Déclaration de Mme Cécile Duflot, ministre de l'égalité des territoires et du logement, sur la contribution du Parlement à l'élaboration du projet de loi pour l'accès au logement et un urbanisme rénové (ALUR), à l'Assemblée nationale le 14 janvier 2014.

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Circonstance : Examen en deuxième lecture le projet de loi pour l'accès au logement et un urbanisme rénové (ALUR), à l'Assemblée nationale le 14 janvier 2014

Texte intégral

Monsieur le Président,
Madame et monsieur les rapporteur(e)s,
Mesdames et messieurs les député(e)s,
Nous voilà de nouveau réunis, mobilisés pour l'examen en deuxième lecture du projet de loi pour l'accès au logement et un urbanisme rénové, le projet de loi Alur.
Chacun connaît les termes du débat. Chacun connaît aussi le contexte difficile dans lequel il prend corps. 2013, sans surprise, aura été une année difficile pour la construction et donc pour le logement. Les doutes, les peurs, les difficultés marquent le quotidien des Françaises et des Français.
La question du logement, comme celle du chômage, est un terrible marqueur de la crise sociale. C'est aussi la clef du sursaut que j'appelle de mes voeux pour notre pays.
Par la loi Alur, que nous avons façonnée ensemble, j'entends contribuer à rouvrir une perspective de progrès social dans notre pays. Notre rôle n'est pas seulement de constater la situation douloureuse vécue par des millions de nos concitoyens, mais bien de tenter de la changer, de l'améliorer substantiellement.
Je sais la dureté de la vie politique, la violence des polémiques, le côté systématique des querelles partisanes. Mais je sais aussi que siègent sur tous les bancs de cette assemblée d'authentiques républicains, mus par l'intérêt général et la défense de leurs mandants.
C'est à eux que je m'adresse, avec un discours de sincérité. Oui, la bataille que nous menons est ardue. Oui, la situation n'est pas optimale. Oui, la situation de la construction n'est pas à la hauteur ni de nos attentes ni de nos besoins. C'est la raison pour laquelle il faut se déprendre de nos habitudes et de nos réflexes conditionnés.
Que chacun se mette en mouvement pour que le volontarisme l'emporte sur l'immobilisme.
L'estimation pour 2013 du nombre de logements construits, aux alentours de 330 000, se situe malheureusement en deçà des besoins et des objectifs ambitieux fixés par le président de la République, qui vise la construction de 500 000 logements par an d'ici la fin du quinquennat. Il ne sert à rien de chercher à le camoufler par je ne sais quelle vaine rhétorique.
Mais la rigueur et l'esprit de vérité commande d'ajouter à l'analyse que, compte tenu de la crise très difficile qu'affronte le secteur du bâtiment, et grâce aux mesures déjà mises en place par le Gouvernement, ce chiffre ne montre pas de décrochage trop important par rapport à la moyenne annuelle qui se situe, pour les vingt dernières années, à 346 000 logements mis en chantier annuellement.
Dans le secteur de la construction et du bâtiment, l'impact d'une politique de relance structurelle qui vise à agir sur la production de foncier pour favoriser la construction de logements ne peut se mesurer en quelques mois. Il faut compter environ 3 ans, qui correspondent à la durée de maturation d'un projet immobilier à compter de la mobilisation de nouvelles opportunités foncières.
Certes, doper la demande via des avantages fiscaux, à l'exemple du Scellier de première génération mis en place en 2009, pourrait permettre d'avoir des effets « d'affichage » plus rapides, en accélérant la commercialisation des logements, mais cette option présente de graves inconvénients en matière de hausse des coûts de la construction et d'inadaptation de l'offre construite aux besoins.
C'est la raison pour laquelle ce Gouvernement privilégie une relance qualitative de la construction, plus difficile et longue à mettre en oeuvre, mais moins coûteuse pour les finances publiques et plus efficace sur le long terme.
Il s'agit d'une politique volontariste et inscrite dans la durée, qui vise un double objectif : assainir le marché pour relancer le secteur de façon durable et faire baisser les prix de l'immobilier, afin de préserver le budget des ménages qui, comme la compétitivité, est fortement impacté par les coûts du logement.
Nous voulons construire plus, construire mieux et construire moins cher. Nous ne voulons plus que la facture de la construction soit payée par des loyers excessifs et hors de prix.
