Texte intégral
Mesdames, messieurs,
Je vous souhaite à tous d'entrer dans ce nouveau millénaire avec confiance et optimisme.
Le sens des commémorations, des traditions et des vux est de nous rappeler que nous sommes tous le fragment d'une continuité, que nous sommes " issus de " et " allant vers ", héritiers et léguant à notre tour.
C'est le sens de l'invitation que j'avais faite à Elisabeth GUIGOU pour ces vux. Je l'ai fait d'autant plus volontiers que, au delà de la diversité des personnalités ou de la différence de ton, le fond, l'essence de notre démarche est unique.
Elisabeth avait répondu favorablement malheureusement son emploi du temps ne lui a pas permis d'être là.
Depuis trois ans, ce Gouvernement a fait de la Justice une priorité nationale. La Justice dans notre pays nécessitait plus qu'un dépoussiérage ou qu'un intérêt de convenance. C'est une véritable renaissance de l'esprit de justice qu'il fallait accompagner et aider.
Il est évident qu'une telle ambition nécessite du temps : temps d'inventaire, d'analyse, de propositions, de débats, de mise en place. L'action du Gouvernement pour une Justice rénovée et renforcée devra être comprise sur l'ensemble de ces phases et se jugera sur toute la durée de la législature.
I. Le chemin qui a été parcouru depuis juin 1997 est énorme
Depuis juin 1997, quatre réalisations majeures ont changé profondément le visage de la Justice de notre pays. Leurs effets ne se font pas encore pleinement sentir et c'est peut-être pourquoi certains en sous-estiment la portée.
La première de ces réalisations est d'ordre matériel, je veux parler des moyens consentis à la Justice pour lui permettre d'assurer ses missions.
La deuxième est de l'ordre de l'éthique puisqu'elle a repensé les droits tant de l'accusé que de la victime : il s'agit de la loi du 15 juin 2000.
La troisième innovation vient de l'Europe.
Le dernier point touche à la base même du contrat démocratique, c'est l'indépendance de l'autorité judiciaire.
1. Nous avons rompu avec des années d'abandon de la Justice
Notre Gouvernement a clairement identifié la Justice comme une priorité. Nous avons augmenté de façon très conséquente l'effort financier et humain qui lui était consacré jusque-là.
Je sais que beaucoup reste encore à faire, mais je conteste vigoureusement les termes de " misère " que certains utilisent aujourd'hui. Ce n'est rendre service ni à l'institution ni à ses personnels que de caricaturer leur situation. Restons objectifs.
Rappelons par exemple que ce gouvernement a créé 729 postes de magistrats entre 1998 et 2001, soit presque trois fois plus que la précédente majorité entre 1994 et 1997 et autant que tous les gouvernements cumulés depuis 1981. Sur ce total, la moitié seulement est liée aux réformes en cours, le reste constitue du renfort pour les juridictions.
Le même constat s'impose pour les greffiers, pour lesquels nous avons trouvé une situation de gel complet des recrutements. L'école des greffes est même restée vide une année entière, en 1997, faute de concours. En trois ans, le changement de politique a été radical puisque nous avons accru de 270 le nombre de greffiers en 2000. Ils seront plus de 400 cette année et 500 en 2002. Et je n'oublie pas les recrutements significatifs d'éducateurs et de personnel pénitentiaire.
Le Gouvernement a inscrit son action dans la durée. Depuis trois mois, j'ai pu constater que les acteurs de la justice, magistrats, greffiers, avocats, habitués à des annonces sans lendemain, sont encore déconcertés par cette démarche volontaire et émettent quelques doutes sur la poursuite de cet effort.
Face aux impatiences ou aux incrédulités, je réaffirme ici que le cycle d'accroissement des moyens de la justice ouvert en 1998 n'est pas achevé et qu'il se poursuivra dans les prochains budgets.
2. La loi du 15 juin 2000 est une étape majeure vers une société plus juste
Elle a consacré le double regard par la création du juge des libertés et de la détention. Grâce au renforcement du juge de l'application des peines, elle a fait entrer le droit dans les établissements pénitentiaires et répond au sentiment d'arbitraire des condamnés. Elle a bouleversé notre tradition en matière criminelle en instaurant la possibilité d'appel et enfin, elle a consacré les règles édictées pour un procès juste et équitable en redéfinissant les droits des justiciables et en affirmant les droits des victimes.
Cette loi fait aujourd'hui l'objet d'interrogations d'abord parce que les moyens accordés pour la mettre en uvre sont présentés comme insuffisants -et il est vrai que le déploiement de ces moyens s'étalera sur l'année 2001- ensuite, parce que certaines décisions de justice sont mal comprises. Que l'on soit citoyen, magistrat, juge ou avocat, nous n'avons pas encore intégré cette réforme.
Lorsque, dans un an par exemple son application sera totale, lorsque tous les moyens nécessaires auront pu être accordés, nous pourrons mesurer la véritable révolution qu'elle représente au service des libertés et de la société.
Enfin, je voudrais souligner une avancée significative dont on a, à mon sens, peu parlé dans les médias. Je veux parler de la procédure de référé en matière administrative et de la loi du 30 juin 2000 réformant les procédures d'urgence.
