Interview de M. Brice Hortefeux, ministre de l'immigration, de l'intégration, de l'identité nationale et du développement solidaire, à France-Inter le 8 septembre 2008, sur le droit de visite de la Cimade dans les centres de rétention pour les sans-papiers (CRA), la polémique sur le fichier "Edvige", et le fonctionnement de l'UMP.

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Média : France Inter

Texte intégral

N. Demorand.- B. Hortefeux bonjour. Et bienvenue dans nos studios. Les
opposants au fichier Edvige ont reçu du renfort ce week-end en la
personne d'H. Morin, ministre de la défense. Vous partagez les
inquiétudes de votre collègue du Gouvernement ?
 
D'abord, il faut savoir de quoi l'on parle ; qu'est ce que c'est que ce
fichier Edvige. Ce n'est pas d'abord le nom de consonance féminine,
prénom féminin. Cela signifie tout simplement "Exploitation
Documentaire et Valorisation de l'Information Générale". C'est un
fichier qui est en réalité dans le prolongement exact de ce qui avait
été initié sous un gouvernement d'ailleurs de gauche - c'était d'
ailleurs le Gouvernement d'E. Cresson en 1991. Ce prolongement a
nécessité une adaptation avec deux critères : des critères concernant
des individus qui peuvent porter atteinte à l'ordre public et puis un
certain nombre d'informations pour ceux qui ont été candidats ou qui
exercent des responsabilités électorales, syndicales et autres. Ça a
été examiné par le Conseil d'Etat, qui n'y a trouvé rien à y redire.
Et, aujourd'hui, il y a un débat ; il y a des recours qui ont été
déposés. Laissons les recours être examinés et puis on verra bien ce
qui...
 
Le ministre de la Défense tout de même.
 
Oui bien sûr, mais chacun a le droit d'exprimer son sentiment. Au
contraire, le débat ne nuit pas à la cohésion gouvernementale.
Simplement, j'observe que si l'on est attentif à ce fichier, à mon sens
il n'y a pas de quoi s'inquiéter.
 
Et donc, H. Morin fait fausse route, d'après vous, en soulevant cette
inquiétude.
 
Mais c'est toujours la même chose. Si tout le monde au sein du
Gouvernement disait exactement mot à mot, mot pour mot, exactement, la
même chose, vous diriez : qu'est-ce que c'est que ce Gouvernement qui
est aligné comme autant de petits pois. Et là, il y a une remarque qui
est formulée sur un sujet qui n'est pas, je le dis, un sujet majeur.
Cette remarque elle est peut-être, en tout cas, elle est intéressante.
Elle nourrit le débat et cela ne pose rigoureusement aucun problème à
la cohésion, à l'unité, à la détermination du Gouvernement.
 
Et vous en tout cas, on l'a bien compris, ce fichier ne vous en pose
pas non plus.
 
A ce stade, de ce que j'en ai vu, il ne me pose pas de difficulté
majeure. Je le dis d'autant plus que si j'étais le seul à le dire, je
ne suis pas le seul, le Conseil d'Etat l'a examiné, il n'a pas trouvé à
redire...
 
Il y a encore des recours.
 
Et il y a encore des recours, c'est pour cela que je le dis. Attendons
les recours du conseil d'Etat pour adopter une position définitive. A
ce stade, des éléments qui m'ont été communiqués, moi j'en retiens
surtout un, pour être tout à fait clair : c'est qu'aujourd'hui, on sait
que la délinquance des mineurs augmente. Il n'y avait pas de
possibilité de fichage de cette délinquance pour l'anticiper, pour la
prévenir. Eh bien, ce fichier Edvige doit le permettre, doit l'
autoriser et doit permettre donc d'anticiper ce qui peut être des
troubles à l'ordre public. Eh bien, finalement le rôle d'un
Gouvernement c'est d'éviter des troubles à la République, parce que c'
est l'intérêt du citoyen.
 
On y reviendra peut-être dans InterActive, avec les questions des
auditeurs de France Inter. Beaucoup d'autres sujets dans l'actualité.
On va poursuivre avec un dossier qui est strictement de vos compétences
ministérielles, c'est celui des centres de rétention pour sans-papiers.
Jusqu'à présent, seule l'association la Cimade avait droit de visite
dans ses centres. Cela va changer, pour quelle raison ?
 