Le Gouvernement a fait ainsi le choix de s'attaquer aux causes structurelles plutôt que de masquer le problème avec des antidépresseurs.
Affronter la crise du logement, c'est fluidifier les procédures et lever les difficultés à chaque étape, depuis la maîtrise du foncier et jusqu'à la sécurisation de l'ensemble des parcours résidentiels.
Devant vous aujourd'hui, avec le projet de loi Alur, je présente la troisième étape de cette bataille pour le logement que nous menons.
Parmi les causes de la crise identifiées très tôt, on trouvait le déficit structurel de l'offre de foncier en territoires tendus.
Le foncier est aujourd'hui devenu rare et cher. Il représente parfois jusqu'à 25 % des prix de vente. Il est ainsi un frein aux opérations d'aménagement, notamment lorsqu'elles comportent du logement social.
C'est pourquoi – et cela constituait la première étape – la loi du 18 janvier 2013 a renforcé le principe de décote pour construire des logements, qui peut désormais conduire à la gratuité des terrains cédés par l'État, ou ses établissements publics, aux collectivités et aux bailleurs sociaux. Non seulement ce dispositif permet d'accroître le volume du foncier à bâtir disponible, mais il sera également garant de l'équilibre financier des programmes d'aménagement pour leur permettre de voir le jour.
Cela signifie concrètement plus d'opérations, avec plus de logements et plus de logements sociaux.
L'ensemble du dispositif est aujourd'hui opérationnel et les premières cessions ont été signées sur les terrains de l'État, encore récemment à Toulouse, en présence du Président de la République.
Deuxième étape : mobiliser tous les partenaires pour mener une politique volontariste de relance contra-cyclique en faveur du logement social et lever les obstacles qui freinent la construction.
Les relations avec ces grands partenaires ont été redéfinies sur une base marquée par la confiance et l'exigence. La lettre d'engagement signée avec Action logement, il y a un an, le pacte avec l'Union Sociale pour l'habitat, il y a six mois, en sont l'expression.
Nous constatons, en ce début d'année, les premiers succès de cette mobilisation du secteur social : le nombre de logements sociaux agréés au cours de 2013 est en nette hausse par rapport à 2012. Ce sont ainsi plus de 117 000 logements sociaux qui ont été agréés cette année, soit 14 % de plus par rapport à l'année précédente. Parmi ces logements, la proportion de PLAI augmente également pour atteindre plus du quart des logements agréés, évolution dont je me félicite tout particulièrement.
Avec la baisse à 5,5 % au 1er janvier du taux de la TVA sur le logement social, reconnu comme un bien de première nécessité, la relance engagée dans ce secteur s'accentuera en 2014.
Nous avons également simplifié les règles pour accélérer les projets de construction, à travers le plan d'investissement pour le logement annoncé le 21 mars dernier.
Depuis, six ordonnances ont été publiées, qui mettent en oeuvre les mesures d'urgence que vous avez autorisées par la loi d'habilitation du 1er juillet dernier. Vous les connaissez : elles permettent d'accélérer les projets de construction, de lutter contre les recours abusifs et d'accélérer le traitement des litiges, d'introduire une « procédure intégrée pour le logement», dans des conditions évidemment encadrées, de faciliter les opérations de construction de logements pour permettre la réalisation de projets de densification, notamment par la transformation de bureaux ou encore par surélévation.
Mais, ne nous leurrons pas, d'autres freins, d'autres obstacles existent, ils sont souvent anciens et connus, et nous devons impérativement, si nous voulons atteindre notre objectif de produire 500 000 logements par an, prendre ces sujets à bras le corps et proposer des réponses nouvelles, en appelant à la mobilisation de tous.
C'est pourquoi j'ai lancé il y a un mois une démarche qui s'appelle précisément « Objectifs 500 000 », permettant à des groupes de travail, composés d'experts des filières professionnelles du logement et de la construction, de faire le tour, durant quelques semaines, de sujets très concrets :
- simplifier la réglementation et l'élaboration des normes de construction et de rénovation ;
- mobiliser le foncier privé des secteurs urbanisés ;
- proposer un logement adapté à chaque situation de vie ;
- développer des matériaux innovants et inventer de nouvelles façons de construire et de rénover.
Ces groupes de travail produiront, dès fin février 2014, un rapport recensant les propositions retenues collectivement, sans occulter les difficultés ou les points de blocage pouvant subsister. Le Président de la République a fixé le cap des décisions qui seront prises à l'issue de ce travail : faire baisser de 10 % le coût de la construction des logements collectifs.
