Déclaration de Mme Marylise Lebranchu, ministre de la réforme de l'Etat, de la décentralisation et de la fonction publique, sur les objectifs de la modernisation de l'action publique et les relations entre l'Etat et les collectivités territoriales, à Paris le 22 novembre 2012.

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Circonstance : 95e congrès de l'Association des maires de France (AMF), à Paris du 20 au 23 novembre 2012

Texte intégral

Monsieur le Président, Cher Jacques,
Mesdames et Messieurs les maires,
Mesdames et Messieurs les élus municipaux,
C’est un honneur pour moi, de conclure à la demande du Premier ministre, le 95ième Congrès de l’Association des maires de France. Je le fais avec d’autant plus de plaisir, que, en m’adressant à vous, c’est à l’ensemble des maires de France que je m’adresse, et à travers vous, à l’ensemble des Français.
On vous le dit souvent mais c’est tellement vrai, le Maire est l’élu le plus reconnu par ses administrés, l’interlocuteur le plus naturel, le recours le plus proche.
Dans nos communes, il y a le drapeau tricolore, il y a notre devise : liberté, égalité, fraternité et il y a le Maire.
Avec le Président de la République, vous le savez, vous êtes l’incarnation la plus évidente de la République française et de la démocratie pour nos concitoyens.
Tout au long de mes déplacements, j’observe que, plus l’action publique se complexifie, plus la crise économique s’installe, et plus nos concitoyens se rattachent à leur maire et à leur conseillers municipaux.
Parce que vous êtes sur le terrain, en première ligne, que la population se tourne spontanément vers vous quand les choses vont mal.
Être maire, c’est recevoir beaucoup de reproches et trop peu de compliments.
Vous êtes en première ligne, sur le terrain, car l’action municipale est le premier niveau de service public local rendu dans notre pays.
Chaque jour, je mesure l’engagement des élus municipaux. C’est une mission désintéressée, bénévole pour la plupart d’entre vous, un engagement civique sans faille.
Près de 600 000 élus locaux quadrillent notre territoire, sentinelles du vivre ensemble, acteurs, vecteurs du lien social.
Vous êtes les veilleurs de la France des territoires.
Le maire donne du sens à l’action publique. L’action publique a donc plus que jamais besoin de lui, de vous.
C’est aussi cette recherche de sens pour l’action publique qui guide le Gouvernement de Jean-Marc Ayrault, et en particulier le ministère qui m’a été confié, celui de la réforme de l’État, de la décentralisation et de la fonction publique.
Quelle grande opportunité que d’aborder la question de l’évolution de la puissance publique en confortant la décentralisation.
Donc de plus grandes responsabilités pour nos collectivités pour nos communes pour exercer dans de meilleures conditions la libre administration que la Constitution leur garantit.
Donc le renforcement de l’efficacité de l’État au niveau national comme dans nos territoires, pour définir plus clairement le rôle et les missions de l’État, concentrer son action là où elle est la plus utile et la plus efficace.
Qu’il me soit permis de développer ce point important : trop souvent l’État continue d’intervenir dans le champ de politiques depuis longtemps décentralisées, ou dont la mise en oeuvre incombe naturellement aux maires, en particulier pour les politiques de proximité.
Cette intervention, que vous rencontrez tous les jours, porte un nom : c’est la norme. C’est elle qui fait que les contraintes techniques changent sans cesse, se contredisent souvent, sont décidées par ceux qui n’ont pas à les payer, toujours.
J’ai aussi la conviction que trop de normes, c’est souvent trop peu de contrôles, que cette instabilité permanente ne renforce pas l’État mais l’affaiblit, en même temps qu’elle paralyse les élus.
Je crois pour ma part à l’utilité des contrôles. Ils sont indispensables à la sécurité de nos concitoyens, comme à l’impératif d’égalité des droits et des devoirs dans notre République.
Moins de normes, c’est aussi un État qui retrouve sa vocation première : faire appliquer la loi, garantir l’égalité sur le territoire national, sans oublier que la norme protège les citoyens, que la norme protège les élus dans l’exercice de leur mandat et que la norme protège nos agents dans l’exercice de leurs missions.
