Texte intégral
Je me réjouis d'être parmi vous aujourd'hui. Et ce n'est pas une formule de circonstance. Je suis très heureux d'être ici à Rouen et c'est pour moi l'occasion de saluer tous les élus engagés dans la réflexion nationale pour la décentralisation et aussi de m'associer à l'hommage que vous avez rendu il y a quelques jours à Jean Lecanuet à l'occasion du Xème anniversaire de sa disparition.
Rouen, c'est la ville même où le Président de la République a prononcé, il y a moins d'un an, un discours fondateur sur la décentralisation. Chacun sait l'importance que j'attache à la décentralisation. Je veux engager une étape significative et forte de décentralisation de notre pays. Dès mon discours de politique générale, j'ai indiqué qu'elle serait pour moi un objectif majeur et un levier de réforme.
Mais je n'ai pas voulu " une réforme solitaire " et " descendante ". C'est pourquoi un vaste débat s'est engagé dans nos régions, associant responsables politiques, économiques, sociaux, culturels, mais aussi tous les citoyens qui le souhaitaient.
Cette consultation nationale a été un succès. 55 000 personnes y ont participé. 600 propositions ont été débattues. Plus d'un tiers des demandes de décentralisation émanent de la société civile ! On a beaucoup dit en effet que la décentralisation n'intéressait pas les Français. On a ici la preuve que c'est faux : la décentralisation est une réforme politique profonde, qui va concerner l'ensemble de la collectivité nationale.
Je remercie tous ceux qui ont organisé et participé à ces assises et notamment les fonctionnaires qui en ont assumé la charge, Patrick DEVEDJIAN qui les a animées dans toute la France avec talent et Nicolas SARKOZY qui vient d'en tirer brillamment les leçons.
Ces assises ont été riches. Au-delà des clivages partisans, elles ont permis des expressions nombreuses, diverses, parfois contradictoires, mais le plus souvent convergentes. Je les ai écoutées. Je les ai entendues. Elles m'ont fait évoluer. Mais elles ont aussi conforté trois de mes convictions, celles qui font que j'engage aujourd'hui le Gouvernement et le pays dans cette réforme :
Je crois aux vertus de la proximité : les Français ont besoin de lien, ils ont besoin d'humanité pour être plus forts devant les évolutions parfois rapides de nos sociétés. Et ce sont les collectivités locales et leurs élus, l'ensemble des corps intermédiaires qui peuvent être, à cet égard, des relais efficaces.
Je crois que cette proximité est source d'efficacité. Si on n'administre bien que de près, c'est parce que pour bien administrer, il faut bien connaître. Il y a là, soyez-en sûrs, des économies possibles et surtout, une meilleure affectation des ressources. L'argent public est rare. L'argent public est précieux. Sa meilleure utilisation est un facteur d'efficacité économique. Il y a des marges de croissance prisonnières dans notre système centralisé. Il faut les libérer !
Je crois enfin que la décentralisation doit apporter la responsabilité. Si les compétences sont claires, les élus seront pleinement responsables devant les électeurs. Il est grand temps de démêler l'enchevêtrement des compétences et des niveaux qui dilue les responsabilités. Les élus responsables veulent s'engager, rendre compte et être évalués.
Aujourd'hui, après ces Assises, après aussi les travaux de ces dernières années - je pense notamment au rapport Mauroy - le temps des décisions est venu. Je veux vous présenter les grands axes de la réforme que le gouvernement a décidé d'engager.
Le débat n'est pas clos, nous allons maintenant discuter des modalités de mise en uvre des transferts de compétences et des expérimentations, mais je veux vous dire où nous allons.
I - l'organisation de la France décentralisée
D'abord, je voudrais vous donner ma conception de l'organisation de la France décentralisée. Nous allons l'inscrire dans la Constitution : " l'organisation de la France est décentralisée ". Qu'est-ce que cela veut dire ? Cela veut dire des élus responsables, sur des domaines de compétence clarifiés.
Je veux m'appuyer sur deux couples : le département et les communes d'une part, qui sont en charge de la gestion des services publics, parce qu'ils sont les échelons de la proximité ; la région et l'Etat, d'autre part, qui sont en charge de la stratégie, parce qu'ils sont les échelons de la cohérence.
Les transferts que je vais vous détailler dans un instant, j'ai souhaité qu'ils obéissent à cette logique ; qu'ils soient lisibles ; qu'ils nous permettent de bâtir la nouvelle architecture des compétences que les Français réclament, pour pouvoir demander des comptes à leurs élus.
Commençons par l'Etat.
Ce que nous construisons, ce n'est pas le désengagement de l'Etat, c'est son renforcement, là où il est essentiel. La relance de la décentralisation, c'est aussi un levier pour la réforme de l'Etat.
L'Etat, à trop vouloir faire, a fini par négliger ce que lui seul peut faire. Je crois en l'Etat. Mais je veux un Etat fort et capable d'autorité dans ses missions régaliennes. Un Etat efficace et capable d'humanité dans ses missions de solidarité. Un Etat stratège et un Etat régulateur. Pas un Etat ankylosé.
La décentralisation permettra à l'Etat de se concentrer sur ses responsabilités propres au niveau local. Ces responsabilités, personne ne les conteste. Au contraire, les Assises ont montré le besoin d'Etat dans notre pays : la sécurité, dans tous ses aspects, la justice, l'éducation, l'emploi, la santé publique, la fiscalité, les équipements structurants à l'échelle nationale, l'équilibre entre les territoires, les interventions en cas de crise. Dans tous ces domaines, l'Etat sera renforcé et réformé.
L'Etat sera aussi plus fort sur ses missions nationales : Trois d'entre elles sont essentielles pour la réussite de la décentralisation : la législation, la péréquation et l'évaluation. Il nous faut de bonnes règles et une bonne péréquation, parce que les Français veulent la liberté et l'impulsion locales, mais demandent aussi l'égalité au niveau national. Et il nous faut l'évaluation, parce que c'est la contrepartie des responsabilités.
A coté de l'Etat, la région doit être l'échelon de la cohérence et de la stratégie.
Ses compétences, la destinent aux politiques d'orientation des hommes et des territoires : c'est la politique en direction des jeunes adultes, leur orientation vers les métiers de demain, l'appui aux universités ; c'est la formation tout au long de la vie ; c'est l'action économique, les schémas d'aménagement et de transport qui structurent les territoires.
Les départements eux, ont principalement vocation à gérer, en subsidiarité avec les agglomérations, les politiques de solidarité et les équipements de proximité.
Cela signifie que la vocation sociale du Département doit être confirmée, en ce qui concerne l'enfance, les personnes âgées, les handicapés, les personnes en situation d'exclusion. Et que le Département prenne la responsabilité, en plus des collèges, des autres équipements de proximité : je veux parler des routes, de la politique de l'eau, de l'organisation de la gestion des déchets, du logement, lorsque les communes et les agglomérations ne peuvent s'en charger.
Vous voyez qu'en faisant ce choix clair, nous mettons un terme à la rivalité entre les départements et les régions. Ainsi le département verra ses responsabilités et ses compétences considérablement renforcées au nom de la proximité avec les citoyens et les régions gagneront en puissance, gagnant progressivement le niveau de leurs homologues européennes. Des départements proches, des régions puissantes face à de nouvelles responsabilités.
Je crois d'ailleurs que pour les exercer sans être à leur tour gagné par une forme de paralysie, il leur faudra être décentralisateurs, c'est-à-dire capable de déléguer une part de leurs prérogatives aux grandes agglomérations et à l'intercommunalité, dont le dynamisme n'est plus à démontrer. C'est tout l'intérêt du mécanisme souple de chef de file introduit dans la Constitution.
Enfin, les communes et leurs groupements resteront en charge du lien citoyen et des services de proximité. Elles sont la destination finale de la démarche de la gestion décentralisée.
