Déclaration de Mme Dominique Voynet, ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement, sur le traitement des déchets et le bilan de son action au ministère de l'environnement, Orléans le 3 février 2001.

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Circonstance : Congrès de France Nature Environnement à Orléans (Loiret) le 3 février 2001

Texte intégral

Monsieur le Maire,
Monsieur le Président,
Mesdames,
Messieurs,
mes Chers amis,
Avant de rentrer dans le vif du sujet, je voudrais rassurer Jean-Pierre SUEUR. Je suis une utilisatrice fanatique du train et si je suis venue en voiture aujourd'hui, c'est parce que j'arrive à l'instant de Fort-de-France en Martinique, joli concentré de tous les problèmes environnementaux que l'on peut rencontrer ailleurs, et qu'il était décidément plus facile, pour aller d'Orly à Orléans, de prendre une voiture. Et j'ai par ailleurs quelques circonstances atténuantes puisque nous étions quatre dans cette voiture.
Vous avez choisi de faire du traitement des déchets le thème principal de votre congrès.
Je vais donc y consacrer une partie de mon intervention même si Bernard ROUSSEAU a dressé un panorama beaucoup plus large des problèmes d'environnement, interpellant de façon très précise sur certains sujets la Ministre en charge de ces questions. Je ne vais pas m'y dérober. Je vous rassure donc, après un exposé un peu complet sur la politique des déchets que vous allez encore examiner dans ses moindre détails jusqu'à demain soir, je reviendrai sur d'autres thèmes.
Toutefois, il me paraît en effet très judicieux de jouer le jeu puisque nous nous situons à un an de l'échéance fixée par la loi de 1992, et cela constitue pour moi une opportunité de faire avec vous un bilan d'étape de l'action que j'ai conduite dans ce domaine depuis 1997. Je crois pouvoir dire qu'au cours des quatre dernières années, la situation a fortement évolué en la matière.
En 1997, la situation nationale en matière de gestion des déchets était telle que nous n'aurions jamais pu tenir les objectifs fixés en 1992 à l'horizon 2002. Des plans départementaux d'élimination des déchets souvent réduits à la carte de localisation de gros incinérateurs, rien de sérieux quant à la réduction de la production de déchets, peu de chose sur leur valorisation. Tel, était, sans caricature, la situation que nous avons trouvée.

J'ai organisé la concertation, constitué un groupe de travail chargé de faire un état des lieux et de proposer les mesures à même de relancer la " mécanique " de modernisation de la gestion de ces déchets. Ma circulaire du 28 avril 1998, et la communication en Conseil des ministres du 26 août de la même année, sont directement issues de ces travaux.
1°) La circulaire du 28 avril 1998 fixe les nouvelles orientations de la politique de gestion des déchets ménagers et assimilés en insistant sur le rôle de chacun, élus, citoyens, et industriels et sur la mise en place d'organisations claires et transparentes.
2°) La communication en Conseil des ministres d'août 1998 insistait elle, sur un certain nombre de décisions importantes pour réussir la modernisation voulue de la gestion des déchets ménagers :
- la baisse de la TVA sur le service public d'élimination des déchets ménagers lorsque la collectivité s'engage dans la collecte sélective,
- la revalorisation du soutien accordé par les sociétés agréées, Eco-Emballages et Adelphe, aux collectivités locales,
- l'information du public sur la qualité et le prix du service public d'élimination des déchets ménagers, rendue effective par un décret du 11 mai 2000.
Les résultats sont là : en 2000, la possibilité est donnée à 40 millions de Français de trier leurs déchets, soit quatre fois plus qu'en 1997. Les émissions de dioxine produites par les incinérateurs ont été réduites de 60 % en trois ans grâce à une action résolue de mise aux normes de ces installations. Des investissements considérables ont été réalisés pour parvenir aux objectifs de 2002 : l'Ademe a apporté 1.3 milliard d'aides aux collectivités locales en 2000, qui a permis de financer 10 milliards d'investissements.
Citant ces chiffres, j'attends évidemment tout de suite votre remarque : ce qui nous intéresse ce n'est pas forcément des investissements coûteux, c'est des politiques futées. C'est vrai que les chiffres ne rendent qu'imparfaitement compte de la réorientation des choix qui ont été faits en matière d'investissements. Nous avons cherché à rompre avec une stratégie qui n'était pas sélective en fonction des choix faits par les collectivités. Et je crois que nous y sommes partiellement arrivés.
