Déclaration de M. Jean-Pierre Chevènement, ministre de l'intérieur, sur les grandes orientations du projet de loi relatif à l'organisation urbaine et à la simplification de la coopération intercommunale, à Paris le 4 juin 1998.

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Circonstance : Réunion du Comité des finances locales, à Paris le 4 juin 1998

Texte intégral

Monsieur le Président,
Mesdames et Messieurs les membres du comité
Avant de vous exposer à grands traits le contenu du projet de loi relatif à l'organisation urbaine et à la simplification de la coopération intercommunale, je voudrais saluer et remercier les membres du CFL dont le mandat s'achève. Chacun sait le rôle irremplaçable qu'est le vôtre, pour tout ce qui touche les collectivités locales.
J'ai tenu, pour marquer non seulement la fin de votre mandat de 3 ans, mais encore l'intérêt que je porte à vos travaux, à ce que nous nous retrouvions à déjeuner à l'hôtel Beauvau.
Le constat
A. Une démarche ancienne, refondée en 1992
Les différentes formes de coopération intercommunale, instituées depuis la création du syndicat de communes en 1890, ont permis aux communes de se regrouper pour gérer des services spécialisés qu'elles n'arrivaient plus à assurer par leurs propres moyens.
Le succès incontestable des syndicats intercommunaux à vocation unique et à vocation multiple -plus de 16 000 aujourd'hui- a conduit à favoriser l'exercice de compétences nouvelles en terme de développement local ou d'aménagement de l'espace.
Les formules d'intercommunalité à fiscalité propre, dont le district, créé en 1959, a été la première, ont rendu possible l'exercice de ce type de compétences. La nécessité d'agir sur la croissance et le développement urbain dans les années 1960 ont imposé la création d'une forme particulière de coopération intercommunale : la communauté urbaine, véritable second niveau d'administration des grandes agglomérations.
Cette lente et pragmatique construction a vu son aboutissement dans la loi d'orientation du 6 février 1992 relative à l'administration territoriale de la République qui a créé notamment la communauté de communes et la communauté de villes. Cette loi a marqué le réel décollage de l'intercommunalité à fiscalité propre.
Alors que l'on recensait, en 1992, 269 établissements publics à coopération intercommunale, on en dénombre aujourd'hui 1577, regroupant 17 760 communes et 31,7 millions d'habitants et disposant d'un budget de 55 milliards de francs.
Ainsi, peu à peu, s'est dégagée une nouvelle approche des réalités locales. Conçue au départ pour gérer des services publics ou des groupements communs, la coopération intercommunale est devenue progressivement l'un des
instruments d'une politique solidaire d'aménagement, de développement économique et de répartition des charges et des ressources entre les communes. Elle a été encouragée par des mesures financières incitatives (DGF des groupements, DDR, FCTVA) qui donnent pleinement son sens à la notion de développement local partagé.
Elle a ainsi répondu aux reproches de morcellement communal tout en permettant le maintien de l'existence de la commune dont il est vrai que personne ne prône la disparition.
B. Un succès, mais un bilan en demi-teinte
Le développement de la coopération intercommunale a façonné un paysage complexe où coexistent des logiques différentes d'administration, aujourd'hui datées. Il existe 8 types d'organismes de coopération intercommunale, soumis à leurs propres règles et répondant à deux logiques non exclusives l'une de l'autre :
Ø la gestion de services assurée par les syndicats
Ø la conduite de projets, porteuse d'intégration autour des groupements à fiscalité propre. A cet édifice, vient s'agréger le " pays ", formule qui, certes n'a pas de personnalité juridique, mais qui est cependant susceptible de constituer un élément de complexité supplémentaire.
Cet empilement de structures, cette offre multiple nous amènent à l'interrogation suivante : est-ce que le système mis en place répond parfaitement aux nouveaux défis de l'aménagement et du développement du territoire ?
Si les formules syndicales correspondent bien à leurs objectifs initiaux, celles issues de la loi du 6 février 1992 et plus globalement l'intercommunalité à fiscalité propre, offrent un bilan contrasté.
