le savez, sur l'engagement généreux de tous ceux, à l'administration centrale comme dans les ambassades et les consulats, dont la mission est d'assurer la sécurité et la protection de nos compatriotes, parfois d'ailleurs au péril de leur vie.
Mais, comme l'ont montré les situations de crise en Côte d'Ivoire ou en Asie du Sud-Est, la mobilisation doit s'étendre au-delà des seules forces du ministère des Affaires étrangères pour apporter un soutien organisé aux victimes. La pleine efficacité de notre action repose sur une coopération étroite avec les autres ministères, avec les forces des réseaux associatifs comme la Croix-Rouge et, de plus en plus, sur le concours coordonné de nos partenaires européens.
Et puis des réformes. Ces réformes sont nécessaires pour acquérir un véritable niveau d'expertise qui soit à la mesure des menaces et des crises auxquelles nous sommes confrontées.
Certaines de ces réformes sont déjà sur la bonne voie :
- c'est tout d'abord la création de missions de soutien en situation de crise qui viennent renforcer nos postes, comme ce fut le cas récemment avec beaucoup d'efficacité d'ailleurs à Maracaibo, au Venezuela ;
- c'est la conclusion d'une convention avec RFI, pour faciliter la diffusion des messages de sécurité à nos ressortissants en temps de crise ;
- c'est aussi la réorganisation de la sous-direction de la Sécurité et de la Protection des personnes, qui distinguera désormais ce qui relève de la sécurité de ce qui relève de l'action sociale.
D'autres réformes vont être menées par mes soins pour adapter nos outils de gestion de crise à des catastrophes de grande ampleur, et soyez en assurés, elles seront menées à terme. C'est tout ce ministère qui est engagé aujourd'hui dans un processus d'excellence, pour qu'après chaque situation d'urgence, nous soyons capables de tirer de nouveaux enseignements, que nous expérimentions de nouvelles méthodes, pour au final gagner en expertise sur l'ensemble des niveaux d'action qui font la prévention et la gestion de crise.
- Tel est d'ailleurs le sens de la vaste révision des procédures de gestion de crise que nous avons lancée. L'expérience montre que nous devons améliorer notre capacité à projeter à tout moment n'importe où dans le monde des antennes consulaires qui soient immédiatement efficaces. Nos agents doivent être formés et rendus disponibles pour répondre à cette exigence nouvelle, et il ne fait pas de doute que nous en ayons toutes les capacités humaines et matérielles.
- Autre réforme à laquelle je tiens tout particulièrement, c'est une plus grande professionnalisation de la veille sanitaire : dès les prochaines semaines, une cellule consacrée aux risques liés à la santé sera mise en place au sein de la cellule de veille, grâce notamment au recrutement d'un médecin.
- Enfin, avant la fin de l'automne, nous aurons réussi à finaliser l'externalisation d'une partie de la réponse téléphonique en période de crise. Il est important que la cellule de crise du ministère se concentre sur ses missions fondamentales que sont la coordination et le soutien aux victimes.
Sur le terrain de la coopération européenne, nous devons aller plus loin dans la mutualisation de nos moyens. Le constat que nous avions dressé au lendemain de la guerre en Irak est plus que jamais d'actualité : l'Europe manque de véritables structures de veille et de gestion de crise. Nous ne sommes pas, sur ce point, à la hauteur des défis que nous rencontrons, ni de la solidarité que nous mettons en exergue.
Si l'union fait la force, il nous faut alors être plus ambitieux pour la sécurité des ressortissants européens à l'étranger, en commençant par aller plus loin dans la mutualisation de nos capacités d'assistance et de secours. Soyez assurés que dans les prochaines semaines, je ne manquerai pas d'aborder ce sujet avec nos partenaires européens. Et à commencer par cette idée : mettre en place une force d'action rapide humanitaire, mettre en place une force d'action rapide en terme de protection civile. Pourquoi n'aurions-nous pas, nous Européens, quatre A400M - vous connaissez ce nouvel avion européen d'Airbus - qui permettront de mener les nouvelles guerres, c'est-à-dire les nouvelles guerres qui permettent d'agresser immédiatement d'ici des forces militaires à 1 000, 2 000, 3 000, 10 000 kilomètres d'ici. C'est cela les nouveaux enjeux.
