Déclaration de M. Christian Estrosi, ministre délégué à l'aménagement du territoire, sur la politique de la montagne, l'accès aux services "publics et au public" et la couverture numérique, Sallanches (Haute-Savoie) le 29 août 2006.

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Circonstance : Réunion du Conseil national de la montagne, à Sallanches (Haute-Savoie) le 29 août 2006

Texte intégral

Après ce premier temps consacré à l'installation du Conseil dans sa nouvelle composition, l'ordre du jour appelle un point de ma part sur les services à la population dans les zones de montagne. Je suis heureux d'aborder ce sujet car chacun, ici, connaît le rôle précurseur qu'ont eu les élus de la montagne en matière d'organisation des services publics.
C'est en effet la Loi Montagne de 1985 qui a institué pour les zones de montagne les Commissions Départementales d'organisation et de modernisation des services publics ; ces commissions ont ensuite été généralisées par la loi de 95 à l'ensemble des départements.
Le gouvernement mène une action très déterminée pour améliorer l'accès aux services des populations de montagne. Cette action a pris deux formes principales :
. d'une part un changement complet de méthode de travail,
. d'autre part une série de mesures coordonnées permettant d'assurer une véritable égalité de tous les Français, qu'ils soient citadins ou montagnards, pour l'accès aux nouvelles technologies de l'information.
Mais avant d'aborder le fond de ce sujet, permettez-moi de vous dire quelques mots plus personnels.
Je suis, à divers titres, honoré et surtout heureux d'être ici ce soir. Heureux car, en tant qu'élu de Saint-Etienne de Tinée, superbe canton de montagne, en tant que membre du comité du massif des Alpes, je suis très directement intéressé par vos travaux.
Mais en tant que ministre de l'Aménagement de territoire, je suis institutionnellement le Ministre chargé de la coordination de la politique de la Montagne. Voilà donc l'institution greffée sur la nature. Au fond, je ne suis nulle part davantage moi-même que parmi vous.
Le Conseil National de la Montagne est évidemment un lieu essentiel de concertation pour élaborer cette politique, au-delà même du fait que nous sommes entre montagnards et, pour beaucoup d'entre vous, entre amis.
Autant de raisons qui m'incitent à rompre avec la distance qu'instaure un discours protocolaire. Autant vous dire que je risque de sortir de mes notes.
Je vis ce que vous vivez, je pense comme vous pensez. Je connais vos problèmes : ce sont les miens.
Je ne vous apprends pas qu'en montagne on est souvent loin de tout, mais quand on est loin de tout, on est près des réalités. C'est notre atout.
C'est pour cela que, depuis mon entrée au Gouvernement j'ai tant désiré cette réunion qui a nécessité la publication préalable de deux décrets.
D'une façon plus générale chacune des actions que je mène pour l'aménagement du territoire tient compte de la composante montagnarde de notre pays :
- Les pôles de compétitivité sont ainsi devenus un atout essentiel pour faire des territoires de montagne des lieux attractifs grâce à leurs performances technologiques et en dépit de leurs handicaps naturels,
- avec plus de 40 % des projets labellisés, les pôles d'excellence rurale ont mis en valeur la formidable inventivité et l'esprit d'entreprise des montagnards,
- la préparation du décret sur les refuges pour que la montagne soit à la fois le terrain d'aventure de tous les Français et pour que ses habitants puissent en tirer les fruits économiques par leur travail,
- l'élaboration du décret sur les UTN en collaboration avec M. PERBEN et les services du ministère de l'Equipement pour que les procédures soient administrativement simplifiées et juridiquement sécurisées tout en veillant à ce que leurs résultats soient des projets toujours plus respectueux de notre patrimoine commun,
- mon action pour l'accès aux N.T.I.C, pour tous, j'y reviendrai tout à l'heure, cherche à résoudre les problèmes des habitants des zones de montagne, et ce pour deux raisons : d'abord parce que leur isolement fait qu'ils en ont plus besoin qu'ailleurs, ensuite parce que les massifs cumulent les problèmes techniques,
- mon action déterminée pour promouvoir le report modal du transport de marchandises de la route vers le fer, le fluvial et la mer trouve son fondement dans la situation inacceptable que subissent les habitants de certaines vallées transformées en corridors de transit de marchandises.
Mais revenons à l'ordre du jour et au thème des services.
1) un changement radical de méthode
L'installation en février 2005 par Jean-Pierre RAFFARIN de la conférence nationale des services publics en milieu rural, a ouvert une nouvelle phase de concertation entre opérateurs, élus locaux et administrations de l'Etat. C'est sur cette base que le Ministre d'Etat Nicolas SARKOZY et moi-même avons mis un point d'arrêt aux réorganisations des services sans concertation.
C'était l'un des objets de notre circulaire d'août 2005.