Le succès des communautés de communes (1 241 au 1er janvier 1998) ne compense pas l'échec des communautés de villes (5 seulement). Si la plus grande partie du territoire national est couverte par les structures à fiscalité propre, l'intercommunalité a dans la période récente surtout profité aux petites unités. Sur les 17,6 millions d'habitants récemment regroupés grâce à la loi de 1992, 10 millions d'habitants appartiennent à des groupements de taille inférieure à 50 000 habitants. De toute évidence, la situation du monde rural et du monde urbain, des petites et des grandes agglomérations n'est pas la même.
Dans le milieu urbain et périurbain, la difficulté rencontrée par la mise en place de politiques lourdes -politique de la ville, logements, transports- démontre la nécessité de rechercher un outil nouveau de coopération, plus intégrateur. De même, la volonté de promouvoir la taxe professionnelle unique souhaitée par le législateur de 1992 n'a abouti qu'à des résultats décevants.
Si le nombre des groupements retenant ce mécanisme d'intégration croît régulièrement (46 en 1996, 65 en 1997, 83 en 1998), il est aujourd'hui nécessaire d'accélérer le mouvement, notamment en zone urbaine.
Le nombre de groupements à taxe professionnelle d'agglomération est de 83 au 1er janvier 1998 (hors SAN) dont 5 communautés de villes et 2 districts. Il a augmenté de 18 par rapport à 1997.
En 1992, lorsque le législateur a institué la taxe professionnelle d'agglomération, elle était prévue, sans ambiguïté, pour la coopération intercommunale en milieu urbain ; or, elle y a finalement été peu adoptée. En effet :
- les résultats observés montrent que la taxe professionnelle d'agglomération a surtout été mise en place en milieu rural, plus de 70 % des groupements qui l'ont adoptée comptent moins de 20 000 habitants ;
- 61 groupements ont moins de 20 000 habitants, 16 ont une population comprise en 20 000 et 100 000 habitants, et seulement 6 plus de 100 000 habitants ;
Certes, les groupements de 6 grandes agglomérations (Marseille, Rennes, Aix-en-Provence, Avignon, La Rochelle, Perpignan) rassemblent les 2/3 de la population totale des établissements publics de coopération intercommunale à taxe professionnelle d'agglomération.
Mais si l'on veut traiter ce que j'ai récemment appelé un apartheid spatial, c'est-à-dire, égaliser les chances d'un développement harmonieux de toutes les communes de notre pays, une politique volontariste s'impose, sans pour autant qu'elle ne pénalise ou n'empêche la réussite des communes rurales.
Le projet
A. La relance de l'intercommunalité à fiscalité propre en milieu urbain
Le fait urbain et sa traduction -l'agglomération- est devenue aujourd'hui une réalité majeure de la société française. La crise de notre société et ses maux que sont le chômage, la sécurité, les fractures culturelles et scolaires et les déséquilibres économiques et sociaux se concentrent essentiellement dans les agglomérations. Certains de nos quartiers sont devenus au fil des ans des quasi-ghettos où la montée des communautarismes nourrit des réflexes aux antipodes de valeurs républicaines.
Or, à la réalité physique des agglomérations, de leur ville centre, de leurs communes périphériques et cités agrégées au fin de la croissance urbaine, ne correspond aujourd'hui aucune entité politique et juridique, capable de prendre les décisions qui engagent le long terme.
L'agglomération -et le rapport de M. J-P SUEUR " demain la ville ", l'a encore récemment souligné- constitue le niveau le plus pertinent où peuvent être conduites les politiques de l'habitat, des transports publics, d'urbanisme et d'aménagement. Dans le même temps, l'agglomération est également devenue l'un des points d'appui de la politique d'aménagement du territoire dont l'un des volets essentiels, récemment décidé par le CIADT du 15 décembre 1997, est l'organisation et le développement de la solidarité entre les espaces ruraux et urbains.
Dès lors, comment ne pas s'appuyer sur l'intercommunalité pour redonner dynamisme à nos institutions locales et par là, rendre confiance à nos concitoyens dans le sens de l'intérêt général que vous êtes appelés à promouvoir. Je vous propose et je soumettrai au Parlement un projet de loi qui donne au fait urbain la reconnaissance institutionnelle dont il a besoin : la communauté d'agglomération.
B. La cible de la réforme
Je souhaite à ce stade préciser la cible qui m'a conduit à retenir pour la communauté d'agglomération, une population regroupée d'au moins 50 000 habitants avec une commune centre de 15 000 habitants.
