Texte intégral
Intervention du ministre à l'Assemblée nationale le 29 octobre 1996
Ce premier projet de loi de financement de la sécurité sociale marque une date importante dans l'histoire du Parlement et de la sécurité sociale. C'est la date de leur première rencontre institutionnalisée, formalisée, et c'est le début d'un processus essentiel qui ne manquera pas de s'enrichir et de se préciser au fil des années.
En application de la révision constitutionnelle que vous avez votée en janvier dernier et de la loi organique que vous avez votée en juin, le Parlement est donc appelé à se prononcer sur les choix essentiels qui sont indispensables à la bonne gestion des régimes obligatoires de base de sécurité sociale, choix sur les objectifs des politiques poursuivies, les priorités dégagées particulièrement en matière de santé publique, les arbitrages économiques et financiers majeurs.
Cette innovation marque un très net progrès dans l'exercice de la démocratie parlementaire. Il n'était que temps que les représentants de la Nation puissent débattre simultanément des orientations de la politique (...) et de sécurité sociale, et des objectifs qui déterminent les conditions générale de l'équilibre financier de la sécurité sociale, Mais cela doit aussi marquer un progrès dans l'exercice de la démocratie tout court : puisse ce débat contribue à ce que les Français appréhendent de manière adulte et responsable les questions touchant à la sécurité sociale et à son financement.
À l'évidence, l'équilibre de la sécurité sociale est une question complexe qui ne peut se réduire à des considérations lapidaires, à des raisonnements simplistes. Car le bon équilibre est assurément la résultante d'exigences contradictoires : il faut veiller sans relâche à la situation des personnes âgées et des familles, il faut donner à tous un égal accès à des soins de qualité ; mais il faut aussi, bien sûr, éviter que le poids des prélèvements nécessaires au financement des prestations ne vienne limiter la croissance et l'emploi, et décourager l'initiative et le travail.
À l'évidence également, les masses de recettes et de dépenses en jeu sont d'une telle importance – rappelons qu'elles atteignent près de 1 700 milliards de francs – qu'elles appellent chaque année des décisions majeures, pour corriger des insuffisances, pour mettre fin à des dérives, pour redéployer des dépenses, pour, en un mot, adapter en permanence les régimes aux priorités sociales et au contexte économique.
Ces décisions sont normales, elles sont nécessaires, je dirais même qu'elles sont les meilleurs gages de la pérennité de notre système. Et je crois sincèrement qu'il faut en débattre en toute sérénité, et sortir des visions caricaturales et dramatisées de plans de financement présentés comme autant d'échecs ou de menaces. L'exercice de transparence que constitue la loi de financement de la sécurité sociale a un caractère régulier, exhaustif, indépendant du calendrier politique, qui devrait vraiment nous permettre de sortir de cette représentation caricaturale Je suis convaincu que ce débat peut et doit être le rendez-vous annuel où la collectivité toute entière exprime ses choix et arrête ses priorités pour l'exercice à venir.
Ce projet de loi n'est donc en aucun cas un énième plan de redressement financier dont l'existence même témoignerait, aux yeux de certains, de l'insuffisance des décisions antérieures
Je pense vraiment que ce premier projet de loi de financement est resté fidèle à l'esprit et à la lettre de la loi organique et qu'il peut servir de base à un débat de qualité. Mais je suis évidemment conscient de son caractère perfectible.
L'exercice a dû – il est vrai – respecter des délais très tendus : la loi organique a été publiée le 23 juillet, la première Conférence nationale de santé s'est tenue du 2 au 4 septembre. Et l'obligation de déposer le projet de loi le 15 octobre – je vous le dis même si je me rappelle bien que l'Assemblée nationale n'en est pas responsable – nous a conduits, compte tenu de la consultation indispensable des organismes de sécurité sociale, a en rendre publiques les principales dispositions le 23 septembre, à l'occasion de la réunion de la Commission des comptes de la sécurité sociale. Cette contrainte a pesé lourdement sur des services déjà fortement sollicités par la mise en oeuvre de la réforme structurelle de l'assurance maladie.
Ce projet de loi est bâti sur des hypothèses économiques communes avec le projet de loi de finances. Il a été élaboré en cohérence avec les grands choix faits dans ce projet, tant en ce qui concerne la réduction du déficit public qu'en ce qui concerne la réforme fiscale. Il s'appuie enfin sur les comptes tendanciels soumis la Commission des comptes de la sécurité sociale et les orientations dégagées par la Conférence nationale de la santé.
C'est une avancée considérable, et les débats qui suivront ne manqueront pas de faire apparaître de multiples voies de progrès possibles. Le Gouvernement y sera particulièrement attentif, sachant – et c'est un point dont l'importance ne vous échappera pas – qu'il est d'ores et déjà acquis que la Conférence nationale de santé se tiendra dès l'année prochaine avant l'été, et qu'elle pourra ainsi mieux s'articuler avec les conférences régionales et avec la préparation du projet de loi de financement.
La réforme engagée en 1995 fonde un nouveau partage des responsabilités entre l'État et les gestionnaires de la sécurité sociale. Ce projet de loi de financement en est une des concrétisations
Il faut bien sûr que l'État exerce sa mission stratégique, qu'il fixe nettement les priorités des politiques menées et qu'il arrête les choix économiques et financiers majeurs. C'est tout l'objet des lois de financement de la sécurité sociale. Mais il reviendra ensuite aux gestionnaires d'exercer pleinement leurs responsabilités. Il doit être clair que ce n'est qu'en se recentrant sur ses missions stratégiques que l'État dégagera des espaces de responsabilité nouveaux pour les gestionnaires.
« Mieux d'État » dans l'explicitation des objectifs et des choix de principe. « Moins d'État » dans la gestion quotidienne. Cette approche se retrouve dans différents points d'application.
1) Les conventions d'objectifs et de gestion, qui fixent pour 3 ans les principales règles entre l'État et les Caisses nationales, seront la première illustration de cette philosophie. Leur préparation est en cours et elles permettront – j'en suis convaincu – d'identifier clairement les responsabilités des uns et des autres, en particulier celles qui seront dévolues, aux caisses nationales d'assurance maladie pour tout ce qui concerne les dépenses des soins de ville.
Après la période de transition actuelle, et ses inévitables difficultés, un partage clair des responsabilités sera établi, y compris dans des domaines difficiles et sensibles comme ceux de l'élaboration de la nomenclature.
2) Le souci de s'adapter au terrain, aux réalités locales et de privilégier pour la régulation fine du système de santé le niveau régional est un autre élément central de la réforme. Cela ne vise nullement à renforcer le centralisme administratif mais tout au contraire à s'en écarter.
Les Agences régionales de l'hospitalisation auront de réelles marges de manoeuvre et des capacités de négociation avec les établissements hospitaliers les URCAM viendront doter l'assurance maladie d'un lien régional qui devra coordonner la politique de gestion du risque au niveau local ; les ordonnances ouvrent la possibilité, que la CNAM entend bien utiliser, d'adapter localement les objectifs prévisionnels de dépenses nationaux, Hervé Gaymard aura après moi l'occasion d'en reparler : les Conférences régionales de santé seront institutionnalisées.
Qui ne voit qu'à travers toutes ces évolutions convergentes, nous tournons une page importante dans l'histoire du système de santé français, et que nous nous éloignons ainsi de la vision traditionnelle, celle d'un système centralisé piloté exclusivement par le haut sans prendre en compte les diversités locales.
3) Un troisième exemple de cette approche déconcentrée, c'est le souci de faire émerger des formes nouvelles d'organisation de soins par la voie des expérimentations.