Dans le même temps, plusieurs filières de produits en fin de vie, concernant tant les produits destinés aux ménages que les produits destinés à l'industrie, se sont structurées.
La responsabilité des producteurs, l'implication de l'ensemble des acteurs d'une chaîne de solidarité soucieuse des équilibres écologique et économique, la faisabilité technique et pratique, la maîtrise des coûts sont apparus comme les points clés à mettre en oeuvre dans la constitution de ces filières. Mes services s'y sont attachés, dans le double rôle qui est le leur, d'une part de concevoir la réglementation, d'autre part de rapprocher les partenaires concernés pour fédérer et faire aboutir ces démarches.
Au-delà des filières devenues des références, notamment celles des huiles usagées ou des emballages, plusieurs projets ont été menés à leur terme ou sont proches de leur concrétisation:
1°) un décret a organisé les conditions de recyclage des piles et accumulateurs usagés, à partir du 1er janvier de cette année. Une instance de suivi (ISPA) des programmes et des objectifs a été créée.
2°) Un projet de décret organisant la collecte et le traitement des pneumatiques usagés, invitant à encourager leur réutilisation, a été notifié à Bruxelles.
3°) le projet de directive sur les déchets des équipements électriques et électroniques a bien avancé pendant la présidence française en dépit du freinage consistant de certains de nos partenaires européens qui nous donnent des leçons d'écologie à longueur d'année.
4°) Enfin, un projet de décret concernant les véhicules hors d'usage a été préparé par mes services, immédiatement après la parution de la directive, et sera prochainement soumis aux partenaires intéressés réunis dans l'instance de suivi de l'accord cadre existant depuis 1993 .
Plusieurs groupes de travail préludant à la mise en place d'autres filières dédiées existent aujourd'hui, qui déboucheront prochainement selon les cas sur une organisation soit purement volontaire, soit encadrée réglementairement, sur les films plastiques agricoles, les emballages et produits phytosanitaires, les courriers non adressés par exemple. Des démarches sont en cours de finalisation pour ce qui concerne les déchets de BTP, les " chantiers verts " de démolition sélective et la gestion des déchets d'entretien des routes par les DDE.
Enfin, et je sais que c'est un sujet qui vous tient à cur, mes services doivent sortir un guide relatif aux décharges pour déchets inertes au cours du second trimestre 2001. Ce guide a pour objectif de préparer les responsables de ce type de décharges à la transposition de cette directive. J'ai bien noté que vous souhaitiez que ce type d'installations soient régies par le Code de l'environnement et non par le code de l'urbanisme.
Il reste beaucoup à faire, je le sais. Je pense par exemple :
1°) à la valorisation biologique des déchets biodégradables, que ce soit par compostage ou par méthanisation.
La valorisation biologique est absente des projets de collectivités locales ou industriels pour des raisons multiples : contexte réglementaire et normatif en pleine évolution, incertitude sur la qualité, la pérennité des débouchés du compost, situation conflictuelle de l'épandage
Il est grand temps de définir une politique et des orientations claires dans ce domaine. Mes services y ont travaillé et un projet de circulaire est prêt, n'attendant que le feu vert du ministre de l'Agriculture, très concerné puisqu'il s'agit du retour au sol de déchets.
2°) je pense également à l'élimination des médicaments et des déchets d'activités de soins à risques infectieux produits et détenus par les particuliers, sujet sur lequel nous travaillons avec le ministère de la santé.
Enfin, la création d'un conseil national des déchets, lieu d'échanges, de réflexion et de propositions pour une meilleure gestion des déchets, devrait intervenir rapidement.
A l'instar de l'air, du bruit, de l'eau, les déchets méritent la création d'une telle instance. Le conseil national des déchets sera le lieu privilégié pour examiner le bilan des dix années écoulées, pour dresser le bilan et pour proposer les orientations des dix prochaines années.
Je sais ce que les progrès que je viens de rappeler doivent à l'action et à la vigilance des associations de protection de l'environnement, que ce soit au niveau de votre fédération ou de vos structures départementales, partout impliquées et mobilisées sur ce sujet.