Vous le voyez, résolument, ce Gouvernement s'est placé sur le registre de l'action.
Au-delà des mesures d'urgence et des dispositions que je viens d'évoquer, il était de ma responsabilité de proposer des évolutions structurelles significatives de la politique du logement. Parce qu'il est de ma responsabilité de ministre d'apporter des solutions aux problèmes du marché du logement, mais bien plus encore d'apporter des solutions à ces femmes, ces hommes, ces enfants qui ne peuvent avoir de vie normale dans ce pays tant qu'ils n'auront pas de toit.
Favoriser l'accès au logement pour tous : c'est l'objectif de ce projet de loi, troisième étape, donc, de notre engagement contre la crise du logement.
C'est dans une logique de protection et d'accompagnement des ménages les plus fragiles que le projet de loi a été rédigé, et avant lui, le Plan pluriannuel contre la pauvreté et pour l'inclusion sociale. Ce Plan est aujourd'hui mis à l'oeuvre et traduit l'engagement du Gouvernement en matière d'accès à un logement digne et adapté pour tous.
L'hébergement est un moyen parfois nécessaire, mais le logement pour tous demeure l'objectif primordial, assorti d'un accompagnement pour les personnes qui ont besoin d'un soutien.
De nombreux engagements ont d'ores et déjà trouvé leur place dans le projet de loi afin d'enrayer la mécanique de l'exclusion sociale.
Améliorer la prévention des expulsions, c'est se battre pour que les ménages les plus fragiles se maintiennent dans leur logement.
Je tiens à souligner l'intense travail parlementaire qui a permis de renforcer cet aspect, notamment via l'accroissement du rôle des Commissions de coordination des actions de prévention des expulsions locatives (CCAPEX) et les possibilités accrues données au juge pour accorder des délais aux ménages en situation d'impayé de loyer.
Je suis particulièrement fière également que ce projet de loi permette l'allongement de la trêve hivernale. Il est indispensable aujourd'hui, compte tenu de l'ampleur de la crise que nous vivons, de renforcer la protection des locataires contre les expulsions hivernales. Grâce aux avancées issues du débat parlementaire, du 1er novembre au 31 mars, les locataires seront protégés de toute mise à la rue.
Ces avancées sont donc conséquentes et je pense que nous devons poursuivre cette dynamique et ce dialogue.
Je voudrais dire également quelques mots de la garantie universelle des loyers. C'est un grand sujet, un beau sujet, une innovation dont nous pouvons être fiers. Toute l'histoire de notre République est marquée par l'extension continue du domaine des droits pour assurer l'égalité entre toutes et tous.
C'est dans cette histoire de progrès social que vient s'inscrire la garantie universelle des loyers.
Ce projet est le résultat d'une méthode que j'assume : celle de la co-construction avec les parlementaires. Le projet qui vous est aujourd'hui soumis est le produit de vos amendements, de nos débats, de vos propositions.
Vous le savez tous, ce projet est d'abord le produit d'une longue histoire, portée sur ces bancs depuis plus de dix ans, par la majorité comme par l'opposition. Une histoire qui a pris des noms divers mais dont la « GUL » est l'aboutissement.
Nous allons créer par ce texte un droit nouveau. Un droit universel, parce qu'accessible à tous, sans distinction d'origine sociale, de niveau de revenus ou d'héritage. Certains ont pu dire que faute d'obligation l'universalité serait un demi-mot : quelle étrange conception de nos droits ! Ce droit consacre une garantie certaine : celle de l'égalité dans l'accès au logement.
L'accès au logement est aujourd'hui blessé par la multiplication des garanties et suretés demandées aux locataires. Au premier rang figure la plus discriminante d'entre elles, la caution, cauchemar de centaines de milliers de personnes en recherche de logement. Chacun connaît les mille et une anecdotes liées à la recherche de caution. Chacun connait cette demande devenue quasiment systématique qu'un garant – ou plusieurs, même – promette d'indemniser le propriétaire si le locataire ne paie pas son loyer.
Je le dis avec gravité, le système de la caution est trop souvent à la fois inefficace et injuste.
Inefficace, parce que cette sécurité est une fausse sécurité : dans de très nombreux cas, la caution ne peut pas être mise en jeu par le propriétaire, soit parce qu'elle a été mal libellée, soit parce que les ressources du garant se sont elles-mêmes effondrées.