Chacun sait aujourd'hui que l'une des grandes faiblesses de notre système de santé, c'est l'éparpillement des acteurs, le caractère éclaté des prises en charge, le cloisonnement entre l'hôpital et la médecine de ville, entre le sanitaire et le médico-social. Pour y remédier et progresser collectivement en efficacité, tout en respectant strictement les principes essentiels d'exercice de la médecine libérale, le Gouvernement a fait le choix de ne pas imposer un modèle mais de rendre possible des expériences multiples dans leur objet et dans leurs formes. Tous les acteurs potentiels publics ou privés, sans exclusivité ni monopole, pourront faire et tester des propositions.
À cette fin nous avons décidé d'ouvrir largement les possibilités de dérogation juridique aux textes organisant la rémunération des producteurs de soins et le remboursement aux assurés. Toutes les expériences ne seront évidemment pas permises, et nous avons prévu la mise en place d'une structure – le Conseil d'orientation des expérimentations, où se retrouveront des professionnels de santé, des financeurs, des experts – pour éclairer de son avis la décision d'approbation de l'État. Ce conseil d'orientation sera installé en novembre et nous savons que la CNAMTS, mais aussi la CANAM et la MSA, entendent bien mobiliser leur réseau de caisses pour promouvoir ou faciliter l'émergence de ces initiatives.
Voilà donc trois exemples importants de la vision que nous avons de la place de l'État. Je crois que la philosophie d'ensemble qui inspire la réforme et bien résumée par la place essentielle qui est faite aux contrats, aux conventions : conventions d'objectifs et de gestion entre l'État et les Caisses nationales, mais aussi entre les Caisses nationales et les Caisses locales ; contrats conclus entre les Agences régionales de l'hospitalisation et les établissements de soins publics et privés ; conventions entre les promoteurs des actions expérimentales et les organismes d'assurance maladie concernés. Sans oublier bien évidemment les conventions entre les professionnels de santé et l'assurance maladie.
Qu'il soit bien entendu à cet égard que le mode conventionnel doit rester le principe de base dans les relations avec les professions de santé, le mode normal de régulation du système, l'intervention de l'État ne venant qu'à titre exceptionnel pallier les vides ou les échecs conventionnels. Une vie conventionnelle riche, trouvant ses prolongements sur le terrain et ne se limitant pas à des accords de principe au sommet, est le meilleur gage de réussite de la maîtrise médicalisée recherchée par le Gouvernement.
La multiplicité des domaines couverts par les ordonnances et l'importance des changements apportés sèment aujourd'hui le trouble dans les esprits. C'est compréhensible. Mais j'ai la conviction qu'après une période d'adaptation et de transition nécessairement délicate, l'ensemble des professionnels comprendront que la réforme n'est pas une menace pour la médecine libérale mais une chance à ne pas manquer pour préserver durablement ses principes.
Maîtrise médicalisée et régulation conventionnelle sont indissociables. Que ceux qui entendent promouvoir la première s'impliquent sans arrière-pensée dans la seconde !
Avant d'aborder plus concrètement le contenu de ce projet de loi, je voudrais faire brièvement le point sur les comptes de la sécurité sociale, à la lumière des travaux de la dernière commission des comptes.
Il est maintenant certain que cette armée, le déficit du régime général baissera de l'ordre de quinze milliards de francs par rapport à 1995, soit 51,5 milliards de francs en 1996 au lieu de 67,3 milliards de francs en 1995. Ce résultat peut paraître insuffisant. Mais pour en juger, il faut avoir à l'esprit que la croissance de la masse salariale du secteur privé – c'est-à-dire la principale assiette des recettes de la sécurité sociale – aura été très modeste, inférieure pour la sixième année consécutive à 2 % en termes réels.
Si le déficit a diminué en dépit de ce manque de recettes, c'est bien que la progression des dépenses des prestations sociales s'est fortement infléchie en 1996. C'est bien cela qui nous paraît, à Hervé Gaymard et à moi-même, le plus important. C'est notamment le cas en matière d'assurance maladie, bien que les commentaires soient souvent trompeurs. Il n'est pas manqué de bons esprits, plus ou moins avisés, plus ou moins bien attentionnés aussi, pour répéter à l'envi que l'objectif des dépenses de santé ne serait pas tenu en 1996. Je voudrais faire à ce sujet deux observations :
Première observation : Une réforme aussi ample que celle que le Premier ministre a présentée devant vous le 15 novembre 1995 produit ses effets financiers dans la durée.
On ne pouvait attendre d'effets mécaniques de la réforme des 1996, pour deux raisons tout aussi incontestables l'une que l'autre. D'une part, elle nécessite que soient modifiés un nombre très important de textes, législatifs ou réglementaires, et que de nouvelles institutions se mettent en place. D'autre part, cette réforme a pour objectif d'assurer une maîtrise durable des dépenses de santé et d'infléchir durablement leur rythme de croissance. Elle n'a pas pour objectif de réduire brutalement les moyens alloués à notre système de soins. Je souhaiterais revenir sur le premier point, et en profiter pour vous informer de l'état d'avancement de la réforme.
Trois ordonnances, vingt-quatre agences régionales de l'hospitalisation, soixante décrets, des centaines de conseils d'administration renouvelés, des dizaines de milliers de médecins informatisés, quarante-cinq millions de carnets de santé distribués, cela ne se fait pas en un jour. Les instruments de la maîtrise médicalisée des dépenses sont complexes, ils concernent tous les acteurs du système de santé, tous les assurés sociaux eux-mêmes. Les procédures sont longues et souvent incompressibles. Mais surtout, une réforme aussi profonde ne peut pas être imposée sans concertation, ses modalités doivent être discutées, débattues. Quelques jours ou quelques semaines de concertation ne sont assurément pas du temps perdu, mais garantissent au contraire l'efficacité des dispositions qui seront finalement arrêtées. Il faut agir sans précipitation.
Sans précipitation, mais sans atermoiements non plus. Ne doutez pas de notre détermination dans la mise en oeuvre de cette réforme. Beaucoup a déjà été fait. Les ordonnances ont été prises dans les délais impartis. Parmi la soixantaine de décrets d'application, quarante sont publics ou en cours de consultation, nous aurons sans doute l'occasion d'y revenir dans le débat. La distribution des carnets de santé commence ces jours-ci, comme nous nous y étions engagés, elle sera achevée avant la fin de l'année. Les conseils d'administration des caisses nationales ont été recomposés le 15 juillet dernier. Ceux de toutes les caisses locales sont en cours d'installation. Vous le voyez, les modalités d'application de la réforme peuvent, et doivent être concertées, mais leur principe ne peut être remis en cause.
C'était donc ma première observation : les réformes de structure avancent, résolument, et nous aurions à mon avis eu tort de céder à ceux qui nous suggéraient d'en précipiter l'application. Mais elles ne pouvaient à l'évidence porter leurs fruits dès 1996.
J'en viens à ma seconde observation : avec le recul de près de douze mois, je peux me permettre d'affirmer, avec une certaine solennité, qu'il y a bien eu une rupture de tendance dans l'évolution des dépenses d'assurance maladie à la fin de l'année dernière et que nos objectifs sont, en dépit de tout ce qu'on a pu lire tout au long de l'année, en passe d'être atteints.
En ce qui concerne les dépenses hospitalières, l'objectif d'une croissance de 2,1% des dépenses a été respecté en 1996. C'est une première qui a nécessité, j'en suis conscient, la mobilisation de toute la communauté hospitalière. Les efforts de bonne gestion ont payée, sans porter atteinte à la qualité des soins, et sans diminuer en quoi que ce soit les effectifs hospitaliers.
