Déclaration de Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité, sur le projet de budget de la ville et de l'intégration pour 1998, au Sénat le 1er décembre 1997.

Prononcé le 1er décembre 1997

Intervenant(s) : 

Circonstance : Présentation du budget de la ville et de l'intégration pour 1998 au Sénat le 1er décembre 1998

Texte intégral

Monsieur le président,
Messieurs les rapporteurs,
Mesdames et messieurs les sénateurs,

L’organisation de nos débats veut que l’examen des crédits de l’intégration soit regroupé avec celui du budget de la ville. Ce rapprochement, hérité de la structure gouvernementale antérieure, répond néanmoins à une réalité, et à la logique d’une démarche consistant à prendre en compte, dans la politique de la ville, les problèmes des gens qui y habitent.

1. Les objectifs de la politique d’intégration sont axés sur l’accueil et l’intégration des populations étrangères qui séjournent dans notre pays et sur le développement d’une rencontre harmonieuse de ces populations avec la population française.

Il faut rappeler que l’immigration est en France une réalité très ancienne : le solde migratoire est régulièrement positif depuis 1825 ! Notre pays n’a jamais cessé d’accueillir des étrangers qui ont largement contribué à sa richesse économique et culturelle, même si, à chaque étape, cela a pris du temps.

C’est la volonté de préserver et de promouvoir notre modèle républicain d’intégration qui justifie à la fois l’existence d’une politique d’intégration et la priorité qui lui est donnée par ce gouvernement.

1.1. Vous le savez, l’essentiel des moyens consacrés à l’intégration des populations d’origine étrangère est porté par le budget des établissements publics sous tutelle de ce ministère, l’OMI, doté en 1997 d’un budget de 218 MF, et le FAS, dont le budget d’intervention s’est élevé à 1,15 MdF.

La Cour des comptes a critiqué dans son rapport public les modalités d’intervention et de financement de ces deux établissements. Ce n’est pas ici le lieu pour me prononcer sur le fond de cette situation, au demeurant largement héritée d’une gestion passée.

Je souhaite néanmoins indiquer que, s’agissant du FAS, les délégations régionales récemment constituées ou renforcées disposeront d’une meilleure visibilité pour instruire les demandes de subventions et en suivre l’exécution. Si des efforts sont faits, comme le souligne M. Blanc, il y a lieu de revoir l’ensemble des procédures pour non seulement accélérer les délais de versement des subventions mais surtout pour obtenir une meilleure définition tant des missions de l’organisme que des priorités fixées à l’intervention publique.

Un plan stratégique pour la période 1998-2000 a été adopté en octobre dernier, qui permettra d’encadrer la gestion de l’établissement par des règles claires.

S’agissant en particulier de la dispersion des subventions, relevée par la Cour, il faut regarder de près ce qu’il en est, et veiller au contrôle des conditions d’octroi et d’emploi de ces subventions, sans oublier que la réalité du travail d’insertion est le fait de petites associations. Ce sont elles qui assurent le véritable maillage social indispensable à l’intégration.

Quant à l’OMI, la critique porte moins sur son mode de financement que sur la constitution d’un fonds de roulement important. Mon intention est d’utiliser ces ressources au profit des populations étrangères soit pour faciliter l’intégration, soit pour financer des aides au retour et à la réinsertion dans le pays d’origine.

C’est ainsi que je souhaite mener un vaste programme d’accueil des étrangers autorisés à séjourner sur notre territoire. Le premier contact avec la France est un moment crucial, dont la réussite conditionne la suite de leurs parcours et de leurs chances d’intégration.

En ce qui concerne les questions relatives aux foyers d’immigrés, mon ministère travaille en étroite collaboration avec le ministère du Logement. Un groupe de travail qui associe également le FAS doit rendre très prochainement ses conclusions sur la gestion de la convention signée entre l’État et l’Union économique et sociale pour le logement (UESL) en mai 1997, nouveau cadre juridique de traitement des foyers. Il sera également amené à faire des propositions de réorganisation et, plus généralement, de mise en œuvre d’une politique de logement des familles immigrées.

Quant aux questions soulevées à propos de la SONACOTRA, une mission conjointe de l’IGAS et de l’Inspection générale des finances a démarré il y a quinze jours et doit rendre ses conclusions à la mi-janvier.