Je ne vais pas me livrer à la présentation d'un bilan, secteur par secteur, de l'activité de mon ministère. Pourtant, j'ai déjà dépassé la longévité moyenne d'un ministre de l'Environnement. Je m'approche tout doucement du record absolu de durée à ce poste, donc j'imagine, avec un peu de lucidité, je dois assumer le fait, que je suis plus proche de la fin de ma présence au Ministère de l'Environnement que du début. Nous avons souhaité réaliser ce qui à cette heure ne peut pas être qualifié de bilan, un simple document " 50 mesures concrètes pour l'environnement " qui vous a été communiqué, par voie électronique pour le moment, avant sa publication prochaine.
Nous avons cherché là non pas à rappeler les " hauts faits " du Ministère mais à insister plus particulièrement sur des politiques qui sont menées avec une certaine continuité, avec ténacité, dans l'indifférence générale souvent, des sujets qui parfois sont un peu arides, un peu techniques, qui ne mobilisent pas les foules , qui ne font pas de grandes colonnes dans les journaux et qui pourtant nous paraissent essentiels.
Cela donne l'impression d'un travail consistant et témoigne de la montée en puissance du ministère de l'Environnement. Mais je voudrai aller au delà pour moi-même parce qu'il est important de se poser des questions sur l'utilité de ce l'on fait mais aussi avec vous. En effet, je crois tout à fait utile de commencer à préparer ce qui pourrait ressembler à un bilan. Et un bilan, ce n'est évidemment pas un panégyrique de l'action flamboyante de tel ou tel Ministre . Je rêve d'un document qui nous permettrait de mettre en valeur les réussites et d'identifier les ingrédients qui ont permis ces réussites mais aussi de pointer les difficultés, les échecs, les erreurs. Mais là encore de pointer non pas pour régler des comptes, mais pour aller de l'avant, les raisons de ces difficultés, de ces échecs. Je crois que c'est à ce prix que l'on fera grandir ce Ministère et les sujets qui nous intéressent.
Plutôt que de faire un bilan, je voudrais évoquer sur un plan plus politique les relations entre le gouvernement et les associations et les conclusions que j'en tire.
Ces relations entre l'Etat et les associations ressemblent souvent à une histoire d'amours déçus. Le premier rêve d'associations sinon inféodées du moins plutôt dociles quand elles ne sont pas de simples démembrements de l'administration, les secondes attendent du gouvernement qu'il élabore des lois et des règlements correspondant à leurs vux et qui leur permettent ensuite de faire tomber le glaive de la justice sur les contrevenants.
C'est un double malentendu qui repose sur la négation de l'autonomie du mouvement associatif, d'un côté, et sur la méconnaissance de ce qu'est un gouvernement de l'autre, responsable devant une majorité parlementaire composite, dont la protection de l'environnement ne constitue pas toujours le premier souci, euphémisme, et qui doit en permanence réaliser des compromis entre des intérêts sinon toujours opposés du moins souvent variés.
Alors, je peux comprendre la colère, l'incompréhension des associations devant telle ou telle décision du gouvernement. Je peux comprendre et même souvent partager les protestations des associations. Mais je dois ici rappeler que dans une démocratie, c'est toujours et c'est normalement la majorité qui l'emporte, même si elle doit respecter le droit de la minorité. J'y reviendrai largement tout à l'heure. Sur beaucoup de sujets, vous l'aurez compris, il n'y a tout simplement pas de majorité au gouvernement, au parlement, pour aller aussi loin qu'il le faudrait. Je voudrais, pour illustrer mon propos, évoquer un seul exemple : la loi chasse. Mais avant d'aller plus loin, je voudrais dire à Pierre Athanaze, que je vais citer encore une fois tout à l'heure, que je lui ai envoyé un petit mot un peu acerbe sur la foi d'un article de presse. Depuis, on s'est expliqué. Je m'en félicite. C'est en tout cas l'illustration de la nécessité d'avoir un dialogue direct. Il vaut mieux se dire les choses que se les dire par partenaire interposé. Et puisque vous êtes là, je vais vous dire sur ce sujet ma façon de penser.