Il faut le savoir, la France est très en avance et très protectrice sur
ce sujet. J'y veille personnellement. Il y avait effectivement une
association qui était habilitée à être présente dans les centres de
rétention, contrairement à ce qui se passe dans d'autres pays. Et là
encore, quelles que soient les sensibilités politiques, parce que par
exemple en Espagne, dans l'Espagne socialiste, il n'y a pas de
possibilité de pénétration par les associations dans ces centres de
rétention. Aujourd'hui, la Cimade elle-même a indiqué qu'elle avait du
mal à faire face, parce que c'est vrai, c'est une charge de travail,
une pression peut-être aussi, quand on vit et quand on est au contact
dans ces centres de rétention. Et donc elle a elle-même considéré que
c'était trop important. Et moi ce que je souhaite tout simplement, c'
est ouvrir les centres de rétention pour que ce soit encore plus
transparent et les ouvrir à d'autres associations ou à d'autres
organismes. Je l'ai évoqué avec les responsables de la Cimade, que je
connais bien, avec lesquels je travaille. Et ils m'ont donné leur
accord. J'ai vu qu'ils n'étaient pas tout à fait satisfais d'éléments
techniques, c'est-à-dire l'attribution de lots selon les associations,
et puis le devoir de neutralité et de confidentialité. Cela c'est le
code des marchés publics, c'est aussi simple que cela mais le ...
 
Enfin c'est important. La Cimade a publié un rapport annuel, B.
Hortefeux, vous le savez bien, qui est un rapport qui permettait
justement d'informer sur ces centres de rétention où les journalistes
ne pénètrent pas et où donc la Cimade était la seule à pouvoir y
pénétrer.
 
Les parlementaires peuvent aussi y pénétrer comme vous le savez. Mais
l'idée est simple, c'est il y avait la Cimade et uniquement la Cimade.
Là on l'ouvre, on l'ouvre à d'autres associations, d'autres organismes
qui, s'ils sont candidats, pourront être dans les centres de rétention.
Je pense que nous avons tous à y gagner, le Gouvernement par la
transparence, les associations par leur présence et je dirais même ceux
qui sont dans les centres de rétention parce que cela entraînera
davantage de protection.
 
Mais les associations, pour qu'on soit bien précis, B. Hortefeux, n'
auront plus le droit de faire de rapport du type de celui de la Cimade,
rapport public, conférences de presse etc.,
 
Conférence de presse, chacun est libre de faire naturellement ce qu'il
veut.
 
Il y a confidentialité ou non.
 
Confidentialité et surtout je souhaite qu'il y ait naturellement la
neutralité, c'est l'application stricte du code des marchés publics, ni
plus ni moins. Mais encore une fois, l'ouverture c'est davantage de
protection et davantage de transparence.
 
La Cimade faisait mal son travail.
 
Non. Mais comme... Elle le faisait avec beaucoup de détermination, il y
avait des... parfois j'étais d'accord, d'autres fois je l'étais moins.
Mais je pense que c'est une bonne chose qu'il y ait possibilité pour
une association d'être dans un centre de rétention. Je pense que c'est
un progrès s'ils y sont à plusieurs.
 
Est-ce que des personnes morales auront accès au centre de rétention ?
Dans l'appel d'offre, je crois que cette hypothèse-là est ouverte. Cela
veut dire quoi très simplement ?
 
Il peut y avoir plusieurs types d'associations. Je n'ai pas d'
information puisque les candidatures n'ont pas été déposées. Vous
connaissez la diversité des associations qui se consacrent à ces sujets
de la protection ; ça va de la Croix-Rouge, c'est l'Ordre de Malte, le
Secours catholique. Bref, il y en a une multitude. Et donc, je souhaite
qu'elles puissent être candidatées. Le monopole, par principe, moi je
suis assez hostile au monopole parce que le monopole cela verrouille.
Là, la Cimade elle-même ayant indiquée qu'elle était un peu débordée,
je pense que c'est une bonne chose. D'ailleurs, je ne suis pas le seul
à le dire, puisque comme vous le savez, il y a des parlementaires,
notamment des parlementaires européens et notamment H. Désir, qui n'est
pas de ma famille politique, qui n'est pas soupçonné de connivence avec
moi, qui a constaté aussi qu'il y avait sans doute une surcharge.
 