Cette loi a simplifié et élargi le champ du référé administratif lié à l'urgence, permettant ainsi de suspendre l'exécution d'une décision administrative ou d'ordonner toute mesure nécessaire à la sauvegarde d'une liberté fondamentale.
3. La création d'espace judiciaire européen a été l'un des principaux succès de la Présidence française
L'efficacité de la lutte contre les nouveaux phénomènes de délinquance transnationale, cybercriminalité ou délinquance financière, passe par un véritable espace judiciaire européen et international. Eurojust auquel il est fait référence, grâce au travail de la France, dans le Traité de Nice, permettra aux Etats membres de renforcer leur coopération judiciaire répressive. Cet espace permettra aussi de résoudre les conflits de Droits grâce l'harmonisation des différents systèmes judiciaires et la reconnaissance mutuelle des décisions de justice entre Etats membres de l'Union.
4. Enfin, l'autorité judiciaire a définitivement acquis son indépendance vis-à-vis de l'exécutif
Vous le savez, le Gouvernement avait souhaité modifier la composition et les missions du Conseil Supérieur de la Magistrature pour en faire le garant de l'indépendance de la justice. Cette réforme constitutionnelle a malheureusement été bloquée par l'opposition.
Pourtant, étant déjà votée par le Parlement, elle pourrait aboutir, dès sa ratification par le congrès.
Dans les faits, malgré cela, l'indépendance de la justice est acquise.
Elisabeth GUIGOU s'était engagée à ne jamais donner d'instruction individuelle. Elle a respecté cet engagement. Je suis persuadée que c'est la condition d'une justice moderne et légitime, reconnue par nos concitoyens. C'est pourquoi, je n'interviens pas et je n'interviendrai jamais dans aucune affaire individuelle.
Les magistrats constatent qu'ils ne reçoivent aucune instruction de ce type. L'opinion, qui doutait en 1997 de la sincérité de cet engagement, perçoit le changement.
Plus qu'un changement, c'est le passage d'un monde à un autre qui s'est accompli.
Autrefois l'intervention de l'exécutif, toujours pressentie, jamais certaine, porteuse d'un risque d'arbitraire alimentait les soupçons.
Aujourd'hui, vis à vis des parquets, le rôle de la chancellerie est essentiellement de définir une politique d'action publique, établie dans la transparence et mise en uvre par des magistrats responsables.
Libres de leurs choix dans le cadre juridique qui est le nôtre, les magistrats doivent motiver leurs décisions, y compris les classements, informer les personnes concernées, victimes ou mis en cause, apprécier l'impact des actions qu'ils engagent, rendre compte de leur activité. Car l'action qu'ils mènent, ils la mènent au nom de l'intérêt général. Les magistrats sont désormais en situation de dire ce qu'ils font et de faire ce qu'ils disent. Ils sont responsables devant les citoyens de leurs actes. C'est le corollaire de leur indépendance.
II. Il nous reste un immense chantier pour réconcilier les citoyens avec leur Justice.
Nous avons à travailler à une justice plus proche du citoyen, plus à son écoute, plus 'familière' qu'elle ne l'est aujourd'hui.
Réconcilier les citoyens avec leur justice c'est leur permettre, quel que soient leur statut social ou leur revenu, d'accéder au droit.
L'augmentation importante de la demande de droit, les modes de vie urbains, l'élévation du niveau culturel, d'enseignement et de formation de la population, la croissance des échanges contractuels marchands ont multiplié les recours au juge de la part de l'ensemble de nos concitoyens. Cet accroissement du recours à la justice traduit un véritable progrès de la démocratie. Mais il pèse lourdement sur le système d'aide juridictionnelle qui doit aujourd'hui être réécrit.
J'ai, dans ce but constitué une commission présidée par M. Paul BOUCHET. Cette commission a déjà commencé ses travaux et me remettra ses conclusions à la fin du mois d'Avril prochain. Sur cette base je déposerai à l'automne un projet de loi.
Réconcilier les citoyens avec leur Justice, c'est donner à la Justice les moyens nécessaires pour lui permettre de faire face à ses missions ; c'est aussi améliorer la qualité de la Justice.
Les citoyens demandent aujourd'hui, et demanderont plus encore à l'avenir, à la justice de leur rendre compte de la qualité du service public qu'elle assure. La qualité, c'est le respect des procédures dans l'instruction, c'est la pertinence des décisions de justice, c'est la diminution des délais de jugement, la réduction de l'attente dans les audiences ou encore l'amélioration de l'accueil.
Je suis convaincue qu'il faut rompre avec une logique productiviste. Les seules évaluations faites actuellement reposent sur des indicateurs quantitatifs, trop réducteurs, et insuffisants pour rendre compte de la diversité des situations locales.
Elles ne permettent pas d'établir des comparaisons sérieuses entre les juridictions, sans risques d'erreur. Ce constat doit nous inciter à trouver des critères objectifs d'appréciation de la qualité de la Justice.
Nous ne progresserons qu'en lançant un débat public. Il faut s'ouvrir sur l'extérieur, écouter, discuter, s'inspirer de ce qui a pu être réalisé dans d'autres professions, dans d'autres univers. Il faudra aussi favoriser le dialogue, au sein des juridictions et parler aussi bien des réussites que des échecs. C'est une notion nouvelle, mais c'est une notion importante que celle de la mesure objective de la qualité.