1.2. Les actions financées par le budget de l’État sont axées sur des populations particulières, telles que les réfugiés et demandeurs d’asile.

Les centres d’hébergement temporaires et les centres d’accueil des demandeurs d’asile, les CADA, sont subventionnés dans des conditions comparables au CHRS, assorties pour les réfugiés statuaires d’actions de formation linguistique et professionnelle. La dotation de 295 MF prévue à cet effet est inscrite sur l’article 21 du chapitre 46-23. Les CADA vont bénéficier de l’ouverture de 100 nouvelles places en 1998.

Sont aussi financées par l’État, sur le chapitre 47-81, des actions d’intégration innovantes ou qui entrent dans les contrats d’agglomération conclus avec 52 communes hors de la géographie des contrats de ville. Ces contrats d’agglomération mobilisent 42 MF sur les 77 MF des crédits d’intervention inscrits sur ce chapitre.
Un chapitre qui, je voudrais le souligner, illustre la règle du « dépenser mieux » que votre commission s’attache à promouvoir : une économie de 4 MF a été dégagée sur des interventions qui, ayant fait leurs preuves, ont trouvé un financement de croisière ou qui sont apparues moins prioritaires.

Elle finance de nouvelles actions d’accompagnement des femmes adultes vers l’emploi ou la formation qualifiante, des actions d’information sur l’accès à la nationalité française, ou encore de parrainage des jeunes vers l’emploi.

J’insiste sur l’importance stratégique de l’insertion des femmes par le développement des associations de femmes issues de l’immigration, qui constituent des relais particulièrement efficaces vers la société française, et des lieux de médiation entre les générations. Ces actions ont une efficacité visible parce qu’elles aident à poser des repères indispensables à la fois à la construction de l’identité et à l’intégration.

Un dernier mot que les actions de parrainage vers l’entreprise. 300 réseaux sont constitués à ce jour, qui concernent 11 000 jeunes. Là encore, on constate de vraies réussites, qui d’ailleurs encouragent à étendre ces formules au-delà des jeunes issus de l’immigration.

2. J’en viens à présent à la politique de la ville.

Peu de politiques sont aussi lourdes d’enjeux que la politique de la ville.

Bien entendu, et c’est tout l’intérêt de confier la coordination et l’animation de cette politique au ministre de l’Emploi et de la solidarité, elle est, elle aussi, un élément central de la priorité gouvernementale qu’est la lutte contre les exclusions.

Mais elle relève d’une problématique plus large et d’une réflexion globale sur une organisation des territoires urbains qui ouvre sur la diversité et la mixité sociales, conditions essentielles pour l’avenir de notre démocratie.

L’enjeu pour la prochaine décennie est la reconstruction de vraies villes dans un processus de développement équilibré, qui corrige peu à peu la désarticulation et le cloisonnement entre les diverses fonctions urbaines.

La politique de la ville concerne l’ensemble des secteurs de l’action gouvernementale, qu’il s’agisse de favoriser la mixité sociale à travers la politique de l’urbanisme et du logement, d’améliorer la sécurité dans la vie quotidienne et de prévenir la délinquance, d’assurer l’accès de tous à la santé, à la culture, à l’éducation, mais aussi aux commerces, aux transports, aux loisirs, et bien entendu à l’emploi.

C’est tout le sens d’une politique interministérielle, qui ne consiste pas seulement à « flécher » des crédits ou des contributions financières, mais à mobiliser activement et à mettre en cohérence les politiques sectorielles pour qu’elles s’adaptent aux besoins et aux réalités des territoires où elles se déploient.

Les quartiers défavorisés sont au cœur de cette politique. Depuis quinze ans, ils ont mobilisé les efforts et les initiatives d’un nombre très important d’acteurs, à commencer par les habitants eux-mêmes, les professionnels, les collectivités territoriales, les services de l’État.

Tous ces efforts n’ont pas suffi à enrayer les processus d’exclusion et de ségrégation spatiale et sociale dont souffrent les habitants de nombreux quartiers de nos villes.

Des signes nombreux, tels que les phénomènes de violence contre les transports publics, attestent la montée d’une violence urbaine qui affecte jusqu’aux plus jeunes, et aussi la progression de comportements de repli hors des formes habituelles de socialisation.