Comme vous le savez, la notion d'agglomération n'a pas de définition législative ou réglementaire. C'est pourquoi, la définition de la communauté d'agglomération tient compte de deux critères :
Ø le premier est l'emploi,
Ø le second : la pertinence du périmètre de la future communauté d'agglomération.
En ce qui concerne l'emploi, l'INSEE a élaboré une nomenclature spatiale nouvelle : les aires urbaines. L'une de ses caractéristiques est la présence dans les aires urbaines d'au moins 5 000 emplois ; cette composante, essentielle pour l'adoption de la taxe professionnelle d'agglomération, constitue le socle de l'intercommunalité urbaine que j'entends promouvoir.
'agissant du périmètre, l'INSEE recense en France métropolitaine 361 aires urbaines qui possèdent des caractéristiques très variables en superficie et en densité de population, un territoire trop vaste ou trop exiguë. Je vous propose de retenir un certain nombre d'entre elles qui possèdent un espace humain et économique plus cohérent :
Ø 141 aires urbaines de 50 000 d'habitants comportent toujours une commune-centre de 15 000 habitants ; elles se sont pour la plupart d'entre elles, constituées à partir du 19ème siècle sous l'effet d'éléments géographiques et humains, sans lien institutionnel particulier ;
Ø 37 400 000 habitants vivent dans ces 141 aires urbaines, 19 200 000 appartiennent déjà à un groupement à fiscalité propre, soit 52 % de la population regroupée. Il y a dans ces aires urbaines, un taux de développement important de l'intercommunalité et une habitude de travail en commun des structures communales. Il s'agit là d'un point essentiel pour adopter la communauté d'agglomération ;
Ø ces 141 aires urbaines recueillent 70 % de la taxe d'habitation et 75 % de la taxe professionnelle levés dans notre pays ;
Ces 3 éléments objectifs indiquent bien que ces agglomérations réunissent des activités économiques, des flux de population internes et une politique de services en sa faveur.
Dès lors, le choix des 141 aires urbaines constitue la base à partir de laquelle est rendu possible un développement solidaire entre les communes à travers des compétences fortes, porteuses de projets collectifs.
C. La taxe professionnelle d'agglomération et les compétences
Les agglomérations situées dans la cible de la réforme, ces bassins d'emploi où la taxe professionnelle représente, en valeur absolue, une part significative de la fiscalité locale, sont confrontées au problème de la grande dispersion des taux entre les communes.
L'intercommunalité ne peut donc pas ignorer les contraintes spécifiques des agglomérations, leur réalité sociale, économique et politique. Les enjeux sont à cet égard essentiellement financiers et fiscaux.
Les mécanismes applicables en matière de fiscalité doivent permettre un réel renforcement des solidarités et la mise en place en commun de véritables compétences au sein des groupements. Ils doivent en même temps garantir un traitement neutre et homogène des entreprises.
C'est tout le sens et l'importance de la taxe professionnelle d'agglomération. Si je voulais résumer mon objectif principal : tout ce qui est urbain doit à terme adopter la taxe professionnelle d'agglomération. Les communautés d'agglomération, les nouvelles communautés urbaines devront obligatoirement adopter cette disposition. Je mettrai en place des mécanismes adaptés pour permettre aux communautés urbaines constituées après 1992 de faire de même.
A partir du moment où les aires urbaines retenues dans la cible possèdent des bases fiscales importantes, où l'emploi, comme le chômage constituent un élément déterminant de la vie économique de l'ensemble urbain, l'adoption de compétences fortes donnent cohérence et pertinence à la communauté d'agglomération ; par ailleurs, l'adoption de la taxe professionnelle d'agglomération doit se traduire en terme de compétences par des objectifs de développement porteurs d'intégration de la structure intercommunale.
Sans vouloir rentrer trop dans les détails, retenez que le projet de loi prévoit 4 compétences obligatoires qui peuvent se résumer ainsi :
- le développement économique ;
- l'aménagement de l'espace qui comprend, l'organisation des transports urbains ;
- le logement et l'habitat, et toutes les politiques sociales qu'elles sous-entendent ;
- la politique de la ville.
Seront également prévues des compétences optionnelles. La communauté d'agglomération devra en retenir deux parmi les quatre proposées qui insistent sur un développement de la politique de services liés à l'environnement ou encore d'équipements sportifs, sociaux, culturels, scolaires qui devront être développés de façon plus communautaire. A la solidarité économique, j'entends aussi ajouter une solidarité à " hauteur d'hommes ".