Injuste, parce que la caution est la négation de l'autonomie. On peut avoir quarante ans, deux enfants, et se trouver soumis à l'obligation de trouver une caution pour se loger.
Injuste, encore parce qu'elle fait parfois reposer l'accès au logement non sur la situation réelle du locataire, mais sur son carnet d'adresses, sa famille, ses relations.
Cette injustice n'est pas le fait des propriétaires : il est légitime qu'ils cherchent des moyens de protéger ce qui est souvent un complément de salaire, de retraite indispensable. Cette injustice est née d'un manque. C'est ce manque que j'ai voulu combler en créant un outil nouveau pour défendre un droit nouveau.
La GUL, cette garantie universelle des loyers, c'est un projet d'émancipation. C'est permettre à chaque locataire de remplacer la caution par une garantie publique. Permettre à chaque propriétaire de savoir qu'il peut accéder à une vraie sécurité si le locataire fait défaut.
C'est un projet frappé du sceau du réel. Nous savons tous que les propriétaires auront intérêt à la GUL. Je ne doute pas que la gratuité de cette nouvelle forme de sécurité les convaincra très rapidement de renoncer à une caution qui ne les protège que très imparfaitement.
C'est aussi un projet pour prévenir les expulsions locatives. À la différence du parc social dont les locataires sont plus souvent connus et suivis et les difficultés repérées, le parc privé est diffus, constitué d'une myriade de petits propriétaires. Lorsqu'un locataire est confronté à une difficulté, personne ne la détecte immédiatement et tous les services qui pourraient concourir à accompagner le locataire, à l'aider, à prévenir l'expulsion locative ne sont pas mobilisés.
La GUL permettra de détecter ces difficultés, de les affronter et finalement de prévenir l'expulsion au plus tôt, à la naissance de l'impayé, quand il est encore temps.
J'ai entendu les craintes de tous ceux qui redoutaient que les locataires, sachant leur propriétaire indemnisé, arrêtent de payer leur loyer.
Je suis certaine que ce risque est un pur fantasme. Ce n'est pas parce qu'on est couvert par la sécurité sociale qu'on va chez le médecin : c'est parce qu'on tombe malade. Ce n'est pas l'assurance qui crée le risque. Mais il est également normal que le contribuable ne finance pas la petite minorité des comportements abusifs.
C'est le sens de ce dispositif qui ne pourra pas s'appliquer à ceux, fraudeurs ou de mauvaise foi, qui n'ont jamais fait la démarche de tenter d'apurer leur dette ou qui ne peuvent démontrer qu'ils ne peuvent plus faire face à leurs dettes.
C'est le sens du recours au Trésor public qui offre à la fois les garanties d'un service public du recouvrement au locataire, la sécurité de pouvoir contester ses créances, de trouver une solution amiable avec un agent public et des moyens réels de recouvrer lorsque le locataire dispose de ressources.
Le projet de GUL que nous avons co-élaboré aura une vertu sur laquelle je veux particulièrement insister : il récompensera le propriétaire solidaire.
Un propriétaire solidaire, c'est un propriétaire qui joue le jeu de la modération des loyers. Les loyers ne seront en effet indemnisés que jusqu'à hauteur d'un plafond, qui correspond dans les zones bénéficiant d'un observatoire des loyers, au loyer médian. Si un propriétaire loue cher, il aura un reste à charge en cas d'impayé.
Un propriétaire solidaire, c'est aussi un propriétaire qui fait le choix d'accepter de ne pas loger que des personnes qui sont fonctionnaires ou en contrat à durée indéterminée, mais aussi des étudiants, des précaires, des chômeurs. Ce propriétaire-là sera mieux indemnisé, pour récompenser tous ceux qui font le choix de la solidarité et les rassurer. S'il y a un impayé : pour eux, la GUL sera pleinement là.
Vous le voyez, nous avons tiré les leçons des produits spécifiques destinés aux plus fragiles qui visent à intégrer mais en fait stigmatisent. Il n'y a pas si longtemps, on voyait des petites annonces indiquant « Locapass, s'abstenir ». La GUL est un dispositif pour tous, mais équitable, plus affirmé pour ceux qui en ont le plus besoin.