J'ai lu le communiqué de Pierre Athanaze sur la loi chasse, en date du premier février. Il y reprend, à sa façon, la même idée que les partisans de l'extrême chasse (présents physiquement dans cette salle). La loi chasse devait régler les problèmes, on en est loin. Elle a rallumé la guerre. Même si la loi chasse n'est pas la loi de mes rêves, loin de là, je dois dire que je ne partage pas cette appréciation. D'abord, la loi ne fixe pas les périodes de chasse, mais elle indique qu'elles doivent respecter les principes posés par la directive européenne, qui sont enfin transposés dans notre droit. On peut considérer, et je comprends tout à fait vos arguments, et je redis ici que je les partage, on peut considérer que le décret du premier août 2000 et l'arrêté du 8 janvier ne respectent pas ces principes, on peut demander leur annulation en invoquant la loi du 27 juillet 2000, mais condamner la loi elle-même me paraît erroné sur le plan des faits et malhabile sur le plan tactique puisque cela fait écho à la condamnation de la loi par CPNT, qui n'a pas abandonné l'idée de mettre dans une loi des dates contraires aux principes de la directive. Il me paraît donc que mélanger la loi qui respecte strictement les principes de la directive et l'application qui en est faite ponctuellement à la suite d'une discussion à l'assemblée nationale dont vous connaissez les difficultés et les errances, c'est se priver d'un point d'appui dans ce combat.
Le décret et l'arrêté ont été pris application des engagements pris au parlement pour faire voter cette loi; on peut le regretter, mais là aussi il s'agit d'un compromis exprimant un rapport de force à un moment donné. Un rapport de force qui résulte d'un mode de scrutin injuste, un rapport de force qui résulte d'une culture politique que nous dénonçons souvent, une culture politique qui privilégie le court terme, le nez sur le guidon électoral, qui déploie plus d'efforts pour calmer les vociférations et les exactions violentes que pour convaincre les citoyens ou écouter la voix de la majorité silencieuse qui hélas ne fait pas encore assez des questions de qualité de vie et de respect de la nature des éléments déterminants de son vote. C'est cette culture politique là qu'il faut changer, c'est ce rapport de force là qu'il faut changer. Ceux d'entre vous qui ont assisté aux débats à l'Assemblée Nationale, ou pire encore au Sénat, l'ont bien vu. Nous sommes je crois allés aussi loin qu'il était possible d'aller à ce moment là, avec cette assemblée là, dans ce contexte politique et social là. Si le Conseil d'Etat, après les tribunaux administratifs, considère qu'il n'est pas possible de chasser après le 31 janvier, nous en tirerons les conséquences, sans surprise puisque j'ai défendu devant les parlementaires l'idée que la marge de manuvre pour aller au-delà était extrêmement limitée et que nous courrions beaucoup de risques à jouer avec le fond et la forme de la directive et de son application. Je rappelle tout de même que la loi chasse ne traitait pas que de cela, que la période de chasse à d'ores et déjà été réduite de trois mois par rapport à la situation antérieure, que l'on peut désormais se promener le mercredi sans être dérangé par les chasseurs, que le droit de non chasse a été enfin reconnu et organisé par notre droit, que la police de la chasse a été confiée aux seuls agents de l'Etat, que les relations financières entre les fédérations et l'Etat ont été clarifiées, etc...Il manque encore beaucoup de choses dans cette loi, mais si on veut pouvoir dénoncer ce qui n'y est pas, ou ce qui n'est pas bien, il faut aussi parler de ce qui y figure sous peine d'ancrer l'idée, à mon avis fausse, de l'impuissance de ceux qui protègent l'environnement, au profit de ceux qui n'en ont rien à faire.

Je voudrai aussi dire que je n'ai jamais cru que le vote de cette loi permettrait de vaincre par K.O. définitif le lobby de l'extrême chasse. D'autres étapes devront suivre, la seule inconnue c'est " quand " ? Je doute en tout cas que cela soit à moi qu'il reviendra de faire franchir ce prochain pas à notre ambition d'un respect de la nature et de la faune sauvage.