Clarté, cohérence et confiance, tels sont les maîtres mots du contrat à passer entre l’État et les collectivités, nous vous le devons, nous le devons aux Français.
La clarté, c’est celle qui doit se faire dans la relation entre l’État et les collectivités. Nous devons dire, nous devons écrire le « Qui fait quoi ».
Le projet de loi sera déposé en conseil des Ministres au mois de février prochain, pour une adoption au début de l’été.
Je précise cet élément important de calendrier car j’entends les impatiences.
Sachez Mesdames et Messieurs les Maires, que j’assume le temps qui a été dédié à la concertation, voire à la négociation.
Car nous avons besoin de temps, pas trop certes, pour réussir ensemble le défi d’une modernisation profonde et structurante de notre action publique.
Le Premier ministre et moi-même avons reçu toutes les associations d’élus. Et je continuerai à les recevoir tout au long du processus de finalisation du texte de loi.
En parallèle de la concertation sur l’avant-projet de loi avec les associations d’élus nous recevons également les organisations syndicales représentatives des agents tant de la fonction publique territoriale que de la fonction publique d’État.
Le Président de la République a souhaité que ce projet texte s’ouvre sur un acte fort : la création d’une véritable instance de concertation et de négociation entre l’État et les collectivités : le Haut-Conseil des territoires.
Je vous le redis : il n’y aura pas de réforme réussie sans la confiance retrouvée, sans l’écoute renforcée, sans un dialogue permanent entre l’État et les collectivités.
Il appartiendra au Haut-Conseil des territoires de clarifier, sur tous les sujets, le rôle et les responsabilités de chacun dans la mise en oeuvre de politiques partagées.
Le Haut-Conseil organisera le dialogue pour se dire les choses ; y compris lorsque les approches sont divergentes, dans le partage des rôles et des coûts.
Enfin les représentants des communes y auront leur place, par la voie de l’Association des maires de France, naturellement.
Mais la clarté, c’est aussi celle qui doit se faire entre les collectivités, dans nos territoires. La responsabilisation de chacun sera aussi à l’oeuvre localement.
Le projet de loi prévoira en effet une déclinaison territoriale de cette concertation, dans le cadre des conférences de l’action publique : les communes, les régions, les départements mais aussi les intercommunalités y seront représentées, en présence du représentant de l’État, pour déterminer l’organisation des compétences la plus appropriée à la réalité de vos territoires.
La République est une et indivisible mais les territoires sont divers.
Les territoires sont ruraux, urbains ; ils sont montagne, ils sont mer, ils sont de métropole et d’outre-mer. Ils sont campagne ou quartier. La loi reconnaitra cette diversité et la capacité des territoires à s’organiser en tenant compte de cette diversité.
Que l’on ne s’y trompe pas, ce n’est pas un élément de complexité supplémentaire mais bien de simplification. Il s’agit d’une organisation adaptée au plus près des réalités locales et de la vie quotidienne des habitants d’un territoire.
Je m’en explique par des exemples concrets.
Une collectivité chef de file, par exemple la Région en matière de développement économique, confierait une partie de la mise en oeuvre de cette politique à une autre, mieux à même de l’exercer au plus près des enjeux locaux, par exemple aux communes ou aux EPCI pour l’aménagement de zones d’activités.
Un département, chef de file des solidarités sociales, pourrait, si le besoin s’en fait ressentir sur son territoire, et si une commune ou une intercommunalité le souhaite, lui déléguer la compétence de l’indemnisation et de l’insertion des bénéficiaires du RSA.
Mais cela restera le résultat d’une volonté partagée ; jamais d’une obligation.
L’État lui même pourra confier au département, sur son territoire, tout ou partie de l’ingénierie technique dont il a la charge si un pacte de gouvernance se dessine en ce sens avec tous les acteurs concernés.