J'ajoute enfin que ces compétences sont dans le droit fil des objectifs contenus dans l'avant-projet de la loi d'orientation pour l'aménagement durable du territoire, lequel permettra aux communautés d'agglomérations de contractualiser avec l'Etat et la région pour la mise en place de ces politiques. J'ai veillé à ce que la cohérence de l'action gouvernementale se traduise à travers la communauté d'agglomération.
D. Faciliter l'adoption de la taxe professionnelle d'agglomération par des mesures fiscales
Chacun connaît la difficulté du passage en taxe professionnelle d'agglomération. L'échec des communautés de villes le démontre, comme je l'ai rappelé tout à l'heure. Trois mesures fiscales, exclusivement réservées aux groupements urbains, sont aujourd'hui envisagées dans le projet de loi :
- L'assouplissement limité de la règle de lien entre les taux :
Les établissements publics de coopération intercommunale à taxe professionnelle d'agglomération ne seront plus obligés de baisser leur taux de taxe professionnelle quand les communes baissent leurs taux d'impôts ménages.
Ce mécanisme de déliaison est encadré puisqu'en contrepartie, les trois années suivantes, ils ne pourront augmenter au maximum leur taux de taxe professionnelle que de la moitié de la hausse des taxes " ménages " des communes.
- La possibilité pour l'établissement public de coopération intercommunale à taxe professionnelle unique de percevoir un complément de ressources prélevées sur les impôts " ménages ", à l'instar de ce qui existe dans les SAN :
L'établissement public de coopération intercommunale aura la possibilité de percevoir ce complément si ses ressources propres, à l'exception des emprunts, s'avéreraient insuffisantes pour financer ses dépenses à caractère obligatoire.
- La dotation de solidarité des établissements publics de coopération intercommunale à taxe professionnelle unique devient facultative. Toutefois, lorsque le mécanisme de complément de ressources que je viens d'évoquer est institué, la dotation de solidarité est gelée à son niveau existant.
Recomposer l'organisation du paysage intercommunal
A. Les communautés urbaines
La création des communautés d'agglomérations oblige, compte tenu de l'objectif de rationaliser l'architecture intercommunale, à repositionner les communautés urbaines, tant en ce qui concerne leurs conditions de création que leurs compétences, afin d'éviter tout empiétement d'une catégorie sur l'autre.
Le projet de loi porte à 500 000 habitants le seuil à partir duquel les communautés urbaines pourront à l'avenir être créées. Cette proposition permet de revenir à l'esprit de la loi du 31.12.1966 qui les avait créées, dans un souci de promouvoir des métropoles régionales puissantes. Elle écarte les tentatives de constituer des communautés urbaines plus attirées par le haut niveau de sa dotation globale de fonctionnement par habitant que par l'intégration très forte de cette structure intercommunale urbaine.
Ce repositionnement ne serait d'ailleurs pas cohérent si elles n'étaient pas dotées de compétences nouvelles : je songe en particulier à l'urbanisme, les permis de construire, le logement social ; je souhaite sur ce point, prendre l'attache de l'association des communautés urbaines pour en discuter.
B. La deuxième conséquence de la création de la communauté d'agglomération est la consolidation de l'intercommunalité notamment rurale par la simplification et la rationalisation des règles de fonctionnement.
Le modèle unique de coopération est illusoire. Il ne pourrait se fonder que sur la notion de compétences ou sur la différenciation urbaine / rurale et conduirait à déformer des réalités complexes et subtiles.
Par contre, la recherche d'une meilleure organisation territoriale sur l'ensemble du territoire national est une nécessité reconnue. Les mécanismes de la coopération intercommunale doivent répondre à cet objectif.
Rien ne justifie, je l'ai déjà dit, l'existence de 8 catégories différentes d'établissements publics de coopération intercommunale. Rien ne justifie en effet, par exemple, que le régime des délégations soit différent selon les structures auxquelles il s'applique. Rien ne justifie non plus qu'il existe pour la communauté de communes des règles de majorité différentes pour la création et pour l'élaboration des statuts.