Je voudrais ici répondre à M. Marini qui craint de voir se raviver un faux débat entre, d’une part, la démarche contractuelle qui cherche à élaborer, entre l’État et les acteurs locaux, des réponses globales à l’échelle de la commune ou de l’agglomération et, d’autre part, la logique de discrimination positive en faveur des zones les plus en difficulté, qui est l’orientation choisie par le Pacte de relance de la ville.

Ce n’est pas mon propos de jouer sur l’opposition présumée entre ces deux logiques. Comme je viens de le dire, il est évident que les quartiers les plus en difficulté ont besoin d’actions spécifiques, mais qui soient conçues et appliquées de manière à éviter de stigmatiser ces quartiers, de les enfermer dans une image dégradée dont, quels que soient les progrès accomplis ils ne peuvent plus s’affranchir.

Ainsi, la discrimination positive peut se retourner contre son objectif si elle fige des quartiers dans un statut qui les marque et les isole au lieu de créer de la continuité et des échanges au sein de la ville.

Par contre, en effet, tous les efforts doivent être faits pour donner aux habitants des quartiers des chances et des facilités égales pour accéder aux services publics et aux biens collectifs. D’où, bien entendu, les efforts particuliers pour assurer concrètement ce principe d’égalité.

D’un autre côté, s’il est vrai qu’il n’y a pas, à mon sens, de politique de la ville sans contractualisation avec les élus et les acteurs locaux, je sais que les procédures contractuelles souffrent trop souvent de leur propre tendance à la complexité et de la lourdeur des opérations de mise en place. Ces défauts peuvent devenir des obstacles à l’efficacité et finissent par compromettre la confiance mutuelle des contractants.

La responsabilité de l’État est engagée, en particulier dans une certaine dérive bureaucratique de la démarche contractuelle. C’est pourquoi, précisément, je m’engage dans une évaluation des contrats de ville. Il ne s’agit pas d’attentisme, mais de créer les conditions pour renouveler les procédures et remobiliser les acteurs de la politique de la ville.

Il n’est donc pas question pour moi d’enfermer a priori les orientations de la politique de la ville dans un dilemme d’école, ou d’amputer cette politique d’un quelconque volet d’action pour des raisons qui ne seraient pas fondées dans une évaluation complète et objective.

Au surplus, nos villes sont confrontées à des problèmes immédiats que la politique de la ville a pour vocation de traiter sans attendre.

La prévention de la délinquance en est un exemple. Lors du colloque de Villepinte, « des villes sûres pour des citoyens libres », le Premier ministre a pris plusieurs engagements d’effet immédiat portant notamment sur la création d’un conseil de sécurité intérieure, qu’il a installé le 19 novembre dernier et auquel j’ai participé aux côtés du ministre de l’Intérieur et de la ministre de la Justice.

Une mission interministérielle vient d’être confiée par le Premier ministre à Mme Lazerges et M. Balduyck sur la délinquance des mineurs. Mon ministère travaillera en étroite collaboration avec ces deux élus pour alimenter les solutions qu’il faut apporter à ce problème difficile. J’ai co-signé, le 28 octobre, avec les ministres de l’Intérieur, de la Justice, de la Défense et de l’Éducation nationale une circulaire mettant en place des contrats locaux de sécurité.

Ces contrats locaux de sécurité s’articuleront naturellement avec l’activité des conseils communaux de la prévention de la délinquance. Il convient de faire le bilan sur l’activité de ces conseils. Mais sans attendre, je souhaite donner aux CCPD un nouveau souffle et inciter les maires à en créer là où il n’en existe pas. Quant aux conseils départementaux de prévention de la délinquance, qui ont un caractère obligatoire, il faut éviter qu’ils ne restent, comme trop souvent, des « grand-messes » et en faire vraiment le lieu d’élaboration concrète d’une politique de citoyenneté. N’oublions pas que ce qui rassemble la prévention de la délinquance et les politiques d’insertion, c’est l’action pour combler le déficit de citoyenneté dont souffrent les populations des quartiers défavorisés.

Je le disais, la politique de la ville doit traiter les problèmes urgents, et tout à la fois s’attacher à les résoudre dans la durée.

C’est là un chantier de longue haleine, qui sera lancé au début de l’année prochaine en liaison avec la loi de lutte contre les exclusions et sur la base du rapport que Jean-Pierre Sueur me remettra en janvier, au terme de la mission que je lui ai confiée.