Réconcilier les citoyens avec leur Justice, mieux protéger la société c'est faire mieux comprendre le sens de la peine, c'est construire une prison plus digne, plus respectueuse des droits et plus efficace dans la réinsertion.
Alors que l'opinion publique voit trop souvent dans la prison la seule réponse aux problèmes d'insécurité et aux nécessités d'ordre public, nous devons réagir en rappelant les finalités de la peine et ses principes essentiels.
La peine ne doit pas cacher, au delà même du temps de son application, une sorte de radiation ou de bannissement définitif du condamné par la société. Cela serait éthiquement dangereux et humainement terrible.
La peine doit tendre à la réinsertion sociale pour prévenir la récidive. La prévention de la récidive passe nécessairement par une prise en charge aussi individualisée que possible de chaque condamné. Elle passe aussi par la recherche de mesures alternatives à l'emprisonnement. Quand la privation de liberté est la seule solution, celle-ci doit être considérée comme un moyen de réadapter le détenu en vue de sa réinsertion sociale ultérieure.
Nous sommes engagés dans l'élaboration d'une grande loi qui vise à définir le sens de la peine, à rappeler les règles fondamentales du régime carcéral et à préciser les missions de l'administration pénitentiaire. A la mesure de la priorité que j'accorde à l'image de l'institution pénitentiaire de demain, ce grand chantier législatif me paraît essentiel parce qu'il va nous permettre de réfléchir sur des principes fondateurs de l'Etat de droit, en même temps que nous engageons un grand programme de rénovation des établissements pénitentiaires. L'amélioration des conditions de travail de l'ensemble des personnels et l'optimalisation du fonctionnement des services dérivent naturellement de ces principes fondateurs.
Réconcilier les citoyens avec leur Justice, c'est trouver la juste place de la sanction pénale face à la gestion des risques mettant en cause la santé publique, la sécurité sanitaire ou environnementale
Il ne faut pas perdre de vue que la réponse pénale n'est pas la seule qui doit être apportée aux catastrophes, grandes ou petites, qui affectent, dans des conditions parfois dramatiques, la vie de nos concitoyens. Nous devons définir un nouvel équilibre entre le pénal et le civil, c'est-à-dire la réparation du préjudice et l'indemnisation des victimes.
Réconcilier les citoyens avec leur Justice, cela passe par la constitution d'un véritable service public de la Justice.
Le cloisonnement est malheureusement l'un des traits de notre institution. La réussite de la réforme des juridictions et des services déconcentrés ne pourra progresser que par la qualité de leur collaboration et la recherche de synergie. Il faudra favoriser les transferts de ces savoir-faire d'un lieu à un autre grâce à un nouveau rôle de " passeur " de l'Administration Centrale.
Au delà du partage d'expérience au sein de l'institution judiciaire, il faut valoriser et enrichir nos acquis à travers un véritable dialogue entre tous les acteurs (magistrats, avocats, auxiliaires de justice, monde pénitentiaire, acteurs de la prévention, agents et officiers de la police judiciaire). A ce propos, je rends hommage à tous ceux qui ont trouvé la mort dans l'exécution de leur mission de police judiciaire, à Roquemaure, Bagnols sur Seze ou Narbonne. Cela, aussi, nous montre combien il est urgent de développer une véritable solidarité d'action à tous les niveaux, qu'il s'agisse d'éducation, de prévention, de lutte contre la délinquance ou d'accès au droit. Avec Claude BARTOLONE, avec Daniel VAILLANT, avec Alain RICHARD, nous avons décidé de travailler ensemble pour que le dialogue entre nos services permettent d'améliorer le service rendu aux citoyens.
Aucune réforme ne peut se conduire sans l'adhésion de ceux qui la composent et la font vivre. C'est une exigence démocratique mais aussi un gage d'efficacité. C'est pourquoi il faudra renforcer et moderniser le dialogue social au sein de notre institution. Mon action s'inscrit dans le cadre de la démarche générale de réforme de l'Etat. J'ai proposé aux organisations syndicales lors des rencontres que nous avons eu depuis le mois de novembre d'ouvrir deux grands chantiers en ce sens.
Le premier porte sur la négociation d'un accord sur le dialogue social. J'espère que nous pourrons aboutir à un accord dès l'année prochaine.
Le second concerne la négociation d'un accord sur l'aménagement et la réduction du temps de travail. J'attache le plus grand prix, à ce que cette réforme se fasse avec la participation de tous, et soit le signe visible d'un dialogue social constructif, établi sur des bases confiantes, solides et durables.
Pour réconcilier les citoyens avec leur Justice, je veux ouvrir le dialogue pour répondre aux sujets essentiels de leur vie familiale et personnelle
Le projet de loi sur la famille qui doit comporter une réforme substantielle du droit de la filiation, de l'autorité parentale et du divorce a été, jusqu'à présent, essentiellement nourri par des travaux d'experts. Sur ces sujets qui sont au cur même des préoccupations des citoyens, la complexité des problèmes juridiques justifie trop souvent qu'on se limite à ces débats d'experts.