En ce qui concerne la médecine de ville, il ne nous faut pas crier victoire prématurément. Mais il faut savoir que la baisse des dépenses enregistrée continuent depuis plusieurs mois – le dernier chiffre, celui de septembre, a été publié hier par la CNAM – devrait conduire, si elle se prolonge au dernier trimestre, au respect de l'objectif de 2,1%. Le niveau des dépenses d'assurance maladie remboursées par la CNAM est systématiquement depuis quatre mois plus bas que celui qu'il avait atteint en novembre dernier, au moment de l'annonce du plan de réforme.
Évidemment, si ces évolutions me portent plutôt à un relatif optimisme, tout n'est pas parfait et l'inertie de certaines dépenses demeure :
1) C'est vrai, dans le domaine des soins, de l'évolution des dépenses du secteur médico-social, qui reste rapide, en grande partie à cause de tendances démographiques lourdes, mais aussi parce que nous avons d'importants retards à rattraper pour la médicalisation des maisons de retraite : il faut créer 14 000 lits médicalisés entre 1997 et 1998. Des mécanismes de régulation plus efficaces permettraient sans doute de limiter l'évolution de la dépense par une meilleure gestion c'est l'idée de rendre opposable l'objectif de dépenses, comme à l'hôpital. Ce n'est pas cependant l'objet de ce projet de loi, mais plutôt d'une refonte de la grande loi sociale de 1975 que nous engagerons ensemble l'an prochain.
2) Les dispositions de la loi famille de 1994 s'avèrent bien plus coûteuses que prévu. De 1994 à 1996, les prestations versées au titre de la petite enfance ont doublé. Et ce premier volet de la loi famille aura à terme un coût annuel de 14 MdF (contre 10 prévus). Si on peut se réjouir du succès de cette adaptation de la politique familiale aux nécessités de l'époque, il faut aussi savoir qu'en respectant les engagements de 1994, nous menons une politique familiale extrêmement ambitieuse. Par exemple, 200 000 familles bénéficient à ce jour de l'Allocation parentale d'éducation pour le deuxième enfant créée en 1994.
Nous n'avons pas voulu, dans ce projet de loi, revenir sur ces dispositions de la loi famille malgré leur coût. Mais ce choix limite la rapidité du redressement des comptes de la branche.
3) Les prestations de retraite enfin continuent de croître à un rythme rapide car – mais cela, nous l'avons toujours su – la réforme de 1993, si nécessaire qu'elle ait été, ne peut avoir des incidences financières importantes que dans la durée.
Dans ce projet de loi de financement de la sécurité sociale, nous souhaiterions développer, Hervé Gaymard et moi-même, trois points particuliers qui font l'originalité de cette loi :
– la fixation d'un objectif national de dépenses d'assurance maladie, c'est une première ;
– la prise en compte des priorités dégagées par la Conférence nationale de santé, c'est également une première, même si toutes les orientations formulées n'appellent pas forcément des mesures d'ordre législatif, je laisserai le soin à Hervé Gaymard de présenter ce point qui est au coeur de ses attributions et dont je sais qu'il lui est particulièrement cher :
– la réforme du financement de l'assurance maladie.
La première originalité de ce projet de loi de financement consiste effectivement à fixer un objectif national de dépenses d'assurance maladie. Nous proposons que cet objectif soit fixé à 600,2 milliards de francs, soit une augmentation de 10 milliards par rapport en 1996, quand l'augmentation tendancielle des années passées atteignait ou dépassait couramment trente milliards.
Avec un tel montant de dépenses, il doit être possible d'assurer à tous les Français des soins de qualité, et ce sans aucune forme de rationnement, mais en recherchant à tous moments et à tous les niveaux le « juste soin ».
La priorité n'est pas en effet aujourd'hui d'augmenter encore et de manière incontrôlée le volume des dépenses d'assurance maladie. La France a consacré en 1995 tout près de 10 % de sa richesse nationale aux dépenses de santé. C'est un niveau supérieur à celui de nos principaux voisins (Allemagne : 9,6 %, Italie : 7,7 %, Royaume-Uni : 6,9 %). Est-on pour autant en meilleure santé ou mieux soigné en France ? Certes, notre espérance de vie figure parmi les plus hautes au monde, mais l'ensemble de nos résultats généraux en matière de santé publique n'est pas meilleur que ceux de nos voisins.
J'en suis convaincu : l'augmentation incontrôlée de ces dépenses ne garantit pas nécessairement l'amélioration de la qualité des soins. Et il est possible d'améliorer la qualité de nos soins en respectant un objectif de 600,2 milliards de francs.
Tout sera mis en oeuvre pour atteindre cet objectif qui deviendra celui de la Nation par le vote du Parlement. Il nous faudra nous familiariser avec cette nouvelle notion qui présente peut-être encore un caractère théorique. Mais je ne doute pas que le vote annuel de cet objectif lui permettra de prendre rapidement place dans le paysage de l'assurance maladie et qu'il nous sera à tous devenu familier d'ici quelques années.
Je me contenterai aujourd'hui de rappeler que cet objectif englobe les dépenses de l'hospitalisation, publique et privée, de médecine de ville et de la partie du secteur médico-social qui est à la charge de l'assurance maladie.
Cet objectif n'est pas purement indicatif puisque la plus grande partie de ces dépenses font à présent l'objet d'une régulation renforcée ou sont opposables. Le chiffre que vous voterez aura donc des conséquences tangibles sur les dotations hospitalières, sur l'OQN des cliniques privées ainsi que sur l'objectif à atteindre pour les différentes professions en ce qui concerne les soins ambulatoires Cet objectif de 600,2 milliards ne constitue pas cependant pas une enveloppe de crédits limitatifs, à la différence des lois de finances. Des droits sont ouverts et les prestations seront évidemment servies à tous sans aucune limite quantitative, c'est l'évidence même.
Se donner cet objectif, c'est ambitieux certes, mais pas irréaliste. L'expérience de 1996 nous a montré qu'il fallait se montrer ambitieux, La modération des dépenses que nous connaissons depuis plusieurs mois nous incite à l'optimisme, d'autant que la mise en oeuvre des instruments de la réforme structurelle devrait cette fois porter ses fruits. Je prendrai quatre exemples essentiels :
– l'effet du renforcement en 1996 des outils de la maîtrise médicalisée des dépenses : le respect des références médicales opposables, le contrôle accru des arrêts de travail, des transports sanitaires (dans le cadre d'ailleurs de la convention signée récemment), et du respect des indications thérapeutiques des médicaments ;
– la diffusion à toute la population du carnet de santé, et la responsabilisation de chacun qui en découlera ;
– le développement accéléré des médicaments génériques et leur potentiel d'économies, sans que les soins en soient le moins du monde affectés ;
– l'action sur la démographie médicale, avec une incitation à la cessation anticipée d'activité.
Une progression de l'ensemble des dépenses de 10 milliards de francs en 1997, c'est rigoureux, mais grâce à toutes ces dispositions, ce n'est pas hors de portée.
La seconde originalité de ce projet de loi, c'est que son élaboration a tenu compte des réflexions de la Conférence nationale de santé qui s'est tenue au début du mois de septembre.
C'est à Hervé Gaymard que reviendra le soin de vous en parler en détail dans un instant. Je me contenterai pour ma part de dire que nous sommes tous les deux extrêmement soucieux d'améliorer sans cesse l'état sanitaire de la population.
La période récente nous a apporté son lot de questions de santé publique à résoudre, souvent dans l'urgence. Vous le savez, les réponses ne sont pas toujours d'ordre législatif. Mais je crois sincèrement que la discussion et le vote du rapport qui est joint à ce projet de loi peuvent nous donner l'occasion d'avoir en cette enceinte un vaste débat sur ce sujet, qui ne se limite pas à l'exercice budgétaire que nous avons fait hier, pour intéressant qu'il ait été.
La troisième originalité de ce projet de loi, c'est qu'il met en oeuvre une réforme essentielle, celle du financement de l'assurance maladie.