Lorsque le tsunami se déclenche, que le ministre des Affaires étrangères de France se déplace le premier à Phuket et ailleurs, lorsque M. Louis Michel, commissaire européen, se déplace immédiatement et fait le tour de l'Indonésie, du Sri Lanka et de l'Inde, et que, sur toutes les télévisions du monde entier, 24 heures après, on ne voit que les avions américains sur tous les tarmacs de tous les aéroports d'Indonésie et du Sri Lanka, le problème de l'image de l'Europe est majeur. Nous n'avons pas le droit de ne pas comprendre qu'au-delà même de l'aide que nous pouvons apporter à nos ressortissants, il y a là une bagarre de l'image, de la communication de l'action concrète sur des images d'émotion. Et lorsque j'ai vu Condoleezza Rice, il y a très peu de temps aux Etats-Unis, elle m'a dit "Regarde ce sondage", le sondage sur l'image des Etats-Unis d'Amérique en Indonésie - l'Indonésie, pays musulman, le plus grand pays musulman du monde, avec plus de 200 millions d'habitants - avant le tsunami, et l'image que les Etats-Unis ont en Indonésie après le tsunami, il y a une différence de 40 % dans les images positives. Je ne dis pas qu'il faut faire de l'humanitaire pour cela, je dis que cela fait partie aussi de la dimension d'influence d'une diplomatie.
Lorsque je dis "il ne faut pas laisser les pays du Sud mourir tous du sida, de la tuberculose et de la malaria", je ne dis pas que les pays du Nord doivent payer pour eux passivement, je dis que ceux qui auront demain l'idée de se grouper pour faire passer le prix d'un traitement anti-sida de 14 000 dollars par malade et par an, ce qui est le cas aujourd'hui aux Etats-Unis ou en Europe, à 150 dollars par malade et par an, devront pour cela tout simplement créer une centrale d'achat et faire baisser les génériques chinois, indiens et d'Afrique du Sud. Aujourd'hui, c'est possible. Ceux qui font cela sauvent bien évidemment des centaines de milliers de personnes mais se rapprochent aussi de ces pays-là parce qu'ils sauvent ces personnes. La capacité, notre capacité d'influencer le monde par l'intermédiaire d'actions comme celles-là est majeure. Le président Bush ne s'y est d'ailleurs pas trompé récemment.
Le deuxième enjeu, le deuxième objectif que je veux évoquer devant vous, c'est l'enseignement du français à l'étranger et notre réseau scolaire, qui est l'un de nos plus précieux atouts.
Au début du mois de juillet, j'ai voulu que soit organisé un déjeuner de travail avec de grands patrons français sur l'Asie et l'Océanie. Ils m'ont tous dit combien, dans cette région du monde, le maillage de notre réseau et le captage des élites locales sont des atouts stratégiques décisifs pour l'influence de nos idées et bien sûr, à terme, pour notre présence commerciale.
J'ai été très impressionné par une partie du dernier livre d'Alain Minc, quand il dit "les Etats-Unis aujourd'hui ce n'est pas un pays, c'est un pays-monde". Que veut-il dire par là ? Il veut dire par là d'abord qu'il y a une émigration asiatique et hispanique telle qu'il pense qu'un des prochains présidents des Etats-Unis, dans les quinze ans, sera hispanique puis asiatique. Mais ce n'est pas pour cela que je dis cela. Il dit cela parce que à Yale, à Harvard, à UCLA, dans ces universités américaines, aujourd'hui il y a des Américains, mais il y a aussi toutes les jeunes élites du monde. Et, lorsque vous avez 18 ans et que vous êtes diplômé d'Harvard, pendant 40 ans, 50 ans, vous allez être dans les anciens d'Harvard, et les anciens d'Harvard, vous avez compris, c'est très fort. Et un d'entre eux sera un jour patron de la Banque Lazard ou patron de la Société générale ou ministre de l'Economie et des Finances du Sri Lanka ou patron du FMI ou patron de la Banque mondiale. Et le jour où il faudra faire un emprunt, ce sera plutôt dans la banque dirigée par un des anciens. C'est majeur, ne vous trompez pas, dans le monde mondialisé d'aujourd'hui, cette capacité d'influence à entrer immédiatement dans le cerveau des enfants à l'âge de dix ans, c'est majeur.