Au contraire, je veux en faire l'objet d'un véritable débat public. A cet effet, avec Ségolène Royal, je prendrai l'initiative, au printemps prochain, de réunions régionales qui associeront, de la manière la plus large possible, toutes les personnes intéressées. Je suis convaincue que cette très large consultation modifiera de manière substantielle notre approche de ces questions.
Dans le domaine de l'enfance en danger, le travail engagé en direction des parents doit se poursuivre. Je tiens à souligner l'intérêt des groupes de parole des parents mis en place par les services de la Protection Judiciaire. Il faut que l'on fasse en sorte que les familles puissent avoir accès aux procédures d'assistance éducative. Là encore, nous devons continuer à travailler, ensemble, en cohérence avec les Conseils Généraux, en liaison avec la ministre déléguée chargée de la famille et de l'enfance. Pour mieux articuler les politiques de prévention et les politiques judiciaires. Nous savons tous combien, sur un sujet aussi délicat, aussi fragile, nous avons l'obligation de réussir cette collaboration.
Pour réconcilier les citoyens avec leur Justice, il faut traiter les problèmes y compris ceux qui ont une dimension internationale.
Cela va dans le sens du renforcement de notre démocratie. C'est dans cet esprit que nous nous attachons dans la construction de l'Europe à être encore plus attentifs aux besoins concrets de nos concitoyens. Notre feuille de route avait été définie à Tempere. Ce sont des intentions claires, mais ce sont des intentions.
La France -et la Suède- veulent plus. J'ai reçu hier mon collègue suédois de la Justice, qui, à son tour, assure ce semestre la Présidence de nos Conseils des Ministres. Notre analyse commune nous fait exiger de parvenir à des réalisations concrètes et utiles.
Nous voulons des réalisations et que nos concitoyens en bénéficient. Nous voulons qu'ils mesurent dans leur vie quotidienne les résultats de la lutte menée contre la criminalité organisée ou la délinquance financière, ou ceux des décisions de justice prises dans les Etats membres, que ce soit pour leurs problèmes familiaux ou pour la gestion de leurs entreprises.
Eurojust sera à pied d'uvre des mars prochain pour aider les juges dans leurs enquêtes internationales. Les règles de gel des avoirs illicites et leur confiscation soient mises en place cette année. Des mesures concrètes aident les couples bi-nationaux séparés dans leurs relations avec leurs enfants ou que les créances non contestées des PME soient exécutées de manière uniforme sur tout le territoire de l'Union.
Conclusion
Les citoyens doivent se réapproprier la justice car celle-ci fait partie intégrante du pacte républicain et elle en a été trop longtemps le parent pauvre. C'est crucial parce que nos sociétés se sont profondément et rapidement transformées ces dernières années. Les rapports de l'individu à l'Etat et, plus généralement, dans les rapports sociaux ont formidablement évolué et se traduisent par une exigence accrue à l'égard de la 'machine administrative'.
Les évolutions scientifiques ont beaucoup bouleversé notre paysage quotidien jusqu'à faire naître, un sentiment d'insécurité chez nos concitoyens. Notre responsabilité politique vis à vis des citoyens d'aujourd'hui et de demain est de leur permettre de s'épanouir dans une société juste et sûre. L'action judiciaire, en étant un instrument de résolution des conflits, remplit une fonction essentielle de régulation sociale et d'apaisement dans une société traversée de violence.
Il est essentiel que la Justice soit exercée d'une manière responsable et dans le respect des individus. Les règles doivent être clairement établies, elles doivent être largement diffusées pour être acceptées et comprises. Elles doivent s'appliquer dans l'indépendance, la transparence et loin de toute pression, quelle qu'elle soit. C'est seulement, alors, dans une relation renouvelée, équilibrée et facilitée, que nous pourrons réconcilier les citoyens avec leur Justice.
Cette fonction fondatrice, sociale de la justice ne peut émaner que d'une justice sereine c'est-à-dire apaisée.
C'est pourquoi les attaques personnelles contre les juges, si elles ne sont pas nouvelles, restent inacceptables.
En tant que Garde des Sceaux, j'en appelle solennellement à la dignité et à la sérénité. Tout propos excessif trouble le bon fonctionnement de la justice. Affaiblir la Justice, c'est toujours un coup porté à la Démocratie.
En dehors des confrontations par presse interposée sur des affaires en cours, je souhaiterais que chacun, élu, magistrat, avocat citoyen sache trouver dans l'expression médiatique qu'il choisit les termes d'un débat et non d 'un combat.
Les magistrats exercent un métier difficile au nom des citoyens et pour l'application de la loi commune. Je leur apporte mon plein soutien dans la lourde mission qu'ils assument au quotidien. Je voudrais, vraiment, qu'on n'oublie plus combien les affaires politico-financières ne représentent qu'une infime partie du travail quotidien des magistrats.
C'est à cette justice quotidienne au service des citoyens que nous devons essentiellement nous intéresser. C'est cela notre véritable contrat. C'est notre engagement vis à vis des citoyens d'aujourd'hui et vis à vis des générations futures. C'est la plus belle des missions.