Ce n'est pas un hasard si le maire est l'élu le plus populaire de la République. Nous conforterons son rôle, notamment en clarifiant le financement des communes. Et nous intégrerons, dans la loi de décentralisation, les mesures nécessaires pour accompagner le développement de l'intercommunalité.
II - Les objectifs des transferts : un pays dynamique, solidaire et bien géré
Cette nouvelle architecture des compétences, c'est une nouvelle dynamique pour notre République, parce qu'elle aura trois conséquences :
- les territoires seront responsables de leur développement ;
- la solidarité sera plus efficace dans la proximité ;
- priorité sera donnée aux jeunes et à leur insertion dans la vie sociale et professionnelle.
A. Des territoires dynamiques et responsables de leur développement
La région sera le chef de file pour les interventions économiques. Les aides aux entreprises que gèrent les services déconcentrés de l'Etat doivent être transférées aux régions.
L'Etat, au niveau local, n'a plus vocation à tenir des guichets en matière économique. Il doit en revanche offrir une capacité d'analyse, organiser le travail des différents partenaires, intervenir en soutien d'une collectivité en cas de crise, lorsque celle-ci dépasse ses capacités et que la solidarité nationale doit jouer. C'est par exemple l'enjeu des " contrats de site " que nous développons actuellement.
En matière d'aménagement du territoire, le rôle de la région sera accru. La région a déjà la responsabilité du transport ferroviaire. Il faudra achever ce transfert en Ile de France. La responsabilité de grandes infrastructures comme les ports, les aéroports ou les canaux, sera confiée aux régions, même si, dans ce domaine, il faut se garder des schémas trop uniformes. Tel port ou tel aéroport pourra aussi relever du département ou de la commune. C'est le dialogue local qui permettra de décider. L'Etat gardera bien sûr la responsabilité de quelques grands aéroports nationaux et des grands ports autonomes. En matière économique et territoriale les chambres consulaires seront associées à cette régionalisation.
Je pense que l'expérimentation menée en Alsace par Adrien Zeller nous conduira à transférer aux régions la gestion des crédits européens. Et puis, il faut aussi donner aux régions frontalières la liberté d'initiative avec leurs voisins. L'action internationale des régions sera renforcée notamment grâce à la coopération décentralisée ;
En ce qui concerne les équipements de proximité, le rôle du département sera conforté. Les routes nationales lui seront confiées, puisqu'il assure déjà la gestion de la voirie départementale. L'Etat conservera la responsabilité des autoroutes et de certaines grandes liaisons structurantes pour l'aménagement du territoire.
Dans le domaine de l'environnement et du développement durable, comme la politique de l'eau, ce sont bien sûr les communes et les départements qui sont en première ligne, même si j'ai noté qu'en Bretagne, en raison d'une situation spécifique, la région demandait à s'investir sur ce sujet. L'Etat transfèrera aux départements les moyens du FNDAE (fonds national de développement des adductions d'eau), mais gardera la police de l'eau. Enfin, les départements auront aussi la compétence (actuellement facultative) pour établir les plans d'élimination des déchets ménagers et industriels banals.
En matière touristique, les délégations régionales au tourisme seront transférées aux régions. L'Etat doit renforcer son rôle de promotion de la France à l'étranger et doit être davantage s'investir pour aider notre industrie touristique qui est la première au monde. Pour le reste, il doit s'en remettre au dynamisme des territoires. La région sera ainsi en charge de l'animation de la politique du tourisme et du classement des stations. Le département assurera le classement des hôtels et des restaurants, dans le respect des normes nationales.
Nous pensons aussi à la culture qui est de plus en plus, un facteur d'attractivité pour les territoires. L'inventaire sera décentralisé aux collectivités. La politique de protection et de classement demeurera de la compétence de l'Etat. La propriété et la gestion des musées et des monuments historiques d'intérêt régional pourront être confiées aux collectivités si elles le souhaitent. Je suis prêt également à examiner une expérimentation qui décentraliserait les crédits d'entretien et de travaux sur les monuments historiques. Enfin, pour les régions qui souhaitent s'engager d'avantage dans le soutien à la création et à l'art contemporain, je souhaite expérimenter la régionalisation des crédits des FRAC.
La création doit aussi reposer sur les forces vives locales La nouvelle fertilité des territoires a besoin de l'engagement culturel.
Cette logique de responsabilisation des territoires vaut en particulier pour la Corse. Les Corses peuvent bien sûr user de tous les outils que leur offrira la Constitution. Et avec Nicolas SARKOZY, nous voulons tenir compte de la spécificité de la Corse. La loi du 20 janvier 2001 leur donne des compétences nouvelles. Le PEI va leur donner les moyens du développement. Le débat institutionnel est ouvert. La Corse doit être à la pointe de la décentralisation.
Outre-mer, le débat sur les compétences s'est doublé d'un débat sur les institutions. Je laisse Brigitte GIRARDIN en tirer avec les élus d'outre mer un bilan plus détaillé de ces assises.
Les collectivités d'outre-mer seront actrices de leur développement. L'exigence de proximité est encore plus nécessaire là-bas qu'ici, en raison de l'éloignement et de la situation spécifique. Les mêmes principes ont vocation à s'appliquer. Mais des adaptations pourront être prévues pour tenir compte des "contraintes et caractéristiques particulières", comme le permettra le nouvel article 73 de la Constitution.
B. Une solidarité plus proche
Je veux une solidarité plus proche parce que j'ai la conviction qu'elle sera plus efficace.
Dans le domaine de la santé, j'ai décidé, sur proposition de Jean-François Mattéi, de recentraliser les compétences de santé publique qui avaient été transférées aux départements, mais qui relèvent, à mon sens de l'Etat. Il s'agit des politiques de vaccinations et de lutte contre la tuberculose, les MST, etc. En revanche, les régions auront désormais la responsabilité d'élaborer des programmes de santé publique spécifiques, en complément des efforts de l'Etat.
Surtout, je veux que les régions s'impliquent davantage dans la politique d'offre de soins. Elles seront parties prenantes des schémas régionaux d'organisation sanitaire. Elles auront désormais leur place au sein des ARH. Elles pourront financer l'investissement hospitalier.
Enfin, il est urgent que l'ensemble des acteurs se mobilise pour faire face à la pénurie d'infirmières qui résulte notamment de la politique des 35 h. Nous n'arrivons pas à former assez vite les personnes qui pourraient occuper ces postes. Nous sommes obligés de faire venir du personnel d'Espagne ou du Canada. Il faut agir ! Aussi, les régions doivent s'investir dans l'organisation de la formation des professions paramédicales, l'Etat restant bien sûr garant de la valeur des diplômes.
Autre solidarité essentielle, l'action sociale. Le rôle fondamental du département dans ce domaine est garanti. L'Etat doit définir les normes, évaluer l'action des collectivités et rester en charge des populations fragiles qui vivent en marge des territoires (je pense à l'intégration des personnes étrangères, aux SDF, aux gens du voyage). Pour les autres publics, l'interlocuteur unique local sera la règle.
En matière d'insertion, les départements auront la responsabilité pleine et entière. Le fonds d'aide aux jeunes ou les divers fonds de solidarité pour le logement leur seront confiés.
Surtout, le département sera désormais le vrai pilote du RMI. Bien sûr, le montant et les conditions d'attributions resteront fixés au niveau national. Et les départements continueront à s'appuyer sur les CAF. On ne va pas recréer des services. Mais il y aura un seul responsable pour décider l'admission, veiller aux conditions de versement de l'allocation, assurer l'insertion. Parce qu'il faut éviter la dilution des priorités. Parce que l'insertion est notre priorité. Parce qu'elle se fait d'abord au niveau local.
Parce qu'il faut sortir de la logique d'assistance. Pour aider les départements à mettre en uvre cette politique, j'ai demandé à François Fillon de réfléchir à la création d'un dispositif de revenu minimal d'activité (RMA), qui pourra compléter le RMI.