Et nous avons à nous battre aussi bien sûr sur la langue, mais plus que sur la langue, sur notre manière de voir le monde, notre manière de défense nos valeurs. La France, ce n'est pas un autre pays, c'est la France.
C'est la raison pour laquelle je me bats aux côtés du président de la République - c'est l'occasion pour moi de le saluer et de vous dire qu'il va très très bien ; je suis d'ailleurs très frappé, presque choqué par certains qui disent aujourd'hui "on nous cache quelque chose", mais justement non, on ne cache rien, le président va très bien, c'est un tout petit accident au niveau d'une toute petite artère de l'oeil -, je suis derrière lui évidemment pour tous les sujets mais sur un en particulier qui m'intéresse beaucoup, c'est la chaîne de télévision internationale. Pourquoi ? Parce que nous devons expliquer au monde notre vision. Lorsque le Premier ministre, précédemment ministre des Affaires étrangères, se rend à l'ONU et prononce son discours, il ne faut pas qu'il n'y ait que CNN pour expliquer ce qu'il a dit, car je ne suis pas sûr que ce soit parfaitement objectif. C'est important que nous ayons notre capacité d'influence.
Et puis nous devons aussi avoir une réflexion sur l'audiovisuel en général. Aujourd'hui, l'audiovisuel est évidemment majeur, parce que, en moyenne, les enfants regardent sur la planète trois heures et demie de télévision par jour. Or, la télévision était avant hertzienne, elle est aujourd'hui de plus en plus satellitaire. Cela veut dire quoi ? Cela veut dire qu'il y a un petit satellite géostationnaire qui tourne en même temps que la Terre. Et donc, quand il est au-dessus de l'Australie, il arrose l'Australie, lorsqu'il est au-dessus de l'Afrique, il arrose l'Afrique, lorsqu'il est au-dessus de l'Asie, etc... Qui, aujourd'hui, Mes Chers Amis, peut acheter des satellites géostationnaires ? Quels sont les chefs d'entreprise de télévision qui peuvent s'acheter un satellite géostationnaire ? Je vais vous le dire : M. Rupert Murdoch, australo-américain, M. Disney, M. Turner, et peut-être un autre Américain.
Ce qui fait qu'aujourd'hui, sur tous les satellites géostationnaires, au-dessus de tous les continents du monde, vous avez des images, des fictions, des émissions qui sont américaines, même si elles parlent dans une autre langue, ce qui n'est pas le sujet. Et c'est comme cela que, quand j'étais député et maire de Lourdes, un jour je vois un de mes amis, juge d'instruction à Tarbes et qui me dit "c'est effrayant : aujourd'hui les jeunes délinquants, quand ils me regardent, ils commencent en disant "Votre Honneur", comme dans les feuilletons américains. Lorsque les policiers arrêtent aujourd'hui quelque part ou font une perquisition, les gens leurs disent "est-ce que vous avez un mandat ?" et non, en France, cela ne marche pas comme cela." Ne vous trompez pas sur cela, c'est effrayant, parce que c'est plus fort que tout, c'est la culture, c'est la civilisation, ce sont les valeurs, les lois ; à dix ans, ça porte, à quinze ans, ça porte, et après vous l'avez.
Un des plus grands chefs d'entreprise du monde, sinon "le" plus grand chef d'entreprise du monde dans le domaine du luxe, qui est bien sûr français et dont le prénom commence par B et le nom par A, me dit l'autre jour "Philippe, on a eu un problème : au Japon, notre principal parfum marchait de manière extraordinaire, et puis en l'espace de quatre mois il chute, il perd 60 % de part de marché. On appelle le directeur des magasins, de la distribution, qui ne comprend pas, on appelle le patron du marketing qui ne comprend pas, on finit par tomber sur le directeur Japon qui ne comprend pas, le directeur Asie, ça commence à chauffer, on dit "ce n'est pas possible, on ne peut pas continuer comme cela" ; et puis, au bout de six mois, une jeune femme de l'entreprise qui travaillait au Japon dit "j'ai trouvé" : la principale héroïne du principal feuilleton vu par 80 % des Japonaises avait ce parfum, mais, à un moment donné, elle l'a jeté et elle en a pris un autre." Et aujourd'hui, dans les fictions, vous regarderez de plus près et vous verrez que parfois il y a des marques. Et la nouvelle compétition économique est là, James Bond n'a plus d'Aston Martin, il a une BMW, et je peux vous dire que c'est très cher pour BMW d'avoir fait changer la voiture de James Bond.
