Déclaration de M. Brice Hortefeux, ministre délégué aux collectivités territoriales, sur le bilan du transfert aux collectivités locales des agents techniques ouvriers et de service (TOS) de l'éducation nationale et de l'agriculture et la gestion locale de ces personnels, Sélestat (Alsace) le 12 juin 2006.

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Circonstance : Rencontre avec les personnels techniques et ouvriers de service (TOS) au lycée de Sélestat (Alsace) le 12 juin 2006

Texte intégral

J'ai souhaité avoir cet échange avec vous pour savoir concrètement comment se déroulait en pratique, sur le terrain, le transfert aux départements et aux régions des compétences d'accueil, de restauration, d'entretien général et technique des collèges et des lycées.
Ce transfert constitue le dossier phare de l'acte II de la décentralisation engagée par le Gouvernement de Jean-Pierre Raffarin puisqu'il concerne, au plan national, environ 93 000 agents techniciens, ouvriers et de service, mieux connus par l'acronyme TOS.
L'écho que l'on a eu, à travers la presse nationale, à travers les prises de position politiques des uns et des autres - a tendu à donner une image éloignée de la réalité. Je me réjouis que le Président Jacques Auxiette, qui préside la commission "éducation" de l'ARF, ait récemment reconnu que la décentralisation était satisfaisante.
En fait, elle n'aurait jamais du être un sujet de polémique puisque c'est une idée très consensuelle : elle avait été proposée par Pierre MAUROY dans son rapport sur les 20 ans de la décentralisation remis à Lionel JOSPIN en 2000.
En fait, je suis heureux de constater que globalement sur le terrain, pour chacun d'entre vous, cela se passe bien.

I - Le transfert des TOS est, en réalité, très bien engagé car il s'est fondé sur le dialogue et la concertation.
Concertation au niveau national et au niveau local.
1) au niveau national
Il est un fait qu'au moment où je suis arrivé au Gouvernement en tant que ministre délégué aux collectivités territoriales auprès de Nicolas Sarkozy, il y a un an, la situation n'était pas très bonne au plan national.
La loi du 13 août 2004 avait fixé les transferts de compétences au 1er janvier 2005 et élaboré une phase de mise à disposition des services et des personnels qui devait précéder celle du transfert définitif.
Cette première phase devait se fonder sur la signature de conventions de mise à disposition par les collectivités d'accueil des TOS et par l'Etat.
Au 5 avril 2005, soit à la clôture de cette période de trois mois, un certain nombre de collectivités avaient signé ces conventions. La signature avec le Président du Conseil régional d'Alsace se fit même à Paris en présence du Premier ministre.
Mais globalement, de nombreuses collectivités, gérées par des exécutifs appartenant à l'opposition, avaient refusé de signer ces documents qui constituaient la photographie des moyens utilisés par l'Etat pour l'exercice des compétences transférées.
Il fallait donc en passer par la signature d'arrêtés de mise à disposition pour toutes les collectivités non signataires après avis motivé de la Commission Nationale de Conciliation.
J'ai tenu à ce que cette commission, composée paritairement de représentants de l'Etat et des collectivités, remplisse véritablement son rôle de conciliation et ne soit pas une simple commission d'enregistrement.
J'ai donc adopté le parti de prendre le temps de la discussion avec ceux qui avaient des doutes - pas forcément injustifiés...- sur "l'état de la photographie" et sur les méthodes du photographe...
Les représentants des régions m'ont d'ailleurs donné quitus sur ces méthodes.
Nous avons mis à profit ce temps pour apporter les réponses aux questions posées par les organisations syndicales sur lesquelles je reviendrai dans un instant.

2) au niveau local
Une fois les arrêtés de mises à disposition signés, j'ai mis en place les commissions locales tripartites. Elles étaient composées de représentants de l'Etat, des personnels et des collectivités locales.
Il était essentiel que les futurs gestionnaires locaux des personnels et les représentants locaux des personnels puissent évaluer, de façon contradictoire, l'état de la situation avant le transfert des services et des personnels que le gouvernement avait fixé au 1er janvier 2006.
Et puis, je n'oublie pas le très important travail d'information qui a été réalisé en direct, auprès de vous, par les collectivités locales, qui se sont efforcées d'apporter des réponses aux questions les plus concrètes que vous vous posiez - alors même qu'elles n'avaient pas toujours la position définitive de l'Etat...

Au terme de cette phase de dialogue et de concertation tant à Paris qu'ici en Alsace, je me félicite de l'esprit de confiance et de responsabilité qui a abouti à ce que :

  • près de 1326 emplois ou équivalent temps plein aient été transférés au Conseil régional, lui qui ne compte actuellement que moins de 400 agents ;
  • près de 622 ETP aient été transférés au département du Bas-Rhin
  • et enfin 436 ETP pour le département du Haut-Rhin.