Mais, cette circulaire avait pour objet principal de demander aux préfets d'organiser un nouveau travail axé sur la notion de services au public, car ce qui importe, c'est plus la nature du service réclamé par la population que son statut juridique.
Il s'agissait à leur initiative d'engager et de développer une concertation locale effective. En effet, l'approche des besoins, l'analyse de l'offre existante et les réorganisations assurant une qualité durable de service doivent se faire avec les habitants et donc avec leurs représentants que sont les élus. Chaque département possède sa spécificité. Il était hors de question d'imposer depuis Paris une logique uniforme à tout le territoire.
Les rapports des préfets confirment que, bien souvent, les problèmes d'organisation de l'offre des services témoignent de la perception par les habitants des problèmes plus anciens du déclin démographique et du vieillissement. Ils confirment également les résultats de l'enquête nationale menée par la DIACT à savoir que les premiers services attendus par la population ne sont pas majoritairement des services publics. En effet, en dehors de l'école primaire, les attentes portent sur des services qui ne dépendent pas directement de l'Etat comme le médecin généraliste, l'alimentation de proximité, les services de base de la Poste, le distributeur de billets, le poste à essence.
Après la phase de concertation, les préfets sont désormais missionnés pour réaliser la seconde phase de cette nouvelle approche, celle de bâtir un projet pour l'organisation des services à la population en milieu rural. Cette phase comprend un rapport d'étape remis le 31 mai dernier et la mise en oeuvre des premières réalisations effectives dès 2006.
Ces projets utiliseront les nouveaux outils mis à disposition des acteurs locaux afin de favoriser la mutualisation et la polyvalence, comme les offres de bouquets de services et les relais services publics qui assureront des fonctions d'accueil, de conseil et d'interface pour l'ensemble des partenaires de la sphère publique, notamment pour faciliter l'accès des services en ligne de l'administration à toutes les populations.
D'ores et déjà ce travail a montré comment une concertation locale organisée de manière souple et adaptée aux situations permettait d'engager un travail très constructif fondé sur les attentes réelles des habitants. C'est pourquoi une réforme des commissions départementales d'organisation et de modernisation des services publics a été engagée. Le nouveau décret donnera à ces commissions la souplesse nécessaire pour que la concertation soit effective.
Ce changement de méthode s'est traduit également par la signature de la charte sur l'organisation de l'offre des services publics et au public que le Premier ministre a signé le 23 juin dernier avec les 15 grands opérateurs de service à la population.
Cette charte fixe les règles du jeu en matière de réorganisation et d'amélioration des services au public.
Cette charte prévoit :
- L'élaboration d'un diagnostic conjoint entre Etat, élus, opérateurs, et population,
- une information réciproque très en amont de tout projet de réorganisation. Dans le cas de la carte scolaire, ce délai ne pourra pas être inférieur à 2 ans pour toute ouverture ou fermeture de classe du 1er degré,
- l'organisation d'une concertation effective préalable,
- l'obligation que toute réorganisation se traduise pour les habitants par une qualité ou une accessibilité du service accrues.
- la promotion de la mutualisation des moyens et de la polyvalence des personnels notamment sous forme de relais de services publics pour mieux répondre aux attentes des habitants,
- l'engagement par l'Etat d'une dotation spécifique destinée, dès 2006, à financer des projets de réorganisation de services dans cet esprit.
Parallèlement à ce changement de méthode, le gouvernement a également engagé des actions très concrètes d'amélioration de l'offre de certains services. Je voudrais citer pour mémoire les mesures prises pour favoriser l'installation de médecins dans les zones sous-médicalisées et la possibilité offerte aux collectivités locales d'investir dans des centres médicaux.
Je citerai également le financement de 10.000 euros par an apporté par l'Etat pendant 7 ans pour le financement du fonctionnement des relais de services publics. Il s'ajoute aux aides à l'investissement qui permettent leur mise en place. Nous répondons ainsi à une critique justifiée : celle de créer des structures sans leur donner les moyens de vivre dans la durée.
Enfin, je mentionnerai le thème de l'amélioration des services à la population proposé au titre de l'appel à projets des Pôles d'Excellence Ruraux qui a permis de faire émerger une vingtaine de projets très innovants notamment relatifs à l'offre de soins en zone de montagne.
Je voudrais maintenant insister sur une dimension fondamentale de notre action :
2) L'égalité d'accès de tous les Français aux NTIC
Aujourd'hui, quatre Français sur cinq possèdent un téléphone mobile et plus d'un foyer sur trois possède un accès Internet haut débit. Quant à la télévision numérique terrestre, la fameuse TNT, environ trois millions de récepteurs ont été vendus en un an.