C'est aussi de la diplomatie d'influence et nous aurions intérêt à regrouper des groupes industriels de télévision européens, voire latins, pour, nous aussi, pouvoir acheter des satellites géostationnaires. En Afrique aujourd'hui, ce sont des fictions américaines qui sont déversées par les satellites géostationnaires.
Donc, je reviens sur le réseau. C'est dans ce sens qu'il nous faut poursuivre. Le réseau des établissements d'enseignement français à l'étranger - tout cela ne forme qu'un, croyez-moi - est un outil d'avenir, et il est l'affaire de tous. Je sais l'attention et l'attachement que vous lui portez. Je ferai tout pour que l'Etat continue de jouer son rôle, tout son rôle, pour maintenir l'élan qui a été donné, et ce en dépit d'une forte contrainte budgétaire.
Des objectifs ambitieux ont été fixés il y a trois ans à l'Agence pour l'enseignement français à l'étranger, pour assurer dans la durée un développement maîtrisé de notre réseau et définir surtout une politique pédagogique nouvelle.
Ces objectifs ont été atteints. L'Agence s'est dotée d'un plan d'orientation stratégique qui fixe les grands objectifs de son action à l'horizon 2007. Elle a consolidé sa stabilité budgétaire. Elle a reconstitué son fonds de réserve. Des fonds nécessaires à l'achat de terrains ont été réunis, et j'ai souhaité les multiplier par deux, pour que de nouveaux établissements scolaires voient le jour. Nous aurons, Monsieur le Directeur, une réunion très bientôt pour que des terrains soient trouvés.
Mais notre réseau a également été remodelé et adapté :
- Les déconventionnements nécessaires, notamment en Espagne, ont été réalisés, et de nouveaux conventionnements ont été mis en uvre en Europe centrale et orientale, à Zagreb et Saint-Petersbourg.
- Des plans d'économie, acceptés par la communauté scolaire, ont été mis en place : ils ont permis à notre réseau de bénéficier de redéploiements qui lui étaient indispensables.
- Dans le même temps, et en dépit de la fermeture de certains établissements, la progression des effectifs d'élèves s'est confirmée.
L'Agence est aujourd'hui en mesure de faire de notre réseau d'établissements scolaires un véritable instrument de projection et d'influence de notre pays. C'est la raison pour laquelle je vous ai raconté cela tout à l'heure, ce n'est pas uniquement le français pour le français, c'est le français pour des valeurs, le français pour un rayonnement et pour une influence.
Dans le monde ouvert et interdépendant où nous vivons, ma conviction est qu'il s'agit là d'une exigence fondamentale. Plusieurs rapports sont venus éclairer ces orientations et proposer des voies nouvelles, et je sais combien vous tous, Mesdames et Messieurs les Sénateurs et Conseillers de l'AFE, y avez contribué. Je voudrais vous en remercier très sincèrement.
Je voudrais saluer à cette occasion le travail effectué par le sénateur André Ferrand. Vous connaissez les orientations principales de ce texte, et je n'y reviens pas. Je veux cependant vous annoncer que nous avons décidé, avec mon collègue Gilles de Robien, de confier à un haut fonctionnaire la mission de suivi de mise en uvre de ce rapport. Il se trouve que je connais ce haut fonctionnaire, que j'en réponds pour son sérieux, pour sa droiture, pour sa motivation, c'est François Perret, doyen de l'inspection générale au ministère de l'Education nationale et de l'Enseignement supérieur, qui a été choisi pour faire ce travail indispensable.
Un dernier mot, enfin, concernant ce chapitre du réseau scolaire, sur les contraintes budgétaires qui sont les nôtres pour l'année 2006. L'Etat continuera de jouer tout son rôle, mais il ne pourra le faire que dans le cadre d'un budget restreint qui ne permettra pas d'allouer à l'agence une subvention aussi élevée que nous aurions pu le souhaiter.
