Déclaration de M. Christian Poncelet, président du Sénat, sur les nouvelles formes de "gouvernance" et l'organisation des politiques publiques locales, Paris le 10 novembre 2006.

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Circonstance : Clôture du séminaire national sur la territorialisation de l'action publique, à Nancy le 10 novembre 2006

Texte intégral

Monsieur le Président de l'assemblée des départements de France, cher Claudy LEBRETON,
Monsieur le Président du Conseil général de la Meurthe-et-Moselle, cher Michel DINET,
Mesdames et Messieurs,
Chers amis,
Permettez-moi de vous dire combien je suis heureux de vous retrouver dans cette belle ville de Nancy, chère à mon ami André ROSSINOT, à l'occasion de ce séminaire consacré à la territorialisation de l'action publique.
C'est pour moi une nouvelle occasion de témoigner toute mon estime à Michel DINET pour la sincérité de son engagement. Au-delà de nos différences, je reconnais en lui un homme de conviction et de talent qui se consacre avec détermination, à son département de Meurthe-et-Moselle.
Je veux aussi saluer toutes celles et tous ceux qui, à ses côtés, ont rendu possible cette rencontre. Je tiens à leur adresser mes chaleureuses félicitations pour la parfaite organisation de ce séminaire.
Après deux journées de réflexion et de débats riches, intenses et passionnés sur les projets politiques et l'organisation des départements et des régions, je me bornerai, en guise de conclusion, à vous livrer quelques réflexions, -non exhaustives-, d'une part, sur ma conception de la territorialisation de l'action publique et d'autre part, sur les conditions qui, à mon sens, s'avèrent indispensables à réunir afin que cette « nouvelle forme d'action publique » se développe.
L'un des effets bénéfiques du renforcement de la décentralisation est, à mon sens, la territorialisation de l'action publique.
Cette gestion de proximité se manifeste dans deux domaines : la conduite des politiques publiques locales et l'organisation des services.
Premier domaine : la définition des projets et la conduite des politiques publiques locales.
Afin de renforcer l'efficacité de leurs politiques, les départements comme les régions ont redéfini leurs objectifs prioritaires en tenant compte des particularismes locaux qui façonnent leur territoire et en intégrant les inégalités sociales et territoriales qui le composent.
Nous le savons tous, au sein d'un même département, et a fortiori d'une région, coexistent des territoires qui n'affichent pas le même niveau de développement économique, social et culturel.
Des territoires ruraux, confrontés à la fermeture des services publics, aux centres urbains, confrontés à un chômage endémique, de la tranquillité des villages à l'effervescence de la « ville centre », un département, une région, offre, -c'est une évidence-, de multiples facettes.
Pour mener une action efficace, il s'avère donc indispensable de renoncer aux politiques globales et uniformes qui ne prennent pas en compte les différences.
Adapter l'intervention publique aux spécificités locales, cibler davantage les actions prioritaires, définir de nouveaux objectifs territoriaux et développer la participation de nos concitoyens à la vie publique constituent autant de moyens à mettre en oeuvre afin de renforcer l'efficacité de l'action publique locale.
J'en viens maintenant au second domaine, l'organisation des services.
Permettez-moi de prendre l'exemple du transfert aux départements de la gestion des routes nationales et des personnels des directions départementales de l'équipement.
Ce transfert de compétence a conduit les exécutifs départementaux à réorganiser la présence de leurs services sur l'ensemble du territoire départemental, en fonction notamment de caractéristiques géographiques et de spécificités climatiques.
Il convient, en effet, de mobiliser des moyens humains et matériels adaptés aux contraintes du département, aux zones sujettes à de fréquentes intempéries comme à celles qui supportent un trafic routier très dense.
La décentralisation s'est ainsi accompagnée d'une sorte de déconcentration des services des conseils généraux et régionaux et d'une redéfinition des objectifs territoriaux pour mieux répondre aux besoins de nos concitoyens.
Mais la pleine réussite de cette « nouvelle forme de gouvernance locale » passe aussi par le respect de deux exigences.
Première exigence : garantir la cohérence et mesurer l'efficacité de l'action publique.
En effet, la territorialisation de l'action publique ne doit pas conduire à un développement fragmenté du territoire.
Il appartient donc à l'autorité locale de cibler les actions sans provoquer un creusement des inégalités ni faire abstraction de l'organisation administrative de notre République.
A cet égard, la territorialisation ne doit pas rendre plus obscure la carte administrative aux yeux de nos concitoyens. Il en va de la lisibilité de l'ensemble du système et d'une bonne démocratie.
Le recours à des actions limitées à une partie du territoire d'un département doit s'exercer dans le respect de l'identité des communes, des intercommunalités, du département et de la région.
Dans cette perspective, des méthodes garantissant la cohérence de l'action publique et des instruments de contrôle de l'efficacité des politiques locales doivent être définis.
La cohérence de l'action publique peut d'abord être renforcée par une meilleure coordination des services. Elle peut ensuite être améliorée par davantage de concertation avec les communes concernées.
Quant au contrôle de l'action politique locale, il peut notamment s'exercer par l'installation d'observatoires départementaux ou régionaux, qui seraient composés d'élus locaux et de citoyens.
En matière de contrôle, veillons surtout à ne pas mettre en place des dispositifs qui viendrait dangereusement concurrencer la légitimité du suffrage universel, et ainsi mettre à mal un pilier de notre démocratie.
En effet, les électeurs disposent de la faculté de nous renouveler ou pas leur confiance. Ils possèdent donc un pouvoir de contrôle et de sanction qui s'exprime par le vote, à chaque renouvellement des assemblées locales.
Seconde exigence : doter les collectivités locales de moyens financiers suffisants et adaptés à l'organisation décentralisée de la République.
Cette exigence dépasse, à l'évidence, le seul cadre de la territorialisation de l'action publique.
Je ne vous surprendrai pas en affirmant, une fois de plus, que les moyens financiers ne sont pas à la hauteur des enjeux.
En la matière, la priorité absolue est de procéder à la modernisation de la fiscalité locale, aujourd'hui à bout de souffle.
Je vous le dis sans ambages : je n'ai pas de recette miracle en la matière.
Je crois que nous aurions beaucoup à gagner si nous acceptions de nous mettre tous autour de la table pour réfléchir, ensemble, à une réforme d'envergure.
Pour ma part, je considère que, qu'elle que soit la réforme, il est indispensable de maintenir le pouvoir de lever l'impôt. Car ce pouvoir constitue une composante fondamentale du principe constitutionnel de libre administration des collectivités locales et participe au respect de l'autonomie financière des collectivités locales !
Mes chers amis, voilà les quelques mots que je voulais vous dire en conclusion de votre séminaire.
L'avenir de cette « nouvelle forme de gouvernance locale » est prometteur tant elle cristallise les espérances.
Vous l'avez compris, les enjeux sont de taille !
Je sais pouvoir compter sur vous, comme vous pouvez compter sur le Sénat, assemblée à part entière investie d'une mission de représentation des collectivités territoriales, pour gagner le pari de la territorialisation.
Ensemble, tournons nous vers l'avenir pour démontrer toute l'énergie, toute la vivacité et toute la vitalité de nos territoires, au service d'une France moderne, d'une France humaine, d'une France solidaire. Source http://www.senat.fr, le 14 novembre 2006