Notre pays est ainsi entré de plein pied dans l'ère du numérique et des nouvelles technologies. Pour autant, il reste encore trop de territoires qui sont exclus de l'une ou l'autre de ces technologies, voire des trois à la fois. C'est notamment le cas d'un certain nombre de communes de montagne pour lesquelles l'accès est difficile et la rentabilité économique pour les opérateurs difficiles. Il est de ma responsabilité, en tant que Ministre délégué à l'Aménagement du territoire de veiller à ce que l'ensemble des Français bénéficient de l'accès aux nouvelles technologies de l'information et de la communication. C'est un outil devenu indispensable, que ce soit pour les services au public, pour le développement économique, ou pour l'attractivité des territoires.
C'est pourquoi le Gouvernement s'est engagé à donner à 100 % des communes françaises la possibilité de bénéficier d'ici 2007 de l'ensemble des technologies numériques : la téléphonie mobile, l'accès à Internet haut débit, et la télévision numérique gratuite.
La téléphonie mobile tout d'abord. Le Gouvernement a lancé un programme national afin de couvrir la totalité des 3 000 petites communes recensées en zones blanches, c'est-à-dire qui ne sont couvertes par aucun opérateur.
Notre objectif est ambitieux. Il faut installer près de 2 200 sites relais au niveau national, répartis en 2 phases. La première phase concerne environ 60 % d'entre eux. Elle est co-financée par l'Etat - qui y consacre 44 millions d'euros plus environ 20 millions d'euros en récupération de TVA, les collectivités territoriales, les opérateurs, ainsi que l'Union européenne. Je tiens à cet égard à souligner le rôle déterminant des Conseils Généraux dans le dispositif. Pour la deuxième phase, qui concerne les sites restants, nous avons obtenu qu'elle soit intégralement prise en charge par les opérateurs.
A mon arrivée, j'ai demandé aux opérateurs de donner un coup d'accélérateur à ce programme pour garantir qu'il puisse être achevé d'ici 2007. Les premiers résultats sont là. Alors qu'elles n'étaient que 91 en juin 2005, 883 communes sont enfin sorties de ces zones blanches, dans le dernier bilan que j'ai rendu public à fin juin 2006. Nous avons ainsi dépassé le cap des 25 % de réalisation, et nous serons à 50 % d'ici la fin l'année.
En ce qui concerne le haut débit maintenant. Le nombre de lignes éligibles à l'ADSL progresse très rapidement. En 2002, seul un foyer sur deux, dans 5 000 à 6 000 communes uniquement, avait accès à une offre ADSL. Ils sont 95 % aujourd'hui, soit près de 33 000 communes, et seront près de 98 % fin 2006.
L'ADSL est aujourd'hui le principal moyen d'accès au haut débit mais 2 à 3 % des foyers, représentant environ 3 500 communes, resteront durablement hors d'atteinte de cette technologie pour des raisons techniques liées à leur éloignement par rapport au répartiteur téléphonique. Il faut donc faire appel à des technologies alternatives comme le WIMAX, le WIFI, le satellite ou le courant porteur en ligne (CPL) par exemple.
Le Gouvernement a lancé un appel à candidatures pour l'attribution de nouvelles fréquences Wimax, dont le premier des trois critères de sélection était la contribution au développement territorial des services haut débit. L'Autorité de Régulation des Communications Electroniques et des Postes (l'ARCEP) en a publié le résultat en juillet 2006. Dans chaque région, deux opérateurs ont été retenus et se sont engagés en faveur de la couverture du territoire.
Pour autant, il restera une part significative des communes qui ne sont concernées à court terme par aucune initiative privée. C'est pourquoi, le Comité Interministériel sur la Société de l'Information (CISI) du 11 juillet 2006 a mis en place, sur ma proposition, un plan de soutien à l'équipement haut débit des communes. Ce plan gouvernemental, chiffré à 10 millions d'euros, vise à soutenir l'équipement en haut débit des communes rurales dont la Mairie, l'école ou la zone d'activité ne serait pas couverte par l'ADSL ou une technologie équivalente.
Le coût d'équipement nécessaire est estimé autour de 10.000 euros par commune. Le soutien apporté par l'Etat sera très significatif : à hauteur de 5.000 euros par commune dans le cas général et jusqu'à 8.000 euros, pour les communes de très petite taille financièrement défavorisées. La mesure sera financée par le Ministère de l'Intérieur et de l'Aménagement du territoire, via la dotation globale d'équipement, ainsi que le Ministère de l'éducation nationale, via le programme « soutien à la politique de l'éducation nationale ».
Les demandes des communes souhaitant bénéficier de cette mesure seront recensées par les Préfets d'ici fin 2006. En complément, l'Etat mettra à disposition des collectivités un « recueil juridique » en cours de finalisation qui décrira les procédures de marché public possibles, ainsi qu'un guide technique en préparation qui présentera les technologies disponibles pour l'équipement d'une commune.