L'assurance maladie est la seule des branches de la sécurité sociale à n'avoir pas fait l'objet, à ce jour, de réformes importantes quant à son mode de financement. Cela se traduit notamment dans la structure de ses ressources, Celles-ci sont composées à titre quasiment exclusif de cotisations.
Or, il est fondamental de donner aux ressources de la sécurité sociale l'assiette la plus large possible. J'y vois au moins trois raisons :
1) L'assiette actuelle pèse trop lourdement sur les revenus d'activité, elle est préjudiciable à l'incitation à travailler et à entreprendre ;
2) Cette structure de financement est de fait inéquitable : à revenu égal et pour des prestations identiques, l'effort demandé aux ménages peut s'avérer très variable selon la répartition de leurs revenus. Ce caractère inéquitable est d'autant plus flagrant que la structure des revenus des ménages a beaucoup évolué au cours de ces dernières années. Il n'est pas normal que les revenus qui se développent le plus vite (comme les revenus de remplacement et du capital) restent très peu associés au financement de la protection sociale ;
3) La structure de financement ne correspond plus aux conditions actuelles d'ouverture des droits. Le principe d'un financement par cotisations assises sur les revenus d'activité était cohérent avec des régimes d'assurance maladie reposant sur des bases strictement professionnelles. Mais le lien entre activité professionnelle et ouverture de droits s'est distendu au fil du temps. Ainsi, l'assurance personnelle permet, depuis 1978, à toute personne de s'ouvrir des droits à l'assurance maladie. Et depuis 1994, toute personne résidant régulièrement en France est affiliée à titre provisoire à l'assurance personnelle.
Le projet du Gouvernement de mise en place de l'assurance sur simple critère de résidence – ce qu'on appelle l'assurance maladie universelle – renforcera cette tendance. J'en profite pour rappeler que cette réforme, qui n'est pas la plus simple, avance elle aussi : nous venons de procéder à la mise en place de deux groupes de travail, l'un sur les conditions d'ouverture des droits, l'autre sur l'intégration financière des régimes. Nous présenterons un projet de loi au Parlement au début de 1997, afin que toute personne résidant en France ait accès aux soins d'assurance maladie dans les mêmes conditions, indépendamment de tout statut professionnel. Il est donc logique, parallèlement, que le financement de l'assurance maladie repose davantage sur l'ensemble des revenus.
Voilà tous les arguments qui nous conduisent à vous proposer aujourd'hui une restructuration des ressources de l'assurance maladie, par l'affectation aux différents régimes d'un prélèvement à assiette large qui se substitue à des cotisations.
La contribution sociale généralisée a été retenue comme support de cette opération. L'utilisation de la CSG permet en effet d'éviter la création d'un nouveau prélèvement, ce qui est fondamental pour nos concitoyens et pour les entreprises qui devront mettre en oeuvre ces mesures.
L'utilisation de la CSG passe cependant par une adaptation de son assiette afin notamment qu'elle porte plus largement sur les revenus du capital.
Les modalités retenues pour cet élargissement sont très simples elles consistent à reprendre, sauf pour certains revenus sociaux et de remplacement reviendrai l'assiette de la contribution au remboursement de la dette sociale.
Pourquoi ?
Tout d'abord parce que l'assiette de la CRDS convient parfaitement à l'objectif d'avoir l'assiette la plus large possible. C'est cet élargissement d'assiette qui permettra, grâce au basculement de 1,3 point de cotisation salariale maladie sur 1 point de CSG élargie, d'alléger le poids du financement de la sécurité sociale sur les actifs. La rémunération nette des salariés en sera accrue de 0.45 %
En deuxième lieu, pour un motif qui m'apparaît fondamental : celui de la simplicité. Nous devons ici faire face à une double contrainte tout le monde est convaincu qu'il faut modifier la structure du prélèvement social et tout le monde est convaincu qu'il faut davantage des simplicités. Or, les changements du prélèvement social, comme tout changement, sont perturbants. Je ne minimise pas ces perturbations. En tant que ministre du travail, je suis convaincu que la complexité des procédures, des déclarations et des calculs est un obstacle à l'emploi, au même titre que le coût du travail.
Dès lors, utiliser un prélèvement existant – la CSG – le caler sur l'assiette plus large de la CRDS, a paru au Gouvernement le meilleur moyen de concilier l'exigence d'élargissement d'assiette, qui permet le gain de pouvoir d'achat des salariés, et l'exigence de la plus grande simplicité possible
Je crois du reste que les commissions des affaires sociales et des finances ont parfaitement saisi cette double contrainte. Si un sujet fait encore réellement débat au regard de l'exigence de simplicité, c'est moins l'assiette que le statut de ce prélèvement au regard de l'impôt sur le revenu : la fameuse question de la déductibilité. J'y reviendrai ensuite.
Pour les revenus de remplacement, l'extension retenue est moins large que celle en vigueur pour la CRDS. Si les indemnités journalières de maladie, maternité, accidents du travail entrent, comme en matière de CRDS, dans l'assiette de la CSG, les prestations familiales et les aides au logement en sont exclus. Le Gouvernement montre ainsi sa volonté de préserver le pouvoir d'achat des familles.
Cette nouvelle définition de l'assiette permet de rééquilibrer le poids du prélèvement entre les différents revenus. Avant la réforme, un point de CSG reposait à hauteur de 75 % sur les revenus d'activité, de 19 % sur les revenus de remplacement, de 7 % sur les revenus du patrimoine. Après la mise en oeuvre des extensions d'assiette, il devrait reposer à hauteur de 70 % sur les revenus d'activité, de 18 % sur les revenus de remplacement, de 11 % sur les revenus du patrimoine et les gains des jeux, cette répartition étant désormais très proche de celle du revenu même des ménages.
C'est sur les bases de la CSG ainsi reconfigurée que doit s'opérer le transfert entre la cotisation maladie et la CSG.
Ce transfert autorisera une baisse des prélèvements pesant sur les revenus d'activité : le relèvement d'un point de la CSG propose par le Gouvernement s'accompagnera d'une diminution simultanée, par voie réglementaire, de 1,3 point de la cotisation maladie sur les revenus d'activité. Ceci se traduira par un gain de pouvoir d'achat au profit des actifs de l'ordre de 8 milliards de francs en année pleine.
Pour les titulaires de revenus de remplacement qui acquittent d'une cotisation maladie, l'opération sera neutre : ils seront redevables d'un point supplémentaire de CSG, mais bénéficieront en contrepartie d'une diminution d'un point de la cotisation maladie.
Il convient de souligner que l'extension d'assiette de la CSG n'a pas un impact sur la seule assurance maladie. Elle se traduit également par des recettes accrues pour la branche famille que celle-ci conservera afin de hâter son retour vers l'équilibre financier. Pour le fonds de solidarité vieillesse, le surplus de recettes sera neutralisé par le transfert d'une partie de ses ressources (il s'agit de taxes sur les alcools) vers les régimes d'assurance maladie.
Ce transfert est simple dans son principe et me paraît totalement légitime en termes de logique d'affectation. Il est en revanche – je suis le premier à le reconnaître – complexe à retranscrire dans la loi. C'est sans conteste un des éléments qui donnent à ce texte un aspect austère. Je crois malheureusement que la complexité de certains articles était inévitable et qu'il faut l'accepter dès lors que l'objectif est justifié. En l'occurrence, qui niera que les droits sur alcool sont plus à leur place parmi les recettes de l'assurance maladie que parmi celles du FSV ?
Je voudrais, après vous avoir présenté l'esprit du projet que nous vous avons soumis concernant cette réforme du financement, insister sur les principaux points qui ont fait l'objet de débats dans vos travaux en commissions : le caractère déductible du point de CSG maladie.