Aussi avons-nous retenu deux mesures pour aller jusqu'au bout de l'élan qui a été donné.
Tout d'abord, l'AEFE sera autorisée en 2006 à prélever des moyens complémentaires sur son fonds de roulement. Les circonstances sont exceptionnelles, et les réserves qui ont été reconstituées permettent à l'agence d'opérer un prélèvement sans prendre aucun risque en termes de stabilité financière.
Par ailleurs, et pour éviter que l'agence se voie transférer une charge immobilière plus lourde que ses moyens d'intervention ne lui permettent, c'est de façon progressive et sur plusieurs années que le ministère des Affaires étrangères remettra en dotation à l'AEFE les immeubles des établissements scolaires en gestion directe qu'elle doit recevoir.
Ces aménagements permettront à l'agence de passer un cap budgétaire serré en préservant tant l'équilibre financier du réseau que les principales priorités de l'agence.
L'effort mené en faveur de l'aide scolaire aux jeunes Français doit être poursuivi. Je suis, tout comme vous, très attaché à ce que le système de bourse soit consolidé et que nous continuions de soutenir, résolument, les Français qui n'ont pas les ressources financières pour scolariser leurs enfants dans nos établissements. Tout cela fait partie des principes d'une égalité républicaine bien comprise.
Notre troisième objectif, c'est la consolidation de l'action sociale en faveur de nos ressortissants à l'étranger.
Dans un monde plus incertain et plus dangereux que jamais, il est de notre devoir de réaffirmer notre solidarité vis-à-vis de nos compatriotes les plus démunis et défavorisés.
D'importants efforts, reconnaissons-le, ont été accomplis ces derniers mois :
- Les allocations pour "enfants handicapés" ont été revalorisées ;
- La situation des enfants en détresse fait maintenant l'objet d'une vraie prise en charge, que les besoins soient d'ordre médical, psychologique ou alimentaire.
- Plus de 1.580 personnes bénéficient aujourd'hui de l'allocation "handicapé".
Cet effort devra être poursuivi, afin de réduire encore davantage l'écart de traitement, en matière d'aide sociale, entre les Français résidant en France et les Français établis à l'étranger. Cet objectif, fixé en 2002 par Jean-Pierre Raffarin, reste le nôtre. Il est fondamental que les crédits du Fonds d'action sociale permettent de répondre efficacement aux besoins d'assistance de nos compatriotes. Nous devons aussi être capables de mobiliser des crédits dans l'urgence, afin que nos consulats aient tous les moyens de faire face aux conséquences sociales des crises - je pense au raz-de-marée en Asie du Sud-Est, mais aussi aux pèlerins français bloqués à Djeddah.
Un dispositif d'aide sociale durable, plus équitable et plus dynamique, cela signifie aussi mieux adapter ce dispositif aux situations individuelles et aux conditions de vie locale.
C'est pourquoi il est important que nos postes consulaires apprennent à être davantage responsabilisés à la gestion de leur aide sociale. Les actions engagées, comme vous le savez, vont dans ce sens : l'expérience d'autonomie des Comités consulaires pour l'action et la protection sociale (CCPAS) menée dans quinze consulats l'an passé, a été étendue en 2005 à sept postes supplémentaires. Bien entendu, cette plus grande autonomie des postes consulaires devra aussi s'accompagner d'un contrôle de gestion plus efficace, tant dans les postes qu'à l'administration centrale.
Le quatrième enjeu que je veux aborder devant vous est complexe et sensible, c'est celui de l'adoption internationale.
La réforme décidée en 2004 et la création de l'Agence française de l'adoption, que j'ai fait examiner par le Parlement comme ministre de la Santé et des Affaires sociales, sont largement engagées depuis la loi du 4 juillet dernier.
Je sais que les Sénateurs représentant les Français établis hors de France se sont tout particulièrement impliqués dans cette réforme qui facilitera le travail de tous, et améliorera les conditions dans lesquelles les familles adoptantes reçoivent l'aide dont elles ont besoin. Je veux les en remercier très chaleureusement.