Le projet de loi entend promouvoir un cadre juridique unifié de l'intercommunalité afin d'en faire un outil simple, souple et cohérent, destiné à répondre aux besoins d'organisation de l'ensemble des territoires. Le maintien d'outils différenciés, qui tient compte de la différence de nature des enjeux propres au secteur urbain, doit en effet s'accompagner d'un effort d'harmonisation des règles d'organisation et de fonctionnement de l'ensemble des structures de coopération intercommunale.
Cet effort d'harmonisation portera notamment sur :
- la désignation des délégués et la représentation des communes ;
- la durée des mandats ;
- les délégations ;
- les règles de majorité qualifiée ;
- les conditions de dissolution.
Les communautés de communes
La création des communautés d'agglomérations est sans incidence, au plan institutionnel, sur les communautés de communes. Conformément au principe de " libre volonté des communes... ", des communautés de communes pourront encore être créées au-delà des seuils de création de la communauté d'agglomération, à chaque fois que le niveau d'intégration institutionnelle et fiscale de cette dernière paraîtra trop élevé.
La nécessité de mesures transitoires
L'intégration dans le régime unique des communautés de communes, des districts et des communautés de villes qui ne souhaiteraient pas devenir des communautés d'agglomérations, suppose que leurs conditions de transformation soient aménagées. Les districts et les communautés de villes seront transformés en communautés de communes lorsqu'ils exercent déjà les compétences requises. De même, les districts et les communautés de villes pourront se transformer en communautés d'agglomérations ou en communautés urbaines sous réserve de remplir les conditions de seuils démographiques. Cette transformation devra s'accomplir par décision de l'organe délibérant de l'établissement public de coopération intercommunale prise à la majorité des 2/3 au moins de ses membres.
Afin de respecter la durée des mandats en cours, le district aura jusqu'au renouvellement général des conseils municipaux pour se transformer. Si, à l'expiration de ce délai, aucune décision n'est prise, le district sera transformé
d'office en syndicat de communes par arrêté préfectoral. Pour les communautés de villes, si elles ne sont pas transformées en communautés d'agglomération, elles seront versées dans la catégorie de communautés de communes par arrêté préfectoral entre la publication de la loi et le délai de 3 mois après le renouvellement des conseils municipaux si aucune décision n'est prise. Il y aura donc débat et le temps nécessaire pour se situer dans le champ renouvelé de l'intercommunalité.
La méthode
1. Le financement du projet de loi
S'agissant du financement des nouvelles communautés d'agglomération, j'ai proposé de fixer le montant de la dotation moyenne par habitant à 250 F pour les groupements qui se constitueraient dans les 5 ans suivant la promulgation de la loi.
J'ai conscience que ce choix déroge au principe selon lequel le montant des dotations moyennes par habitant des catégories de groupements est fixé par le comité des finances locales.
Cette solution a paru néanmoins se justifier par le fait qu'un mécanisme spécifique de financement pour ces nouveaux groupements est prévu et, plus fondamentalement, par la nécessité, résultant du constat objectif de l'évolution de l'intercommunalité ces dernières années, de créer un mécanisme beaucoup plus incitatif que celui résultant des règles actuelles de répartition.
J'estime actuellement à 500 MF supplémentaires par an le coût de la constitution de nouvelles communautés d'agglomération. Ces 500 MF ont été évalués sur la base d'un recensement des agglomérations éligibles à la nouvelle structure des communautés d'agglomération, sur la base d'une estimation, sur une période de 5 ans, d'un objectif de réalisation de la réforme de 45 %. Ces 500 MF correspondent au " surcoût " propre à la réforme proposée.
Vous connaissez mon attachement à ce que ce besoin financier supplémentaire ne pèse pas trop lourdement sur la DGF des communes. C'est pourquoi le texte que je vous présente prévoit que ces 500 MF soient financés par une mesure d'abondement de la DGF des groupements, financée en complément des ressources comprises dans le périmètre du pacte de stabilité.
Cette ressource supplémentaire, à la charge du budget de l'Etat, constituerait une contrepartie à des économies sur la compensation des exonérations fiscales. Les modalités de ce prélèvement sont à l'étude et elles pourraient être déterminées de manière à ne pas pénaliser les communes les plus défavorisées.
Si, comme je l'espère, cette réforme connaît un succès rapide, des modalités complémentaires devront être trouvées. Elles pourraient faire appel au renforcement des mécanismes de péréquation auxquels elle contribue, notamment la péréquation interne à la DGF.