II - Les nombreuses questions réglées jusqu'à présent
1) pour les agents, le parti pris par le gouvernement dès le printemps 2003 et à la demande de certains syndicats, a été de créer trois cadres d'emplois spécifiques dans la FPT correspondant aux trois corps qui étaient les vôtres :

  • ouvriers d'entretien et d'accueil (OEA) représentant 67 % des effectifs
  • ouvriers professionnels (OP) 25 % des effectifs
  • et Maîtres ouvriers : 8 %

Cela n'allait pas de soi, car il existe dans la filière technique des cadres d'emplois qui étaient susceptibles d'intégrer ces agents de l'Etat. Néanmoins, le gouvernement a souhaité garantir statutairement à ces personnels l'appartenance à la communauté éducative par leur intégration ou leur détachement dans ces cadres d'emplois.
J'ai aussi expliqué aux syndicats que j'ai rencontrés au ministère que le passage de la fonction publique d'Etat à la fonction publique territoriale ne constituait en rien une "mauvaise" aventure, voire le "passage de la lumière à l'ombre". Je crois même que vous aurez sans doute rapidement plutôt le sentiment inverse...
Les TOS continuent de bénéficier de toutes les garanties liées à leur statut de fonctionnaire : déroulement de carrière, droits à retraite, protection juridique ou droit à mobilité.
Très objectivement, je crois que ce point du droit à mobilité est le seul où l'évolution si elle n'est pas négative (puisque certain vont se rendre compte qu'on peut muter beaucoup plus vite...) la procédure est moins "confortable".
Avant, il vous suffisait d'émettre un voeu et d'attendre... maintenant vous êtes dans une démarche individuelle. Nous allons nous efforcer toutefois de créer de nouveaux outils pour la faciliter.
- Déjà : les centres de gestion mettent à disposition de tous les agents une bourse aux emplois vacants facilement accessible.
- en outre, un certain nombre de collectivités réfléchissent, à l'intérieur d'une même région, à organiser ensemble leurs mouvements, à organiser entre elles des bourses aux emplois.
- enfin, je peux vous annoncer que dès lors que le projet de loi sur la réforme de la Fonction Publique Territoriale sera adopté, le futur centre de gestion à compétence nationale aura pour mission de gérer une bourse à l'emploi au niveau national qui mettra en lien toutes les bourses aux emplois.
Ainsi un TOS employé dans un collège du Bas-Rhin pourra savoir s'il peut "muter" dans un lycée en Loire-Atlantique en interrogeant le CDG, ce qu'il pourra aussi faire en contactant la Direction des Ressources Humaines du conseil général.
Par ailleurs, la loi du 13 août 2004 a prévu une dérogation forte pour sécuriser les agents dans leur droit d'option.
Vous le savez, vous avez deux ans à compter du début 2006 pour choisir entre une intégration dans la Fonction Publique Territoriale ou demander le détachement et garder ainsi le statut de fonctionnaire d'Etat.
Or, contrairement au droit commun qui prévoit deux ans de détachement, le législateur a donné aux agents TOS le bénéfice de pouvoir être détaché comme agent de l'Etat sans limitation de durée.
Cela peut contribuer à tranquilliser les plus hésitants, mais je suis convaincu que l'immense majorité des agents optera pour l'intégration dans la FPT.
Enfin, afin de favoriser la mobilité fonctionnelle des agents TOS sans pénaliser l'employeur qui souhaiterait garder un agent de valeur, une seconde dérogation faite au droit commun du détachement est entrée en vigueur.
Il s'agit de la faculté d'être détaché dans un autre cadre d'emplois de la filière technique au sein même de la même collectivité d'emplois.
C'est très intéressant car c'est la perspective, pour ceux qui le souhaiteront, de voir leur carrière se dérouler de façon plus dynamique encore puisque vous pourrez postuler sur d'autres missions et dans un cadre d'emploi qui permet d'accéder à des grades plus élevés.
Vous voyez par-là que tout a été entrepris pour qu'une culture "territoriale" s'impose très vite parmi le personnel TOS.