4.079 enfants étrangers ont été adoptés en 2004.
Ce chiffre est le plus élevé jamais enregistré depuis la création de la Mission de l'adoption internationale (MAI) en 1987, et représente plus de 80 % de l'ensemble des adoptions en France. Il témoigne, si besoin était, des formidables efforts accomplis par les services des Affaires étrangères en faveur de l'adoption et de l'aide aux familles, en France comme dans les pays d'accueil.
Très bientôt, l'accueil du public et surtout l'accompagnement individuel des candidats à l'adoption seront pris en charge par une nouvelle institution, que nous avons souhaitée, que j'ai voulue, la nouvelle Agence française de l'adoption. Quant à la MAI, elle deviendra le secrétariat de l'Autorité centrale française pour l'adoption internationale, elle conservera son rôle pour tout ce qui concerne les relations avec les autorités étrangères, le contrôle des organismes agréés et la délivrance des visas, bref, l'application de la convention de La Haye. C'est d'ailleurs pour cette raison que ce nouveau secrétariat restera placé sous l'autorité du ministre des Affaires étrangères, au sein de la DFAE.
Des milliers de familles françaises attendent de pouvoir adopter un enfant à l'étranger. Elles méritent notre soutien constant, proche, attentif. La réforme doit donc maintenant entrer rapidement en application, et je ferai tout ce qui est en mon pouvoir, soyez-en assurés, pour faciliter l'ouverture de l'Agence nationale de l'adoption dans les meilleurs délais. Vous avez à jouer un rôle important dans ce domaine de l'adoption. Il y a souvent, dans le problème de l'adoption, une méconnaissance du caractère psychologique de la personne qui se déplace et qui va attendre un enfant, c'est un moment que l'on ne comprend pas toujours lorsque l'on a ses propres enfants, mais c'est un moment d'émotion majeur, et dans les moments d'émotion majeurs, nous sommes fragiles. Et donc, nous nous devons d'être là au contact de ces personnes à ces moments-là.
Cinquième et dernier point que je souhaitais évoquer devant vous aujourd'hui : pour mener à bien notre action publique au service des Français de l'étranger, nous avons besoin d'un outil diplomatique et d'un service public consulaire modernisés. Nous sommes le service public.
Cette modernisation est un défi majeur pour les années à venir, mais c'est aussi une réalité que sommes en train d'édifier avec vous chaque jour davantage.
Nous le faisons avec la volonté d'offrir un service d'intérêt général de qualité croissante à nos compatriotes. Pour cela, nous devons faciliter et surtout simplifier les procédures et la délivrance des actes nécessaires à leur vie quotidienne, ce qui signifie en particulier mieux développer l'administration électronique. Ces simplifications vont aussi dans le sens d'un allégement des tâches fastidieuses ; elles améliorent sans cesse les conditions de travail de nos agents.
Ce travail de réforme sera poursuivi, résolument, avec l'objectif d'être plus proches des Français qui en ont le plus besoin : les personnes âgées, les handicapés, les enfants en difficulté, et tous ceux qui sont confrontés à de graves difficultés dans le pays dans lequel ils vivent.
Deux opérations fondamentales sont engagées : la création du registre mondial des Français établis hors de France, en plein accord avec la Commission nationale de l'informatique et des libertés ; et la fusion des listes électorales, qui a été approuvée à l'unanimité par le Parlement. Je remercie les parlementaires qui ont participé à ce résultat - certains sont parmi nous aujourd'hui.
Bien entendu, ce volet juridique doit être complété par des textes réglementaires sur lesquels, je le sais, vous travaillez actuellement. La première urgence est de moderniser nos circuits informatiques pour que ces réformes se traduisent dans les faits pour nos compatriotes. Nous avons accumulé un retard sérieux par rapport à nos principaux partenaires et cela n'est pas normal - je pense en particulier au Foreign Office. Il nous faut à tout prix nous engager dans le développement des nouvelles technologies.
Parallèlement, nous avons poursuivi notre action en faveur de la simplification administrative : en décembre 2004, 140 textes relatifs à l'activité consulaire, inutiles, redondants ou obsolètes, ont été supprimés.