Je voudrais maintenant revenir de façon plus précise à la fois sur nos partenariats et nos relations à propos toujours de ce travail que je mène au MATE. Et à cet instant, je voudrais vous parler comme à des militants pour dire que nous devons décidément nous doter d'une stratégie plus claire face à des lobbies extrêmement puissants, bien organisés qui ont des relais dans toute les couches de la société. J'ai évoqué la chasse, j'aurais pu parler du nucléaire, de l'agriculture productiviste, des OGM, du lobby automobile, sur tous ces sujets nous avons les instruments des faibles. Quand on est politiquement et culturellement majoritaire, on a beaucoup d'armes, des armes efficaces et on ne se prive pas de s'en servir. Quand on n'est pas encore politiquement et culturellement majoritaire, quand on n'a pas réussi encore à convaincre ses partenaires, parce que sur certains sujets je pense qu'on est déjà majoritaire, on utilise des armes que l'on a à notre disposition. Alors c'est vrai, il est rare que l'on puisse d'emblée gagner. Plus souvent, on tente de desserrer la contrainte, d'introduire des grains de sable, de poser des questions insidieuses qui déstabilisent le bel équilibre de ceux qui ne se posent jamais des questions. C'est une stratégie à hauts risques, une stratégie riche de douleurs et de frustrations . Mais je dois dire que le plus difficile est sans doute de supporter les coups de ceux que l'on considère comme étant proches. Vous avez parfaitement le choix de votre stratégie. Vous avez parfaitement le droit de dire quand cela ne va pas et de le dire dans la forme qui vous convient. Mais c'est vrai que c'est difficile d'admettre que l'on tape comme des sourds sur le petit soldat qui, en première ligne, affronte un pack bien soudé de gens goguenards protégés par un mur inébranlable de certitudes au motif que le petit soldat n'a pas encore réussi à faire tomber le mur, qu'il n'a pu que le lézarder ou lancer qu'une petite pierre par dessus. Alors bien sûr le petit soldat doit rester sur ses gardes, il ne doit pas aller derrière les lignes ennemies, il doit savoir où est son camp, il doit rendre compte, il ne doit pas cautionner. Mais comprenez aussi qu'il puisse aussi par moment avoir envie de déserter le champ de bataille pour aller reprendre des forces à l'arrière, pour prendre le temps de réfléchir à de nouvelles stratégies plus efficaces, pour attendre des renforts. Sur beaucoup de sujets j'attends les renforts ! Je les attends et je ne considère pas que la production rituelle de communiqués soit un renfort, que le communiqué vienne des Verts ou des associations.
Je constate qu'il subsiste une réelle distance entre l'aspiration diffuse des citoyens à une meilleure qualité de vie et leur capacité à le faire savoir. Et je crois que les prochaines étapes ne seront franchies que si l'on est capable de faire franchir un saut qualitatif important, que si l'on construit des outils permettant de peser, si on construit un mouvement d'usagers des services publics, des transports, un mouvement des consommateurs, un mouvement des associations qui soit à la mesure de la solidité des lobbies que nous affrontons et de l'arrogance de ceux qui nous font face.
Je voudrais aussi dire à Bernard Rousseau que j'ai été amenée ces dernières années à signer quelques décrets qui ne m' ont pas fait très plaisir, soyez convaincu. Se faisant, je n'ai pas le sentiment de cautionner, parce que je dis ce je que j'ai à dire. Il se trouve que le fait de revendiquer la co-signature de décrets reste un des moyens le plus efficace que nous ayons d'être au minimum informés un petit peu en amont. Mais vous l'aurez remarqué Bernard, il n'y a pas ma signature sur le décret du barrage de la " Trézence ". Cela m'a été demandé, je ne l'ai pas fait. J'ai écrit au premier Ministre ce que je pensais de ce dossier, il n'a pas retenu mes arguments. Je suis convaincue que si la bataille a été perdue, la guerre n'est pas terminée sur ce dossier là. Si celui là passe, alors on empêchera aucun des autres. Il faut être conscient de cela.
Je voudrais dans une dernière partie, le temps passe, revenir de façon plus précise sur l'évaluation de nos partenariats puisque c'est un thème sur lequel Bernard a été très précis. Je pourrai me contenter d'éléments quantitatifs : en 4 ans, le budget consacré aux partenariats a pratiquement triplé, passant de 22 millions à 55 millions de francs. Avec le doublement des postes Fonjep, avec la mise en place des " nouveaux emplois " dont vous avez accepté la lourde charge, le potentiel d'action et de projets des associations de protection de l'environnement a été notablement conforté.