En ce qui concerne les personnes âgées, je veux également conforter le rôle du département. La façon dont nous traitons nos parents et grands-parents reflète notre degré de solidarité, la force de notre union nationale. Les départements jouent déjà un rôle majeur en ce domaine. Je propose de leur transférer la totalité de cette compétence.
Dans le domaine de la protection de l'enfance en danger, qui nous préoccupe tous, j'ai demandé à D. Perben d'organiser des expérimentations pour rapprocher l'action de la Protection Judiciaire de la Jeunesse et celle des départements.
En matière de handicap, le gouvernement a mis en chantier la rénovation de la loi de 1975. L'insertion des handicapés est une cause nationale, sur laquelle le président de la République nous a mobilisés. C'est un domaine où nous pouvons faire mieux, et faire plus simple !
Aujourd'hui, selon que vous êtes majeur ou mineur, que vous travaillez ou non, que vous avez besoins de soins, selon que vous cherchez un auxiliaire de vie, un foyer d'hébergement, médicalisé ou non, un atelier protégé, un C.A.T. une maison d'accueil spécialisée, vous devez vous adresser à la COTOREP, à l'Etat, aux départements ou à l'assurance maladie. Je veux clarifier et simplifier.
Et la logique voudrait que, par délégation de l'Etat, l'ensemble de ces actions soit coordonné par le département, qui pourrait gérer ainsi les auxiliaires de vie, les ateliers protégés et les centres d'accueil par le travail.
Avant d'aller plus loin en ce domaine, plusieurs points doivent être encore étudiés : celui du financement, bien sûr, qui n'est pas le plus mince. Celui aussi de l'évaluation. Les handicapés, leurs familles, tous nos compatriotes n'accepteraient pas que le niveau des prestations servies aux plus faibles d'entre nous diffère trop sur le territoire. La concertation, sur ce sujet, avec les associations et avec les élus, doit se poursuivre. C'est l'objet du chantier que le Gouvernement a ouvert et qui cheminera en parallèle à la décentralisation.
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Le logement fait également partie des compétences qui doivent être mises en uvre au plus près du terrain. Là aussi, parce que nous voulons une politique du logement qui soit équilibrée sur tout le territoire national, nous procéderons par délégation. L'Etat déconcentrera aux préfets de région l'ensemble des aides à la pierre. Les préfets, en concertation avec les élus, répartiront cette enveloppe régionale entre les agglomérations et les départements. Et ce sont les collectivités qui procéderont à l'individualisation des opérations avec les entreprises et les bailleurs sociaux.
C. Priorité aux jeunes, à l'insertion professionnelle et à la formation
Troisième axe de notre action : l'éducation et la formation. J'ai la conviction que les territoires sauront donner la priorité aux jeunes et à l'insertion professionnelle.
L'éducation est nationale et le restera. Mais parce qu'elle est l'objet de demandes sans cesse croissantes, elle doit s'ouvrir à de nouveaux acteurs et renforcer une logique de qualité. Celle-ci ne pourra être mise en uvre uniquement par le biais de règles uniformes, décidées à Paris. Je veux impliquer les acteurs locaux, c'est-à-dire les enseignants, les parents d'élèves, les élus sans exclure les élèves eux-mêmes.
Luc Ferry m'a proposé - et j'ai accepté - de faire progresser parallèlement deux pistes de réforme : une plus grande autonomie pour les établissements, pour une pédagogie plus efficace et plus adaptée aux situations locales ; une plus grande implication des collectivités dans la gestion des moyens.
Il faut des universités fortes, insérées dans le tissu local, qui puissent rivaliser avec les grandes universités d'Europe ou d'ailleurs. Pour cela, un projet de loi sur l'autonomie des universités sera déposé au Parlement comme l'a souhaité la Conférence des présidents d'université. Il leur donnera enfin la pleine maîtrise de leurs moyens de fonctionnement et, progressivement, de leur patrimoine.
Il leur donnera aussi la capacité de contracter avec les collectivités, qui, déjà, les financent largement. Dans la compétition des savoirs, nous devons faire la course en tête.
S'agissant des collèges et des lycées, nous expérimenterons, dans certains départements et régions volontaires, un nouveau statut leur donnant également davantage d'autonomie. Ils disposeront de moyens globalisés qui leur permettront d'adapter leur offre éducative, dans le respect des programmes nationaux. Les conseils d'administration seront rénovés, en laissant une plus large place aux parents d'élèves et aux élus.
J'ai la conviction que les efforts conjugués des parents, des enseignants, du représentant de l'inspection d'académie et des élus permettront de faire avancer les projets. Le recteur restera le garant de la qualité du service public de l'éducation nationale.
Cette autonomie plus étroite au niveau des établissements, cette association plus forte de l'ensemble des acteurs locaux, il faut les retrouver également au niveau de l'académie. Nous voulons expérimenter une nouvelle organisation du niveau académique où le recteur aura les moyens de décider, où il pourra dialoguer en permanence avec ses partenaires locaux et où il pourra demander aux établissements de s'engager sur des objectifs de qualité.
Je fais confiance aux recteurs, aux enseignants et aux élus locaux pour dessiner ensemble avec plus de précisions les contours de cette expérimentation, dans le dialogue et le respect mutuel. Nous verrons ensuite, avec pragmatisme, si la solution proposée et testée est la bonne.
- Parallèlement, le Gouvernement s'attachera à renforcer la capacité d'action des collectivités, en leur transférant de nouvelles compétences.
Parce qu'il s'agit de préparer l'avenir, parce que la région connaît le tissu économique local et les débouchés existants sur le marché de l'emploi, le conseil régional arrêtera, de concert avec le recteur, la carte des formations professionnalisantes (jusqu'au niveau bac+3).
De même, les régions prendront en charge l'orientation des jeunes et l'information sur les métiers.
Parce qu'il s'agit d'efficacité et de cohérence dans la gestion, et que le département est déjà compétent en matière de protection maternelle et infantile (PMI) et d'action sociale, il semble logique de lui transférer la responsabilité de la médecine scolaire et des assistantes sociales en milieu scolaire. En revanche, les infirmières scolaires, qui assurent l'éducation à la santé des enfants et sont intégrés au projet pédagogique des établissements, ne doivent pas faire l'objet d'un transfert.
De même, le département, qui implante les collèges et est responsable du transport scolaire, doit être responsable de la carte des secteurs de collège.
Les grandes agglomérations pourront assurer la responsabilité du logement étudiant. Elles sauront, j'en suis sûr, mobiliser les financements de toutes les collectivités parties prenantes en jouant un rôle de chef de file.
Enfin, je pense qu'il est temps pour nous d'aller jusqu'au bout de la logique des transferts de 1983. Le rapport Mauroy a redit combien il était illogique que la construction et l'entretien des bâtiments relèvent des collectivités, alors que les personnels qui en sont chargés continuent d'être gérés par l'Etat.
Les personnels TOS ont vocation à servir sous l'autorité des collectivités. Nous discuterons avec eux des modalités de ce transfert.
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Les régions pourront aussi mener cette politique de l'intelligence en prenant en charge la formation tout au long de la vie. Dans ce domaine, la décentralisation n'est, pour une part, qu'apparente : la région est censée avoir la totalité de la compétence, mais elle a moins de la moitié des outils !
Pourtant, voilà une compétence où les régions sont désireuses de s'investir pour assurer un meilleur service. Les régions ont vocation à être les outils de médiation entre, d'une part, les entreprises, qu'elles connaissent, qu'elles cherchent à attirer, pour le dynamisme de leur territoire, et, d'autre part, les jeunes adultes à la recherche de leur premier emploi, ou bien les hommes et les femmes qui, volontairement ou involontairement, sont conduits à donner une nouvelle orientation à leur vie professionnelle.
La région doit s'adresser à l'ensemble de ce public :
- Parce que l'adaptation des formations est une clé pour notre avenir, les régions décideront avec l'éducation nationale la carte des formations. Elles informeront les jeunes adultes sur les débouchés des diverses formations. Elles les aideront à s'orienter. Le réseau des missions locales, des PAIO, des CIO, des Conseillers psychologues (COPSY), sera réorganisé pour en faire un outil plus efficace.