Le premier sujet que je tiens à aborder ne figure paradoxalement pas dans la loi de financement de la sécurité sociale : il s'agit du statut de la CSG au regard de la déductibilité de l'impôt sur le revenu. Le paradoxe n'est qu'apparent. Le caractère déductible ou non de la CSG ayant une incidence directe sur les finances de l'État, et non sur celles des régimes de la sécurité sociale, c'est dans la loi de finances que cette précision sera apportée. Mais c'est bien dès aujourd'hui que je veux évoquer avec vous cette importante question de principe.
Vous le savez, le Gouvernement propose que la fraction nouvelle de CSG soit déductible, à l'instar des cotisations maladie qu'elle remplace, alors que le statut des 2,4 points de CSG actuelle, non déductibles, reste identique. Je ne prétendrais certes pas que cette situation soit entièrement satisfaisante, notamment en termes de lisibilité, mais je crois néanmoins que ce choix s'impose et qu'on peut en limiter les inconvénients.
Je souhaite, comme tous les partenaires sociaux qui se sont exprimés en faveur de cette réforme, que le point de CSG maladie soit déductible. En effet, les Français ne comprendraient pas qu'on substitue un prélèvement non déductible à un prélèvement déductible. Ce qu'ils gagneraient immédiatement en pouvoir d'achat sur les feuilles de paye serait partiellement repris par une imposition plus élevée. Ce n'est pas envisageable.
Rendre la CSG entièrement déductible aurait été une voie envisageable, mais ce n'est pas possible, compte tenu de la perte des ressources que cela engendrerait pour le budget de l'État.
La déductibilité partielle s'impose donc dans ce contexte. Certains s'inquiètent de ses conséquences sur le bulletin de paye, déjà excessivement complexe. Ce n'est pas le moment aujourd'hui d'évoquer plus avant les mesures de simplification de bulletin de paye auxquelles nous travaillons par ailleurs. Je prends l'engagement que la CSG non déductible et le RDS (non déductible également) puissent être portés sur une même ligne du bulletin de paye, afin que cette réforme de ne se traduise pas par une ligne supplémentaire.
Mais il fait bien comprendre que cette réforme constitue un élément de simplification très important pour les petites entreprises : il s'agit, comme je l'ai déjà dit, de l'unification totale des assiettes du RDS et de la CSG pour les revenus d'activité.
Sur le plan des principes, et pour de pures raisons d'équité, la mise à contribution des gains des jeux ne me paraît pas contestable.
Aux côtés des dispositions originales que je viens donc de décrire, ce projet de loi comporte diverses mesures d'économies et de financement qui contribuent au redressement des comptes. Pour la plupart, ces mesures n'ont pas été contestées dans vos commissions. Cependant, vous avez émis des réserves importantes sur certaines d'entre elles. Il me parait donc utile de vous apporter un complément d'information.
Je ne crois pas que ces deux arguments soient fondés.
Je souhaite évoquer concernant la prise en charge de certaines dépenses de la branche maladie par la branche accidents du travail.
Le principe de cette mesure est, je crois, incontestable. Personne ne nie que les dépenses supportées par la branche accidents du travail au titre des maladies professionnelles sont très inférieures aux dépenses de soins qui sont effectivement induites par les maladies d'origine professionnelle :
– le délai entre le début de l'affection et le moment où son caractère professionnel est reconnu est souvent très long ;
– certaines maladies professionnelles ne sont jamais déclarées, ou déclarées parfois seulement au moment du départ à la retraite ;
– enfin, l'exemple des maladies liées à l'amiante a montré que l'évolution du tableau des maladies professionnelles est inévitablement en retard sur la réalité, du fait notamment des délais nécessaires à l'acquisition des connaissances médicales et scientifiques nécessaires.
Une meilleure répartition des charges entre la branche accidents du travail et la branche maladie est donc totalement justifiée. La quantification des effets que je viens de recenser est cependant très délicate et à ce jour encore insuffisante.
En conséquence, et aussi parce qu'il est nécessaire d'améliorer notre connaissance sur des sujets d'une telle importance, je vous proposerai, le moment venu, une solution de compromis. Pour ne pas modifier l'équilibre des comptes qui vous sont soumis, je vous proposerai de garder le montant d'un milliard de francs, à titre provisionnel pour 1997 et de demander à une commission indépendante un chiffrage précis et argumenté.
Je n'ai pas oublié que la mesure concernant les alcools, a elle aussi fait l'objet d'importants débats. Mais je laisse à Hervé Gaymard – car, au-delà des intérêts des uns et des autres, c'est d'abord une préoccupation de santé publique – le coin de vous donner la position du Gouvernement.
J'ai été suffisamment long et il me faut, avant de conclure, revenir quelques instants aux chiffres.
Nous vous présentons donc un projet de loi dans lequel le rééquilibrage du régime général franchit une étape décisive. En ramenant le déficit du régime général de 51,5 milliards de francs cette année à 29,7 milliards en 1997, nous nous écarterons définitivement de la zone des 50 milliards de francs de déficit auquel le régime général semblait voue depuis plusieurs années.
Devons-nous nous satisfaire de cet objectif ?
Sur le moyen terme évidemment non, l'équilibre est indispensable et j'en dirai un mot dans un instant.
Mais revenir à l'équilibre des 1997, c'est très franchement quelque chose qu'il serait irréaliste de promettre. Je m'en voudrais, pour céder à cette tentation, de vous présente un exercice reposant sur des hypothèses impraticables.
Trente milliards d'économies supplémentaires en un an, on peut toujours en rêver. Mais il faut bien avoir à l'esprit que 30 milliards, cela représente 5 % des dépenses d'assurance maladie. Personne de raisonnable ne peut imaginer une telle amputation des dépenses d'une année à l'autre.
Ce dont je peux vous assurer, c'est que les dépenses inutiles, nous en viendrons à bout, progressivement, par la pratique déterminée du juste soin, mais à vouloir imposer une baisse brutale des dépenses d'une année sur l'autre, que ce soit par des mesures de déremboursement ou par une réduction drastique de l'offre de soins, c'est toute la réforme qui perdrait son sens.
Nous pensons sincèrement, Hervé Gaymard et moi-même, vous avoir proposé un juste équilibre entre la nécessaire ambition que doivent avoir nos politiques de santé et de sécurité sociale et l'exigence d'assainissement de nos finances publiques.
Cette recherche du juste équilibre devra être poursuivie pendant les années ultérieures. Car c'est bien l'enjeu prioritaire des années à venir que de veiller à ce que l'évolution des dépenses soit – durablement et structurellement – compatible avec le rythme de croissance de l'économie française.
De ce point de vue-là, contrairement à ce qu'on entend trop souvent, des progrès très significatifs ont été accomplis : le rythme annuel de croissance en volume des prestations du régime général, toutes branches confondues, était de plus de 4 % en 1990. En 1996, il devrait être réduit à 1.7 % La tendance est engagée et nous la poursuivons dans ce projet de loi de financement. Ce taux de croissance ne devrait pas dépasser 1 % en 1997.
1 % de croissance des dépenses en volume, ce serait trop rigoureux si nous partions d'une situation équilibrée. Mais c'est absolument nécessaire dans les circonstances actuelles pour accélérer le retour durable à l'équilibre des comptes.
La projection que nous avons annexée au projet de loi montre d'ailleurs que, si nous ne relâchons pas notre effort sur la maîtrise des dépenses, et avec des hypothèses économiques qui n'ont rien de volontaristes, le régime général devrait réduire son déficit à 12 MdF en 1998 et renouer avec un excédent, de 8 MdF, en 1999. Il ne s'agit là que de la prolongation des tendances que nous vous proposons pour 1997, sans déremboursement et sans prélèvements supplémentaires.