Nous avons aussi généralisé la délivrance de la carte nationale d'identité sécurisée depuis le 20 juin dernier. Dès cet automne, un passeport d'urgence entièrement nouveau sera délivré, aux normes de l'Organisation de l'aviation civile internationale et de l'Union européenne. Enfin, nous disposerons bientôt d'un passeport "DELPHINE 2" comportant une puce électronique, j'y tiens beaucoup.
Notre administration consulaire a également fourni des efforts importants pour améliorer son fonctionnement en contexte de crise. Un cadre juridique est désormais défini pour permettre la délivrance de laissez-passer en cas de circonstances exceptionnelles, y compris en dehors des locaux du consulat, grâce à l'envoi de personnel en renfort.
De la même façon, la future application consulaire RACINE permettra, qu'en situation de crise, l'administration d'une communauté française donnée soit reprise par un poste consulaire voisin, ou même, si la situation le justifie, directement par les services de Paris ou de Nantes. Nos antennes consulaires d'urgence à Charm el-Cheikh, en 2004, et à Maracaibo actuellement, sont les premiers exemples de ce nouveau fonctionnement. Tout ceci devra à l'avenir s'inscrire davantage dans une dynamique de construction d'une Europe des citoyens. La décision en 2004 de supprimer la compétence notariale dans les consulats de France de l'Union européenne va dans ce sens ; je souhaite que d'autres initiatives comparables la prolongent.
Dans le domaine de l'état civil, l'année 2005 a été marquée par l'entrée en vigueur de la loi du 18 juin 2003 relative à la dévolution du nom de famille.
La direction des Français à l'Etranger et des Etrangers en France a veillé à ce que nos compatriotes expatriés puissent trouver auprès de nos postes consulaires toute l'assistance et les conseils pratiques dont ils avaient besoin.
Dans le même temps, notre action se poursuit très activement pour moderniser les procédures et simplifier les démarches de nos compatriotes. Un décret d'octobre 2004 permet désormais aux services de l'Etat de répondre aux demandes des organismes sociaux et de se procurer directement auprès des services d'état civil les copies et les extraits d'actes exigés, par exemple, pour la délivrance d'une carte d'identité ou d'un passeport. Les personnes concernées n'auront donc plus à effectuer elles-mêmes ce type de démarche. Avouez que c'est un progrès considérable.
Enfin, la modernisation des méthodes de travail a permis de réduire très largement les délais d'attente.
- Le formulaire de demande de délivrance d'actes en ligne rencontre auprès du public un succès grandissant : avec près de 4 000 demandes par jour, ce sont les deux tiers des usagers qui nous adressent leurs demandes par Internet ; l'acte demandé est délivré dans la majorité des cas en moins d'une semaine, ce qui facilite grandement la tâche du service central d'état civil.
- De plus en plus, la messagerie est utilisée pour communiquer avec le service central d'état civil et l'accueil téléphonique est assuré dans de bien meilleures conditions depuis l'installation, en 2004, d'un nouveau serveur vocal.
- Enfin, nos consulats seront équipés dès le 1er janvier prochain d'un nouveau logiciel de gestion de l'état civil.
D'autres développements informatiques sont prévus au service central d'état civil, en particulier la dématérialisation des échanges avec les mairies et avec les notaires. Tout cela, vous le comprenez, va dans le sens d'une administration plus efficace, plus rapide et plus sûre, plus proche du citoyen.
Voilà, Mesdames et Messieurs, les messages que je voulais vous délivrer, au moment où vous vous apprêtez à ouvrir une nouvelle assemblée.
Je terminerai simplement avec deux souhaits.
J'aimerais qu'aux prochaines élections nationales, plus de Français expatriés à l'étranger votent par Internet. Je souhaiterais qu'il y ait des facilités pour ceux qui ont à faire 300, 400, 500 kilomètres pour voter, c'est important, vous avez autant de choses à dire sinon plus que ceux qui sont en métropole. Vous êtes nombreux, et ne vous cachez pas les choses, un homme politique élu au suffrage universel direct fait toujours attention à ceux qui votent, et au nombre aussi de ceux qui votent. Et, donc, plus aurez de capacité, des facilitations à voter, plus les Français qui sont à l'étranger pèseront effectivement dans le résultat et pèseront dans la campagne. Et puis n'y voyez pas une candidature, je suis le seul à ne pas vouloir me présenter après un week-end pareil.