- Parce que nous voulons mettre en uvre une " assurance-formation " pour chaque Français, la région doit également offrir aux salariés la possibilité d'évoluer quand ils n'ont pas eu la formation initiale qu'ils souhaitaient. C'est la responsabilité des branches et des partenaires sociaux de faire évoluer les qualifications. Mais la région peut jouer un rôle de coordination utile. M. Périssol a été chargé d'une mission sur ce point.
- Parce que l'emploi est une grande cause nationale, il faut également que la région s'adresse aux chômeurs, en leur proposant de nouvelles formations qualifiantes. L'emploi restera de la compétence de l'Etat.
Mais, localement, avec ses outils de formation et d'action économique, les régions doivent s'investir aux côtés des services de l'Etat et de l'ANPE.
Pour la mise en uvre de cette politique, l'ensemble des outils de formation professionnelle sera transféré aux régions qui deviendront également progressivement les donneurs d'ordre de l'AFPA.
Enfin, les collectivités pourront s'investir dans les formations spécifiques : la formation des personnels para-médicaux, les cycles pré-professionnels des écoles d'enseignement artistique, la formation des travailleurs sociaux.
Ne nous y trompons pas. Derrière la technicité des décisions de réorganisations des compétences, c'est un mouvement d'ampleur que nous engageons.
150 000 fonctionnaires devraient à terme rejoindre la fonction publique territoriale. Plus de 10 Milliards d'euros de crédits d'intervention sont en jeu. C'est l'équivalent du budget de toutes les régions de France.
L'argent public, les agents publics seront là où on en a besoin, au plus près du terrain.
Voilà notre ambition pour que cette " République décentralisée " soit une République plus dynamique, plus réactive et plus démocratique.
III - La mise en uvre, c'est le dialogue et le financement
A. Une mise en uvre concertée
La phase de mise en uvre commence aujourd'hui. Sur la base des décisions que je viens d'annoncer, les transferts se feront dans la transparence des procédures après l'écoute de tous les acteurs, les élus, les usagers et les personnels. Nous pourrons corriger, ajuster, améliorer.
B. des procédures adaptées, laissant la place à l'expérimentation.
Il y a de nombreux transferts. J'ai entendu le message des élus et des Français qui réclament de la lisibilité.
Mais la Constitution nous offrira la possibilité d'expérimenter.
L'expérimentation, c'est la capacité de réformer sans bloquer et de tester avec pragmatisme des solutions dans des domaines complexes. Nous ferons des expérimentations dans au moins quatre domaines. Nous avons retenu la santé, l'école, la protection de l'enfance, la culture.
C. Nous donnons aux collectivités les moyens financiers nécessaires
Transférer les compétences n'est rien si les financements ne suivent pas. Comme l'a rappelé Nicolas Sarkozy, la décentralisation ne sera pas un jeu de dupes.
A la différence de ce qui s'est fait avec l'APA, nous ne décentraliserons pas les déficits, ou les charges galopantes. Nous avons pris trois engagements solennels, qui seront inscrits dans la Constitution et dont le Conseil constitutionnel sera le garant :
1/ Nous financerons loyalement les transferts de compétence. Tout transfert de charges sera accompagné des ressources que l'Etat y consacrait.
2/ Pour la première fois, nous financerons ces transferts de compétences par des transferts de fiscalité et non par des dotations. Le lien démocratique, c'est aussi le lien fiscal, qui permet au contribuable de juger ce que ses élus font avec son argent.
3/ Nous renforcerons la solidarité vis-à-vis des territoires les moins favorisés, en améliorant les mécanismes de péréquation, pour rendre celle-ci plus efficace et plus lisible.
C'est une uvre de longue haleine. Mais dès 2004, nous engagerons les réformes :
- Nous attribuerons aux départements et aux régions une part de la TIPP nationale, qui leur permettra de financer leurs nouvelles compétences et viendra également se substituer aux dotations existantes. Les collectivités bénéficieront ainsi d'une ressource particulièrement dynamique et qui plus est bien répartie sur le territoire national.
- Nous simplifierons le système actuel de dotations et de péréquation, en regroupant les dotations au sein de la DGF et en laissant plus de marge de manuvre à l'échelon local pour la répartition des dotations de péréquation.
- Nous donnerons aux régions la possibilité de moduler le taux de la TIPP régionale, dès que cela sera juridiquement possible. A ce moment, nous pourrons étudier le transfert de la fiscalité directe régionale aux départements.
La décentralisation est une source d'économie. Elle rationalise. Elle simplifie. Elle supprime les structures redondantes. Il y a des gains de productivité à trouver et je suis sûr que les collectivités les utiliseront pour financer leurs priorités.
La pression fiscale ne sera donc pas accrue du fait de la décentralisation. Je pense même qu'à terme, elle permettra de la faire baisser.
Pour le vérifier, je propose que le Parlement crée un observatoire pluraliste, ouvert également aux élus locaux et aux forces vives, et qui sera chargé de veiller au respect de cet engagement.
D/ Les personnels suivent les compétences
Les moyens concernent aussi les personnels. Sur ce point, j'entends les craintes, mais je redoute surtout les incompréhensions. Et je souhaite convaincre.
Pour la cohérence de l'action publique, il est nécessaire que les personnels servent sous l'autorité de ceux qui sont responsables aux yeux des Français. Nous ne devons pas reproduire les solutions déresponsabilisantes.
Je prends ici quatre engagements :
- Premièrement, nous définirons les modalités de transfert de personnels dans le dialogue et la concertation.
- Deuxièmement, la fonction publique, quel que soit l'employeur, Etat ou collectivités, continuera de se fonder sur des principes communs, dont l'Etat se porte garant.
- Troisièmement, l'Etat s'attachera, avec les élus locaux, à améliorer encore la qualité et l'attractivité de la fonction publique territoriale.
Je suis persuadé que les fonctionnaires gagneront à exercer dans des structures à taille humaine, avec des contraintes moins grandes.
Enfin, les fonctionnaires qui serviront sous l'autorité des collectivités locales pourront conserver, s'ils le souhaitent, tous les éléments de leur statut.
E. Le calendrier
La réforme sera engagée avant la fin du semestre, elle produira des effets de longue portée :
- le 17 mars, le Congrès se réunira pour adopter la loi constitutionnelle.
- En avril, le gouvernement déposera au Parlement les projets de lois organiques qui vont préciser la Constitution. A l'été, il déposera le projet de loi décidant des transferts de compétences et des expérimentations.
- A l'automne 2003, nous recevrons les candidatures formelles des collectivités et nous rédigerons les cahiers des charges pour les transferts des moyens humains et financiers.
- Je souhaite que les premiers transferts et les premières expérimentations puissent être mis en oeuvre au 1er janvier 2004 pour les collectivités qui le souhaitent.
Conclusion :
Avec cette réforme ambitieuse, qui a été engagée dans le dialogue et la concertation, l'Etat montre qu'il est en mouvement. Il prouve aussi qu'il peut évoluer et s'adapter aux attentes nouvelles de la société française.
La République a besoin d'ordre. Elle a aussi besoin de mouvement. Nous lui avons donné l'ordre. Et nous sommes, aujourd'hui, l'expression du mouvement, parce que nous voulons réformer, réformer notre démocratie locale, pour réconcilier les Français avec l'action politique.
Réformer notre démocratie sociale aussi. C'est le chantier des retraites et de la santé. Sur tous ces sujets, la mission que nous a confiée le Président de la République, le mandat que nous ont donné les Français sont clairs.
Ma conviction est que la décentralisation est une réponse moderne aux questions de la France d'aujourd'hui :
- question politique en revitalisant la République ;
- question économique en stimulant la croissance durable pour l'emploi ;
- question sociale en privilégiant les relations humaines de la proximité.