Alors, me direz-vous, une nouvelle dette se sera constituée dans l'intervalle, qu'il faudra financer ? Certes, mais si l'on revient à tarir durablement la source de cet endettement en revenant à l'équilibre, le financement de cette dette transitoire sera réellement un problème de second ordre. Et puis, ne crions pas avant d'avoir mal : nous ne faisons certes pas de pari sur la croissance, ce genre de pari est trop souvent déçu, mais un raffermissement plus rapide de la croissance hâterait le retour à l'équilibre pour peu qu'on ne commette pas l'erreur de baisser la garde sur les dépenses.
Mesdames, Messieurs les députés, en approuvant cette première loi de financement de la sécurité sociale, le Parlement est amené à participer de façon éminente à la nouvelle organisation de la sécurité sociale. Ce faisant, il remplit une de ses fonctions les plus importantes, le contrôle du bon usage des finances publiques, et il contribue à affermir un système de protection sociale qui, sous réserve de sa modernisation et de son adaptation aux nouveaux besoins de notre société, reste un élément essentiel de la cohésion sociale.
En tant que ministre du travail, je suis particulièrement conscient des exigences de l'ouverture des économies et de la globalisation des échanges en termes d'innovation et de dynamisme économique. Mais il n'y a aucune opposition entre ces exigences et le maintien de notre système de sécurité sociale. C'est parce que nos concitoyens soit, et seront protégés demain de façon solidaire contre les aléas de la vie qu'ils pourront prendre des risques, changer de métier, avoir un autre rapport au travail, La solidarité, l'attention aux plus démunis ne s'opposent pas à l'esprit d'initiative ce sont les deux conditions du développement de notre société.
C'est notre ambition. Et c'est pour conserver ce lien essentiel de notre société que nous devons le réformer en profondeur.
L'ambition de cette première loi de financement, c'est de conforter la maîtrise des dépenses, de développer la pratique du juste soin, de contribuer à la mise en oeuvre de la réforme de structure de l'assurance maladie, d'élargir l'assiette du financement de la sécurité sociale, de permettre enfin une avancée décisive dans la voie du retour à l'équilibre.
C'est de ces sujets capitaux que nous devons débattre et je l'espère vivement, car je crois qu'il n'y a pas de domaine dans lequel le regroupement de toutes les compétences, de toutes les bonnes volontés est davantage nécessaire – c'est sur ces orientations que nous devons réunir un maximum de soutien.
Intervention de Monsieur Hervé GAYMARD, secrétaire d'État à la santé et à la sécurité sociale à l'Assemblée nationale le 29 octobre 1996
Présentation du projet de loi de financement de la sécurité sociale
Comme l'a dit Jacques Barrot, nous avons souhaité que la réunion de la Conférence nationale de santé, prévue par une des ordonnances du 24 avril dernier, soit partie intégrante du processus de préparation du projet de loi de financement de la sécurité sociale. Le rapport qui vous a été adressé et qui fait l'objet de l'article premier de la loi rend compte, dans la partie consacrée aux orientations de politique sanitaire, des priorités dégagées par cette conférence et apporte certaines réponses.
C'est à ce même exercice que je souhaiterais me livrer aujourd'hui, sans avoir évidemment la prétention d'être exhaustif, mais en m'efforçant de mettre l'accent sur quelques points-clés. La concision du rapport, et surtout la contraction extrême du calendrier qui a contraint son élaboration, n'ont pas permis pour cette première loi de financement que le Gouvernement vous informe complètement sur les actions en cours quant aux priorités sanitaires mises en évidence par la Conférence. C'est cette lacune que je vais tenter de combler en partie.
Mais avant toute chose, qu'il soit bien clair que ces actions sont très diverses, qu'elles ne passent pas nécessairement par une adaptation des textes législatifs ou réglementaires et qu'elles relèvent, dans certains cas, d'autres lois que la loi de financement de la sécurité sociale.
Je remarque tout d'abord que la majorité des problèmes de santé évitables sont en relation avec des facteurs liés aux habitudes de vie. Cette constatation doit nous conduire me semble-t-il à modifier les comportements tout autant, voire davantage, par des actions de prévention et de communication que par des règlements.
En matière de santé publique, les moyens disponibles sont par ailleurs très dispersés, du fait de la diversité des acteurs concernés. Parmi ces acteurs, l'assurance maladie et les services de l'État sont les plus importants, si bien que je ne pourrai éviter quelques redondances par rapport au projet de budget des affaires sociales et de la santé que j'ai eu l'occasion de vous présenter hier.
Deux remarques préalables :
1. Je voudrais d'abord dire que la distinction entre politique de santé et politique de santé publique ne me paraît guère pertinente, en tout cas pas opérationnelle.
Je crois pour ma part que la santé est un bien à la fois profondément collectif et profondément individuel. Il ne sert à rien de s'enfermer dans une conception réductrice de la santé publique, qui renverrait à une notion étroite d'hygiène publique.
La santé, c'est ce à quoi chacun tient le plus et cela dépend à la fois des comportements individuels et des réalités et des solidarités collectives.
La santé devient ainsi de plus en plus un des sujets majeurs qui arrime la collectivité. D'autant que s'y greffent de plus en plus fréquemment des enjeux sociaux ou éthiques essentiels à la cohésion de notre communauté nationale. C'est pourquoi il est indispensable de bâtir, de structurer une véritable politique de santé pour notre temps.
Pour les Français, le droit à la santé est aujourd'hui dans tous les esprits. Nous ne pouvons-nous en abstraire. Non seulement nos compatriotes exigent que les moyens disponibles soient mis en oeuvre, mais ils veulent également des résultats : la qualité de la médecine française et les progrès considérables des dernières décennies font que l'art médical est devenu un miracle renouvelé et que pour nos compatriotes, soigner veut maintenant dire guérir. C'est la première fois dans l'histoire de l'humanité, soyons-en conscients.
2. Le deuxième point est à l'évidence que, malgré ces attentes, la santé n'est pas une affaire exclusive de l'État. Et l'intérêt général ne peut en être l'unique objectif.
En effet, la santé, le maintien de ce qu'on appelle le « capital-santé », est sans conteste une notion qui renvoie à la collectivité, mais aussi une notion qui dépend de l'individu lui-même, et de son comportement. Une politique de santé doit chercher infléchir les comportements individuels, mais elle ne le peut que dans les limites de la liberté individuelle.
Voilà les termes qui, à mon sens, guident le débat : une demande croissante des individus à l'État, dans un domaine ou pourtant l'État n'est pas seul maître, précisément parce que l'individu y demeure responsable, face à une offre de soins qui n'est accrue et continuera à s'accroître. Il nous appartient qu'une politique oriente ce système de santé en sachant concilier la pertinence des choix collectifs et le respect des choix individuels.
J'en viens maintenant aux principaux enseignements du rapport du Haut Comité de la santé publique à la Conférence nationale de santé. Le principal, c'est peut-être l'importance de la mortalité prématurée évitable. En effet, si la France compte parmi les pays ou l'espérance de vie est la plus élevée, elle se distingue aussi par une « surmortalité » significative chez les jeunes adultes et, plus généralement, par un taux important de mortalité évitable liée aux habitudes de vie.
C'est pour cette raison que j'aborderai d'abord les questions relatives à la santé des jeunes, à la consommation de tabac et d'alcool, et à l'éducation à la santé (6 des 10 priorités présentées par la Conférence concernent ces questions), avant d'en venir à des sujets plus spécifiques à l'organisation du système de santé.
1. La santé des jeunes, c'est la santé de la France de demain. Nous devons donc travailler dès à présent sur les objectifs de santé qu'un pays comme la France peut s'assigner pour le début de la prochaine décennie.
Si, globalement, les statistiques disponibles permettent de considérer que l'état de santé de la jeunesse est satisfaisant, il faut avoir à l'esprit que ce jugement d'ensemble recouvre des réalités très variables et masquent une surmortalité très préoccupante.