(source http://www.justice.gouv.fr, le 23 janvier 2001)
Je vous souhaite à tous d'entrer dans ce nouveau millénaire avec confiance et optimisme.
Le sens des commémorations, des traditions et des vux est de nous rappeler que nous sommes tous le fragment d'une continuité, que nous sommes " issus de " et " allant vers ", héritiers et léguant à notre tour.
C'est le sens de l'invitation que j'avais faite à Elisabeth GUIGOU pour ces vux. Je l'ai fait d'autant plus volontiers que, au delà de la diversité des personnalités ou de la différence de ton, le fond, l'essence de notre démarche est unique.
Elisabeth avait répondu favorablement malheureusement son emploi du temps ne lui a pas permis d'être là.
Depuis trois ans, ce Gouvernement a fait de la Justice une priorité nationale. La Justice dans notre pays nécessitait plus qu'un dépoussiérage ou qu'un intérêt de convenance. C'est une véritable renaissance de l'esprit de justice qu'il fallait accompagner et aider.
Il est évident qu'une telle ambition nécessite du temps : temps d'inventaire, d'analyse, de propositions, de débats, de mise en place. L'action du Gouvernement pour une Justice rénovée et renforcée devra être comprise sur l'ensemble de ces phases et se jugera sur toute la durée de la législature.
I. Le chemin qui a été parcouru depuis juin 1997 est énorme
Depuis juin 1997, quatre réalisations majeures ont changé profondément le visage de la Justice de notre pays. Leurs effets ne se font pas encore pleinement sentir et c'est peut-être pourquoi certains en sous-estiment la portée.
La première de ces réalisations est d'ordre matériel, je veux parler des moyens consentis à la Justice pour lui permettre d'assurer ses missions.
La deuxième est de l'ordre de l'éthique puisqu'elle a repensé les droits tant de l'accusé que de la victime : il s'agit de la loi du 15 juin 2000.
La troisième innovation vient de l'Europe.
Le dernier point touche à la base même du contrat démocratique, c'est l'indépendance de l'autorité judiciaire.
1. Nous avons rompu avec des années d'abandon de la Justice
Notre Gouvernement a clairement identifié la Justice comme une priorité. Nous avons augmenté de façon très conséquente l'effort financier et humain qui lui était consacré jusque-là.
Je sais que beaucoup reste encore à faire, mais je conteste vigoureusement les termes de " misère " que certains utilisent aujourd'hui. Ce n'est rendre service ni à l'institution ni à ses personnels que de caricaturer leur situation. Restons objectifs.
Rappelons par exemple que ce gouvernement a créé 729 postes de magistrats entre 1998 et 2001, soit presque trois fois plus que la précédente majorité entre 1994 et 1997 et autant que tous les gouvernements cumulés depuis 1981. Sur ce total, la moitié seulement est liée aux réformes en cours, le reste constitue du renfort pour les juridictions.
Le même constat s'impose pour les greffiers, pour lesquels nous avons trouvé une situation de gel complet des recrutements. L'école des greffes est même restée vide une année entière, en 1997, faute de concours. En trois ans, le changement de politique a été radical puisque nous avons accru de 270 le nombre de greffiers en 2000. Ils seront plus de 400 cette année et 500 en 2002. Et je n'oublie pas les recrutements significatifs d'éducateurs et de personnel pénitentiaire.
Le Gouvernement a inscrit son action dans la durée. Depuis trois mois, j'ai pu constater que les acteurs de la justice, magistrats, greffiers, avocats, habitués à des annonces sans lendemain, sont encore déconcertés par cette démarche volontaire et émettent quelques doutes sur la poursuite de cet effort.
Face aux impatiences ou aux incrédulités, je réaffirme ici que le cycle d'accroissement des moyens de la justice ouvert en 1998 n'est pas achevé et qu'il se poursuivra dans les prochains budgets.
2. La loi du 15 juin 2000 est une étape majeure vers une société plus juste
Elle a consacré le double regard par la création du juge des libertés et de la détention. Grâce au renforcement du juge de l'application des peines, elle a fait entrer le droit dans les établissements pénitentiaires et répond au sentiment d'arbitraire des condamnés. Elle a bouleversé notre tradition en matière criminelle en instaurant la possibilité d'appel et enfin, elle a consacré les règles édictées pour un procès juste et équitable en redéfinissant les droits des justiciables et en affirmant les droits des victimes.
Cette loi fait aujourd'hui l'objet d'interrogations d'abord parce que les moyens accordés pour la mettre en uvre sont présentés comme insuffisants -et il est vrai que le déploiement de ces moyens s'étalera sur l'année 2001- ensuite, parce que certaines décisions de justice sont mal comprises. Que l'on soit citoyen, magistrat, juge ou avocat, nous n'avons pas encore intégré cette réforme.
Lorsque, dans un an par exemple son application sera totale, lorsque tous les moyens nécessaires auront pu être accordés, nous pourrons mesurer la véritable révolution qu'elle représente au service des libertés et de la société.
Enfin, je voudrais souligner une avancée significative dont on a, à mon sens, peu parlé dans les médias. Je veux parler de la procédure de référé en matière administrative et de la loi du 30 juin 2000 réformant les procédures d'urgence.
