Texte intégral
Chers amis, au terme de cette matinée de débats, animés, passionnés, mais fructueux, je tiens à vous remercier très chaleureusement pour votre participation et plus encore pour la richesse, la franchise et la simplicité de nos échanges.
C'est cela la méthode sénatoriale ! Écouter, dialoguer, échanger, dans le respect des opinions, pour mieux se comprendre et mieux légiférer. A l'évidence, un constat s'impose : ce qui nous rassemble dépasse largement nos différences, voire nos divergences. Car ce qui est en jeu, c'est notre " pacte républicain ".
Je veux donc rendre hommage aux nouveaux Hussards noirs de la République, qui incarnent, chaque jour, avec courage, abnégation et détermination, la devise qui orne le fronton de nos hôtels de ville.
Tout au long de ma vie publique, j'ai, en effet, acquis une conviction : la décentralisation est une chose bien trop sérieuse pour faire l'objet de querelles partisanes.
Alors de grâce, départissons-nous des carcans idéologiques et des chapelles politiques pour communier dans l'essence et le sens de notre engagement public : une conception humaniste de la République, une ambition pour notre pays confronté aux défis d'une mondialisation exacerbée et au délitement du lien social.
Sans revenir, rassurez-vous, sur l'ensemble des questions évoquées ce matin, je voudrais simplement vous livrer mes réflexions, d'une part, sur les moyens financiers indispensables à la réussite de l'acte deux de la décentralisation et, d'autre part, sur le rôle des collectivités locales comme promoteurs d'une nouvelle " ambition territoriale " et partant, d'une nouvelle ambition sociale.
Comme vous le savez, je milite ardemment, en ma qualité de Président du Sénat, représentant constitutionnel des collectivités locales, pour la promotion, j'allais dire pour la défense et l'illustration, de la décentralisation.
Aujourd'hui, j'ai le sentiment du devoir accompli : aux termes de notre Constitution, l'organisation de notre République est désormais décentralisée.
Néanmoins, ces États généraux des élus locaux du Limousin m'incitent, encore une fois, à ne pas pécher par un optimisme béat. Car " chat échaudé craint l'eau froide "... Nous devons exercer, encore et toujours, notre devoir de vigilance.
La réforme constitutionnelle de mars 2003, la loi organique relative à " l'autonomie financière des collectivités locales " et, enfin, la loi du 13 août 2004 relative " aux libertés et responsabilités locales " n'ont pas dissipé toutes les craintes, ni tous les malentendus. Loin s'en faut !
De nombreuses interrogations, souvent légitimes, subsistent. J'ai pu en prendre la mesure ce matin !
Parmi celles-ci, la question des ressources financières dépasse à la fois les clivages politiques et les territoires. En clair, une question lancinante est posée : " quelles ressources financières pour une décentralisation réussie ? ".
La réponse à cette question est fondamentale. Car elle conditionne le succès même de la décentralisation.
À mon sens, deux exigences doivent être satisfaites pour que la décentralisation produise pleinement ses effets bénéfiques.
- Première exigence : l'État doit compenser intégralement les nouvelles compétences transférées ou étendues.
Ce préalable est indispensable car la réussite de la décentralisation passe - j'insiste -, par l'établissement de relations financières saines, sûres et sereines entre l'État et les collectivités locales.
C'est pourquoi, je me suis battu pour que soient gravés dans le marbre de notre Constitution des principes forts, des principes protecteurs de l'autonomie locale, des principes garants de relations apaisées entre l'État et les collectivités locales.
Désormais, le principe de l'autonomie financière des collectivités locales, même réduit à une " part prépondérante ", et celui de la compensation financière des transferts de compétences sont inscrits dans notre loi fondamentale.
Ces garanties doivent nous permettre d'envisager l'avenir avec davantage de sérénité. D'ailleurs, nous pourrons en mesurer toute l'utilité quand, et seulement quand, l'intégralité des transferts de compétences sera effective. Je vous donne donc rendez-vous dans quelques mois... et seulement dans quelques mois. Faisons l'économie de procès d'intention par anticipation ...