Les communes disposeront ainsi de tous les leviers - technique, juridique et financier - leur permettant d'assurer l'équipement de leur territoire en haut débit, dans le cadre des compétences accordées aux collectivités par l'article L1425-1 du code général des collectivités territoriales.
Je voudrais pour finir aborder ce qui constitue pour moi le troisième dossier clé d'aménagement numérique du territoire : celui de la télévision numérique. Aujourd'hui, près de 60 % des Français ont accès, grâce à la TNT à 18 chaînes gratuites en qualité numérique et 85 % des foyers seront couverts d'ici le printemps 2007 par 115 émetteurs terrestres.
L'objectif du Gouvernement est clair : couvrir l'ensemble des Fran??ais en télévision numérique gratuite. Pour y parvenir, nous nous appuyons sur une double approche.
Tout d'abord, je viens d'annoncer, avec le Groupement TNT, la mise en oeuvre d'un bouquet numérique par satellite sans abonnement. Ce bouquet reprendra les chaînes gratuites de la TNT, et sera diffusé dès la fin 2006, depuis le satellite « Atlantic Bird 3 », sur tout le territoire. C'est une question d'équité. Les trois quarts des chaînes gratuites, notamment les chaînes publiques, se sont d'ores et déjà engagées à être diffusées par ce bouquet. Pour les autres, notamment TF1 et M6, elles devraient confirmer très prochainement leur intention de participer à un bouquet satellite gratuit.
Un tel bouquet sera particulièrement utile pour compléter la couverture en télévision numérique dans les zones de montagne, qui connaissent de nombreuses zones d'ombre en raison du relief, situation souvent compliquée par l'indisponibilité des fréquences dans nos massifs frontaliers, Alpes,Pyrénées,Jura. Il nécessitera simplement l'installation d'une parabole et d'un décodeur numérique équivalent aux adaptateurs TNT du commerce. L'objectif est la mise sur le marché de kits « parabole + adaptateur » autour de 100 euros TTC. Par la suite aucun abonnement ne sera nécessaire.
De plus, France Télévision assurera la diffusion des 24 décrochages régionaux de France 3 sur ce bouquet, pour la première fois sur une offre satellite. Cela permettra aux foyers équipés d'accéder aux programmes régionaux de leur choix, où qu'ils soient.

D'autre part, il y a un certain nombre de zones relativement denses pour lesquelles la mise en service d'un réémetteur local en TNT serait pleinement justifiée. Nous inciterons les chaînes à aller le plus loin possible, notamment en leur proposant en contrepartie une prolongation de leurs autorisations.
Une fois que nous aurons ainsi achevé la couverture numérique, la deuxième étape sera de procéder au basculement complet, de manière progressive, zone par zone, de l'analogique vers le numérique, et ce d'ici fin 2011, ce qui permettra d'arrêter la diffusion de l'analogique. Les fréquences libérées pourront être utilisées pour des services innovants comme la haute définition, la télévision sur mobile, voire même pour faciliter la couverture du territoire par les toutes dernières générations de haut débit fixe et mobile. Des mesures d'accompagnement seront mises en place notamment à destination des foyers les plus modestes
Tant pour le lancement de ces nouveaux services, que pour l'extension de la couverture du numérique et la préparation du plan de basculement, des modifications législatives seront nécessaires. Elles font l'objet d'un projet de loi modifiant la loi de 1986 sur la communication audiovisuelle, qui a été présenté en Conseil des Ministres en juillet dernier.
Mon ambition est de faire de la France un territoire tout numérique d'ici 2007, en partenariat avec les opérateurs et les collectivités territoriales. C'est ensemble que nous réussirons ce défi afin d'apporter aux Français le niveau de service qu'ils sont en droit d'attendre sur l'ensemble du territoire.
En conclusion, l'ambition du gouvernement pour l'accès des populations de montagne aux services se traduit par la mise en place :
. d'un objectif nouveau, celui de l'amélioration de la qualité et de l'accessibilité des services par les populations de montagne ;
. d'une méthode nouvelle fondée sur la concertation locale, au plus près du terrain entre les opérateurs et les élus locaux ;
. des moyens nouveaux, à la fois moyens financiers à travers les 20 millions d'euros de Dotation de Développement Rural (DDR), les 20 millions d'euros des Pôles d'Excellence Rurale (PER) dédiés aux services et les différentes aides à l'installation des médecins. Des moyens administratifs avec les relais des services publics et des moyens techniques avec l'accès de toutes les populations de montagne à la téléphonie mobile, internet haut débit et à la TNT.
Nous sommes donc passés d'une attitude défensive à une attitude résolument offensive pour que vie en montagne rime avec accès à des services de qualité.Source http://www.interieur.gouv.fr, le 30 août 2006