M. Alliot-Marie a été B. Hortefeux, la seule voix discordante de l'
université d'été de l'UMP à Royan. L'UMP fonctionne mal, a-t-elle dit -
ça, on peut le lire dans le Figaro ce matin. Il lui faudrait à ce parti
un président élu, c'est ce que demandent les militants. Vous partagez
ce point de vu B. Hortefeux.
 
D'abord, moi je reviens de Royan, des universités de Royan. Le climat
est un peu mitigé sur le plan météorologique. Mais en revanche, sur le
plan politique c'était formidable. C'était une démonstration de
cohésion, d'unité, détermination. Et il faut le constater, il y avait
lors les universités du Parti socialiste la semaine précédente que des
questions de personnes. On a entendu quoi ? Le brouhaha des divisions
et le murmure des conspirations. Et chez nous, cela a été vraiment l'
unité affichée, renforcée et offerte, publique.
 
Le merveilleux monde de l'UMP !
 
Eh bien, écoutez, ça n'a pas été toujours le cas et peut être ça ne
sera pas le cas dans un avenir que je souhaite le plus lointain
possible. Profitons-en pour se réjouir. De surcroît, moi je participais
à une table ronde sur l'Europe. Vous savez l'Europe vraiment cela fait
fuir tout le monde. Au contraire, on a travaillé, travaillé sur le
pouvoir d'achat, travaillé sur l'école, travaillé sur les questions
européennes ; on a évoqué aussi les questions naturellement qui...
Donc, il y avait beaucoup de fond. Donc, c'était un bon moment, un
moment d'unité...
 
Et silence dans les rangs quand même un.
 
Pas du tout, il n'y a pas eu de silence, il y a beaucoup de débat. Au
contraire, c'est cela qui est important, c'est qu'il y a eu du débat.
Il n'y a pas eu de problème de personnes, pas de querelle de personnes,
pas de divisions, que de la cohésion, que de la détermination et de l'
unité.
 
M. Alliot-Marie qui dit que l'UMP fonctionne mal et qu'il faudrait tout
de même que les militants puissent élire le président du parti, qu'est
-ce que cela vous évoque comme commentaire ? Cela veut même dire d'une
certaine manière que le parti n'est pas démocratique puisque le
président est nommé ?
 
Non, non, M. Alliot-Marie a son expérience et son histoire. Elle a été
présidente du RPR, une des familles qui a composé l'UMP. Elle a donc
sans doute le souvenir et les réflexes de cette époque. La réalité est
très simple : aujourd'hui, nous n'avons pas de problème d'inspirateur,
nous n'avons pas de problème de direction, nous n'avons pas de problème
d'imagination et je trouve que l'UMP fonctionne bien. Est-ce que vous
voulez me faire dire qu'il y a une possibilité qu'il y ait une marge de
progression ? Bien sûr, ça va de soit, on peut toujours faire mieux, on
peut toujours aller plus loin. Et d'ailleurs c'est le message que P.
Devedjian, J.-P. Raffarin ont partagé à l'occasion de ce week-end. Mais
franchement, observer la différence ! Je crois que ça a été à un moment
donné quelque chose qui a été un des thèmes de France Inter.
 
 
Vous allez diriger ce parti un jour, B. Hortefeux, un jour prochain,
comme il en a été question la semaine dernière ?
 
Oui, ouf... Je ne sais pas quelle est l'idée que vous vous faites des
responsables politiques. Vous devez certainement en avoir une, vous
imaginez que les responsables politiques sont toujours là à essayer d'
accumuler des titres, des fonctions, etc. Très honnêtement, ce n'est
pas comme cela que je fonctionne moi. Je suis très heureux dans ce que
je fais, c'est une mission passionnante. Je suis un militant dans ma
famille politique. Je peux y contribuer, sans titre et sans fonction.
Et pour le reste, comme je dis, c'est simple : je suis à disposition du
président de la République. Vous voyez, il n'y a rien de compliqué.
 
Source : Premier ministre, Service d'Information du Gouvernement, le 8 septembre 2008