- Seconde exigence : il nous faut engager, sans délai, mais aussi sans tabou, la réforme des finances et de la fiscalité locales.
Notre système est, en effet, à bout de souffle ! C'est une évidence.
En ce sens, je me réjouis de la refonte des concours financiers de l'État, vers davantage de péréquation.
Le nouveau " potentiel financier " et la rénovation des critères d'attribution vont dans le bon sens. Néanmoins, les élus locaux du Limousin considèrent qu'elle demeure perfectible. Ils ont raison.
En effet, la solidarité entre les territoires, à laquelle vous êtes légitimement attachés en Limousin, passe par une péréquation renforcée.
Les réformes de la dotation de solidarité urbaine (DSU) et de la dotation de solidarité rurale (DSR) concourent à la concrétisation de cette nouvelle ambition, la péréquation, qui a désormais rang constitutionnel.
Le chemin qu'il nous reste à parcourir pour atteindre cet objectif peut paraître long !
J'en veux pour preuve la difficile genèse de la réforme de la fiscalité locale, dont on peine toujours à distinguer les contours.
C'est pourquoi, je lance un appel solennel au gouvernement pour qu'il ne remette pas au lendemain une réforme attendue par les élus locaux et les citoyens.
Si les élus locaux du Limousin comprennent l'utilité des réformes engagées et adhèrent à l'objectif de modernisation des impôts locaux, vous souhaitez, dans votre majorité, le maintien de votre pouvoir fiscal.
A cet égard, la perspective de la suppression de la taxe professionnelle et l'exonération de taxe sur les propriétés non bâties pour les exploitants agricoles ne manquent pas de soulever interrogations, perplexités et inquiétudes.
Pour autant, je ne capitulerai pas devant ceux qui, " contre vents et marées ", sont toujours les partisans du " NON ", les tenants de l'immobilisme, ceux qui, au fond d'eux-mêmes, sont surtout pour que rien ne change.
Chers amis, ne cédons pas à cette tentation délétère. Saisissons cette chance historique pour remettre à plat l'ensemble de la fiscalité locale !
A mes yeux, deux préalables conditionnent le succès de cette réforme fiscale d'envergure :
En premier lieu, nous devons restaurer les notions d'équité, de partage, de solidarité, à la fois entre les citoyens et entre les contribuables - entreprises et ménages -.
En second lieu, nous devons réhabiliter l'intérêt général en dépassant l'expression des intérêts catégoriels.
- Sur la taxe professionnelle, d'abord : nous sommes, je le crois, tous d'accord, pour qu'elle soit remplacée par un autre impôt local dont les collectivités locales continueront à maîtriser l'assiette et le taux, même encadré dans une " fourchette " définie par le Parlement.
En effet, la réforme de la fiscalité locale ne saurait se solder par la seule disparition d'impôts et leur remplacement par des " dotations à la merci de Bercy ". Vous êtes hostiles, vous les élus locaux de Limousin, à cette perspective : une majorité d'entre vous regrette la suppression, ces dernières années, de pans entiers de fiscalité locale et souhaite la création de nouveaux impôts. Vous avez raison ...
Comme je l'ai déjà dit, ce nouvel impôt devra satisfaire un triple objectif :
- Premier objectif : préserver un lien entre les collectivités territoriales et leur environnement économique. C'est essentiel.
- Deuxième objectif : inciter au développement de l'intercommunalité. C'est une nécessité.
- Troisième objectif : renforcer la péréquation.
Certes, une majorité des élus locaux du Limousin (54%) se montre plutôt réservée sur votre proposition, Monsieur FOUQUET, de remplacer la base actuelle de taxe professionnelle par une assiette mixte fondée pour 80 % sur la valeur ajoutée et pour 20 % sur la valeur locative foncière.