Tout n'est pas parfait. Lorsque j'ai remis la médaille de chevalière de l'ordre national du mérite à " Edith Wenger " lundi, elle m'a rappelé que les associations espéraient toujours obtenir le remboursement des frais de déplacements de ceux qui assistent à de très nombreuses commissions et groupes de travail initiés par les pouvoirs publics.
C'est un problème que nous n'avons pas réussi à surmonter. En effet, nous ne pouvons pas financer ces frais de déplacement et nous en avons tenu compte au moment de fixer les volumes des subventions accordées aux grands réseaux, nous avons prévu des subventions plus grosses pour ceux qui sont engagés dans de nombreuses structures de coordination et de concertation.
Je souhaite que l'on puisse aller plus loin. Je crois notamment qu'il est très difficile pour les associations de déposer année après année des demandes de soutien annuel et de n'avoir jamais aucune visibilité de long terme sur leur programme, sur leur financement. J'aimerai que l'on puisse passer du financement d'actions ponctuelles à des contrats sur des objectifs de moyen terme, avec des conventions pluriannuelles avec les fédérations et les réseaux qui sont au cur de nos partenariats. Cela serait beaucoup plus sécurisant pour vous, beaucoup plus rationnel, beaucoup plus efficace. J'espère que nous pourrons sans trop tarder préciser par le biais de ces conventions les termes d'un contrat entre les associations et l'Etat, respectant votre liberté de parole et d'action, mais vous engageant sur les thèmes sur lesquels nous avons besoin de vous, de vos moyens, de vos compétences, de votre expertise.

Nous avons réappris au cours de ces 20 dernières années, dans le champ de l'environnement comme dans bien d'autres, l'utilité sociale des associations indépendantes. Leur caractère innovant, leur capacité à être des médiateurs entre les individus et l'Etat, leur rôle de contre-pouvoir dans bien des domaines. Vous nourrissez le débat public, vous nous évitez bien des erreurs, vous enrichissez les politiques publiques. Vous êtes de moins en moins souvent des associations " faux-nez ", instrumentalisées par l'administration qui a compris que ce genre de pratique n'était pas acceptable.

Je me suis efforcée depuis mon arrivée de faire que mon ministère ne soit pas seulement un guichet, répondant au coup par coup aux sollicitations du monde associatif, mais un partenaire plus solide de long terme. Nous avons organisé des rencontres associatives sur des thèmes variés, en organisant avec vous des temps d'échange et de travail sur les déchets, les OGM, le projet de loi sur l'eau, le climat, la réforme de l'utilité publique, les schémas de services collectifs. Nous avons ensemble beaucoup travaillé à l'élaboration et la négociation d'une fiche d'application pour l'instruction fiscale relative aux associations.
Je souhaite que l'on puisse poursuivre et approfondir cette voie, comme nous devons continuer à favoriser une meilleure reconnaissance des associations du champ environnemental par d'autres secteurs ministériels, comme cela a pu être le cas avec l'Education nationale et l' Agriculture.
Je soutiendrai une meilleure intégration et participation des associations du secteur de l'environnement aux instances nationales de représentation de la vie associative, CNVA et FNDVA. J'ai été comme vous étonnée devant les modifications qui avaient été apportées à la liste que nous avions proposée entre le moment où elle a quitté le Ministère et le moment où elle est ressortie de Matignon. Je suis très favorable à la refondation d'une coordination environnement représentative de la diversité, de la tonicité du mouvement associatif du secteur. Je crois aussi indispensable un soutien particulier pour développer vos capacités d'intervention et de coordination au niveau international. La Présidence Française de l'Union Européenne, les négociations sur le climat mais aussi la prochaine préparation du 10ème anniversaire de la conférence de Rio, en montrent la nécessité.