F. MAURIAC avait tracé le chemin en écrivant : " je suis engagé sur les problèmes d'en bas pour des raisons d'en haut ".
Vive la République décentralisée, vive la France humanisée.
(Source http://www.premier-ministre.gouv.fr, le 3 mars 2003)
Rouen, c'est la ville même où le Président de la République a prononcé, il y a moins d'un an, un discours fondateur sur la décentralisation. Chacun sait l'importance que j'attache à la décentralisation. Je veux engager une étape significative et forte de décentralisation de notre pays. Dès mon discours de politique générale, j'ai indiqué qu'elle serait pour moi un objectif majeur et un levier de réforme.
Mais je n'ai pas voulu " une réforme solitaire " et " descendante ". C'est pourquoi un vaste débat s'est engagé dans nos régions, associant responsables politiques, économiques, sociaux, culturels, mais aussi tous les citoyens qui le souhaitaient.
Cette consultation nationale a été un succès. 55 000 personnes y ont participé. 600 propositions ont été débattues. Plus d'un tiers des demandes de décentralisation émanent de la société civile ! On a beaucoup dit en effet que la décentralisation n'intéressait pas les Français. On a ici la preuve que c'est faux : la décentralisation est une réforme politique profonde, qui va concerner l'ensemble de la collectivité nationale.
Je remercie tous ceux qui ont organisé et participé à ces assises et notamment les fonctionnaires qui en ont assumé la charge, Patrick DEVEDJIAN qui les a animées dans toute la France avec talent et Nicolas SARKOZY qui vient d'en tirer brillamment les leçons.
Ces assises ont été riches. Au-delà des clivages partisans, elles ont permis des expressions nombreuses, diverses, parfois contradictoires, mais le plus souvent convergentes. Je les ai écoutées. Je les ai entendues. Elles m'ont fait évoluer. Mais elles ont aussi conforté trois de mes convictions, celles qui font que j'engage aujourd'hui le Gouvernement et le pays dans cette réforme :
Je crois aux vertus de la proximité : les Français ont besoin de lien, ils ont besoin d'humanité pour être plus forts devant les évolutions parfois rapides de nos sociétés. Et ce sont les collectivités locales et leurs élus, l'ensemble des corps intermédiaires qui peuvent être, à cet égard, des relais efficaces.
Je crois que cette proximité est source d'efficacité. Si on n'administre bien que de près, c'est parce que pour bien administrer, il faut bien connaître. Il y a là, soyez-en sûrs, des économies possibles et surtout, une meilleure affectation des ressources. L'argent public est rare. L'argent public est précieux. Sa meilleure utilisation est un facteur d'efficacité économique. Il y a des marges de croissance prisonnières dans notre système centralisé. Il faut les libérer !
Je crois enfin que la décentralisation doit apporter la responsabilité. Si les compétences sont claires, les élus seront pleinement responsables devant les électeurs. Il est grand temps de démêler l'enchevêtrement des compétences et des niveaux qui dilue les responsabilités. Les élus responsables veulent s'engager, rendre compte et être évalués.
Aujourd'hui, après ces Assises, après aussi les travaux de ces dernières années - je pense notamment au rapport Mauroy - le temps des décisions est venu. Je veux vous présenter les grands axes de la réforme que le gouvernement a décidé d'engager.
Le débat n'est pas clos, nous allons maintenant discuter des modalités de mise en uvre des transferts de compétences et des expérimentations, mais je veux vous dire où nous allons.
I - l'organisation de la France décentralisée
D'abord, je voudrais vous donner ma conception de l'organisation de la France décentralisée. Nous allons l'inscrire dans la Constitution : " l'organisation de la France est décentralisée ". Qu'est-ce que cela veut dire ? Cela veut dire des élus responsables, sur des domaines de compétence clarifiés.
Je veux m'appuyer sur deux couples : le département et les communes d'une part, qui sont en charge de la gestion des services publics, parce qu'ils sont les échelons de la proximité ; la région et l'Etat, d'autre part, qui sont en charge de la stratégie, parce qu'ils sont les échelons de la cohérence.
Les transferts que je vais vous détailler dans un instant, j'ai souhaité qu'ils obéissent à cette logique ; qu'ils soient lisibles ; qu'ils nous permettent de bâtir la nouvelle architecture des compétences que les Français réclament, pour pouvoir demander des comptes à leurs élus.
Commençons par l'Etat.
Ce que nous construisons, ce n'est pas le désengagement de l'Etat, c'est son renforcement, là où il est essentiel. La relance de la décentralisation, c'est aussi un levier pour la réforme de l'Etat.
L'Etat, à trop vouloir faire, a fini par négliger ce que lui seul peut faire. Je crois en l'Etat. Mais je veux un Etat fort et capable d'autorité dans ses missions régaliennes. Un Etat efficace et capable d'humanité dans ses missions de solidarité. Un Etat stratège et un Etat régulateur. Pas un Etat ankylosé.
La décentralisation permettra à l'Etat de se concentrer sur ses responsabilités propres au niveau local. Ces responsabilités, personne ne les conteste. Au contraire, les Assises ont montré le besoin d'Etat dans notre pays : la sécurité, dans tous ses aspects, la justice, l'éducation, l'emploi, la santé publique, la fiscalité, les équipements structurants à l'échelle nationale, l'équilibre entre les territoires, les interventions en cas de crise. Dans tous ces domaines, l'Etat sera renforcé et réformé.
L'Etat sera aussi plus fort sur ses missions nationales : Trois d'entre elles sont essentielles pour la réussite de la décentralisation : la législation, la péréquation et l'évaluation. Il nous faut de bonnes règles et une bonne péréquation, parce que les Français veulent la liberté et l'impulsion locales, mais demandent aussi l'égalité au niveau national. Et il nous faut l'évaluation, parce que c'est la contrepartie des responsabilités.
A coté de l'Etat, la région doit être l'échelon de la cohérence et de la stratégie.
Ses compétences, la destinent aux politiques d'orientation des hommes et des territoires : c'est la politique en direction des jeunes adultes, leur orientation vers les métiers de demain, l'appui aux universités ; c'est la formation tout au long de la vie ; c'est l'action économique, les schémas d'aménagement et de transport qui structurent les territoires.
Les départements eux, ont principalement vocation à gérer, en subsidiarité avec les agglomérations, les politiques de solidarité et les équipements de proximité.
Cela signifie que la vocation sociale du Département doit être confirmée, en ce qui concerne l'enfance, les personnes âgées, les handicapés, les personnes en situation d'exclusion. Et que le Département prenne la responsabilité, en plus des collèges, des autres équipements de proximité : je veux parler des routes, de la politique de l'eau, de l'organisation de la gestion des déchets, du logement, lorsque les communes et les agglomérations ne peuvent s'en charger.
Vous voyez qu'en faisant ce choix clair, nous mettons un terme à la rivalité entre les départements et les régions. Ainsi le département verra ses responsabilités et ses compétences considérablement renforcées au nom de la proximité avec les citoyens et les régions gagneront en puissance, gagnant progressivement le niveau de leurs homologues européennes. Des départements proches, des régions puissantes face à de nouvelles responsabilités.
Je crois d'ailleurs que pour les exercer sans être à leur tour gagné par une forme de paralysie, il leur faudra être décentralisateurs, c'est-à-dire capable de déléguer une part de leurs prérogatives aux grandes agglomérations et à l'intercommunalité, dont le dynamisme n'est plus à démontrer. C'est tout l'intérêt du mécanisme souple de chef de file introduit dans la Constitution.
Enfin, les communes et leurs groupements resteront en charge du lien citoyen et des services de proximité. Elles sont la destination finale de la démarche de la gestion décentralisée.
Ce n'est pas un hasard si le maire est l'élu le plus populaire de la République. Nous conforterons son rôle, notamment en clarifiant le financement des communes. Et nous intégrerons, dans la loi de décentralisation, les mesures nécessaires pour accompagner le développement de l'intercommunalité.