Un tel financement pourrait provenir, par exemple, d'un prélèvement sur la dotation de compensation de la taxe professionnelle, ou d'une limitation de la progression de la dotation forfaitaire permettant de dégager des ressources supplémentaires sur la dotation DGF des agglomérations.
Mais cette question ne devrait pas se poser dans l'immédiat, compte-tenu du temps nécessaire à l'adoption du projet de loi au Parlement et aux décisions des communes et des groupements qui souhaiteront se transformer en communautés d'agglomération.
Ce financement supplémentaire dépendra des choix qui seront faits à l'issue des discussions que je vais désormais engager très rapidement avec mes collègues du Gouvernement concernés, sur ce qu'il convient d'appeler " la sortie du pacte de stabilité ".
2. Impulser de nouveaux champs pour la péréquation
Pour l'Ile-de-France où la richesse en taxe professionnelle est inégalement répartie et le regroupement intercommunal peu développé, le projet de loi prévoit de renforcer la péréquation interne entre les communes riches en base de taxe professionnelle et les communes défavorisées à la fois en base de taxe professionnelle et en poids de charges.
A cet effet, un prélèvement supplémentaire à celui qui abonde actuellement le fonds de solidarité de la région Ile-de-France (FSRIF) sera effectué sur les ressources des communes les plus riches, par écrêtement des bases communales. L'objectif est d'augmenter le nombre des communes éligibles au FSRIF.
Bien entendu, cette proposition qui, je n'en doute pas, suscitera un débat animé, me paraît indispensable si nous voulons à la fois réduire les inégalités territoriales, mais également et c'est tout le sens de la mesure, encourager la région parisienne à entrer dans le champ d'une intercommunalité à taxe professionnelle d'agglomération.
3. Une intercommunalité plus " vertueuse "
Les ambitions que je me fixe et l'effort conséquent en terme de financement que nécessite la réforme, supposent que l'intégration fiscale soit en adéquation avec l'intégration des compétences.
Le coefficient d'intégration fiscale (CIF) qui s'exprime comme le rapport entre d'une part, les ressources fiscales de l'EPCI à fiscalité propre et d'autre part les ressources fiscales de l'EPCI et de ses communes membres, constitue un élément déterminant du calcul de la dotation globale de fonctionnement attribuée aux EPCI.
Si son objectif est de mesurer le degré de compétences transférées à l'EPCI au travers de la fiscalité qui lui a été transférée, il n'est qu'imparfaitement rempli à l'heure actuelle puisqu'il ne prend en compte que les ressources et non la façon dont ces ressources sont utilisées. Or, il apparaît qu'une part significative des dépenses effectuées par les EPCI (plus du tiers en moyenne) sont affectées à des opérations en dehors de celles relevant directement des compétences qui leur ont été déléguées par les communes membres. De surcroît, cette situation est très variable d'un EPCI à l'autre et ces dépenses dites "de transferts" peuvent représenter plus de 100 % de la fiscalité perçue dans certains cas.
La DGF des EPCI étant prélevée sur une enveloppe fermée, une répartition équitable doit s'attacher à ne pas développer de mécanismes financiers qui bonifieraient la dotation des EPCI dont l'activité n'apporte pas de valeur ajoutée déterminante à l'exercice de la compétence par les communes elles-mêmes. C'est un diagnostic que votre comité a bien souvent émis.
Il est donc proposé de corriger dans le calcul du CIF, le montant des recettes fiscales de l'EPCI en le minorant du montant des dépenses de transfert, c'est-à-dire les dépenses effectuées par l'EPCI au bénéfice d'autres structures intercommunales, d'établissements publics locaux ou d'associations syndicales. Le projet de loi s'attache à faire bénéficier des attributions de la dotation globale de fonctionnement, ceux des groupements qui consacrent une part plus importante de leur produit fiscal et de la DGF à la conduite directe de projets et de services.
Il est proposé également d'étendre la prise en compte du CIF aux EPCI ayant opté pour la taxe professionnelle d'agglomération. Dans ce dernier cas, les attributions de compensation et la dotation de solidarité seront considérées comme des dépenses de transfert.