Cette appréciation nuancée et mesurée doit nous interpeller. Il est donc temps de se mettre autour d'une table si l'on veut que la réforme soit inscrite, comme convenu, dans le projet de loi de finances pour 2006.
- Sur la taxe d'habitation ensuite, le constat est également unanime. Près de 70 % d'entre vous estiment, en effet, qu'elle est aussi injuste qu'obsolète. Je souhaite donc que le gouvernement prenne aussi à bras le corps la remise à plat de la taxe d'habitation.
En la matière, la " feuille de route " est claire : la révision des bases, dont la dernière remonte aux années 70, constitue la piste de réforme privilégiée. Mais, je n'en dirai pas plus...
Mesdames, messieurs, vous l'avez compris, les espérances sont nombreuses et les difficultés multiples ...
Je ne doute pas que le gouvernement saura y répondre afin de doter nos collectivités locales d'impôts modernes, dynamiques et équitables. La réussite de la décentralisation est à ce prix !
" L'ambition territoriale " de la France que nous partageons tous passe, également, ne l'oublions pas, par l'établissement d'un contrat de confiance entre l'État et les collectivités locales.
Il est temps, me semble-t-il, de retrouver l'esprit volontariste, l'ambition fondatrice et le souffle créatif d'une politique adaptée à " l'organisation décentralisée de la République ".
Seule une stratégie de reconquête, fondée sur une volonté politique forte et accompagnée de véritables moyens financiers, est capable de dissiper les risques de " fracture sociale ".
Cette " nouvelle frontière " constitue une " ardente obligation " si l'on veut conforter la cohésion de nos territoires.
Cette " ambition territoriale " repose sur le respect de trois conditions :
- Première condition, l'État doit opérer sa mue. Il doit se recentrer sur ses missions régaliennes et son nécessaire rôle de garant de l'égalité des chances entre les citoyens et entre les territoires.
Nous vivons un paradoxe : moins l'État dispose de moyens financiers et plus il réglemente, plus il encadre l'action des collectivités locales. Mais aussi, plus il tend la main en continuant à vouloir tout régenter et plus il considère les collectivités locales comme des " sous-traitants ", des trésoriers passifs, des caissiers contraints.
Ce dont la France a besoin, c'est d'une véritable réforme de l'organisation territoriale de l'État, une organisation fondée sur la subsidiarité, la déconcentration et l'interministérialité.
- Deuxième condition qui découle de la précédente et constitue, elle aussi, une priorité : nous devons nous mobiliser pour répartir équitablement les services publics sur l'ensemble de notre territoire.
Quand une école ferme, quand un bureau de poste baisse son rideau, c'est un peu, c'est beaucoup de vie qui disparaît.
Chers amis, unissons nos forces pour mettre un terme à cette " spirale infernale " de déclin. Je sais que cette problématique vous préoccupe, à juste titre.
Je voudrais vous faire une confidence : ce sujet est suffisamment sérieux pour éviter l'écueil d'une politisation stérile.
De quoi s'agit-il ?
- D'une part, d'élaborer une méthode de concertation, en amont, afin d'éviter de découvrir, dans la presse, la fermeture d'un service public local.
- D'autre part, de trouver le juste équilibre entre la nécessaire modernisation des services publics et le respect d'un maillage pertinent du territoire, auquel nos concitoyens sont attachés.
La résolution de cette équation passe notamment par l'amélioration de la qualité du service rendu, le développement des maisons des services publics et la diffusion des nouvelles technologies de l'information. Autant de contraintes à concilier.
C'est tout le sens de la Conférence nationale sur les services publics en milieu rural que vient d'installer le Premier ministre. Les élus locaux y sont largement représentés. Je compte donc sur vous pour vous faire entendre dans cette enceinte.
C'est tout le sens de l'engagement de M. le Président de la République qui a récemment appelé le gouvernement à " la plus grande vigilance " et à " un dialogue constant entre les élus locaux et l'ensemble des acteurs publics ".