Aussi l’année 1998 sera-t-elle, pour la politique de la ville, une année d’évaluation et de débat, vos rapporteurs l’ont bien noté. J’ajoute qu’elle ne sera nullement, pour autant, une année de pause dans l’action.

3. Il faut évaluer les outils de la politique de la ville, et les faire évoluer pour les simplifier et améliorer leur efficacité.

M. Marini « déplore la manière dont s’engage le processus d’évaluation de la politique de la ville », regrettant que « le ministre exprime, par allusions, ses réserves quant au principe de zones franches ». Je lui laisse la responsabilité de son interprétation, mais pour ma part je ne me reconnais pas dans ce propos.

3.1. M. Blanc l’a rappelé, le pacte de relance de la ville a conduit à articuler la politique de la ville autour d’une géographie prioritaire constituée de 750 zones urbaines sensibles, de 416 zones de redynamisation urbaine et de 44 zones franches.

Cette logique de segmentation ne laisse pas d’interroger, ne serait-ce qu’à cause des inégalités qu’une délimitation géographique aussi fine crée inévitablement de part et d’autre d’une rue. Je m’emploie actuellement à corriger par décret les erreurs manifestes de découpage aux marges de ces zones.

Sans doute la politique de la ville a-t-elle par nature une dimension territoriale, mais il est préférable de définir, pour chaque action, le niveau le plus pertinent, en évitant des morcellements presque toujours artificiels et forcément contestés sur leurs marges.

Cela dit, la politique de la ville impose une continuité de l’action publique, plus encore que toute autre politique car elle repose sur des dynamiques d’acteurs locaux qui comptent sur l’État. Les collectivités territoriales, les associations qui ont lancé des actions sur le terrain attendent que l’État respecte ses engagements.

C’est pourquoi, je le redis, les zones franches et des zones de redynamisation urbaine ne sont pas remises en cause. L’évaluation des zones franches est en cours et sera achevée avant le printemps 1998. Un certain nombre de maires concernés par les zones franches on déjà, pour leur part, tiré des bilans.

Je comprends leur impatience mais il faut disposer du recul nécessaire pour tirer des conclusions fiables, en particulier sur les transferts d’activité qui recherchent l’effet d’aubaine. Je rappelle que le recueil des informations repose sur des déclarations obligatoires opérées à date fixe et qui demandent un délai de traitement.

C’est sans a priori, sur la base d’un bilan exhaustif, et sur les avis et recommandations des parlementaires, des élus locaux et des acteurs de terrain, que je compte faire évoluer ces dispositifs.

Je devrai également tenir en compte du fait que les autorités européennes, légitimement soucieuses de l’égalité devant la concurrence au sein de l’Union, limitent à 1 % le taux de la population concernée par ce type de mesures dérogatoires.

3.2. Les contrats de ville, qui se terminent fin 1998, font aussi l’objet de cette démarche d’évaluation et de débat qui marque l’année 1998.

Vos rapporteurs ont souligné le décalage entre le terme des contrats de ville et celui des contrats de plan État-régions, qui ont été lissés sur une année supplémentaire. Je précise que ceci ne concerne que les crédits d’investissement – les crédits ordinaires du titre IV ne sont pas affectés par ce décalage. Et je confirme que la politique de contractualisation entre l’État et les collectivités territoriales sera poursuivie en 1999.

L’enjeu pour la période qui suivra est de redéfinir une politique et des outils contractuels qui, je le répète, reposent sur le niveau territorial le plus pertinent. Cette réflexion est au centre de la mission de Jean-Pierre Sueur.

Le contrat est l’élément de base de la politique de la ville, et il doit jouer son rôle de pivot entre des objectifs transversaux forts et des politiques spécifiques qui sont indispensables pour les quartiers en difficulté. Mais il faut absolument simplifier les méthodes de travail au niveau local.

Il faut cesser d’alimenter la complexité des dispositifs, éviter d’émietter les engagements contractuels et ne plus les réduire à des séries de fiches techniques où l’on perd de vue la globalité du territoire urbain, c’est-à-dire la ville, ses quartiers, son environnement.

[Dans cet esprit, j’ai l’intention de réformer en 1998 le Conseil national des villes afin de lui rendre sa vocation initiale de concertation entre tous les partenaires de la politique de la ville.]

3.3. Vous m’accorderez un dernier mot à propos de la démarche d’évaluation, pour indiquer qu’elle est rendue nécessaire également au titre des fonds européens.