A défaut, il conservera tous les outils au service des communes dont il a encore la charge, par exemple l’ATESAT, dont les conventions pour 2013 seront d’ailleurs rapidement signées.
Ces trois exemples illustrent bien à quel point c’est justement la souplesse qui permet localement d’assurer et la clarté et la cohérence de l’action publique.
Les conférences territoriales de l’action publique seront là pour construire une architecture partagée, acceptée et claire de l’action publique.
Cette confiance, et la responsabilité qu’elle entraîne, c’est aussi la contrepartie au rétablissement de la clause générale de compétence pour les régions et les départements que le Président de la République a confirmé.
Naturellement, les communes prendront part à ces conférences territoriales, comme les autres collectivités, grâce à un collège qui garantira leur représentation.
Le temps de l’intercommunalité de projet et de service est notre réalité : l’approfondissement doit suivre l’élargissement. Nous sortirons, je le sais, dans la concertation, dans le respect des élus municipaux, de la question des périmètres.
Mais il faut aussi créer les conditions du bon fonctionnement de l’intercommunalité à tous les points de vue : au niveau de la mise en oeuvre de son projet de territoire, au niveau de ses ressources et au niveau de sa gouvernance et ce, par souci de cohérence avec l’application de leurs statuts, par souci d’efficacité, et par souci de lisibilité pour nos concitoyens comme pour les communes membres.
Là encore, le Gouvernement fait confiance aux élus pour qu’aboutisse le projet construit collectivement pour les habitants qui résident dans vos intercommunalités.
A ce titre, le projet intercommunal constitue le bon véhicule de la mutualisation. Elle a progressé et doit encore se poursuivre, même si elle ne produit qu’à moyen terme des économies pour les communes et des effets structurels sur le service pour les usagers.
Cet effort d’évolution de l’organisation est d’autant plus nécessaire au sein du bloc communal, que l’essentiel des compétences exercées consiste en des services de proximité, les plus sollicités par nos concitoyens.
Veillons également à ce que la mutualisation ne s’arrête pas à la signature des conventions de mise à disposition : elle doit se mettre en oeuvre concrètement avec les agents.
S’organiser sera également nécessaire pour mettre en oeuvre la belle réforme des rythmes scolaires que porte Vincent Peillon, notre ministre de l’éducation.
Cette réforme est très attendue par nos concitoyens, très attendue par les familles et surtout très importante pour les enfants.
Je ne peux que vous encourager à la mettre en place dès 2013.
Et pour les communes qui souhaitent entrer rapidement dans cette réforme des rythmes scolaires mais qui pourraient connaître de réelles contraintes de mise en oeuvre, je vous rappelle qu'un fonds spécial de 250 millions sera disponible en 2013.
A un moment de notre histoire où la maitrise de la dépense est un impératif, nous devons faire en sorte, État et collectivités locales, qu’existent des leviers pour dégager des marges de manoeuvre. La mutualisation est un outil que nous devons continuer de développer, élus comme agents.
L’État devra aussi confier aux communes les outils juridiques et financiers pour y parvenir.
L’État doit aussi leur garantir les moyens de fonctionner au quotidien. Quand beaucoup de maires s’interrogent sur les sources d’économie qu’ils pourraient encore faire, quand l’effort supplémentaire sur la fiscalité locale qu’ils demandent à leurs habitants atteint ses limites, alors que les besoins croissent de jour en jour, quand il devient chaque année de plus en plus difficile de boucler le budget, c’est sans aucun doute aussi que les ressources ne sont pas assez équitablement réparties.
La péréquation doit contribuer à y remédier. La péréquation, c’est l’effort de solidarité entre les collectivités sur leurs propres ressources.
Elle doit donc reposer sur des critères simples, justes, et stables.
Elle doit prendre en compte non seulement la richesse fiscale, mais aussi les besoins, les charges, qui se font particulièrement sentir dans les territoires les plus fragiles.
Le gouvernement a pris aussi ses responsabilités en doublant le rythme de progression de la dotation de solidarité urbaine et de la dotation de solidarité rurale dès l’année prochaine.