Vous l'avez compris, la balle est dans votre camp ! Il vous appartient désormais de prendre la mesure de vos responsabilités et de contribuer à définir, ensemble, une méthode commune.
- Troisième condition : l'action irremplaçable des collectivités locales en faveur du " lien social " doit enfin être reconnue. Car, dans une société qui perd ses repères, entre mondialisation, repli sur soi et " communautarisme ", elles jouent un rôle déterminant pour le maintien de la cohésion sociale et la relance de l'intégration républicaine.
En tant que républicain, je ne peux me satisfaire de la panne de notre " ascenseur social ".
Quel est donc ce pays où l'École laisse sur " le bord de la route " des centaines de milliers de jeunes, sans formation ni diplôme ?
En tant que républicain, je ne peux admettre les dérives communautaristes. Car pour moi, la République doit être conçue et vécue non pas comme une fédération de communautés mais comme une communauté de citoyens.
Nous devons nous doter des moyens budgétaires indispensables à une véritable relance de la machine à intégrer, conçue comme le fondement du " creuset républicain ".
En conclusion, je voudrais vous redire ma conviction qu'il nous revient de bâtir les fondements de la France décentralisée.
Il y va de l'avenir de notre pays ! Alors à nous de démontrer l'efficience de la décentralisation comme moteur d'un " vouloir-vivre ensemble " renouvelé.
Il s'agit d'un défi majeur que nous saurons relever, j'en suis persuadé.
Comme les précédents, ces États généraux des élus locaux du Limousin, incarnation de la méthode sénatoriale, ne resteront pas lettre morte. Ils permettront d'alimenter notre réflexion et d'enrichir les débats qui ne manqueront pas de se poursuivre dans les mois à venir.
Je compte sur vous pour gagner ensemble ce pari ! Vous pouvez compter sur le Sénat, veilleur vigilant de la décentralisation.
Alors, ensemble, tournons nous résolument vers l'avenir pour démontrer toute la vivacité, toute l'énergie et toute la puissance de la République des territoires, au service d'une France moderne, d'une France humaine, d'une France solidaire.
(Source http://www.senat.fr, le 9 mars 2005)
C'est cela la méthode sénatoriale ! Écouter, dialoguer, échanger, dans le respect des opinions, pour mieux se comprendre et mieux légiférer. A l'évidence, un constat s'impose : ce qui nous rassemble dépasse largement nos différences, voire nos divergences. Car ce qui est en jeu, c'est notre " pacte républicain ".
Je veux donc rendre hommage aux nouveaux Hussards noirs de la République, qui incarnent, chaque jour, avec courage, abnégation et détermination, la devise qui orne le fronton de nos hôtels de ville.
Tout au long de ma vie publique, j'ai, en effet, acquis une conviction : la décentralisation est une chose bien trop sérieuse pour faire l'objet de querelles partisanes.
Alors de grâce, départissons-nous des carcans idéologiques et des chapelles politiques pour communier dans l'essence et le sens de notre engagement public : une conception humaniste de la République, une ambition pour notre pays confronté aux défis d'une mondialisation exacerbée et au délitement du lien social.
Sans revenir, rassurez-vous, sur l'ensemble des questions évoquées ce matin, je voudrais simplement vous livrer mes réflexions, d'une part, sur les moyens financiers indispensables à la réussite de l'acte deux de la décentralisation et, d'autre part, sur le rôle des collectivités locales comme promoteurs d'une nouvelle " ambition territoriale " et partant, d'une nouvelle ambition sociale.
Comme vous le savez, je milite ardemment, en ma qualité de Président du Sénat, représentant constitutionnel des collectivités locales, pour la promotion, j'allais dire pour la défense et l'illustration, de la décentralisation.
Aujourd'hui, j'ai le sentiment du devoir accompli : aux termes de notre Constitution, l'organisation de notre République est désormais décentralisée.
Néanmoins, ces États généraux des élus locaux du Limousin m'incitent, encore une fois, à ne pas pécher par un optimisme béat. Car " chat échaudé craint l'eau froide "... Nous devons exercer, encore et toujours, notre devoir de vigilance.