II - Les objectifs des transferts : un pays dynamique, solidaire et bien géré
Cette nouvelle architecture des compétences, c'est une nouvelle dynamique pour notre République, parce qu'elle aura trois conséquences :
- les territoires seront responsables de leur développement ;
- la solidarité sera plus efficace dans la proximité ;
- priorité sera donnée aux jeunes et à leur insertion dans la vie sociale et professionnelle.
A. Des territoires dynamiques et responsables de leur développement
La région sera le chef de file pour les interventions économiques. Les aides aux entreprises que gèrent les services déconcentrés de l'Etat doivent être transférées aux régions.
L'Etat, au niveau local, n'a plus vocation à tenir des guichets en matière économique. Il doit en revanche offrir une capacité d'analyse, organiser le travail des différents partenaires, intervenir en soutien d'une collectivité en cas de crise, lorsque celle-ci dépasse ses capacités et que la solidarité nationale doit jouer. C'est par exemple l'enjeu des " contrats de site " que nous développons actuellement.
En matière d'aménagement du territoire, le rôle de la région sera accru. La région a déjà la responsabilité du transport ferroviaire. Il faudra achever ce transfert en Ile de France. La responsabilité de grandes infrastructures comme les ports, les aéroports ou les canaux, sera confiée aux régions, même si, dans ce domaine, il faut se garder des schémas trop uniformes. Tel port ou tel aéroport pourra aussi relever du département ou de la commune. C'est le dialogue local qui permettra de décider. L'Etat gardera bien sûr la responsabilité de quelques grands aéroports nationaux et des grands ports autonomes. En matière économique et territoriale les chambres consulaires seront associées à cette régionalisation.
Je pense que l'expérimentation menée en Alsace par Adrien Zeller nous conduira à transférer aux régions la gestion des crédits européens. Et puis, il faut aussi donner aux régions frontalières la liberté d'initiative avec leurs voisins. L'action internationale des régions sera renforcée notamment grâce à la coopération décentralisée ;
En ce qui concerne les équipements de proximité, le rôle du département sera conforté. Les routes nationales lui seront confiées, puisqu'il assure déjà la gestion de la voirie départementale. L'Etat conservera la responsabilité des autoroutes et de certaines grandes liaisons structurantes pour l'aménagement du territoire.
Dans le domaine de l'environnement et du développement durable, comme la politique de l'eau, ce sont bien sûr les communes et les départements qui sont en première ligne, même si j'ai noté qu'en Bretagne, en raison d'une situation spécifique, la région demandait à s'investir sur ce sujet. L'Etat transfèrera aux départements les moyens du FNDAE (fonds national de développement des adductions d'eau), mais gardera la police de l'eau. Enfin, les départements auront aussi la compétence (actuellement facultative) pour établir les plans d'élimination des déchets ménagers et industriels banals.
En matière touristique, les délégations régionales au tourisme seront transférées aux régions. L'Etat doit renforcer son rôle de promotion de la France à l'étranger et doit être davantage s'investir pour aider notre industrie touristique qui est la première au monde. Pour le reste, il doit s'en remettre au dynamisme des territoires. La région sera ainsi en charge de l'animation de la politique du tourisme et du classement des stations. Le département assurera le classement des hôtels et des restaurants, dans le respect des normes nationales.
Nous pensons aussi à la culture qui est de plus en plus, un facteur d'attractivité pour les territoires. L'inventaire sera décentralisé aux collectivités. La politique de protection et de classement demeurera de la compétence de l'Etat. La propriété et la gestion des musées et des monuments historiques d'intérêt régional pourront être confiées aux collectivités si elles le souhaitent. Je suis prêt également à examiner une expérimentation qui décentraliserait les crédits d'entretien et de travaux sur les monuments historiques. Enfin, pour les régions qui souhaitent s'engager d'avantage dans le soutien à la création et à l'art contemporain, je souhaite expérimenter la régionalisation des crédits des FRAC.
La création doit aussi reposer sur les forces vives locales La nouvelle fertilité des territoires a besoin de l'engagement culturel.
Cette logique de responsabilisation des territoires vaut en particulier pour la Corse. Les Corses peuvent bien sûr user de tous les outils que leur offrira la Constitution. Et avec Nicolas SARKOZY, nous voulons tenir compte de la spécificité de la Corse. La loi du 20 janvier 2001 leur donne des compétences nouvelles. Le PEI va leur donner les moyens du développement. Le débat institutionnel est ouvert. La Corse doit être à la pointe de la décentralisation.
Outre-mer, le débat sur les compétences s'est doublé d'un débat sur les institutions. Je laisse Brigitte GIRARDIN en tirer avec les élus d'outre mer un bilan plus détaillé de ces assises.
Les collectivités d'outre-mer seront actrices de leur développement. L'exigence de proximité est encore plus nécessaire là-bas qu'ici, en raison de l'éloignement et de la situation spécifique. Les mêmes principes ont vocation à s'appliquer. Mais des adaptations pourront être prévues pour tenir compte des "contraintes et caractéristiques particulières", comme le permettra le nouvel article 73 de la Constitution.
B. Une solidarité plus proche
Je veux une solidarité plus proche parce que j'ai la conviction qu'elle sera plus efficace.
Dans le domaine de la santé, j'ai décidé, sur proposition de Jean-François Mattéi, de recentraliser les compétences de santé publique qui avaient été transférées aux départements, mais qui relèvent, à mon sens de l'Etat. Il s'agit des politiques de vaccinations et de lutte contre la tuberculose, les MST, etc. En revanche, les régions auront désormais la responsabilité d'élaborer des programmes de santé publique spécifiques, en complément des efforts de l'Etat.
Surtout, je veux que les régions s'impliquent davantage dans la politique d'offre de soins. Elles seront parties prenantes des schémas régionaux d'organisation sanitaire. Elles auront désormais leur place au sein des ARH. Elles pourront financer l'investissement hospitalier.
Enfin, il est urgent que l'ensemble des acteurs se mobilise pour faire face à la pénurie d'infirmières qui résulte notamment de la politique des 35 h. Nous n'arrivons pas à former assez vite les personnes qui pourraient occuper ces postes. Nous sommes obligés de faire venir du personnel d'Espagne ou du Canada. Il faut agir ! Aussi, les régions doivent s'investir dans l'organisation de la formation des professions paramédicales, l'Etat restant bien sûr garant de la valeur des diplômes.
Autre solidarité essentielle, l'action sociale. Le rôle fondamental du département dans ce domaine est garanti. L'Etat doit définir les normes, évaluer l'action des collectivités et rester en charge des populations fragiles qui vivent en marge des territoires (je pense à l'intégration des personnes étrangères, aux SDF, aux gens du voyage). Pour les autres publics, l'interlocuteur unique local sera la règle.
En matière d'insertion, les départements auront la responsabilité pleine et entière. Le fonds d'aide aux jeunes ou les divers fonds de solidarité pour le logement leur seront confiés.
Surtout, le département sera désormais le vrai pilote du RMI. Bien sûr, le montant et les conditions d'attributions resteront fixés au niveau national. Et les départements continueront à s'appuyer sur les CAF. On ne va pas recréer des services. Mais il y aura un seul responsable pour décider l'admission, veiller aux conditions de versement de l'allocation, assurer l'insertion. Parce qu'il faut éviter la dilution des priorités. Parce que l'insertion est notre priorité. Parce qu'elle se fait d'abord au niveau local.
Parce qu'il faut sortir de la logique d'assistance. Pour aider les départements à mettre en uvre cette politique, j'ai demandé à François Fillon de réfléchir à la création d'un dispositif de revenu minimal d'activité (RMA), qui pourra compléter le RMI.
En ce qui concerne les personnes âgées, je veux également conforter le rôle du département. La façon dont nous traitons nos parents et grands-parents reflète notre degré de solidarité, la force de notre union nationale. Les départements jouent déjà un rôle majeur en ce domaine. Je propose de leur transférer la totalité de cette compétence.