Et c’est aussi la responsabilité de l’État de tout faire pour vous permettre de vous projeter dans l’avenir, et de pouvoir financer vos investissements.
Je souligne sur ce point l’annonce importante du Président de la République mardi dernier : l’agence de financement des collectivités verra bien le jour.
Je m’en réjouis d’autant plus qu’il s’agit là d’une initiative des communes et des collectivités locales.
Monsieur le Président de l’AMF, je ne méconnais pas votre engagement sur ce dossier, comme celui de tous les élus qui le portent à bout de bras depuis bientôt trois ans.
De quoi s’agit-il ? De permettre aux communes, quelle que soit leur taille et sans appeler la garantie de l’État, d’accéder simplement à de nouvelles sources de financement, de leur permettre de diversifier le financement de leurs investissements, au meilleur coût, quand les banques se retirent trop, trop vite du marché des collectivités ou réclament des marges trop importantes.
Mais les ressources de vos communes ne sont pas que financières. Elles sont aussi économiques, elles sont dans les projets que portent nos territoires, elles sont dans les innovations que vous soutenez.
Je ne parle pas seulement de l’accompagnement de la recherche et de l’innovation dans nos grandes agglomérations. Ces dernières jouent naturellement un rôle incontournable. Même avec des régions chef de files, les très grandes villes, qui génèrent de la richesse pour l’ensemble du territoire, continueront, et c’est impératif, à s’investir dans ces projets.
Ces communautés métropolitaines, très intégrées, verront même leur statut renforcés, au-delà du statut des actuelles communautés urbaines. La loi veillera à leur en donner cette possibilité. Elle précisera par ailleurs au demeurant l’évolution spécifique de Marseille, de Lyon et les modalités d’organisation du fait métropolitain en Ile-de-France.
Je parle aussi, et ce sujet me tient à coeur, de ces innovations que l’on trouve dans des territoires moins urbanisés, dont on entend moins parler et qui sont pourtant souvent de vraies réussites.
Je parle des démarches entreprises par exemple dans le Cher, l’Allier, la Creuse et la Nièvre, du « manifeste des nouvelles ruralités » qui démontrent que les initiatives sont là, que les entreprises sont plus souvent présentes qu’on ne le croit, qu’il suffit parfois juste d’un peu plus d’accompagnement pour que la création de richesse émerge de notre territoire.
Je veux également vous redire, et Manuel Valls l’a exprimé devant vous lors de la table ronde de mardi matin consacrée à l’intercommunalité : le Gouvernement proposera que les conseillers municipaux dans les communes de 1 000 à 3 499 habitants soient élus au scrutin de liste paritaire à deux tours, comme c’est actuellement le cas dans les communes de 3 500 habitants et plus.
Le débat sur ce seuil de 1000 habitants n’est pas clos. Pendant trois jours, nous avons entendu de nombreuses propositions. Certaines pour abaisser ce seuil et ainsi lutter contre le panachage. Beaucoup ont proposé 2000 comme ce fut le cas mardi mais d’autres comme l’Association des maires ruraux ou l’Assemblée des Communautés de France sont pour la suppression du seuil.
Le Gouvernement précédent souhaitait un seuil de 500, nous nous ferons confiance aux débats parlementaires pour fixer le seuil le plus juste.
Mesdames et Messieurs les maires,
Mesdames et Messieurs les élus municipaux,
Soyez convaincus que le Gouvernement fait confiance aux élus, pour prendre leur part dans le redressement économique et social de notre pays.
Vous l’avez compris, c’est bien ça le pacte de confiance que l’État propose aujourd’hui aux maires, aux présidents de régions et de départements, à l’ensemble des élus locaux.
C’est la clarté,
C’est la responsabilité,
C’est la solidarité,
Et c’est avant tout la confiance dans la démocratie locale.
J’ai la certitude qu’avec cette confiance notre pays se redressera plus vite. Je sais que vous partagez cette conviction.
Je vous remercie.
Source http://www.fonction-publique.gouv.fr, le 23 novembre 2012