Mais l'accès au logement passe aussi par le fait d'en faire baisser les coûts. La hausse continue des loyers au cours des quinze dernières années a gravement obéré le pouvoir d'achat d'une grande partie des locataires du parc privé. On ne le répètera jamais assez : un locataire sur cinq du parc privé consacre plus de 40 % de son revenu pour se loger. C'est un fléau qui mine notre pays. Il faut agir pour réguler et enrayer ces abus du marché. C'est une évidente question de justice sociale. S'en détourner, c'est laisser se déliter notre cohésion nationale. Parce que la cohésion d'une nation ne se fonde pas uniquement sur des valeurs, mais aussi sur l'effectivité des droits des citoyennes et des citoyens.
J'ajoute que lutter contre les loyers exorbitants, c'est également agir pour la compétitivité de notre pays. À tous points de vue, une logique de régulation est un levier essentiel d'une politique d'efficacité économique.
C'est le sens de l'encadrement des loyers que prévoit ce projet de loi. Vous en avez validé le principe lors de la première lecture du texte, et les sénateurs en ont fait de même. Il vous revient maintenant la responsabilité d'en arrêter définitivement les modalités pour en faire une réalité.
Redonner du pouvoir d'achat aux locataires commandait aussi de s'attaquer à la question des honoraires de location. Il ne tient qu'à vous que ce soit désormais chose faite. Si personne ne nie que tout travail mérite salaire, et que le rôle des professionnels de l'immobilier en tant qu'intermédiaires des rapports locatifs est utile, et même indispensable, le statu quo n'est pas possible. Nous devons mettre fin à la pratique qui veut que le locataire qui ne choisit pas l'intermédiaire, ne le mandate pas, assume tout de même l'essentiel de sa rémunération. Peut-on accepter que la location d'un deux pièces de 35 m² soit facturée 1 400 € au locataire ? Poser la question, c'est y répondre.
La double peine qui veut qu'à des loyers élevés correspondent aussi des honoraires élevés pour le locataire doit cesser. J'ai adressé un message clair à la profession immobilière et notamment au président de la FNAIM avec lequel j'ai régulièrement l'occasion d'échanger. Le dialogue a été constant, parfois musclé mais toujours soutenu par une conception volontariste du rôle de l'action de la loi. J'ai souhaité que la responsabilité l'emporte sur toute autre considération. Certaines prestations qui bénéficient au locataire pourront continuer à lui être facturées pour partie, comme cela a été confirmé en commission. C'est normal et légitime. Mais le montant global payé par le locataire devra baisser. Je souhaite qu'il soit au moins divisé par deux dans les zones tendues.
C'est une nécessité pour le pouvoir d'achat des ménages. Ce n'est en aucun cas une attaque contre une profession, qui a elle-même conscience aujourd'hui que ses pratiques doivent évoluer.
C'est le sens du chapitre 3, titre premier du projet de loi, qui crée un nouveau cadre de régulation de la profession. Oui, ces mesures proviennent pour partie des propositions que la profession avait formulées dans son livre blanc. C'est une bonne chose ! Car la régulation ne sera efficace que si les professionnels s'en approprient les enjeux. J'ai la conviction que les esprits sont mûrs pour cela. Le Conseil national de la transaction et de la gestion immobilière créera le cadre institutionnel qui portera la voix de la profession, sans verser dans la création d'un ordre. Les obligations de formation, le code de déontologie, les commissions de contrôle permettront de sévir contre la minorité de la profession qui ne respecte pas les règles et dégrade la réputation de tous. Il en va de l'intérêt de tous, locataires, propriétaires ou copropriétaires, mais également des professionnels.
La première lecture, tant à l'Assemblée qu'au Sénat, a également confirmé le volet du projet de loi qui vise à s'attaquer aux copropriétés dégradées et à l'habitat indigne. Les mesures qui vous sont proposées constituent des réponses attendues de longue date par toutes celles et tous ceux qui agissent chaque jour, parfois impuissants, pour lutter contre ce fléau que constitue l'habitat dégradé. Je sais que ce sujet emporte l'adhésion sur tous les bancs de cet hémicycle, car c'est une question qui touche à la morale républicaine elle-même : il nous faut réaffirmer qu'égaux en dignité, les personnes doivent l'être également dans leur vie quotidienne et qu'il n'y a pas de place, dans notre République, pour l'habitat indigne.