Dans le domaine de la protection de l'enfance en danger, qui nous préoccupe tous, j'ai demandé à D. Perben d'organiser des expérimentations pour rapprocher l'action de la Protection Judiciaire de la Jeunesse et celle des départements.
En matière de handicap, le gouvernement a mis en chantier la rénovation de la loi de 1975. L'insertion des handicapés est une cause nationale, sur laquelle le président de la République nous a mobilisés. C'est un domaine où nous pouvons faire mieux, et faire plus simple !
Aujourd'hui, selon que vous êtes majeur ou mineur, que vous travaillez ou non, que vous avez besoins de soins, selon que vous cherchez un auxiliaire de vie, un foyer d'hébergement, médicalisé ou non, un atelier protégé, un C.A.T. une maison d'accueil spécialisée, vous devez vous adresser à la COTOREP, à l'Etat, aux départements ou à l'assurance maladie. Je veux clarifier et simplifier.
Et la logique voudrait que, par délégation de l'Etat, l'ensemble de ces actions soit coordonné par le département, qui pourrait gérer ainsi les auxiliaires de vie, les ateliers protégés et les centres d'accueil par le travail.
Avant d'aller plus loin en ce domaine, plusieurs points doivent être encore étudiés : celui du financement, bien sûr, qui n'est pas le plus mince. Celui aussi de l'évaluation. Les handicapés, leurs familles, tous nos compatriotes n'accepteraient pas que le niveau des prestations servies aux plus faibles d'entre nous diffère trop sur le territoire. La concertation, sur ce sujet, avec les associations et avec les élus, doit se poursuivre. C'est l'objet du chantier que le Gouvernement a ouvert et qui cheminera en parallèle à la décentralisation.
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Le logement fait également partie des compétences qui doivent être mises en uvre au plus près du terrain. Là aussi, parce que nous voulons une politique du logement qui soit équilibrée sur tout le territoire national, nous procéderons par délégation. L'Etat déconcentrera aux préfets de région l'ensemble des aides à la pierre. Les préfets, en concertation avec les élus, répartiront cette enveloppe régionale entre les agglomérations et les départements. Et ce sont les collectivités qui procéderont à l'individualisation des opérations avec les entreprises et les bailleurs sociaux.
C. Priorité aux jeunes, à l'insertion professionnelle et à la formation
Troisième axe de notre action : l'éducation et la formation. J'ai la conviction que les territoires sauront donner la priorité aux jeunes et à l'insertion professionnelle.
L'éducation est nationale et le restera. Mais parce qu'elle est l'objet de demandes sans cesse croissantes, elle doit s'ouvrir à de nouveaux acteurs et renforcer une logique de qualité. Celle-ci ne pourra être mise en uvre uniquement par le biais de règles uniformes, décidées à Paris. Je veux impliquer les acteurs locaux, c'est-à-dire les enseignants, les parents d'élèves, les élus sans exclure les élèves eux-mêmes.
Luc Ferry m'a proposé - et j'ai accepté - de faire progresser parallèlement deux pistes de réforme : une plus grande autonomie pour les établissements, pour une pédagogie plus efficace et plus adaptée aux situations locales ; une plus grande implication des collectivités dans la gestion des moyens.
Il faut des universités fortes, insérées dans le tissu local, qui puissent rivaliser avec les grandes universités d'Europe ou d'ailleurs. Pour cela, un projet de loi sur l'autonomie des universités sera déposé au Parlement comme l'a souhaité la Conférence des présidents d'université. Il leur donnera enfin la pleine maîtrise de leurs moyens de fonctionnement et, progressivement, de leur patrimoine.
Il leur donnera aussi la capacité de contracter avec les collectivités, qui, déjà, les financent largement. Dans la compétition des savoirs, nous devons faire la course en tête.
S'agissant des collèges et des lycées, nous expérimenterons, dans certains départements et régions volontaires, un nouveau statut leur donnant également davantage d'autonomie. Ils disposeront de moyens globalisés qui leur permettront d'adapter leur offre éducative, dans le respect des programmes nationaux. Les conseils d'administration seront rénovés, en laissant une plus large place aux parents d'élèves et aux élus.
J'ai la conviction que les efforts conjugués des parents, des enseignants, du représentant de l'inspection d'académie et des élus permettront de faire avancer les projets. Le recteur restera le garant de la qualité du service public de l'éducation nationale.
Cette autonomie plus étroite au niveau des établissements, cette association plus forte de l'ensemble des acteurs locaux, il faut les retrouver également au niveau de l'académie. Nous voulons expérimenter une nouvelle organisation du niveau académique où le recteur aura les moyens de décider, où il pourra dialoguer en permanence avec ses partenaires locaux et où il pourra demander aux établissements de s'engager sur des objectifs de qualité.
Je fais confiance aux recteurs, aux enseignants et aux élus locaux pour dessiner ensemble avec plus de précisions les contours de cette expérimentation, dans le dialogue et le respect mutuel. Nous verrons ensuite, avec pragmatisme, si la solution proposée et testée est la bonne.
- Parallèlement, le Gouvernement s'attachera à renforcer la capacité d'action des collectivités, en leur transférant de nouvelles compétences.
Parce qu'il s'agit de préparer l'avenir, parce que la région connaît le tissu économique local et les débouchés existants sur le marché de l'emploi, le conseil régional arrêtera, de concert avec le recteur, la carte des formations professionnalisantes (jusqu'au niveau bac+3).
De même, les régions prendront en charge l'orientation des jeunes et l'information sur les métiers.
Parce qu'il s'agit d'efficacité et de cohérence dans la gestion, et que le département est déjà compétent en matière de protection maternelle et infantile (PMI) et d'action sociale, il semble logique de lui transférer la responsabilité de la médecine scolaire et des assistantes sociales en milieu scolaire. En revanche, les infirmières scolaires, qui assurent l'éducation à la santé des enfants et sont intégrés au projet pédagogique des établissements, ne doivent pas faire l'objet d'un transfert.
De même, le département, qui implante les collèges et est responsable du transport scolaire, doit être responsable de la carte des secteurs de collège.
Les grandes agglomérations pourront assurer la responsabilité du logement étudiant. Elles sauront, j'en suis sûr, mobiliser les financements de toutes les collectivités parties prenantes en jouant un rôle de chef de file.
Enfin, je pense qu'il est temps pour nous d'aller jusqu'au bout de la logique des transferts de 1983. Le rapport Mauroy a redit combien il était illogique que la construction et l'entretien des bâtiments relèvent des collectivités, alors que les personnels qui en sont chargés continuent d'être gérés par l'Etat.
Les personnels TOS ont vocation à servir sous l'autorité des collectivités. Nous discuterons avec eux des modalités de ce transfert.
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Les régions pourront aussi mener cette politique de l'intelligence en prenant en charge la formation tout au long de la vie. Dans ce domaine, la décentralisation n'est, pour une part, qu'apparente : la région est censée avoir la totalité de la compétence, mais elle a moins de la moitié des outils !
Pourtant, voilà une compétence où les régions sont désireuses de s'investir pour assurer un meilleur service. Les régions ont vocation à être les outils de médiation entre, d'une part, les entreprises, qu'elles connaissent, qu'elles cherchent à attirer, pour le dynamisme de leur territoire, et, d'autre part, les jeunes adultes à la recherche de leur premier emploi, ou bien les hommes et les femmes qui, volontairement ou involontairement, sont conduits à donner une nouvelle orientation à leur vie professionnelle.
La région doit s'adresser à l'ensemble de ce public :
- Parce que l'adaptation des formations est une clé pour notre avenir, les régions décideront avec l'éducation nationale la carte des formations. Elles informeront les jeunes adultes sur les débouchés des diverses formations. Elles les aideront à s'orienter. Le réseau des missions locales, des PAIO, des CIO, des Conseillers psychologues (COPSY), sera réorganisé pour en faire un outil plus efficace.