2) Pour les collectivités territoriales, de nombreuses adaptations ont été décidées par le gouvernement grâce à la concertation permanente qui s'exerce au sein de la Commission Consultative d'Evaluation des Charges (CCEC) ou par les réunions régulières entre le gouvernement et les associations, ARF et ADF.
Elles concernent d'abord la prise en charge financière des agents TOS.
Comme vous le savez, les agents jusqu'à ce que leur option devienne effective sont mis à disposition et donc rémunérés par l'Etat.
Mais, le gouvernement a prévu que le droit d'option exercé par les agents entre le 1er janvier et le 31 août de chaque année ne prendra effet que le 1er janvier suivant pour éviter aux collectivités de supporter une avance de trésorerie.
- La prise en charge des agents non titulaires par les collectivités a d'ores et déjà fait l'objet d'une compensation par l'Etat dans le cadre de la loi de finances 2006 car la substitution d'employeur est devenue effective le 1er janvier 2006.
Mais je tiens à rassurer le Président Zeller et les deux présidents des conseils généraux tant pour les non titulaires recrutés sur des emplois vacants que pour ceux recrutés pour des suppléances, l'Etat compensera la totalité des dépenses causées par les effectifs réels transférés car ces effectifs sont effectivement supérieurs aux effectifs ayant servi de base pour le calcul de la compensation versée par la loi de finances 2006.
Cela sera prévu soit dans la loi de finances rectificative de fin 2006, soit dans la LFI de 2007.
Par ailleurs, je me félicite qu'un certain nombre de règles générales a pu être adopté concernant le périmètre de la compensation dans le cadre des travaux menés avec la CCEC.
- Ainsi, la rémunération des agents sera calculée sur la base du coût exact des agents au moment où ils sont transférés ;
- S'agissant des cotisations "patronales", la compensation se fera sur la base des dépenses supportées par les collectivités et non sur celles supportées par l'Etat ;
- Les dépenses sociales, les dépenses annexes liées au fonctionnement courant des structures, ainsi que la NBI, seront également intégrées dans le calcul du droit à compensation.
Je ne cite là que quelques exemples mais il y en a eu beaucoup d'autres qui ont été traités en CCEC.
Par ailleurs, les collectivités qui s'estimaient peu préparées ont pu bénéficier auprès des services académiques de convention d'assistance technique pour organiser la rentrée 2006. Le ministre de l'éducation nationale avait accédé ainsi à ma demande.
Mais je sais qu'ici en Alsace, vous n'en avez pas eu besoin car depuis octobre 2004, les services académiques et les collectivités ont travaillé main dans la main et je salue ce travail commun remarquable.
Ainsi sur la base d'une collaboration non formalisée, le rectorat a organisé le mouvement des personnels TOS en partenariat avec les collectivités qui s'étaient aussi préparées de longue date.

III - Les quelques sujets non encore réglés
Certes tout n'est pas encore réglé mais globalement, il ne reste encore que peu de questions sans réponse.
Je sais que certaines collectivités hésitent encore sur le régime indemnitaire pour les nouveaux cadres d'emplois de TOS, c'est la raison pour laquelle un amendement au projet de loi sur la FPT a été adopté en première lecture au Sénat pour tenir compte des niveaux différents que les TOS pouvaient toucher à l'Education Nationale et au ministère de l'agriculture.
En Alsace, vous avez encore démenti les Cassandre qui imaginaient que les agents de l'Etat ne bénéficieraient pas d'un régime indemnitaire supérieur à celui dont ils bénéficiaient.
Les collectivités ont ainsi, d'une part, adopté une politique indemnitaire analogue, ce qui est révélateur d'un consensus remarquable, et d'autre part, ont arrêté un niveau correspondant à un triplement du régime indemnitaire actuel.
Qui dira que les agents ne gagnent pas à suivre la décentralisation !
Je sais de plus que certaines régions craignent d'avoir à gérer en direct trois, quatre fois ou dix fois plus d'agents qu'elles ne le font actuellement.
Elles ont donc demandé à l'Etat d'"externaliser", si je puis dire, la gestion des personnels TOS. Ainsi le projet de loi sur la modernisation de la fonction publique territoriale prévoit la possibilité pour les centres de gestion de gérer une partie des personnels des régions et des départements.
Un amendement d'origine parlementaire avait même prévu la création d'un établissement public spécifique mais il a été rejeté par les sénateurs.
Mais là aussi en Alsace, le Conseil régional a pris ses responsabilités et n'a pas attendu que le législateur lui offre des formules pour le délester d'une nouvelle mission, et vous avez créé une "direction des lycées" pour gérer les plus de 2 300 nouveaux agents au sein des 70 lycées concernés.
Vous avez ainsi innové au plan national en informant et en associant très tôt les personnels concernés par le transfert.
L'exemple alsacien est démonstratif des avantages de la décentralisation pour les personnels et donc pour l'amélioration des services offerts au public.
Trois collectivités, conscientes de leurs responsabilités pour donner les meilleures conditions de travail possible à leurs fonctionnaires, vont gérer au plus près environ 2400 agents TOS.
Je crois que finalement, cette plus grande proximité, le fait d'avoir désormais un employeur proche - à Strasbourg - une DRH que l'on peut effectivement rencontrer, en clair une relation humaine et non plus anonyme, c'est ça le grand progrès que représente la décentralisation.

Source http://www.interieur.gouv.fr, le 14 juin 2006