Cette loi a simplifié et élargi le champ du référé administratif lié à l'urgence, permettant ainsi de suspendre l'exécution d'une décision administrative ou d'ordonner toute mesure nécessaire à la sauvegarde d'une liberté fondamentale.
3. La création d'espace judiciaire européen a été l'un des principaux succès de la Présidence française
L'efficacité de la lutte contre les nouveaux phénomènes de délinquance transnationale, cybercriminalité ou délinquance financière, passe par un véritable espace judiciaire européen et international. Eurojust auquel il est fait référence, grâce au travail de la France, dans le Traité de Nice, permettra aux Etats membres de renforcer leur coopération judiciaire répressive. Cet espace permettra aussi de résoudre les conflits de Droits grâce l'harmonisation des différents systèmes judiciaires et la reconnaissance mutuelle des décisions de justice entre Etats membres de l'Union.
4. Enfin, l'autorité judiciaire a définitivement acquis son indépendance vis-à-vis de l'exécutif
Vous le savez, le Gouvernement avait souhaité modifier la composition et les missions du Conseil Supérieur de la Magistrature pour en faire le garant de l'indépendance de la justice. Cette réforme constitutionnelle a malheureusement été bloquée par l'opposition.
Pourtant, étant déjà votée par le Parlement, elle pourrait aboutir, dès sa ratification par le congrès.
Dans les faits, malgré cela, l'indépendance de la justice est acquise.
Elisabeth GUIGOU s'était engagée à ne jamais donner d'instruction individuelle. Elle a respecté cet engagement. Je suis persuadée que c'est la condition d'une justice moderne et légitime, reconnue par nos concitoyens. C'est pourquoi, je n'interviens pas et je n'interviendrai jamais dans aucune affaire individuelle.
Les magistrats constatent qu'ils ne reçoivent aucune instruction de ce type. L'opinion, qui doutait en 1997 de la sincérité de cet engagement, perçoit le changement.
Plus qu'un changement, c'est le passage d'un monde à un autre qui s'est accompli.
Autrefois l'intervention de l'exécutif, toujours pressentie, jamais certaine, porteuse d'un risque d'arbitraire alimentait les soupçons.
Aujourd'hui, vis à vis des parquets, le rôle de la chancellerie est essentiellement de définir une politique d'action publique, établie dans la transparence et mise en uvre par des magistrats responsables.
Libres de leurs choix dans le cadre juridique qui est le nôtre, les magistrats doivent motiver leurs décisions, y compris les classements, informer les personnes concernées, victimes ou mis en cause, apprécier l'impact des actions qu'ils engagent, rendre compte de leur activité. Car l'action qu'ils mènent, ils la mènent au nom de l'intérêt général. Les magistrats sont désormais en situation de dire ce qu'ils font et de faire ce qu'ils disent. Ils sont responsables devant les citoyens de leurs actes. C'est le corollaire de leur indépendance.
II. Il nous reste un immense chantier pour réconcilier les citoyens avec leur Justice.
Nous avons à travailler à une justice plus proche du citoyen, plus à son écoute, plus 'familière' qu'elle ne l'est aujourd'hui.
Réconcilier les citoyens avec leur justice c'est leur permettre, quel que soient leur statut social ou leur revenu, d'accéder au droit.
L'augmentation importante de la demande de droit, les modes de vie urbains, l'élévation du niveau culturel, d'enseignement et de formation de la population, la croissance des échanges contractuels marchands ont multiplié les recours au juge de la part de l'ensemble de nos concitoyens. Cet accroissement du recours à la justice traduit un véritable progrès de la démocratie. Mais il pèse lourdement sur le système d'aide juridictionnelle qui doit aujourd'hui être réécrit.
J'ai, dans ce but constitué une commission présidée par M. Paul BOUCHET. Cette commission a déjà commencé ses travaux et me remettra ses conclusions à la fin du mois d'Avril prochain. Sur cette base je déposerai à l'automne un projet de loi.
Réconcilier les citoyens avec leur Justice, c'est donner à la Justice les moyens nécessaires pour lui permettre de faire face à ses missions ; c'est aussi améliorer la qualité de la Justice.
Les citoyens demandent aujourd'hui, et demanderont plus encore à l'avenir, à la justice de leur rendre compte de la qualité du service public qu'elle assure. La qualité, c'est le respect des procédures dans l'instruction, c'est la pertinence des décisions de justice, c'est la diminution des délais de jugement, la réduction de l'attente dans les audiences ou encore l'amélioration de l'accueil.
Je suis convaincue qu'il faut rompre avec une logique productiviste. Les seules évaluations faites actuellement reposent sur des indicateurs quantitatifs, trop réducteurs, et insuffisants pour rendre compte de la diversité des situations locales.
Elles ne permettent pas d'établir des comparaisons sérieuses entre les juridictions, sans risques d'erreur. Ce constat doit nous inciter à trouver des critères objectifs d'appréciation de la qualité de la Justice.
Nous ne progresserons qu'en lançant un débat public. Il faut s'ouvrir sur l'extérieur, écouter, discuter, s'inspirer de ce qui a pu être réalisé dans d'autres professions, dans d'autres univers. Il faudra aussi favoriser le dialogue, au sein des juridictions et parler aussi bien des réussites que des échecs. C'est une notion nouvelle, mais c'est une notion importante que celle de la mesure objective de la qualité.