Deuxième chose, cela concerne un débat que l'on devrait avoir entre nous un jour, c'est la marche de la démocratie. Notre pays, depuis vingt ans, fait des progrès considérables en réalité quant à la marche de la démocratie. Nous avons vécu des périodes difficiles où, après tout, il n'y avait pas d'argent public pour faire fonctionner la démocratie.
Et puis, il y a eu ces décisions de mettre en place des lois pour normaliser la vie politique et les financements de la vie politique en France. C'est un débat qui nous a coûté très cher, pas en coût financier, en voix extrémistes. Toutes les affaires. Aujourd'hui, nous sommes dans une démocratie apaisée où il y a, et c'est normal, une juste rétribution financière des élus. Nous devrons aborder un jour le rôle que vous jouez, le statut. Nous devrons aborder, sans en avoir peur, sans être dans la promesse non tenue, en étant dans le débat démocratique, car je sais que c'est un sujet qui n'était pas dans mon discours, mais je sais aussi que c'est important. C'est important parce que, si personne n'en parle, on restera toujours dans une sorte de caricature "Ah ! Eux aussi veulent être payés". Ce n'est pas cela.
Ce que je vois, depuis le début de mon expérience politique qui est assez récente mais qui quand même a maintenant quinze ans, c'est que la société française est dans une crise qui s'installe progressivement, insidieusement, par manque de repères, par manque de combats idéologiques, par manque de présence des religions, par manque de débats philosophiques, par manque d'idéal de la jeunesse et par une sorte de crise éthique, morale, où l'intérêt personnel devient plus important que l'intérêt général. La politique, c'est exactement, diamétralement, le contraire.
L'engagement politique, c'est le contraire. Et vous faites partie de celles et ceux qui ont décidé de s'engager au service des autres. Celui qui n'a pas été expatrié ne peut pas comprendre, il faut avoir été expatrié au moins un an, voire deux, pour comprendre ce que c'est. Parce que se trouver un mois de vacances par ci, par là, c'est bien, mais ce n'est pas la même chose. Les ruptures existent, nous ne sommes faits que de confiance en nous, aux autres, et, en même temps, nous voulons être rassurés, et ce qui nous stresse, ce sont les ruptures. Une expatriation, ce sont de multiples ruptures, il faut tenir avec ces ruptures-là, et parfois d'ailleurs elles permettent de distinguer ce qui est important de ce qui ne l'est pas ; cela peut être une expérience unique, très positive, très profonde ; cela peut aussi représenter de grandes blessures.
Et donc, le fait qu'il y ait des Français qui s'intéressent aux autres Français qui sont aussi en position de ruptures, c'est très important. Et c'est un statut dont il faudra discuter, me semble-t-il, un jour. Encore faut-il le définir, encore faut-il que nous en parlions. Mais je pense que c'est important et je voulais vous le dire parce que cette question se posera tôt ou tard. Et si l'on veut qu'il y ait de plus en plus de Français à l'étranger, si on veut que notre pays continue à être cette flamme, ce phare, qui ne parle pas comme les autres, qui est un pays comme un autre - sur le plan international, je ne veux pas démontrer de l'arrogance classique que l'on reproche - mais qui est un pays qui ne dit pas la même chose que les autres, c'est un pays qui n'a pas la même vision des choses que les autres obligatoirement, qui a des valeurs différentes, notre pays doit être défendu dans tous les pays du monde par des femmes et des hommes comme vous. Et je voulais vous en remercier parce que, là où je suis aujourd'hui, à la tête de la diplomatie française, je suis là aussi pour cela, pour le rayonnement, pour l'influence et aussi par votre intermédiaire.
Je serai très attentif, sachez-le, aux réflexions et aux propositions qui seront issues de votre travail, car je sais ce que nous vous devons en termes de réformes, je sais ce que nous vous devons en termes d'améliorations constantes de notre action au service des Français à l'étranger. Je le dis de manière très sincère, beaucoup de reconnaissance et beaucoup de gratitude par ma voix, aujourd'hui, de la part du gouvernement. Merci.
(Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 6 septembre 2005)