Cette année est celle du centenaire de la loi de 1901. J'espère qu'elle ne sera pas la commémoration d'un objet figé, auquel on rend un hommage convenu. Je souhaite saisir l'occasion pour questionner et améliorer nos partenariats, avec trois temps forts : des rencontres associatives au printemps, dédiées à la restitution des résultats du groupe de travail constitué de vos représentants et de représentants du MATE, réfléchissant aux moyens à mettre en oeuvre et aux conditions nécessaires au développement du mouvement associatif, un colloque à l'automne sur l'accès des associations à l'information, l'évaluation des participations aux commissions consultatives nationales et locales, aux structures de débats publics et aux pratiques de consultation ; enfin, en novembre, les 2ème assises francophones de l'éducation à l'environnement témoigneront de la maturité des associations sur ce sujet majeur.
La loi de 1901 a consacré le droit de la société civile à s'auto-organiser, sans autorisation préalable de l'administration. 100 ans plus tard, le besoin est plus fort que jamais. Les associations ont de beaux jours devant elles, une place à occuper pour répondre à un besoin très fort, pour contribuer aux renforcements des liens sociaux, pour constituer les contre-pouvoirs indispensables à une démocratie adulte.
Nous aurons cette année à conduire la réforme de l'utilité publique. Jean-Pierre SUEUR a bien voulu souligner le travail accompli sous la houlette de Nicole QUESTIAUX avec la participation active de l'un des vôtres, Lionel BRARD. Ce travail a été en panne pendant des mois. La présidence de l'Union Européenne l'explique en partie, la difficulté que nous avions à trouver un véhicule législatif pour cette loi dans un calendrier parlementaire très encombré également. Le travail vient enfin de reprendre avec une échéance clair : c'est le projet de loi sur la modernisation de l'Etat porté par le ministre de l'intérieur. Il y aura un chapitre entier consacré à la réforme de l'utilité publique que je présenterai devant le parlement.
Et puis la CNDP redémarre elle aussi. Un Conseiller d'Etat vient enfin d'accepter d'en prendre la présidence. Pierre Zémor va relancer cette structure à laquelle vous êtes comme moi attachés.
Pour conclure, et alors que j'ai été très longue, et avec peut-être un peu moins de pêche qu'il l'aurait fallu, mais seul le décalage horaire et la fatigue l'expliquent, je voudrais dire un mot de la condamnation à 6 mois de prison ferme qui vient de frapper Eric Pététin.
Eric a été usé, une usure morale, une usure physique par un long affrontement avec les destructeurs de la Vallée d'Aspe, une vallée dans laquelle il habite, dans laquelle il a noué des liens, une vallée qu'il aime. Aujourd'hui le tunnel est percé. Nous avons obtenu difficilement du ministère de l'Equipement et des Transports un engagement signé, écrit de ne pas augmenter le gabarit de la route, de s'en tenir à des opérations de sécurité et de contournement des villages. J'ai eu l'occasion de voir les chantiers. Il est difficile de considérer que les engagements pris sont tenus. En tout cas les chantiers sont très destructeurs et ils sont conduits d'une façon qui ne peut pas les qualifier de chantiers propres. J'ai alerté le ministère de l'Equipement et des Transports à plusieurs reprises sur cette façon de procéder qui me paraît violer l'état d'esprit, en tout cas sinon le fond de l'engagement que nous avons pris. Mais ce n'est pas de cela que je voulais parler ici. Moi je crois qu'après une phase de lutte non violente, Eric a commis des dérapages que personne ici ne songe à cautionner. Mais décidément vous en conviendrez, il y a deux poids deux mesures. Il n'y a toujours pas eu de mise en examen et de condamnation de ceux qui ont saccagé mon bureau alors que l'on connaît parfaitement leur nom et que des gens qui ont pignon sur rue s'en vantent tous les jours. Et je trouve que 6 mois ferme, c'est cher payé pour une lutte qui était quand même une lutte que nous avons collectivement portée, qui n'a pas été suivie de tout le succès que nous méritions compte tenu de la validité de nos arguments et de l'énergie que nous que nous avions mis à les faire valoir.
Je voudrai dire en guise de conclusion que je me sens à cette heure très solidaire d'Eric Pététin et de tous ceux qui comme lui se trompent parfois peut-être sur les méthodes mais pas sur les buts poursuivis. Donc j'espère qu'Eric sortira bientôt de prison.
Je vous remercie.

(Source http://www.environnement.gouv.fr, le 8 février 2001)