Réconcilier les citoyens avec leur Justice, mieux protéger la société c'est faire mieux comprendre le sens de la peine, c'est construire une prison plus digne, plus respectueuse des droits et plus efficace dans la réinsertion.
Alors que l'opinion publique voit trop souvent dans la prison la seule réponse aux problèmes d'insécurité et aux nécessités d'ordre public, nous devons réagir en rappelant les finalités de la peine et ses principes essentiels.
La peine ne doit pas cacher, au delà même du temps de son application, une sorte de radiation ou de bannissement définitif du condamné par la société. Cela serait éthiquement dangereux et humainement terrible.
La peine doit tendre à la réinsertion sociale pour prévenir la récidive. La prévention de la récidive passe nécessairement par une prise en charge aussi individualisée que possible de chaque condamné. Elle passe aussi par la recherche de mesures alternatives à l'emprisonnement. Quand la privation de liberté est la seule solution, celle-ci doit être considérée comme un moyen de réadapter le détenu en vue de sa réinsertion sociale ultérieure.
Nous sommes engagés dans l'élaboration d'une grande loi qui vise à définir le sens de la peine, à rappeler les règles fondamentales du régime carcéral et à préciser les missions de l'administration pénitentiaire. A la mesure de la priorité que j'accorde à l'image de l'institution pénitentiaire de demain, ce grand chantier législatif me paraît essentiel parce qu'il va nous permettre de réfléchir sur des principes fondateurs de l'Etat de droit, en même temps que nous engageons un grand programme de rénovation des établissements pénitentiaires. L'amélioration des conditions de travail de l'ensemble des personnels et l'optimalisation du fonctionnement des services dérivent naturellement de ces principes fondateurs.
Réconcilier les citoyens avec leur Justice, c'est trouver la juste place de la sanction pénale face à la gestion des risques mettant en cause la santé publique, la sécurité sanitaire ou environnementale
Il ne faut pas perdre de vue que la réponse pénale n'est pas la seule qui doit être apportée aux catastrophes, grandes ou petites, qui affectent, dans des conditions parfois dramatiques, la vie de nos concitoyens. Nous devons définir un nouvel équilibre entre le pénal et le civil, c'est-à-dire la réparation du préjudice et l'indemnisation des victimes.
Réconcilier les citoyens avec leur Justice, cela passe par la constitution d'un véritable service public de la Justice.
Le cloisonnement est malheureusement l'un des traits de notre institution. La réussite de la réforme des juridictions et des services déconcentrés ne pourra progresser que par la qualité de leur collaboration et la recherche de synergie. Il faudra favoriser les transferts de ces savoir-faire d'un lieu à un autre grâce à un nouveau rôle de " passeur " de l'Administration Centrale.
Au delà du partage d'expérience au sein de l'institution judiciaire, il faut valoriser et enrichir nos acquis à travers un véritable dialogue entre tous les acteurs (magistrats, avocats, auxiliaires de justice, monde pénitentiaire, acteurs de la prévention, agents et officiers de la police judiciaire). A ce propos, je rends hommage à tous ceux qui ont trouvé la mort dans l'exécution de leur mission de police judiciaire, à Roquemaure, Bagnols sur Seze ou Narbonne. Cela, aussi, nous montre combien il est urgent de développer une véritable solidarité d'action à tous les niveaux, qu'il s'agisse d'éducation, de prévention, de lutte contre la délinquance ou d'accès au droit. Avec Claude BARTOLONE, avec Daniel VAILLANT, avec Alain RICHARD, nous avons décidé de travailler ensemble pour que le dialogue entre nos services permettent d'améliorer le service rendu aux citoyens.
Aucune réforme ne peut se conduire sans l'adhésion de ceux qui la composent et la font vivre. C'est une exigence démocratique mais aussi un gage d'efficacité. C'est pourquoi il faudra renforcer et moderniser le dialogue social au sein de notre institution. Mon action s'inscrit dans le cadre de la démarche générale de réforme de l'Etat. J'ai proposé aux organisations syndicales lors des rencontres que nous avons eu depuis le mois de novembre d'ouvrir deux grands chantiers en ce sens.
Le premier porte sur la négociation d'un accord sur le dialogue social. J'espère que nous pourrons aboutir à un accord dès l'année prochaine.
Le second concerne la négociation d'un accord sur l'aménagement et la réduction du temps de travail. J'attache le plus grand prix, à ce que cette réforme se fasse avec la participation de tous, et soit le signe visible d'un dialogue social constructif, établi sur des bases confiantes, solides et durables.
Pour réconcilier les citoyens avec leur Justice, je veux ouvrir le dialogue pour répondre aux sujets essentiels de leur vie familiale et personnelle
Le projet de loi sur la famille qui doit comporter une réforme substantielle du droit de la filiation, de l'autorité parentale et du divorce a été, jusqu'à présent, essentiellement nourri par des travaux d'experts. Sur ces sujets qui sont au cur même des préoccupations des citoyens, la complexité des problèmes juridiques justifie trop souvent qu'on se limite à ces débats d'experts.