- Parce que nous voulons mettre en uvre une " assurance-formation " pour chaque Français, la région doit également offrir aux salariés la possibilité d'évoluer quand ils n'ont pas eu la formation initiale qu'ils souhaitaient. C'est la responsabilité des branches et des partenaires sociaux de faire évoluer les qualifications. Mais la région peut jouer un rôle de coordination utile. M. Périssol a été chargé d'une mission sur ce point.
- Parce que l'emploi est une grande cause nationale, il faut également que la région s'adresse aux chômeurs, en leur proposant de nouvelles formations qualifiantes. L'emploi restera de la compétence de l'Etat.
Mais, localement, avec ses outils de formation et d'action économique, les régions doivent s'investir aux côtés des services de l'Etat et de l'ANPE.
Pour la mise en uvre de cette politique, l'ensemble des outils de formation professionnelle sera transféré aux régions qui deviendront également progressivement les donneurs d'ordre de l'AFPA.
Enfin, les collectivités pourront s'investir dans les formations spécifiques : la formation des personnels para-médicaux, les cycles pré-professionnels des écoles d'enseignement artistique, la formation des travailleurs sociaux.
Ne nous y trompons pas. Derrière la technicité des décisions de réorganisations des compétences, c'est un mouvement d'ampleur que nous engageons.
150 000 fonctionnaires devraient à terme rejoindre la fonction publique territoriale. Plus de 10 Milliards d'euros de crédits d'intervention sont en jeu. C'est l'équivalent du budget de toutes les régions de France.
L'argent public, les agents publics seront là où on en a besoin, au plus près du terrain.
Voilà notre ambition pour que cette " République décentralisée " soit une République plus dynamique, plus réactive et plus démocratique.
III - La mise en uvre, c'est le dialogue et le financement
A. Une mise en uvre concertée
La phase de mise en uvre commence aujourd'hui. Sur la base des décisions que je viens d'annoncer, les transferts se feront dans la transparence des procédures après l'écoute de tous les acteurs, les élus, les usagers et les personnels. Nous pourrons corriger, ajuster, améliorer.
B. des procédures adaptées, laissant la place à l'expérimentation.
Il y a de nombreux transferts. J'ai entendu le message des élus et des Français qui réclament de la lisibilité.
Mais la Constitution nous offrira la possibilité d'expérimenter.
L'expérimentation, c'est la capacité de réformer sans bloquer et de tester avec pragmatisme des solutions dans des domaines complexes. Nous ferons des expérimentations dans au moins quatre domaines. Nous avons retenu la santé, l'école, la protection de l'enfance, la culture.
C. Nous donnons aux collectivités les moyens financiers nécessaires
Transférer les compétences n'est rien si les financements ne suivent pas. Comme l'a rappelé Nicolas Sarkozy, la décentralisation ne sera pas un jeu de dupes.
A la différence de ce qui s'est fait avec l'APA, nous ne décentraliserons pas les déficits, ou les charges galopantes. Nous avons pris trois engagements solennels, qui seront inscrits dans la Constitution et dont le Conseil constitutionnel sera le garant :
1/ Nous financerons loyalement les transferts de compétence. Tout transfert de charges sera accompagné des ressources que l'Etat y consacrait.
2/ Pour la première fois, nous financerons ces transferts de compétences par des transferts de fiscalité et non par des dotations. Le lien démocratique, c'est aussi le lien fiscal, qui permet au contribuable de juger ce que ses élus font avec son argent.
3/ Nous renforcerons la solidarité vis-à-vis des territoires les moins favorisés, en améliorant les mécanismes de péréquation, pour rendre celle-ci plus efficace et plus lisible.
C'est une uvre de longue haleine. Mais dès 2004, nous engagerons les réformes :
- Nous attribuerons aux départements et aux régions une part de la TIPP nationale, qui leur permettra de financer leurs nouvelles compétences et viendra également se substituer aux dotations existantes. Les collectivités bénéficieront ainsi d'une ressource particulièrement dynamique et qui plus est bien répartie sur le territoire national.
- Nous simplifierons le système actuel de dotations et de péréquation, en regroupant les dotations au sein de la DGF et en laissant plus de marge de manuvre à l'échelon local pour la répartition des dotations de péréquation.
- Nous donnerons aux régions la possibilité de moduler le taux de la TIPP régionale, dès que cela sera juridiquement possible. A ce moment, nous pourrons étudier le transfert de la fiscalité directe régionale aux départements.
La décentralisation est une source d'économie. Elle rationalise. Elle simplifie. Elle supprime les structures redondantes. Il y a des gains de productivité à trouver et je suis sûr que les collectivités les utiliseront pour financer leurs priorités.
La pression fiscale ne sera donc pas accrue du fait de la décentralisation. Je pense même qu'à terme, elle permettra de la faire baisser.
Pour le vérifier, je propose que le Parlement crée un observatoire pluraliste, ouvert également aux élus locaux et aux forces vives, et qui sera chargé de veiller au respect de cet engagement.
D/ Les personnels suivent les compétences
Les moyens concernent aussi les personnels. Sur ce point, j'entends les craintes, mais je redoute surtout les incompréhensions. Et je souhaite convaincre.
Pour la cohérence de l'action publique, il est nécessaire que les personnels servent sous l'autorité de ceux qui sont responsables aux yeux des Français. Nous ne devons pas reproduire les solutions déresponsabilisantes.
Je prends ici quatre engagements :
- Premièrement, nous définirons les modalités de transfert de personnels dans le dialogue et la concertation.
- Deuxièmement, la fonction publique, quel que soit l'employeur, Etat ou collectivités, continuera de se fonder sur des principes communs, dont l'Etat se porte garant.
- Troisièmement, l'Etat s'attachera, avec les élus locaux, à améliorer encore la qualité et l'attractivité de la fonction publique territoriale.
Je suis persuadé que les fonctionnaires gagneront à exercer dans des structures à taille humaine, avec des contraintes moins grandes.
Enfin, les fonctionnaires qui serviront sous l'autorité des collectivités locales pourront conserver, s'ils le souhaitent, tous les éléments de leur statut.
E. Le calendrier
La réforme sera engagée avant la fin du semestre, elle produira des effets de longue portée :
- le 17 mars, le Congrès se réunira pour adopter la loi constitutionnelle.
- En avril, le gouvernement déposera au Parlement les projets de lois organiques qui vont préciser la Constitution. A l'été, il déposera le projet de loi décidant des transferts de compétences et des expérimentations.
- A l'automne 2003, nous recevrons les candidatures formelles des collectivités et nous rédigerons les cahiers des charges pour les transferts des moyens humains et financiers.
- Je souhaite que les premiers transferts et les premières expérimentations puissent être mis en oeuvre au 1er janvier 2004 pour les collectivités qui le souhaitent.
Conclusion :
Avec cette réforme ambitieuse, qui a été engagée dans le dialogue et la concertation, l'Etat montre qu'il est en mouvement. Il prouve aussi qu'il peut évoluer et s'adapter aux attentes nouvelles de la société française.
La République a besoin d'ordre. Elle a aussi besoin de mouvement. Nous lui avons donné l'ordre. Et nous sommes, aujourd'hui, l'expression du mouvement, parce que nous voulons réformer, réformer notre démocratie locale, pour réconcilier les Français avec l'action politique.
Réformer notre démocratie sociale aussi. C'est le chantier des retraites et de la santé. Sur tous ces sujets, la mission que nous a confiée le Président de la République, le mandat que nous ont donné les Français sont clairs.
Ma conviction est que la décentralisation est une réponse moderne aux questions de la France d'aujourd'hui :
- question politique en revitalisant la République ;
- question économique en stimulant la croissance durable pour l'emploi ;
- question sociale en privilégiant les relations humaines de la proximité.
F. MAURIAC avait tracé le chemin en écrivant : " je suis engagé sur les problèmes d'en bas pour des raisons d'en haut ".
Vive la République décentralisée, vive la France humanisée.
(Source http://www.premier-ministre.gouv.fr, le 3 mars 2003)