La réforme constitutionnelle de mars 2003, la loi organique relative à " l'autonomie financière des collectivités locales " et, enfin, la loi du 13 août 2004 relative " aux libertés et responsabilités locales " n'ont pas dissipé toutes les craintes, ni tous les malentendus. Loin s'en faut !
De nombreuses interrogations, souvent légitimes, subsistent. J'ai pu en prendre la mesure ce matin !
Parmi celles-ci, la question des ressources financières dépasse à la fois les clivages politiques et les territoires. En clair, une question lancinante est posée : " quelles ressources financières pour une décentralisation réussie ? ".
La réponse à cette question est fondamentale. Car elle conditionne le succès même de la décentralisation.
À mon sens, deux exigences doivent être satisfaites pour que la décentralisation produise pleinement ses effets bénéfiques.
- Première exigence : l'État doit compenser intégralement les nouvelles compétences transférées ou étendues.
Ce préalable est indispensable car la réussite de la décentralisation passe - j'insiste -, par l'établissement de relations financières saines, sûres et sereines entre l'État et les collectivités locales.
C'est pourquoi, je me suis battu pour que soient gravés dans le marbre de notre Constitution des principes forts, des principes protecteurs de l'autonomie locale, des principes garants de relations apaisées entre l'État et les collectivités locales.
Désormais, le principe de l'autonomie financière des collectivités locales, même réduit à une " part prépondérante ", et celui de la compensation financière des transferts de compétences sont inscrits dans notre loi fondamentale.
Ces garanties doivent nous permettre d'envisager l'avenir avec davantage de sérénité. D'ailleurs, nous pourrons en mesurer toute l'utilité quand, et seulement quand, l'intégralité des transferts de compétences sera effective. Je vous donne donc rendez-vous dans quelques mois... et seulement dans quelques mois. Faisons l'économie de procès d'intention par anticipation ...
- Seconde exigence : il nous faut engager, sans délai, mais aussi sans tabou, la réforme des finances et de la fiscalité locales.
Notre système est, en effet, à bout de souffle ! C'est une évidence.
En ce sens, je me réjouis de la refonte des concours financiers de l'État, vers davantage de péréquation.
Le nouveau " potentiel financier " et la rénovation des critères d'attribution vont dans le bon sens. Néanmoins, les élus locaux du Limousin considèrent qu'elle demeure perfectible. Ils ont raison.
En effet, la solidarité entre les territoires, à laquelle vous êtes légitimement attachés en Limousin, passe par une péréquation renforcée.
Les réformes de la dotation de solidarité urbaine (DSU) et de la dotation de solidarité rurale (DSR) concourent à la concrétisation de cette nouvelle ambition, la péréquation, qui a désormais rang constitutionnel.
Le chemin qu'il nous reste à parcourir pour atteindre cet objectif peut paraître long !
J'en veux pour preuve la difficile genèse de la réforme de la fiscalité locale, dont on peine toujours à distinguer les contours.
C'est pourquoi, je lance un appel solennel au gouvernement pour qu'il ne remette pas au lendemain une réforme attendue par les élus locaux et les citoyens.
Si les élus locaux du Limousin comprennent l'utilité des réformes engagées et adhèrent à l'objectif de modernisation des impôts locaux, vous souhaitez, dans votre majorité, le maintien de votre pouvoir fiscal.
A cet égard, la perspective de la suppression de la taxe professionnelle et l'exonération de taxe sur les propriétés non bâties pour les exploitants agricoles ne manquent pas de soulever interrogations, perplexités et inquiétudes.
Pour autant, je ne capitulerai pas devant ceux qui, " contre vents et marées ", sont toujours les partisans du " NON ", les tenants de l'immobilisme, ceux qui, au fond d'eux-mêmes, sont surtout pour que rien ne change.