M. Larcher a raison de souligner l’incidence de la réforme des fonds structurels européens sur le financement de la politique de la ville. Le gouvernement a une claire conscience du besoin de concevoir les dispositifs futurs en fonction de l’évolution des fonds européens, mais aussi de travailler dans les instances européennes pour que les dispositifs européens s’adaptent aux besoins de la politique de la ville de notre pays. Les travaux semblent s’engager dans une bonne voie et je veillerai à ce qu’ils se poursuivent dans ce sens.

4. Ce contexte justifie que le budget 1998 soit un budget de transition.

Comme l’ont souligné vos rapporteurs, les moyens de la politique de la ville sont globalement maintenus. Ils sont même accrus d’un milliard puisque dans leur périmètre le plus large, les moyens de la politique de la ville atteignent en 1998 15 MdsF contre 14 MdsF cette année (hors les fonds structurels européens et les apports de la Caisse des dépôts).

4.1. Ces moyens ne figurent que pour une part limitée sur le budget du ministère.

M. Marini a parfaitement retracé les différentes sources et mécanismes de financement des crédits de la politique de la ville. Je me contenterai donc d’un rappel et de quelques remarques.

Les moyens d’intervention, crédits ordinaires et autorisations de programme, inscrits au bleu ville s’élèvent à 926 MF, soit une baisse de 1,6 % par rapport à 1997. Le reste des crédits spécifiques ville est imputé sur le fonds d’aménagement de la région Île-de-France et sur le fonds interministériel de la ville, qui sera abondé en gestion de 226 MF par différents ministères, comme l’an dernier : cette stabilité atteste le caractère prioritaire de la politique de la ville, car les chapitres d’origine de ces contributions n’ont pas toujours, quant à eux, préservé leur niveau de 1997.

Les crédits du titre IV affectés aux contrats de ville sont reconduits au niveau de 337 MF. Les crédits d’investissement du titre IV sont également reconduits, au moins en autorisations de programme : 401 MF au total, dont 111 MF pour les contrats de ville, 200 MF pour le fonds social urbain et 90 MF pour les grands projets urbains.

Les crédits de paiement diminuent, en revanche, et cet ajustement en baisse est imputable à la sous-consommation des années antérieures. Mais les reports viendront abonder cette dotation initiale. Au total, les crédits sont reconduits en 1998 au niveau permettant d’honorer les engagements prévus dans les contrats de ville.

4.2. Une part essentielle des moyens de la politique de la ville est constituée des concours des ministères soit dans les contrats de ville intégrés aux contrats de plan État-régions (2,5 MdsF dont 1 MdF du ministère du Logement), soit dans le cadre des politiques nationales (5,8 MdsF, dont 2,5 MdsF en provenance du budget de mon ministère).

Pour être complet et rendre compte de l’enveloppe globale figurant dans le « jaune » ville, il faut ajouter 2,5 MdsF de dépenses fiscales et sociales, parmi lesquels figurent les 525 MF d’exonérations de charges au profit des ZRU et des zones franches inscrits au budget de l’emploi.

Enfin, une vision exhaustive conduit à agréger aux moyens de la politique de la ville les 2,9 MdsF de crédits redistribués au travers de la dotation de solidarité urbaine et le fonds de solidarité des communes d’Île-de-France, mais M. Blanc a raison de souligner qu’il ne s’agit pas de concours de l’État.
Je reviens d’un mot, et je terminerai par là, sur les 2,5 MdsF de concours du ministère de l’Emploi et de la solidarité au-delà des crédits spécifiques.

Les actions de prévention et de lutte contre la toxicomanie du budget de la Santé sont comptées parmi ces concours, ce qui est légitime compte tenu de la place que tient la toxicomanie dans les difficultés de nombreux quartiers ; mais je n’y reviens pas sur le fond, Bernard Kouchner ayant largement développé le sens de cette politique.

Le réseau d’insertion professionnelle et sociale des jeunes en difficulté est implanté dans les quartiers où vivent ces jeunes et il participe totalement du développement social urbain.

Ce réseau, créé en 1983, cofinancé avec les collectivités locales, comporte aujourd’hui plus de 300 missions locales et 340 permanences d’accueil, d’information et d’orientation, les PAIO.