Deux causes de mortalité et de morbidité spécifiques affectent malheureusement cette classe d'âge les accidents de la circulation et les suicides.
Les accidents de la voie publique sont fréquemment associés à un comportement à risque (excès de vitesse, défaut de port de ceinture ou de casque, imprégnation alcoolique...) qui pourrait être évitable.
De même le suicide, qui représente aujourd'hui la deuxième cause de mortalité après les accidents entre 15 et 24 ans, constitue un problème de santé majeur. L'étude de l'incidence du suicide montre une nette inégalité régionale qui justifie des initiatives fortes dans la prise en charge de ces comportements, notamment lorsqu'il s'agit de jeunes. C'est pourquoi nous encourageons les établissements publics de santé à promouvoir un travail coordonné de leurs équipes médicales afin qu'une prise en charge psychiatrique soit instituée au sein même des services cliniques après une tentative de suicide. Cette prise en charge coordonnée constitue la première action de prévention de la récidive, dont nous savons qu'elle survient fréquemment au cours de la première année et qu'elle présente souvent un caractère aggravé dans son pronostic vital.
Plus globalement, j'ai décidé de faire de 1997 une année mobilisatrice pour la santé des jeunes.
2. Parmi les habitudes qui concourent à la mortalité évitable, la consommation d'alcool et tabac figure en bonne place.
L'alcoolisme, malgré une décroissance régulière de la consommation moyenne d'alcool, reste encore à l'origine de nombreux problèmes sociaux et de décès prématurés. Malgré les mesures préventives déjà mises en oeuvre, l'alcoolisme demeure une priorité sanitaire en raison de la mortalité prématurée et évitable dont il est responsable.
Une politique de prévention active, ambitieuse et résolue pour combattre ce fléau doit donc permettre tant d'éviter la survenue de maladies d'ordre psychiatrique ou cancéreuses que de réduire la mortalité par accidents ou encore de prévenir la marginalisation par désinsertion sociale. Dans ce domaine une politique doit être globale et comprendre des mesures de nature éducative, préventive et curative.
La lutte contre le tabagisme a, elle aussi rencontré quelques succès qui se sont traduit par une baisse de la consommation de tabac au début des années 90. Cette baisse ne doit pas cependant dissimuler le fait que nous aurons à faire face dans les prochaines années à une recrudescence du nombre des cancers des voies aérodigestives supérieures qui sera la conséquence inéluctable de la hausse du tabagisme des années 70.
Le dispositif législatif et réglementaire actuel en matière de lutte contre l'alcoolisme et le tabagisme qui découle de la loi du 10 janvier 1991 doit être prochainement évalué. En tant que ministère pilots je procède actuellement aux travaux préliminaires de ce travail qui sera réalisé sous l'égide du commissariat général du plan en 1997.
Dans l'attente des conclusions de cette évaluation, il est évident que nous ne réduirons pas notre vigilance. En matière de lutte contre l'alcoolisme et le tabagisme, nous pensons, Jacques Barrot et moi-même, que nous devons avoir deux leviers d'action : l'information, la prévention d'une part ; mais aussi, et parce que les consommateurs réagissent aux prix pratiques, une gestion sans complaisance des droits de consommation.
Le prix du tabac devrait à nouveau augmenter au début de l'année prochaine. Mais ce n'est pas, contrairement à ce qu'on a pu écrire, une disposition de ce projet de loi. Ce que prévoit l'article 23 du projet de loi de financement de la sécurité sociale, c'est en conformité avec le projet de loi de finances l'affectation pérenne à l'assurance maladie d'une partie du produit des droits de consommation sur le tabac. C'est pour nous très important : il n'y avait aucune logique, sinon de circonstance, à ce que le produit de ces droits soit intégralement affecté à l'assurance maladie alors même que c'est essentiellement les dépenses de soins qui supportent les conséquences de l'abus du tabac.
C'est dans le même esprit que ce projet de loi prévoit l'augmentation des droits de consommation sur les alcools et l'affectation d'une partie de ces droits à l'assurance maladie.
Nous aurons l'occasion, à la faveur de ce débat, je n'en doute pas, d'évoquer ce sujet très attentivement,
J'ai ces derniers mois été alerté par le développement extrêmement rapide, et à mon avis très nocif, des prémix, ces mélanges d'alcool fort et de soda qui sont clairement destinés par leurs fabricants à notre jeunesse. Les prémix, cela n'a pas la couleur de l'alcool, mais cela en est. Et c'en est d'autant plus dangereux. J'ai saisi sur cette question le Conseil supérieur de l'hygiène publique qui m'a rendu un avis sur des propositions d'action que je fais actuellement expertiser.
Pour cette catégorie très spécifique de boissons et compte tenu de l'incitation qu'elle constitue pour les jeunes consommateurs à l'absorption d'alcool, des mesures particulières doivent être envisagées telles qu'une augmentation des droits de consommation et l'obligation de l'apposition d'un message d'avertissement mentionnant clairement le contenu en alcool. Je compte sensibiliser à cette question mes collègues européens car dans ce domaine une attitude commune serait d'une plus grande efficacité.
Mais dans l'attente de leur réponse, je dois vous dire que nous sommes, Jacques Barrot et moi-même, fermement déterminés à rechercher le moyen d'accroître la fiscalité indirecte sur les prémix. Je sais que la commission des affaires sociales souhaite aller dans la même voie.
3. Donner des moyens à la promotion de la santé et à son évaluation est une autre des priorités fixées par la Conférence nationale de santé. Elle propose, parmi d'autres mesures, le développement des formations à la promotion de la santé et à l'éducation pour la santé. C'est une orientation à laquelle j'adhère entièrement.
L'éducation à la santé constitue l'un des leviers essentiels de la prévention et de la promotion de la santé. Nous savons que l'éducation à la santé est une action dont l'évaluation est difficile, mais nous disposons d'exemples qui en démontrent l'indéniable succès. Je citerai par exemple la campagne d'information en direction des mères de familles qui les a incitées à abandonner la position ventrale pour le couchage des nouveau-nés.
Cette campagne a permis d'enregistrer en quelques années une importante réduction de la fréquence de la mort subite du nourrisson.
Je tiens également à souligner les possibilités qu'offrent actuellement l'institutionnalisation des conférences régionales de santé et le développement à leur suite des projets régionaux de santé. Ils doivent pouvoir mobiliser les ressources disponibles et les compétences vers des objectifs de réduction de problèmes de santé essentiels, tout en garantissant une approche intégrée entre prévention et soins.
La création des conférences régionales de santé en est la première pierre. En effet, il faut d'abord une analyse de la situation et des besoins. Sans épidémiologie, sans analyse objective, sans constat démographique, sans prise en compte des infrastructures de soins existantes, on ne peut pas bâtir une politique régionale de santé.
Dans le domaine hospitalier, ce sont les agences régionales de l'hospitalisation qui devront mettre en cohérence, par une politique contractuelle et négociée, les orientations sanitaires régionales d'une part et les projets et les financements de chaque établissement de santé d'autre part. Elles devront, la loi le dit, respecter les orientations de la conférence régionale de santé à laquelle elles devront faire rapport chaque année.
Pour ce qui concerne les soins ambulatoires, l'année 1997 verra en effet la création des unions régionales de caisses d'assurances maladies – les URCAM – qui auront pour fonction de mieux coordonner l'action de toutes les caisses d'assurance-maladie de la région, d'assurer un interlocuteur unique aux unions régionales de médecins libéraux et de coordonner différentes politiques de gestion du risque, de prévention – j'y tiens beaucoup – et de contrôle médical.