Chers amis, ne cédons pas à cette tentation délétère. Saisissons cette chance historique pour remettre à plat l'ensemble de la fiscalité locale !
A mes yeux, deux préalables conditionnent le succès de cette réforme fiscale d'envergure :
En premier lieu, nous devons restaurer les notions d'équité, de partage, de solidarité, à la fois entre les citoyens et entre les contribuables - entreprises et ménages -.
En second lieu, nous devons réhabiliter l'intérêt général en dépassant l'expression des intérêts catégoriels.
- Sur la taxe professionnelle, d'abord : nous sommes, je le crois, tous d'accord, pour qu'elle soit remplacée par un autre impôt local dont les collectivités locales continueront à maîtriser l'assiette et le taux, même encadré dans une " fourchette " définie par le Parlement.
En effet, la réforme de la fiscalité locale ne saurait se solder par la seule disparition d'impôts et leur remplacement par des " dotations à la merci de Bercy ". Vous êtes hostiles, vous les élus locaux de Limousin, à cette perspective : une majorité d'entre vous regrette la suppression, ces dernières années, de pans entiers de fiscalité locale et souhaite la création de nouveaux impôts. Vous avez raison ...
Comme je l'ai déjà dit, ce nouvel impôt devra satisfaire un triple objectif :
- Premier objectif : préserver un lien entre les collectivités territoriales et leur environnement économique. C'est essentiel.
- Deuxième objectif : inciter au développement de l'intercommunalité. C'est une nécessité.
- Troisième objectif : renforcer la péréquation.
Certes, une majorité des élus locaux du Limousin (54%) se montre plutôt réservée sur votre proposition, Monsieur FOUQUET, de remplacer la base actuelle de taxe professionnelle par une assiette mixte fondée pour 80 % sur la valeur ajoutée et pour 20 % sur la valeur locative foncière.
Cette appréciation nuancée et mesurée doit nous interpeller. Il est donc temps de se mettre autour d'une table si l'on veut que la réforme soit inscrite, comme convenu, dans le projet de loi de finances pour 2006.
- Sur la taxe d'habitation ensuite, le constat est également unanime. Près de 70 % d'entre vous estiment, en effet, qu'elle est aussi injuste qu'obsolète. Je souhaite donc que le gouvernement prenne aussi à bras le corps la remise à plat de la taxe d'habitation.
En la matière, la " feuille de route " est claire : la révision des bases, dont la dernière remonte aux années 70, constitue la piste de réforme privilégiée. Mais, je n'en dirai pas plus...
Mesdames, messieurs, vous l'avez compris, les espérances sont nombreuses et les difficultés multiples ...
Je ne doute pas que le gouvernement saura y répondre afin de doter nos collectivités locales d'impôts modernes, dynamiques et équitables. La réussite de la décentralisation est à ce prix !
" L'ambition territoriale " de la France que nous partageons tous passe, également, ne l'oublions pas, par l'établissement d'un contrat de confiance entre l'État et les collectivités locales.
Il est temps, me semble-t-il, de retrouver l'esprit volontariste, l'ambition fondatrice et le souffle créatif d'une politique adaptée à " l'organisation décentralisée de la République ".
Seule une stratégie de reconquête, fondée sur une volonté politique forte et accompagnée de véritables moyens financiers, est capable de dissiper les risques de " fracture sociale ".
Cette " nouvelle frontière " constitue une " ardente obligation " si l'on veut conforter la cohésion de nos territoires.
Cette " ambition territoriale " repose sur le respect de trois conditions :
- Première condition, l'État doit opérer sa mue. Il doit se recentrer sur ses missions régaliennes et son nécessaire rôle de garant de l'égalité des chances entre les citoyens et entre les territoires.
Nous vivons un paradoxe : moins l'État dispose de moyens financiers et plus il réglemente, plus il encadre l'action des collectivités locales. Mais aussi, plus il tend la main en continuant à vouloir tout régenter et plus il considère les collectivités locales comme des " sous-traitants ", des trésoriers passifs, des caissiers contraints.