Au contraire, je veux en faire l'objet d'un véritable débat public. A cet effet, avec Ségolène Royal, je prendrai l'initiative, au printemps prochain, de réunions régionales qui associeront, de la manière la plus large possible, toutes les personnes intéressées. Je suis convaincue que cette très large consultation modifiera de manière substantielle notre approche de ces questions.
Dans le domaine de l'enfance en danger, le travail engagé en direction des parents doit se poursuivre. Je tiens à souligner l'intérêt des groupes de parole des parents mis en place par les services de la Protection Judiciaire. Il faut que l'on fasse en sorte que les familles puissent avoir accès aux procédures d'assistance éducative. Là encore, nous devons continuer à travailler, ensemble, en cohérence avec les Conseils Généraux, en liaison avec la ministre déléguée chargée de la famille et de l'enfance. Pour mieux articuler les politiques de prévention et les politiques judiciaires. Nous savons tous combien, sur un sujet aussi délicat, aussi fragile, nous avons l'obligation de réussir cette collaboration.
Pour réconcilier les citoyens avec leur Justice, il faut traiter les problèmes y compris ceux qui ont une dimension internationale.
Cela va dans le sens du renforcement de notre démocratie. C'est dans cet esprit que nous nous attachons dans la construction de l'Europe à être encore plus attentifs aux besoins concrets de nos concitoyens. Notre feuille de route avait été définie à Tempere. Ce sont des intentions claires, mais ce sont des intentions.
La France -et la Suède- veulent plus. J'ai reçu hier mon collègue suédois de la Justice, qui, à son tour, assure ce semestre la Présidence de nos Conseils des Ministres. Notre analyse commune nous fait exiger de parvenir à des réalisations concrètes et utiles.
Nous voulons des réalisations et que nos concitoyens en bénéficient. Nous voulons qu'ils mesurent dans leur vie quotidienne les résultats de la lutte menée contre la criminalité organisée ou la délinquance financière, ou ceux des décisions de justice prises dans les Etats membres, que ce soit pour leurs problèmes familiaux ou pour la gestion de leurs entreprises.
Eurojust sera à pied d'uvre des mars prochain pour aider les juges dans leurs enquêtes internationales. Les règles de gel des avoirs illicites et leur confiscation soient mises en place cette année. Des mesures concrètes aident les couples bi-nationaux séparés dans leurs relations avec leurs enfants ou que les créances non contestées des PME soient exécutées de manière uniforme sur tout le territoire de l'Union.
Conclusion
Les citoyens doivent se réapproprier la justice car celle-ci fait partie intégrante du pacte républicain et elle en a été trop longtemps le parent pauvre. C'est crucial parce que nos sociétés se sont profondément et rapidement transformées ces dernières années. Les rapports de l'individu à l'Etat et, plus généralement, dans les rapports sociaux ont formidablement évolué et se traduisent par une exigence accrue à l'égard de la 'machine administrative'.
Les évolutions scientifiques ont beaucoup bouleversé notre paysage quotidien jusqu'à faire naître, un sentiment d'insécurité chez nos concitoyens. Notre responsabilité politique vis à vis des citoyens d'aujourd'hui et de demain est de leur permettre de s'épanouir dans une société juste et sûre. L'action judiciaire, en étant un instrument de résolution des conflits, remplit une fonction essentielle de régulation sociale et d'apaisement dans une société traversée de violence.
Il est essentiel que la Justice soit exercée d'une manière responsable et dans le respect des individus. Les règles doivent être clairement établies, elles doivent être largement diffusées pour être acceptées et comprises. Elles doivent s'appliquer dans l'indépendance, la transparence et loin de toute pression, quelle qu'elle soit. C'est seulement, alors, dans une relation renouvelée, équilibrée et facilitée, que nous pourrons réconcilier les citoyens avec leur Justice.
Cette fonction fondatrice, sociale de la justice ne peut émaner que d'une justice sereine c'est-à-dire apaisée.
C'est pourquoi les attaques personnelles contre les juges, si elles ne sont pas nouvelles, restent inacceptables.
En tant que Garde des Sceaux, j'en appelle solennellement à la dignité et à la sérénité. Tout propos excessif trouble le bon fonctionnement de la justice. Affaiblir la Justice, c'est toujours un coup porté à la Démocratie.
En dehors des confrontations par presse interposée sur des affaires en cours, je souhaiterais que chacun, élu, magistrat, avocat citoyen sache trouver dans l'expression médiatique qu'il choisit les termes d'un débat et non d 'un combat.
Les magistrats exercent un métier difficile au nom des citoyens et pour l'application de la loi commune. Je leur apporte mon plein soutien dans la lourde mission qu'ils assument au quotidien. Je voudrais, vraiment, qu'on n'oublie plus combien les affaires politico-financières ne représentent qu'une infime partie du travail quotidien des magistrats.
C'est à cette justice quotidienne au service des citoyens que nous devons essentiellement nous intéresser. C'est cela notre véritable contrat. C'est notre engagement vis à vis des citoyens d'aujourd'hui et vis à vis des générations futures. C'est la plus belle des missions.
(source http://www.justice.gouv.fr, le 23 janvier 2001)