Interview de M. Christian Poncelet, président du Sénat, dans "La Provence" du 30 mai 2001, sur la décentrallisation et la réforme du statut de la Corse.

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Média : La Provence

Texte intégral

Le Président du Sénat est à Marseille pour un débat sur la décentralisation.
L'occasion d'évoquer le dossier corse
1. L'exposition MédiaSénat est-elle une réponse à Lionel Jospin qui avait considéré le Sénat comme une " anomalie " ?
Cette exposition n'a pas été conçue dans un esprit offensif, ni comme une réponse aux propos, regrettables je tiens à le dire, du Premier ministre. C'est une démarche positive, pour aller à la rencontre des citoyens et des élus, afin de mieux faire connaître notre institution. J'invite d'ailleurs le Premier ministre à visiter cette exposition.
2. Vous réunirez aussi à Marseille mi-juin les élus locaux de Paca. Pourquoi ?
Le Sénat représente l'ensemble des collectivités locales de la République. Or la décentralisation est au milieu du gué. J'ai même le sentiment que le gouvernement cherche à reprendre ce qui a été donné. J'ai donc souhaité redonner confiance au socle humain de la décentralisation c'est-à-dire aux élus locaux, leur montrer que nous sommes attentifs à leurs préoccupations. Le Sénat a élaboré une proposition de loi sur le statut de l'élu, un autre pour encadrer la responsabilité pénale en cas de faute non intentionnelle et enfin une loi inscrivant dans la Constitution l'autonomie fiscale des collectivités.
3. Dans le débat sur la décentralisation, le ministre Daniel Vaillant a évoqué une "régionalisation à la carte".
Il faut passer à l'action II de la décentralisation. Les collectivités locales ont montré qu'avec des concours financiers équivalents, elles faisaient mieux que l'Etat hier. Nombre de compétences peuvent encore être transférées, le logement, l'environnement, la formation, et même pour partie la sécurité. Mais cela mérite un grand débat. J'ai regretté que le gouvernement ait fait cette proposition à la sauvette, au détour de la discussion de la loi sur la Corse.
4. Qui viendra au Sénat à l'automne. Quelle sera alors votre attitude ?
La Corse aime la République, la République aime la Corse. J'ai regretté que les négociations n'aient pas été subordonnées à l'arrêt de toute violence. Néanmoins, ce texte comprend des innovations positives, avec de nouveaux transferts de compétences. Mais en inscrivant la possibilité pour l'assemblée de Corse d'exercer une forme de pouvoir législatif, le gouvernement a certainement commis une erreur. Il a joué à l'apprenti sorcier car je crains que le Conseil constitutionnel ne censure cette disposition, ce qui créera des déçus, voire de nouvelles violences.
5. Pourrez-vous en l'état faire accepter ce texte aux sénateurs ?
Pour ma part, je n'accepte pas la dévolution même partielle, du pouvoir législatif. Je sais bien qu'il y aurait un contrôle du Parlement. Mais on se lance un peu dans l'aventure. Pourquoi pas autoriser d'autres régions, l'Alsace-Lorraine, dont je suis élu, à adapter les lois ? La France, à travers les siècles, a éprouvé beaucoup de difficultés pour parvenir à son unité. Il faut veiller à ne pas ouvrir la porte à une cassure. En revanche, je ne suis pas hostile à la reconnaissance pour toutes les régions d'une possibilité d'adaptation aux réalités locales de la réglementation nationale.
6. Quel est le sens de votre venue à Marseille ?
Je suis allé dans plusieurs régions, évoquant chaque fois des thèmes différents. Il était logique de parler de décentralisation à Marseille, où elle est née, sous l'impulsion de Gaston Defferre. Et c'est à Marseille que se trouve à l'heure actuelle un des meilleurs élus locaux de France, Jean-Claude Gaudin.
7. Lequel briguerait, disent certaines gazettes, votre fauteuil en septembre prochain ?
C'est à lui qu'il faut poser la question. Moi, je l'ai entendu dire très clairement qu'il ne sera pas candidat en 2001 ajoutant même " nous avons un excellent président ".
8. Vous ne serez plus candidat à la présidence du Sénat en 2004. Jean-Claude Gaudin sera-t-il alors votre dauphin ?
Attendez que je remporte déjà l'élection de 2001. Pour 2004, il y aura sans doute d'autres postulants mais Jean-Claude Gaudin ferait un bon candidat.
(source http://www.senat.fr, le 7 juin 2001)