Ce dont la France a besoin, c'est d'une véritable réforme de l'organisation territoriale de l'État, une organisation fondée sur la subsidiarité, la déconcentration et l'interministérialité.
- Deuxième condition qui découle de la précédente et constitue, elle aussi, une priorité : nous devons nous mobiliser pour répartir équitablement les services publics sur l'ensemble de notre territoire.
Quand une école ferme, quand un bureau de poste baisse son rideau, c'est un peu, c'est beaucoup de vie qui disparaît.
Chers amis, unissons nos forces pour mettre un terme à cette " spirale infernale " de déclin. Je sais que cette problématique vous préoccupe, à juste titre.
Je voudrais vous faire une confidence : ce sujet est suffisamment sérieux pour éviter l'écueil d'une politisation stérile.
De quoi s'agit-il ?
- D'une part, d'élaborer une méthode de concertation, en amont, afin d'éviter de découvrir, dans la presse, la fermeture d'un service public local.
- D'autre part, de trouver le juste équilibre entre la nécessaire modernisation des services publics et le respect d'un maillage pertinent du territoire, auquel nos concitoyens sont attachés.
La résolution de cette équation passe notamment par l'amélioration de la qualité du service rendu, le développement des maisons des services publics et la diffusion des nouvelles technologies de l'information. Autant de contraintes à concilier.
C'est tout le sens de la Conférence nationale sur les services publics en milieu rural que vient d'installer le Premier ministre. Les élus locaux y sont largement représentés. Je compte donc sur vous pour vous faire entendre dans cette enceinte.
C'est tout le sens de l'engagement de M. le Président de la République qui a récemment appelé le gouvernement à " la plus grande vigilance " et à " un dialogue constant entre les élus locaux et l'ensemble des acteurs publics ".
Vous l'avez compris, la balle est dans votre camp ! Il vous appartient désormais de prendre la mesure de vos responsabilités et de contribuer à définir, ensemble, une méthode commune.
- Troisième condition : l'action irremplaçable des collectivités locales en faveur du " lien social " doit enfin être reconnue. Car, dans une société qui perd ses repères, entre mondialisation, repli sur soi et " communautarisme ", elles jouent un rôle déterminant pour le maintien de la cohésion sociale et la relance de l'intégration républicaine.
En tant que républicain, je ne peux me satisfaire de la panne de notre " ascenseur social ".
Quel est donc ce pays où l'École laisse sur " le bord de la route " des centaines de milliers de jeunes, sans formation ni diplôme ?
En tant que républicain, je ne peux admettre les dérives communautaristes. Car pour moi, la République doit être conçue et vécue non pas comme une fédération de communautés mais comme une communauté de citoyens.
Nous devons nous doter des moyens budgétaires indispensables à une véritable relance de la machine à intégrer, conçue comme le fondement du " creuset républicain ".
En conclusion, je voudrais vous redire ma conviction qu'il nous revient de bâtir les fondements de la France décentralisée.
Il y va de l'avenir de notre pays ! Alors à nous de démontrer l'efficience de la décentralisation comme moteur d'un " vouloir-vivre ensemble " renouvelé.
Il s'agit d'un défi majeur que nous saurons relever, j'en suis persuadé.
Comme les précédents, ces États généraux des élus locaux du Limousin, incarnation de la méthode sénatoriale, ne resteront pas lettre morte. Ils permettront d'alimenter notre réflexion et d'enrichir les débats qui ne manqueront pas de se poursuivre dans les mois à venir.
Je compte sur vous pour gagner ensemble ce pari ! Vous pouvez compter sur le Sénat, veilleur vigilant de la décentralisation.
Alors, ensemble, tournons nous résolument vers l'avenir pour démontrer toute la vivacité, toute l'énergie et toute la puissance de la République des territoires, au service d'une France moderne, d'une France humaine, d'une France solidaire.
(Source http://www.senat.fr, le 9 mars 2005)