Enfin, au chapitre des mesures structurelles qui détermineront aussi l'avenir de nos territoires, il y a bien évidemment les conditions dans lesquelles ils pourront mobiliser l'ingénierie disponible auprès des services de l'État, des établissements publics fonciers, qu'ils soient d'État ou locaux, développer des stratégies foncières et mettre en place une planification qui permette un développement équilibré. Alur propose de clarifier la hiérarchie des normes en matière d'urbanisme en précisant le rôle respectif des Scot et des PLU.
Vous le savez, je suis convaincue que l'aménagement durable de nos territoires passe par l'élaboration de documents d'urbanisme à l'échelle intercommunale.
Cette élaboration à l'échelle intercommunale, par la mutualisation des moyens et des compétences qu'elle permet, exprime et incarne la solidarité entre les territoires que nous appelons de nos voeux.
Tous ceux qui sont passés au PLU intercommunal s'en félicitent aujourd'hui. Pour autant, au cours de ces débats parlementaires, et au cours de la concertation avec les associations d'élus, j'ai entendu les préoccupations exprimées, qui sont de deux ordres.
Il y a tout d'abord ceux qui considèrent que la loi les dépossèderait d'une compétence essentielle. Je veux inlassablement m'employer à les convaincre.
Laissez-moi vous redire que l'élaboration d'un PLU intercommunal ne les prive pas de cette prérogative qu'ils ont de délivrer les autorisations d'urbanisme.
J'ajoute que cette prérogative, ils ne l'exercent que quand ils se sont dotés d'un document d'urbanisme. Or, plus de 40 % des communes sont encore soumises au règlement national d'urbanisme, où c'est l'État qui instruit et de fait délivre les autorisations d'urbanisme.
En promouvant l'élaboration de PLU intercommunaux, l'État les invite en fait à prendre plus de pouvoirs qu'ils n'en ont aujourd'hui. Objectivement, seule la voie du PLU intercommunal leur donne vraiment la possibilité d'élaborer en commun un projet pour leur territoire, parce que vous le savez comme moi, quelle planification peut-on faire à l'échelle d'une seule commune de quelques kilomètres carrés ? Le PLUi ne vise pas à déposséder les maires, mais plutôt à mettre en oeuvre effectivement une compétence qu'ils sont plus de 40 % à ne pas exercer.
Et puis, il y a ceux qui demandent du temps : du temps pour apprendre l'exercice de l'intercommunalité, du temps pour achever des procédures en cours. Ou qui, par principe, refusent que l'exercice de cette compétence soit transféré sans que les communes concernées ne puissent se prononcer.
J'ai entendu ces préoccupations, tout comme le Premier ministre, qui a pris l'engagement qu'à l'issue du processus parlementaire, « la définition de l'intérêt communautaire et le PLUI respecteront l'intérêt des maires ».
C'est la raison pour laquelle j'ai soutenu la position des sénateurs qui ont introduit la possibilité par une sorte de « minorité de blocage », composée par un quart des communes représentant au moins 10 % de la population, de s'opposer au transfert automatique de la compétence PLU. Et je soutiendrai cette position devant vous parce que je pense que c'est la meilleure voie pour avancer sur ce sujet. Parce que toutes les tentatives, depuis de nombreuses années, pour transférer l'élaboration des documents d'urbanisme au niveau communal, ont échoué. Et je souhaite aujourd'hui qu'on franchisse cette étape essentielle.
On ne peut pas faire confiance aux élus locaux sans souhaiter que la question du PLU intercommunal soit posée dans chaque EPCI, pour que cet échange ait lieu et que chacun des élus concernés mesure et exprime les conséquences concrètes de ce choix pour l'avenir de son territoire.
Voici donc l'essentiel des propositions législatives que comprend ce projet de loi, qui aborde les questions de logement et d'urbanisme d'abord et avant tout sous l'angle de la justice sociale et de la modernité.
Je suis heureuse des débats que nous avons pu avoir en première lecture et de la dynamique parlementaire qui a permis, au cours de la navette, non seulement d'améliorer techniquement un certain nombre de mesures, mais aussi de conforter les grandes orientations de ce projet de loi pour permettre à chacune de nos concitoyennes, à chacun de nos citoyens, l'accès au logement et permettre à nos territoires de mettre en place un urbanisme rénové. L'un n'ira pas sans l'autre.
Je sais pouvoir compter sur vous pour incarner ces convictions.
Je vous remercie.
Source http://www.territoires.gouv.fr, le 15 janvier 2014