Afin d'éviter que cette mesure ne déstabilise les budgets des EPCI existants, un étalement sur dix ans est prévu. Les dépenses de transfert seront ainsi prises en compte à hauteur d'un seuil fixé à 10 % la première année de la réforme qui augmentera de 10 points annuellement jusqu'à leur prise en compte en totalité.
4. Accroître la démocratie et la transparence du fonctionnement des structures de coopération intercommunale
L'importance des compétences assumées, aujourd'hui et demain par les structures de coopération intercommunale, conduit à s'interroger sur le caractère démocratique de leur fonctionnement et de leur mode de décisions.
Je n'ai pas retenu, après avoir largement consulté de nombreux élus, l'élection au suffrage universel des délégués qui siègent au sein de ces structures. Une telle hypothèse vient trop tôt et elle impliquerait par voie de conséquence que soit examinée l'articulation de ce nouvel échelon avec les niveaux actuels de l'administration locale. J'estime également que le fait que les communes contrôlent le processus d'intégration du groupement est essentiel au succès de l'intercommunalité.
Je suis, pour ma part, favorable à cette approche qui permet de cantonner la structure intercommunale en un établissement public spécialisé à qui l'on confie la mise en oeuvre de politiques volontairement abandonnées par les communes.
Mais la promotion de compétences renforcées, notamment en milieu urbain, suppose un fonctionnement démocratique des structures intercommunales.
En premier lieu, le projet prévoit que seuls peuvent siéger, au sein des structures de coopération intercommunale à fiscalité propre, les membres élus des conseils municipaux des communes membres de la structure de coopération. Il y a là une exigence minimale de démocratie : tous ceux qui votent l'impôt doivent bénéficier de l'onction du suffrage au sein de la collectivité qu'ils représentent au niveau intercommunal.
En second lieu, le renforcement du débat démocratique découlera :
- de l'obligation qui est fait au président de la structure de coopération de transmettre chaque année un rapport retraçant l'activité de l'établissement public de coopération intercommunale afin qu'un débat soit organisé au sein des communes membres sur la base de ce document ;
- de l'obligation qui est faite au président de l'établissement public de coopération intercommunale de saisir, pour avis, les communes membres du projet de budget de la structure de coopération avant que celui-ci soit soumis au vote des délégués.
En troisième lieu, la possibilité de constituer des groupes d'élus au sein des structures de coopération sera ouverte à partir de 100 000 habitants.
Enfin, l'information et la participation des habitants seront renforcées.
L'assemblée délibérante de l'établissement public de coopération intercommunale pourra créer des comités consultatifs sur toutes les affaires d'intérêt intercommunal relevant de sa compétence.
Telles sont, Mesdames, Messieurs, les lignes de force du projet de loi. Il est ambitieux, parfois complexe.
Il s'agit d'adapter notre organisation territoriale et d'offrir aux élus un cadre rénové, pertinent, susceptible de mieux approcher et de traiter la complexité des problèmes, notamment urbains.
Certes, l'intercommunalité n'est pas une panacée, mais son développement, accéléré depuis 1992, indique bien qu'elle constitue une perspective nouvelle pour regrouper les compétences et les moyens, afin de mieux ajuster les décisions.
En ce sens, l'intercommunalité constitue, à n'en pas douter, une nouvelle étape de la décentralisation :
- mieux exercer les compétences des collectivités locales dans le respect de la libre administration ;
- contractualiser avec la région et l'Etat, ainsi que le propose le projet de loi d'orientation pour l'aménagement durable du territoire ;
- faciliter la mise en place des politiques interministérielles ;
- réduire les inégalités territoriales.
Certains verront dans cette réforme une remise en cause de l'institution communale. Telle n'est pas l'intention du Gouvernement. L'intercommunalité doit continuer de reposer sur le volontariat des communes qui conservent leur identité et leurs moyens. Plus de 17 760 communes, soit près de la moitié d'entre elles ont déjà choisi cette voie. L'intercommunalité ne constitue pas l'antichambre de la fusion. Elle corrige le handicap que constitue leur grand nombre mais elle est le moyen pour les communes de préserver ou de renforcer leur identité en favorisant l'émergence de solidarités locales nouvelles.
En ce sens, l'intercommunalité s'appuie sur le caractère unique et irremplaçable de l'institution communale pour se développer.
(Source http://sig.premier-ministre.gouv.fr, le 7 septembre 2001)