Il a reçu en 1996 près de 1 million 200 000 jeunes en premier contact, et la proportion des jeunes qu’il conduit vers des situations professionnelles, 550 000 en 1996, est encourageante. Il faut poursuivre la professionnalisation de ce réseau, et vous aurez noté dans le budget de l’Emploi que nous nous y employons activement en 1998.

Enfin, bien entendu, le programme « emplois-jeunes » apportera une contribution majeure à la politique de la ville. M. Larcher s’interroge du bien-fondé du décompte au titre de la politique de la ville de 10 % des fonds consacrés aux emplois-jeunes, auquel on peut en effet imputer la majoration de 1 MdF du budget ville global.

L’inscription à ce budget ville d’un tel pourcentage de l’enveloppe des emplois-jeunes se justifie si l’on songe que les jeunes des quartiers relevant de la politique de la ville représentent 20 % des jeunes sans emploi. Elle manifeste aussi une volonté politique.

La circulaire d’application de la loi du 16 octobre affirme, avec la plus grande netteté, la nécessité de la mobilisation de tous les responsables – préfets, directeurs du travail, de l’emploi et de la formation professionnelle, directeurs généraux de l’AFPA et de l’ANPE – pour assurer aux jeunes des quartiers en difficulté le plus large accès aux emplois-jeunes.

J’ai d’ailleurs, s’il en était besoin, répété cette consigne la semaine dernière par une note aux préfets, pour insister sur l’importance d’ouvrir ce programme aux jeunes les moins qualifiés, notamment ceux qui vivent dans les quartiers en difficulté.

M. Larcher a souhaité un bilan des emplois de ville, qui sont supprimés s’agissant des nouveaux contrats à compter du 1er janvier 1998, même si, je le rappelle, les contrats en cours qui ne seraient pas convertis en contrats emploi-jeunes pourront se poursuivre et être honorés grâce à l’inscription de 414 MF sur la ligne emplois-ville au budget de l’Emploi.

Les remarques formulées par les élus et les associations peuvent tenir lieu d’un premier bilan, qui semble confirmer les limites d’une politique strictement zonée et peut expliquer non pas l’attentisme, mais simplement l’attente d’un dispositif plus adapté :
    – première observation, la charge financière des emplois de ville est trop importante pour l’employeur, et s’alourdit encore par comparaison avec les emplois-jeunes (45 % de coût est laissé à sa charge, contre 20 % pour les emplois-jeunes ;
    – les jeunes diplômés de l’enseignement supérieur résidant dans les zones urbaines sensibles (ZUS) en sont exclus, alors que leur embauche est de nature à prouver la vertu intégratrice de l’école républicaine ;
    – il est impossible d’embaucher des jeunes en difficulté résidant hors des ZUS ;
    – les communes n’ayant pas de ZUS sont réticentes à employer des jeunes venant des quartiers défavorisés.

Le bilan se mesure en chiffres : le « rythme de croisière » est constamment demeuré à 50 % des prévisions.

Je suis sensible, comme M. Larcher, à l’incidence de la suppression du « service national ville ». La suppression du service national, annoncée en premier lieu par monsieur le président de la République, a fait l’objet d’un large consensus. La mise à disposition d’appelés du « service national ville » représente un coût mensuel de 1 700 francs pour l’organisme d’accueil.

Compte tenu de la prise en charge des emplois-jeunes à hauteur de 80 % du Smic, charges comprises, la transition vers ces emplois-jeunes devrait être possible sans accroître sensiblement la charge d’une association.

L’enjeu des emplois-jeunes dans les cités et quartiers en difficulté est d’amener les jeunes vers l’emploi, aussi bien dans leurs quartiers qu’ailleurs ; de même, des jeunes de tous horizons pourront être amenés à exercer leur activité dans les quartiers en difficulté.

Le principe même des emplois-jeunes est de faire émerger des projets originaux, qui ouvrent la voie à des emplois susceptibles d’être offerts aux jeunes les moins qualifiés comme aux jeunes diplômés. Les ambitions du programme « emplois-jeunes » et de la politique de la ville sont parfaitement convergentes : ce que nous voulons, c’est recréer des liens sociaux, mettre les jeunes en mouvement, en situation d’être utiles et de se professionnaliser sur des métiers nouveaux, c’est-à-dire, pour reprendre le mot de vos rapporteurs, de construire leur « employabilité » ; le tout dans une mixité sociale qui est la meilleure garantie d’une démocratie vivante.