Elles devront aussi tenir compte étroitement des orientations de la conférence régionale de santé et avoir des liens multiples avec les agences régionales de l'hospitalisation. La mise en place de ces deux institutions, URCAM et ARH, est un grand progrès et offre les bases d'une véritable politique de santé et d'offres de soins dans le cadre cohérent de la région.
En ce qui concerne les projets régionaux de santé, la Caisse nationale de l'assurance maladie des travailleurs salariés a d'ores et déjà commencé à contribuer financièrement leur développement, dans le cadre du fonds national de prévention d'information et d'éducation sanitaires. Pour ma part, en plein accord avec Jacques Barrot et le Premier ministre, j'ai décidé d'inscrire des moyens supplémentaires pour le développement de ces projets dans le cadre du projet de loi de finances.
Par ailleurs, j'ai pu constater qu'il n'existait pas encore dans notre pays une infrastructure de base suffisamment capable de capitaliser les savoir-faire et de fournir les outils nécessaires à l'ensemble des acteurs de ce domaine.
Vous n'ignorez pas le rôle essentiel que joue déjà le CFES pour la communication nationale en matière de santé, mais il faut aller plus loin. Aussi, j'ai également décidé que l'État prolongerait son effort en faveur du réseau formé par le CFES avec les comités régionaux et départementaux d'éducation pour la santé : un contrat d'objectif à trois ans est en voie de conclusion entre le CFES et l'État afin d'asseoir le CFES dans son rôle de centre de référence et d'animateur.
L'esprit avec lequel j'entends développer cette orientation est de consolider un réseau d'expertise et de ressources au bénéfice de l'ensemble des acteurs de proximité. Si nous avons décidé de nous appuyer particulièrement sur ce réseau, c'est essentiellement en raison de son caractère généraliste et de sa structure partenariale, sachant qu'il bénéficie d'un soutien particulier des collectivités territoriales et des organismes de protection sociale auxquels il nous semblait tout naturel de joindre nos forces pour développer une mission d'intérêt général.
4. La conférence nationale de la santé a souligné la nécessité d'améliorer la prise en charge des personnes âgées dépendantes.
Le Gouvernement, décidé à franchir une étape importante dans la mise en place de la prestation autonomie, a donné son accord à une proposition de loi d'origine sénatoriale.
Ce texte a pour objet de transformer l'allocation compensatrice pour tierce personne (ACTP) dont bénéficient les personnes âgées dépendantes en une prestation spécifique dépendance (PSD) qui sera ouverte aux personnes âgées de plus de 60 ans résidant à domicile ou en établissement. Servie en nature contrairement à l'ACTP, la nouvelle prestation sera effectivement consacrée au financement de l'aide justifiée par l'état de dépendance des bénéficiaires.
La prise en charge des besoins des personnes lourdement dépendantes en établissement sera aussi améliorée. Comme le Gouvernement s'y est engagé, 14 000 lits de section de cure médicale qui ont été autorisés mais qui n'ont pas été ouverts faute de financements correspondants, le seront dans un délai de deux ans. Par ailleurs, la proposition de loi pose les principes d'une réforme de la tarification qui permettra de déterminer le forfait de dépendance.
5. J'en viens au système de santé et à son organisation.
S'agissant du système de santé, dont le dispositif de soins ne constitue que l'un des éléments, nous souhaitons en premier lieu renforcer les instruments de la veille sanitaire et de la sécurité sanitaire.
Concernant la veille sanitaire, nous disposons aujourd'hui du réseau national de santé publique. Il faut incontestablement le renforcer à l'heure ou se prépare la création d'un réseau européen dont l'enjeu ne doit pas nous échapper. Il est ainsi de la responsabilité de l'État d'anticiper les problèmes sanitaires en prenant les dispositions pour les affronter. Pour prendre un exemple récent, je vous rappelle que Jacques Barrot et moi-même avons fait modifier le calendrier vaccinal pour inciter à une deuxième vaccination rougeole-oreillons-rubéole dans la tranche d'âge 11-13 ans parce que nous disposions de l'information de l'important risque de survenue d'une épidémie de rougeole dans les deux ans à venir.
En matière de sécurité sanitaire, c'est également à l'État d'organiser le dispositif de régulation et de contrôle permettant au consommateur de bénéficier d'une sécurité maximale sur les produits. Dans le domaine de la santé, les médicaments, les produits sanguins, les dispositifs médicaux, les greffes font l'objet de réglementations strictes. Nous comptons poursuivre encore sur la voie de la plus grande sécurité y compris dans le domaine alimentaire.
Notre système de soins, comme l'a souligné la conférence nationale de santé, laisse perdurer des inégalités géographiques. L'objectif que nous nous assignons cet égard est de répartir équitablement les ressources attribuées aux régions à partir de critères clairement définis. Les disparités géographiques ne s'effaceront pas du jour au lendemain.
Mais il est nécessaire de repartir les moyens, notamment hospitaliers, en fonction des inégalités dans l'offre de soins, qui contribuent souvent à expliquer des différences inter-régionales importantes en termes de situation sanitaire. Tout comme il sera nécessaire d'avoir rapidement une déclinaison régionale des orientations dégagées par la Conférence nationale de la santé, principalement dans le cadre des conférences régionales prévues pour 1997.
La Conférence nationale de santé a enfin rappelé la nécessité de garantir tous des soins de qualité. À cet égard, je voudrais insister sur le rôle important que va jouer la nouvelle Agence nationale d'accréditation et d'évaluation de santé (ANAES) en matière d'évaluation, d'accréditation et de qualité des soins. Cette nouvelle institution sera mise en place dès le début de l'année 1997. Il n'est jamais inutile de rappeler l'objectif premier d'assurer à chacun le droit aux soins. Il n'est pas tolérable, en effet qu'un nombre croissant de personnes soit dans les faits exclu du système de santé. Ce sera un des objets du projet d'assurance maladie universelle que d'assurer sans ambiguïté une couverture à chacun. C'est également l'objet du projet de loi de cohésion sociale que de faire de la lutte contre la tuberculose une priorité nationale, réorganisée sous la compétence de l'État. C'est aussi un souci de vigilance sanitaire qui conduit à lancer une campagne de vaccination des détenus contre l'hépatite B.
Plus généralement, garantir à tous des soins de qualité, c'est la condition principale qui nous a guidés dans le choix de l'objectif de dépenses d'assurance maladie pour 1997. Jacques Barrot a dit à juste titre que cet objectif était encore un peu théorique et désincarné.
Et il est vrai que si l'on sait dire, pratiquement au franc près, quelle part des 590 milliards remboursés en 1996 aura relevé de la dotation hospitalière, des objectifs de dépenses de telle ou telle profession de santé, nous sommes incapables de dire comment cette somme se répartit entre les soins et les traitements des différentes pathologies, à de très rares exceptions près telles que le SIDA. Mais combien sur ce montant de 590 milliards pour le traitement des maladies cardio-vasculaires, des cancers, des hépatites, pour ne prendre que quelques exemples ?
Définir de manière sérieuse et étayée des orientations de politique sanitaire nécessitera sans doute, à l'avenir, de disposer de plus d'informations de ce type. Le codage des actes, à la ville comme à l'hôpital, et le PMSI, l'information des cabinets libéraux, et à terme le codage des pathologies devraient permettre d'avancer, tout en maintenant évidemment la confidentialité et l'anonymisation des données. C'est en tous les cas une lacune dans le système d'information que je souhaite vivement chercher à combler.
Voilà, Mesdames et Messieurs les députés, les éléments que je souhaitais développer devant vous, en vous assurant de notre détermination, à J. BARROT et à moi-même pour que les préoccupations de santé aient une place croissante, notamment grâce aux lois de financement de la sécurité sociale, dont vous allez débattre du premier projet aujourd'hui, au coeur de notre protection sociale.